lundi 2 janvier 2023

Métabolisme glucidique à la suite d’une duodéno-pancreatéctomie : une étude prospective sur trois ans

Auteur : 
Sopio Tatulashvili
Date Publication : 
Décembre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Niwano F, et al. Three-Year Observation of Glucose Metabolism After Pancreaticoduodenectomy: A Single-Center Prospective Study in Japan. J Clin Endocrinol Metab. 25 nov 2022; 107(12):3362‑9. doi : 10.1210/clinem/dgac529

 

Le cancer du pancréas est connu pour son mauvais pronostic vital. Cependant, les progrès technologiques, notamment l’arrivée de l’écho-endoscopie, permettent un diagnostic de plus en plus précoce des pathologies duodéno-pancréatiques. Traités par duodéno-pancréatectomie (DP), plus ou moins chimiothérapie adjuvante, les patients voient leur espérance de vie se prolonger significativement. Dans ce contexte, après une résection partielle de pancréas, se pose la question de la modification du métabolisme glucidique à long terme. L’objectif de ce projet mono-centrique mené au Japon était d’étudier le métabolisme glucidique en termes de diabètes incidents de façon prospective chez les patients ayant subi une DP partielle et d’identifier les facteurs de risques pré-chirurgicaux.

Les participants avaient vingt ans ou plus, n’avaient pas de diabète ni de pancréatite chronique préexistant à la chirurgie. Ont été incluses uniquement les personnes programmées pour une DP partielle réséquant environ 50% du pancréas, dont la tête et le duodénum en entier ainsi que la vésicule biliaire. Les personnes programmées pour tout autre type de chirurgie pancréatique ont été exclues (pancréatectomie totale, longitudinale, distale, etc.). Un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO avec glycémie à 0, 30, 60, 90, 120, 150 et 180 minutes) avec 75g de glucose et le dosage de l’HbA1c a été réalisés un mois avant, un mois après la chirurgie et tous les six mois pendant trois ans. Le diabète était diagnostiqué selon les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS) (glycémie à jeun ³7mmol/l ou glycémie ³11,1mmol/L à 2 heures de l’HGPO ou HbA1c ³6,5%). L’insuline et le peptide C ont été dosés lors de l’HGPO. Certains index ont été calculés à la recherche de facteurs de risque de diabète incident. L’index insulinique, soit la réponse précoce de l’insuline à la glycémie, a été calculé par la division du delta de l’insuline 0-30min par le delta de la glycémie 0-30min lors de l’HGPO. Un test de la stimulation par glucagon (1mg) a été mené pour calculer le delta du peptide C (0 – 5 minutes).

L’âge moyen des 96 participants (55% d’hommes) était de 66,3±1,1 ans, l’indice de masse corporelle (IMC) de 22,3±0,32 kg/m2, 68% avaient une lésion maligne du pancréas. Pendant le suivi, 33 participants ont développé un diabète (‘progresseurs’) versus 63 ‘non-progresseurs’. L’incidence cumulée du diabète était de 7,3%, 22,1%, 29,0%, 37,9%, 47,1%, 50,2%, et 53,8% à 1, 6, 12, 18, 24, 30, et 36 mois après la chirurgie. Il est à noter qu’avant la chirurgie, certaines caractéristiques du métabolisme glucidique étaient significativement défavorables chez les progresseurs comparés aux non-progresseurs. C’était le cas de l’HbA1c (5,92±0,06 vs 5,64±0,06%, p<0,001), de la glycémie à jeun (5,19±0,10 vs 4,97±0,06 mmol/L, p=0,048), de l’index insulinique (7,96±0,92 vs 21,6± 3,2 mUI/mmol, p<0,001), du delta du peptide C lors du test au glucagon (1,05±0,09 vs 1,33±0,08, p=0,025) et de l’aire sous la courbe (AUC) du glucose post-HGPO (1509,5±40,0 vs 1386,6± 27,1 mmol/L/min, p=0,013). Pour identifier les facteurs de risque de diabète post-DP, des analyses de la régression de Cox uni et multivariée ont été réalisées. En analyse univariée, l’HbA1c (HR 1,097 [IC95% 1,019-1,181], p=0,014), la glycémie à jeun (HR 2,104 [IC95% 1,026-4,311], p=0,042), l’index insulinique (HR 0,919 [IC95% 0,871-0,971], p=0,002) et l’AUC du glucose post-HGPO (HR 1,002 [IC95% 1,001-1,004], p=0,004) étaient associés au diabète incident. Mais suite à l’analyse multivariée, seul l’index insulinique a gardé une association significative (HR=0,932 [0,871-0,997], p=0,04).

L’extrapolation de ces résultats est limitée du fait que la sécrétion de l’insuline basale dans la population japonaise est plus faible comparée aux européens [1], cela pourrait en partie expliquer la différence en incidence cumulée du diabète entre cette étude et la littérature montrant une plus faible incidence [2]. Une autre explication de cette différence pourrait être un assouplissement des critères diagnostiques du diabète comme décrit au-dessus ainsi que la durée de cette étude plus longue, responsable résultant d’une incidence cumulée du diabète plus élevée.

Pour conclure, l’incidence du diabète post-DP n’étant pas négligeable, l’index insulinique pré-chirurgical, comme facteur de risque pourrait être d’une grande aide pour améliorer le diagnostic et la prise en charge du diabète post-DP. D’autres techniques de chirurgie pancréatique restent à étudier en termes de diabètes incidents et de facteurs de risque.

 

Références

[1] Iwahashi H, et al. Insulin-secretion capacity in normal glucose tolerance, impaired glucose tolerance, and diabetes in obese and non-obese Japanese patients. J Diabetes Investig. 2012; 3(3):271–5.
 
[2] Maxwell DW, et al. Development of Diabetes after Pancreaticoduodenectomy: Results of a 10-Year Series Using Prospective Endocrine Evaluation. J Am Coll Surg. 2019;228(4):400-412.e2.
 


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