mercredi 30 mai 2018

Niveau d’HbA1c et pronostic de cicatrisation des troubles trophiques du pied chez les personnes diabétiques : une relation pas si étroite…

Auteur : 
Ariane Sultan
Date Publication : 
Mai 2018
 
Article du mois en accès libre
 
D’après Betiel K. Fesseha et al. Association of Hemoglobin A1c and Wound Healing in Diabetic Foot Ulcers. Diabetes Care 2018 Apr; dc171683. doi: 10.2337/dc17-1683

 

Les patients porteurs d’un trouble trophique du pied ou « pied diabétique » présentent une altération de leur qualité de vie mais également un risque d’amputation de membre inférieur et une réduction de leur espérance de vie avec une mortalité à 5 ans estimée à 55% chez les patients avec plaie ischémique et 77% chez ceux ayant déjà subi une amputation de membre inférieur…Quand on sait, en plus, que la prévalence est de 4 à 10%, et qu’environ 25% des patients présenteront une plaie cours de leur vie, force est de constater qu’il s’agit d’une complication grave et fréquente du diabète [1,2]

Il est bien établi que le contrôle de la glycémie permet de réduire le risque de complication microvasculaire mais également le risque d’amputation à la condition qu’il soit associé à la prise en charge des autres facteurs de risque cardio-vasculaire [3].  En revanche, l’impact du contrôle glycémique en prévention secondaire des plaies (par exemple prévention des plaies chez un patient atteint d’une neuropathie diabétique) ou en prévention tertiaire (prévention des amputations chez un patient porteur d’une plaie du pied) est beaucoup moins clair. Ainsi, les données de la littérature montrent des résultats mitigés en ce qui concerne l’impact du contrôle glycémique sur la cicatrisation, le délai de cicatrisation et le taux d’amputation. Mais il s’agit souvent d’études ayant utilisé des mesures de contrôle glycémique effectuées avant la prise en charge de la plaie, ne permettant pas de conclure sur l’impact de l’équilibre glycémique sur la cicatrisation.

L’objectif de l’étude prospective observationnelle publiée dans Diabetes Care est double : (i) évaluer l’association entre niveau d’HbA1c et cicatrisation et (ii) évaluer l’impact de la variation d’HbA1c sur la cicatrisation, chez des patients diabétiques avec pied diabétique. L’hypothèse est qu’un contrôle glycémique adapté serait associé à une diminution du délai de cicatrisation.

La prise en charge des patients était effectuée par une équipe multidisciplinaire, les objectifs d’HbA1c individualisés en fonction des patients. En ce qui concerne l’équilibre du diabète, le suivi par un médecin diabétologue était réalisé tous les 3 mois. La fréquence de suivi de la plaie était adaptée à son évolution, avec des consultations qui pouvaient être très rapprochées (hebdomadaires si besoin). Ont été inclus dans l’étude les personnes diabétiques avec pied diabétique, exclusion faite des patients nécessitant une amputation majeure en urgence et ceux susceptibles de ne pas suivre les recommandations de prise en charge…

Le dosage d’HbA1c était effectué comme recommandé tous les 3 mois. L’évaluation de la variation de l’HbA1c utilisait 2 paramètres : (i) le nadir de variation de l’HbA1c (défini par la différence entre HbA1c initiale et valeur la plus basse d’HbA1c obtenue dans le suivi) et (ii) la variation moyenne d’HbA1c (calculée par la différence entre HbA1c à l’inclusion et moyenne des autres HbA1c mesurées pendant le suivi). Une HbA1c entre 6,5 et 8% était considérée comme un objectif glycémique acceptable pour la plupart des patients, une HbA1c supérieure à 8% témoignait d’un déséquilibre glycémique et était en faveur d’un contrôle glycémique optimisé si inférieure à 6,5%. Les plaies ont été gradées selon le WIfI (classification de la Société de Chirurgie Vasculaire), intégrant la taille de la plaie, la présence d’une ischémie et d’une infection.   La cicatrisation était définie par une épithélialisation complète de la plaie, avec restauration fonctionnelle et anatomique. La plaie justifiant d’une amputation était considérée comme un échec de traitement. Plusieurs modèles statistiques ont été effectués, avec différents facteurs d’ajustement sur les potentiels facteurs confondants.

Au total, 270 sujets diabétiques ont été inclus (584 plaies), majoritairement porteurs d’un diabète de type 2 multi-compliqué traité par insulinothérapie. L’HbA1c à l’inclusion était de 8,1%. Sur les 584 plaies, 450 ont cicatrisé, avec une cicatrisation maintenue à 2 mois dans 85,6% des cas.

Les résultats montrent :

  • un taux de cicatrisation comparable (à 90 jours et à plus long terme) quelle que soit l’HbA1c initiale, y compris après ajustement sur les facteurs confondants
  • une association paradoxale mais significative entre nadir d’HbA1c le plus élevé et cicatrisation, chez les sujets avec HbA1c à l’inclusion inférieure à 7,5%, y compris après ajustement sur les facteurs confondants dont les doses d’insuline
  • une absence d’association entre variation moyenne d’HbA1c et cicatrisation.
 

Cette étude confirme des résultats déjà obtenus, à savoir l’absence d’association entre niveau HbA1c initiale et cicatrisation. On est un peu surpris par l’association positive retrouvée entre augmentation de l’HbA1c chez les sujets initialement bien équilibrés et pronostic favorable de cicatrisation, résultat non confirmé si l’on utilise le paramètre de la variation moyenne de l’HbA1c… Quoiqu’il en soit, cette étude observationnelle ne démontre pas d’association claire entre contrôle glycémique et cicatrisation chez des sujets avec plaie du pied diabétique. Certains facteurs n’ont cependant pas été pris en compte, à savoir le taux d’hémoglobine, l’état nutritionnel et l’adhésion à la décharge, les deux derniers facteurs étant pourtant très impliqués dans le pronostic de cicatrisation. A quand une étude randomisée pour évaluer l’impact du contrôle glycémique sur le pronostic de cicatrisation ?

 

Références

[1] Fortington LV et al. Short and long term mortality rates after a lower limb amputation. Eur J Vasc Endovasc Surg 2013;46: 124–131.
 
[2] Moulik PK et al.  Amputation and mortality in new-onset diabetic foot ulcers stratified by etiology. Diabetes Care 2003;26:491–494.
 
[3] Gaede P et al. Effect of a multifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:580–591.
 


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