lundi 28 septembre 2015

GRAGIL, résultats de la transplantation de cellules d’îlots à 5 ans

Auteur : 
Danièle Dubois-Laforgue
Date Publication : 
Septembre 2015
 
Lablanche S et al. Five-year metabolic, functional, and safety results of patients with type 1 diabetes transplanted with allogenic islets within the Swiss-French GRAGIL network. Diabetes Care 2015, 38 : 1714-1722.

 

La transplantation de cellules d’îlots, initialement proposée à des patients présentant un diabète de type 1 (DT1) et déjà sous traitement immunosuppresseur en raison d’une greffe rénale, a montré dans ce contexte un bénéfice en termes de fonction du greffon rénal et de survie [1]. Elle est maintenant ouverte aux patients DT1 présentant une variabilité glycémique importante en dépit d’une insulinothérapie optimisée et/ou des hypoglycémies sévères à répétition liées à une non-perception des hypoglycémies. Les résultats de la transplantation d’îlots se sont considérablement améliorés au cours des dernières années, avec obtention d’une insulino-indépendance à 5 ans passée de moins de 10% à 30-50% dans les études les plus récentes [2,3].

Le consortium GRAGIL est un réseau franco-suisse comportant plusieurs centres de transplantation. Durant la période 2003-2010, deux essais de transplantation d’îlots ont été conduits au sein de ce réseau : GRAGIL-1C, concernant des patients porteurs de greffe rénale et GRAGIL-2, concernant des patients non transplantés rénaux. Les critères d’inclusion des patients dans GRAGIL-2 étaient : DT1 sans peptide C détectable évoluant depuis plus de 5 ans, existence d’une instabilité glycémique ou d’une non-perception des hypoglycémies responsables d’hypoglycémies sévères itératives, âge 18-65 ans, IMC ≤ 26 kg/m2, besoins insuliniques ≤ 0,7 U/kg.j, fonction rénale satisfaisante (clairance de la créatinine ≥ 50 ml/min, protéinurie ≤ 500 mg/j). Les critères d’inclusion dans GRAGIL -1C étaient les mêmes hormis l’instabilité glycémique et les hypoglycémies sévères.

Le présent papier rapporte les résultats à 5 ans de la transplantation d’îlots chez 24 patients issus de la cohorte GRAGIL-2 (islet transplantation alone, ITA) et 20 patients issus de la cohorte GRAGIL-1C (islet after kidney, IAK). L’âge moyen à la transplantation était de 46 ans, 61% étaient des hommes, la durée d’évolution du diabète était de 33 ans, les besoins en insuline étaient de 0,5 U/kg.j, l’HbA1c était de 8.1%, la créatininémie de 100 µM. Les deux groupes étaient comparables sauf en ce qui concerne la mauvaise perception des hypoglycémies (83 % ITA vs 30% IAK), le nombre de patients ayant présenté au moins un épisode d’hypoglycémie sévère dans l’année précédant la transplantation (83% ITA vs 30% IAK), et le nombre d’hypoglycémies sévères par patient/année (4,3 vs 0,29). Huit patients ont bénéficié d’une infusion, 32 de 2 infusions et 4 de 3 infusions de cellules d’îlots (IEQ moyen par kilo 9700 ± 3400). A 5 ans, l’amélioration du contrôle métabolique était identique dans les 2 groupes, avec une HbA1c moyenne de 6,7%, et des besoins insuliniques moyens réduits (0,18 U/kg.j). Près de 2/3 des patients avaient une HbA1c ≤ 7% ou une réduction de l’HbA1c d’au moins 2% (vs 9% avant transplantation), et ce en l’absence d’hypoglycémie sévère. En ce qui concerne la fonction du greffon, 74% des patients avaient un peptide C détectable et 75% un ß-score > 3 (le ß-score est un score allant de 0 à 8, incluant la glycémie à jeun, l’HbA1c, le peptide C et le traitement insulinique, chacun comptant 2 s’il est normal, 0 si  respectivement > 1,26 g/l, 6,9%, indétectable, et > 0,24 U/kg.j et 1 si dans les valeurs intermédiaires). En termes d’insulino-indépendance, les résultats étaient meilleurs dans le groupe IAK, avec un taux de 31,5% à 5 ans vs 14% dans le groupe ITA. De la même manière, la durée de l’insulino-indépendance était respectivement de 27 ± 26 et de 20 ± 14 mois. La fonction rénale est restée stable dans les 2 groupes sur les 5 ans. Les effets secondaires ont été notés majoritairement dans la 1ère année. Au total, cinquante cinq ont été rapportés sur les 5 ans de l’étude, jugés sévères dans 67% des cas, et dont 1/3 était en rapport avec l’immunosuppression. La procédure d’infusion a été compliquée dans 12% des cas, le plus souvent d’hémorragie. Aucun patient n’est décédé du fait de la transplantation.

Cette étude montre qu’à 5 ans de la transplantation d’îlots allogéniques, trois quarts des greffons sont fonctionnels, aboutissant à une insulino-indépendance dans 29% des cas, et permettant l’obtention d’un bon contrôle glycémique (HbA1c < 7%) en l’absence d’hypoglycémie sévère dans 60% des cas (vs 0% dans le groupe ITA et 9% dans le groupe IAK avant transplantation). Ces données confirment l’amélioration du pronostic de la greffe d’îlots sur les 10 dernières années en ce qui concerne le taux d’insulino-indépendance et le taux de mortalité à 5 ans. Bien qu’encore décevantes en terme d’insulino-indépendance, elles confirment le bénéfice métabolique d’une insulino-sécrétion résiduelle, notamment en termes de stabilité glycémique et de risque d’hypoglycémie sévère. Si la greffe d’îlots ne permet pas encore une vie à long terme sans insuline, elle permet néanmoins chez la majorité des patients d’obtenir un bon contrôle glycémique sans accident métabolique aigu, pendant au moins 5 ans. Sous réserve de la stabilité de la fonction du greffon au-delà de ces 5 ans, la greffe d’îlots pourrait devenir le traitement de choix chez les patients présentant un diabète instable. Les risque liés à une immunosuppression chronique restent néanmoins à confronter à ceux induits par les hypoglycémies sévères et/ou le mauvais contrôle glycémique chronique. Chez les patients DT1 transplantés rénaux, déjà sous immunosuppression chronique, les meilleurs résultats obtenus concernant la fonction des îlots greffés de même que la stabilité de la fonction rénale à 5 ans pourraient inciter à proposer plus largement cette approche thérapeutique.

En conclusion, si la greffe d’îlots ne permet pas encore d’accéder à une insulino-indépendance totale, elle permet d’améliorer considérablement l’équilibre métabolique à moyen terme tout en supprimant le risque d’hypoglycémie sévère. Des données à plus long terme (effets secondaires et survie du greffon) sont nécessaires avant d’élargir l’indication de ce type de traitement.

 

Références

[1] Fiorina P, Folli F, Zerbini G, et al. Islet transplantation is associated with improvement of renal function among uremic patients with type I diabetes mellitus and kidney transplants. J Am Soc Nephrol 2003,14:2150–2158.
 
[2] Barton FB, Rickels MR, Alejandro R, et al. Improvement in outcomes of clinical islet trans- plantation: 1999-2010. Diabetes Care 2012, 35: 1436–1445.
 
[3] Bellin MD, Barton FB, Heitman A, et al. Potent induction immunotherapy promotes long-term insulin independence after islet transplantation in type 1 diabetes. Am J Transplant 2012, 12:1576–1583.
 


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