mardi 27 octobre 2020

Diminution de l’incidence du diabète de type 1 dans une cohorte d’enfants finlandais

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Octobre 2020
 
Article du mois en accès libre
 
Parviainen A et al. Decreased Incidence of Type 1 Diabetes in Young Finnish Children. Diabetes Care 2020; Sept dc200604. doi : 10.1056/NEJMoa2003697

 

Le diabète de type 1 (DT1) est l’une des maladies chroniques de l’enfance les plus communes, particulièrement en Finlande, qui enregistre la plus forte incidence au monde [1]. L’incidence mondiale du DT1 est en augmentation, notamment chez le jeune enfant [2]. C’est aussi le cas en Finlande : le taux d’incidence du DT1 chez les enfants de moins de 15 ans y a doublé entre 1980 et 2005, avec l’incidence la plus élevée (4,7%) chez les enfants de moins de 5 ans ; selon les prédictions, cette incidence était encore amenée à doubler à l’horizon 2020 [3]. Néanmoins, la pente de cette augmentation a eu tendance à s’infléchir dans plusieurs pays à fort taux d’incidence entre 2004 et 2013 [4] et un plateau a été atteint en Finlande entre 2006 et 2011 [5]. Les auteurs ont cherché à évaluer les tendances récentes dans l’évolution de l’incidence du DT1 dans une cohorte d’enfants finlandais.

Dans cette étude, les auteurs ont recruté les enfants de moins de 15 ans diagnostiqués DT1 entre 2003 et 2018 à partir du registre pédiatrique du diabète finlandais. Les données de ce registre ont été collectées depuis 2002 et recensent plus de 90% des enfants finlandais nouvellement diagnostiqués. Les enfants de moins de 6 mois ont été exclus des analyses car leur diabète serait plus probablement dû à une forme monogénique. La distribution du sexe de ce registre suit celle de la population diabétique finlandaise, ce qui limite la possibilité de biais dans cette étude. Les données annuelles d’âge et de sexe de population ont été obtenues à partir du registre central de la population finlandaise. Les auteurs ont calculé les taux d’incidence par sexe et par âge du DT1 pour 100 000 personnes-années. Les 3 catégories d’âge ont inclus les enfants de 0,50 à 4,99 ans, de 5,00 à 9,99 ans, et de 10,00 à 14,99 ans. Pour tenir compte des fluctuations aléatoires des taux d’incidence, les auteurs ont agrégé les données sur des périodes de 4 ans (2003–2006, 2007–2010, 2011–2014, et 2015–2018), pour lesquelles les taux d’incidence par âge et par sexe ont été calculés. Les intervalles de confiance à 95% ont été déterminés en supposant que les taux étaient distribués selon une loi de Poisson. Pour mieux appréhender les changements au cours du temps, les auteurs ont utilisé la période 2003-2006 comme référence et calculé les ratios des taux d’incidence et leurs intervalles de confiance à 95% en appliquant des modèles de régression multiplicatifs de Poisson aux nombres d’enfants diagnostiqués pour un DT1, en utilisant le logarithme népérien des personnes-années comme une variable offset. De plus, les auteurs ont examiné visuellement la distribution des âges au diagnostic par période de 4 ans et testé s’il y avait des différences entre chaque période. En raison de l’absence de normalité des données, les auteurs ont calculé les médianes et les rangs interquartiles des âges au diagnostic et utilisé un test de Kruskal-Wallis. Une analyse de sensibilité pour vérifier la cohérence des résultats vis-à-vis de la division des âges a été réalisée.

A partir du registre finlandais du diabète de l’enfant, 7871 enfants de moins de 15 ans ont été diagnostiqués DT1 en Finlande entre 2003 et 2018. Parmi ces enfants, 4417 (56,1%) étaient des garçons et 3454 (43,9%) étaient des filles. Le taux d’incidence pour 100000 personnes-années durant la période d’étude était de 54,9 (IC 95% 53,7-56,1) en tout, et de 60,3 (58,2-62,1) chez les garçons et 49,2 (47,6-50,9) chez les filles. Le taux d’incidence annuel du DT1 a considérablement fluctué au sein et entre les trois classes d’âge. Dans toute la cohorte, le taux d’incidence /100 000 personnes-années le plus élevé (62,4 (57,3-67,7)) a été observé en 2006, et le nadir (48,2 (43,7-52,9)) s’est produit en 2013. Pour la division en 3 groupes d’âge, le taux d’incidence par classe d’âge /100000 personnes-années durant la période d’étude était de 46,0 (44,1-48,0) dans le groupe le plus jeune, 62,1 (59,9-64,4) dans le groupe d’âge intermédiaire et 56,4 (54,3-58,5) dans le groupe d’âge le plus élevé.

Les données des 3 groupes d’âge ont montré que le taux d’incidence pour 100 000 personnes-années a diminué de 57,9 durant la période 2003-2006 à 52,2 durant la période 2015-2018, ce qui a conduit à un ratio d’incidence de 0,90 (0,85-0,96 ; p=0,001). La diminution la plus marquée a été observée chez les plus jeunes enfants (ratio d’incidence de 0,77 ; p=0,001) et à un moindre degré dans le groupe d’âge intermédiaire (ratio d’incidence de 0,86 ; p=0,002), tandis qu’aucun changement n’a été observé dans le groupe d’âge le plus élevé. Dans le groupe d’âge le plus jeune, la diminution a été significative dans les deux sexes, bien que plus marquée chez les garçons. Dans la classe d’âge intermédiaire, une diminution a été observée uniquement chez les filles. Les analyses de sensibilité (avec la division en deux groupes d’âge) ont retrouvé des résultats similaires pour le groupe d’âge le plus jeune. Il y a eu une diminution significative du taux d’incidence parmi les garçons et les filles de moins de 7 ans et pas de modification des taux d’incidence chez ceux âgés de 7 à 14 ans.

L’âge médian au diagnostic était de 8,02 ans ((écart interquartile IQR) 4,67-11,24), 8,28 ans (IQR 4,90-11,59) chez les garçons et 7,71 ans (IQR 4,44-10,83) chez les filles. L’âge médian au diagnostic a augmenté de 7,88 ans durant la période 2003-2008 à 8,33 ans durant la période 2015-2018. Des différences significatives dans la distribution des âges au diagnostic entre les périodes de 4 ans ont été observées dans toute la cohorte et chez les garçons mais pas chez les filles. En examinant la distribution des âges au diagnostic, les changements les plus marqués ont été observés chez les enfants de moins de 5 ans, chez qui une diminution notable du nombre de nouveaux cas s’est produite au cours du temps.

Ces résultats étaient inattendus dans la mesure où de précédentes études menées en Finlande ou dans d’autres pays avaient montré une augmentation ou une phase de plateau de l’incidence du DT1. De plus, cette augmentation de l’incidence a souvent été retrouvée comme plus présente chez les enfants de moins de 5 ans, aboutissant ainsi à un âge plus précoce au diagnostic. Les changements du taux d’incidence du DT1 ont principalement été attribués aux changements d’exposition à des facteurs environnementaux immunomodulateurs, affectant la progression vers l’auto-immunité contre les îlots de Langerhans. Beaucoup de facteurs environnementaux ont été suspectés comme étant impliqués dans une telle auto-immunité sans qu’aucune causalité n’ait pu être établie. Considérant la nature de cette étude, les auteurs peuvent seulement émettre des hypothèses sur l’association temporelle entre certains facteurs environnementaux et la diminution du taux d’incidence du DT1. Ainsi, l’augmentation des apports en vitamine D (via une politique d’enrichissement du lait) depuis 2002, la diminution nette de la vaccination de Calmette-Guérin (de plus de 98% à 6%) après les changements du programme national de vaccination en 2006, la diminution de l’exposition au rotavirus via la vaccination (disponible en 2006 et incluse dans le programme pédiatrique de vaccination en 2009), et l’augmentation de l’usage des probiotiques oraux chez les enfants et jeunes enfants durant la période d’étude, pourraient être des facteurs associés à cette diminution d’incidence.

L’une des limites de l’étude est que le registre ne donne pas d’information sur les cas de DT1 diagnostiqués à un âge supérieur à 15 ans. Il demeure en effet incertain si le taux d’incidence diminue vraiment ou si les manifestations de la maladie apparaissent à un âge plus tardif. Des études de suivi à plus long terme sont nécessaires pour savoir si cette tendance de diminution d’incidence du DT1 chez les enfants se confirme ou si cela ne serait qu’une fluctuation temporaire ou une régression à la moyenne.

 

Références

[1] Patterson C, Guariguata L, Dahlquist G, Solt ´esz G, Ogle G, Silink M. Diabetes in the young – a global view and worldwide estimates of numbers of children with type 1 diabetes. Diabetes Res Clin Pract 2014; 103:161–175.
 
[2] Patterson CC, Harjutsalo V, Rosenbauer J, et al. Trends and cyclical variation in the incidence of childhood type 1 diabetes in 26 European centres in the 25-year period 1989-2013: a multicentre prospective registration study. Diabetologia 2019; 62:408–417.
 
[3] Harjutsalo V, Sj¨oberg L, Tuomilehto J. Time trends in the incidence of type 1 diabetes in Finnish children: a cohort study. Lancet 2008; 371:1777–17823.
 
[4] Skrivarhaug T, Stene LC, Drivvoll AK, Strøm H, Joner G; Norwegian Childhood Diabetes Study Group. Incidence of type 1 diabetes in Norway among children aged 0-14 years between 1989 and 2012: has the incidence stopped rising? Results from the Norwegian Childhood Diabetes Registry. Diabetologia 2014; 57:57–62.
 
[5] Harjutsalo V, Sund R, Knip M, Groop PH. Incidence of type 1 diabetes in Finland. JAMA 2013; 310:427–428.
 


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