lundi 18 juillet 2022

Le régime méditerranéen est également efficace en prévention secondaire cardio-vasculaire

Auteur : 
Benjamin Bouillet
Date Publication : 
Juin 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Delgado-Lista J, et al. Long-term secondary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet and a low-fat diet (CORDIOPREV): a randomised controlled trial. Lancet 2022; 399:1876-85. doi : 10.1016/S0140-6736(22)00122-2

 

La composition du régime méditerranéen est caractérisée par une proportion importante de fruits, légumes, céréales, de viande blanche et poisson comme source principale de protéines et d’huile d’olive comme principale source de lipides. L’étude PREDIMED a montré que le régime méditerranéen était efficace en prévention primaire cardio-vasculaire (CV) chez des sujets à haut risque CV en comparaison à un régime pauvre en graisses [1].  Malgré des études épidémiologiques montrant des résultats similaires, il n’existe pas d’étude de grande ampleur et de longue durée ayant démontré l’efficacité du régime méditerranéen en prévention secondaire CV, notamment en comparaison à un groupe interventionnel actif. L’étude CORDIOPREV est la première étude à comparer dans un large essai l’efficacité de deux interventions diététiques (régime méditerranéen et régime pauvre en graisses) en prévention secondaire CV.

L’étude CORDIOPREV est un essai monocentrique, randomisé, comparant deux interventions diététiques chez des sujets coronariens, à l’hôpital universitaire de Cordoba, en Espagne. Les critères d’inclusion étaient un âge compris entre 20 et 75 ans et l’existence d’une coronaropathie établie (infarctus du myocarde (IDM), hospitalisation pour angor instable ou événement coronarien avec sténose > 50% à la coronarographie). Les critères d’exclusion étaient d’avoir présenté un événement coronarien au cours des 6 derniers mois, d’avoir une pathologie associée sévère ou une espérance de vie inférieure à la durée prévue de l’étude. La randomisation était de 1 : 1 dans les deux groupes d’intervention. Elle était réalisée en aveugle des membres de l’équipe de recherche. Seuls les diététiciens étaient au courant du groupe d’intervention.
La durée prévue de l’étude était de 7 ans. Le régime méditerranéen (RM) devait comprendre au moins 35% de lipides (22% d’acides gras (AG) monoinsaturés, 6% d’AG polyinsaturés et <10% d’AG saturés), 15% de protéines et au maximum 50% de glucides. Le régime pauvre en graisses (RPG) devait contenir moins de 30% de lipides (<10% d’AG saturés, 12-14% d’AG monoinsaturés, 6-8% d’AG poly-insaturés), 15% de protéines et au moins 55% de glucides. Les apports quotidiens en cholestérol étaient <300 mg dans les deux régimes. L’adhérence aux régimes a été évaluée grâce à deux échelles spécifiques : la 4-point Mediterranean Diet Adherence Screener et la 9-point low-fat diet adherence. Une restriction calorique et la pratique d’une activité physique n’étaient pas recommandées dans le protocole. Le suivi diététique comprenait une visite individuelle tous les 6 mois, une session de groupe tous les 3 mois et un appel téléphonique tous les 2 mois. Douze contacts annuels avec un diététicien ont donc eu lieu tout au long de l’étude. Le critère de jugement principal était un score composite d’événements CV majeurs (IDM, revascularisation, accident vasculaire cérébral (AVC), artériopathie des membres inférieurs documentée et décès CV). L’analyse statistique a été menée en intention de traiter. Elle a utilisé une courbe de Kaplan-Meier et 7 modèles de Cox ajustés à différentes variables (ajustement le plus complet avec âge, sexe, antécédents familiaux CV précoces, hypertension artérielle, LDL-cholestérol <100 mg/dl, IMC, tabagisme, traitement par statine, diabète, changement de poids et d’activité physique au cours du suivi, traitement médicamenteux à l’inclusion).

Entre Octobre 2009 et Février 2012, 1 002 sujets ont été inclus dans l’étude. L’analyse statistique a été réalisée chez 502 sujets dans le groupe RM et 500 dans le groupe RPG. Dans le groupe RM, 423 sujets ont suivi l’intervention à son terme (33 décès et 46 abandons), alors qu’ils étaient 370 dans le groupe RPG (44 décès et 86 abandons).
L’âge moyen était de 59,5 ans et 82,5% des participants étaient des hommes. Le suivi médian était de 2 557 jours. L’adhérence moyenne était de 8,78 pour le RM (sur une échelle comprise entre 0 et 14) et de 3,81 pour le RPG (sur une échelle allant de 0 à 9). A l’issue de l’étude, les sujets du groupe RM avaient significativement augmenté leurs apports en lipides (37,4 à 40,5% des apports énergétiques totaux quotidiens (AETQ)), en AG monoinsaturés (18,4 à 21,4% des AETQ), en AG polyinsaturés (6,4 à 7,4% des AETQ) (grâce à une augmentation de la consommation d’huile d’olive, de noix et de poissons gras) et leurs apports en fibres (2,3 à 3,2 g/1000 kcal). Ils avaient significativement diminué leurs apports en glucides (41,4 à 39,4% des AETQ) et leurs apports en AG saturés (9 à 7,9% des AETQ). Dans le groupe RPG, les participants avaient significativement diminué leurs apports en lipides (36,7 à 32,1% des AETQ), en AG monoinsaturés (17,9 à 25,1% des AETQ) et en AG saturés (8,9 à 7,1% des AETQ). Ils avaient significativement augmenté leurs apports en glucides (41,7 à 45,5% des AETQ) et en fibres (2,3 à 3,2 g/1000 kcal).
Les évènements CV ont concerné 17,3% (n=87) des sujets du groupe RM et 22,2% des sujets du groupe RPG. Le taux d’évènement était significativement plus faible dans le groupe RM que dans le groupe RPG (28,1 vs 37,7 pour 1000 personnes-années, p=0,039). Le Hazard Ratio (HR) non ajusté était en faveur du RM (0,745 95% IC 0,563-0,986). Dans tous les modèles d’ajustement, le HR était en faveur du RM et oscillait entre 0,719 et 0,753. Il n’était pas observé de différence significative entre les deux groupes lorsque chaque composant du score composite était analysé individuellement. Dans l’analyse en sous-groupe, le RM restait supérieur au RPG chez les sujets sans antécédents familiaux CV précoces, sans hypertension artérielle à l’inclusion, avec un LDL-cholestérol <100 mg/dl. Le RM était également supérieur au RPG chez les diabétiques (HR = 0,77 95% IC 0,55-1,10) et les non diabétiques (HR=0,69 95% IC 0,43-1,11).

Les limites de cette étude étaient : 1) l’inclusion uniquement de patients coronariens ce qui ne permet pas de généraliser les résultats à d’autres populations ; 2) la réalisation de l’étude dans un pays méditerranéen avec une acceptation plus important du RM. Cependant, des études menées dans des pays non méditerranéens ont montré une très bonne acceptation du RM. Les forces de cette étude étaient  la durée prolongée du suivi avec intervention diététique et l’uniformité de la prise en charge diététique dans les deux groupes d’intervention.

Cette étude montre donc que le régime méditerranéen comparé à un régime pauvre en graisses permet une diminution du risque d’événements CV de l’ordre de 25% en prévention secondaire. Cette observation est retrouvée dans le sous-groupe des patients diabétiques. Nous bénéficions désormais de données robustes pour prescrire le régime méditerranéen aussi bien en prévention CV primaire que secondaire.

 

Références

[1] Estruch R, et al. Primary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet supplemented with extra-virgin olive oil or nuts. N Engl J Med 2018; 378: e34.
 


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