lundi 12 février 2024

Association agoniste du récepteur du GLP-1 / inhibiteur du SGLT2 et événements cardiovasculaires après un infarctus du myocarde : étude observationnelle chez des patients atteints de diabète de type 2

Auteur : 
Ninon Foussard
Date Publication : 
Janvier 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Rafaele Marfella et al. GLP-1 receptor agonists-SGLT-2 inhibitors combination therapy and cardiovascular events after acute myocardial infarction: an observational study in patients with type 2 diabetes. Cardiovascular Diabetology (2024) 23:10 024. doi : 10.1186/s12933-023-02118-6

 

L’utilisation en monothérapie des inhibiteurs du cotransporteur-sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) et des agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1 (aGLP-1) réduit le risque d'événements cardiovasculaires majeurs (MACE) chez les patients atteints de diabète de type 2 (DT2) avec maladie athéromateuse établie ou multiples facteurs de risque cardiovasculaire [1,2]. En outre, leur utilisation améliorerait la survie après infarctus du myocarde (IDM) chez les patients atteints de DT2 dans des études récentes [3,4]. Cependant, l’effet de l’association aGLP-1/iSGLT2 sur l’incidence du MACE a été peu exploré chez ces patients en post-IDM. L’objectif de cette étude était donc d’évaluer, par une étude observationnelle prospective multicentrique, l'effet de l'association aGLP-1/iSGLT2 sur la survenue de MACE chez des patients atteints de DT2 après IDM.

En conséquence, les auteurs ont recruté entre 2017 et 2021, des patients atteints de DT2 hospitalisés pour un premier épisode d’IDM, préalablement traités par aGLP-1 ou iSGLT2 depuis au moins 3 mois, et sans antécédent cardiovasculaire antérieur à cette hospitalisation. Les participants présentant une HbA1c ≥ 7 % au moment de l'admission ou au cours d’un suivi de 2 ans recevaient une prescription soit d’un iSGLT2, soit d’un aGLP-1, en fonction de leur monothérapie initiale, dans le but de recevoir une bithérapie aGLP-1/iSGLT2. Ceux dont l’HbA1c restait < 7 %, à l’inclusion et au cours du suivi, n’avaient pas de modification de leur monothérapie initiale. Le critère de jugement principal était l’incidence du MACE, défini comme l’incidence composite de la mortalité toutes causes confondues, de l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque et du syndrome coronarien aigu (IDM ou angor instable). Un modèle de Cox multi-ajusté a été utilisé pour étudier l'association entre la combinaison aGLP-1/iSGLT2 et l'incidence du MACE, versus monothérapie par aGLP-1 et monothérapie par iSGLT2. Trois mois après l’IDM, était également évalué par tomographie d'émission monophotonique (TEMP) – une technique d'étude scintigraphique –, le sauvetage du myocarde (MSI), défini comme la différence entre la taille réelle de l’infarctus et la taille « à risque » (évaluée initialement à partir de la localisation de l’occlusion coronarienne). Le critère d'évaluation secondaire était la proportion de patients présentant des valeurs MSI > 50 % de la zone à risque à 3 mois.

Parmi les 537 sujets sélectionnés, 443 ont terminé le suivi de 24 mois : 99 ont été traités par iSGLT2, 130 par aGLP-1 et 214 par bithérapie. Le critère d'évaluation principal est survenu chez 26 personnes (26,3 %) dans le groupe iSGLT2, 39 (30 %) dans le groupe aGLP-1 et 13 (6,1 %) dans le groupe de thérapie combinée aGLP-1/iSGLT2. L'incidence du MACE était plus faible dans le groupe bithérapie vs. monothérapie (HR multi-ajusté : 0,154 ; IC 95% [0,038-0,622] ; P=0,009 vs. aGLP-1 et HR multi-ajusté : 0,170 ; IC 95% [0,046-0,633] ; P=0,008 vs. iSGLT2). Cet effet était indépendant du contrôle glycémique au cours du suivi. De plus, l'étude de l'incidence de chaque événement individuel du critère composite MACE a suggéré que l'effet de la bithérapie était dû à la réduction de l'incidence du syndrome coronarien aigu vs. monothérapie par iSGLT2 (HR multi-ajusté : 0,020 ; IC 95% [0,001-0,420]; p=0,012), et à la réduction de l'incidence de l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque vs. aGLP-1 seul (HR multi-ajusté : 0,081 ; IC 95% [0,008-0,842] ; p=0,035).
Le sauvetage de la zone à risque était supérieur en cas de bithérapie vs. monothérapie, avec une proportion de patients présentant un MSI > 50 % de la zone à risque plus élevée chez les patients traités par bithérapie (OR : 4,06 ; IC 95% [2,40-6,85] ; P<0,0001 vs. iSGLT2 ; OR : 7,51 ; IC 95 % [4,59-12,29] ; P<0,0001 vs. aGLP-1).

Ainsi, dans cette étude, l'utilisation d'une bithérapie aGLP-1/iSGLT2 était associée à une incidence réduite du MACE (mortalité toutes causes confondues, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, syndrome coronarien aigu) chez les patients atteints de DT2 hospitalisés pour un premier IDM, vs. aGLP-1 ou iSGLT2 seuls. Cette association était indépendante du contrôle glycémique, y compris de la diminution progressive de valeurs d'HbA1c au cours du suivi, suggérant ainsi que le bénéfice observé avec la thérapie combinée n'est probablement pas uniquement attribuable à une amélioration du contrôle glycémique faisant suite à l’ajout d'un second médicament anti-hyperglycémiant. Cet effet serait dû à la réduction de l'incidence du syndrome coronarien aigu vs. iSGLT2 seul, et à la réduction de l'incidence de l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque vs. aGLP-1 seul. Néanmoins, les auteurs précisent que l’étude n'avait pas la puissance nécessaire pour détecter des différences dans ces résultats individuels, et qu’ils doivent donc être interprétés avec prudence. Les auteurs suggèrent que ces résultats pourraient inciter à concevoir des essais randomisés contrôlés. Il faut noter que l’étude PRECIDENTD (PREvention of CardIovascular and DiabEtic kidNey Disease in Type 2 Diabetes), débutée en septembre 2022, est en cours (ClinicalTrials.gov ID : https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT05390892), évaluant les effets cardio-rénaux d’une thérapie combinée aGLP-1/iSGLT2 vs. monothérapie par aGLP-1 et monothérapie par iSGLT2, selon une randomisation 1 :1 :1, chez 9000 patients atteints de DT2 présentant une maladie athéromateuse établie ou, si non établie, un haut risque cardiovasculaire.

Les principales limites de cette étude sont sa nature observationnelle avec une absence de randomisation, sa durée de suivi relativement courte, ainsi qu’un nombre de patients insuffisant pour explorer l'effet de la bithérapie sur les événements individuels du critère composite MACE. En outre, la survenue d’un accident vasculaire cérébral n’était pas prise en compte dans ce critère composite MACE, et le traitement par anticoagulants ne faisait pas parti des variables d’ajustement alors même que leur prise était pourtant significativement supérieure dans le groupe bithérapie aGLP-1/iSGLT2 vs. monothérapies (p=0,0003).

En résumé, dans cette étude, l'utilisation d'une bithérapie aGLP-1/iSGLT2, vs. aGLP-1 ou iSGLT2 seuls, était associée à une incidence réduite d'événements cardiovasculaires MACE chez les patients atteints de DT2 en post-IDM. Cette étude plaide en faveur de l’utilisation d’une association aGLP-1/iSGLT2 chez les patients atteints de DT2 en prévention cardiovasculaire secondaire, mais la prudence s’impose étant donné sa nature observationnelle et dans l’attente des résultats d’essais randomisés contrôlés.

 

Références

[1] Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2015;373(22):2117–28.
 
[2] Best JH, Hoogwerf BJ, Herman WH, et al. Risk of cardiovascular disease events in patients with type 2 diabetes prescribed the glucagon-like peptide 1 (GLP-1) receptor agonist exenatide twice daily or other glucose-lowering therapies: a retrospective analysis of the LifeLink database. Diabetes Care. 2011;34(1):90–5.
 
[3] Paolisso P, Bergamaschi L, Gragnano F, et al. Outcomes in diabetic patients treated with SGLT2-Inhibitors with acute myocardial infarction undergoing PCI: The SGLT2-I AMI PROTECT Registry. Pharmacol Res. 2023;187: 106597.
 
[4] Marfella R, Sardu C, Calabro P, et al. Non-ST-elevation myocardial infarction outcomes in patients with type 2 diabetes with non-obstructive coronary artery stenosis: Effects of incretin treatment. Diabetes Obes Metab. 2018;20(3):723–9.
 


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