mardi 14 décembre 2021

Le bypass gastrique est l’intervention de chirurgie bariatrique permettant de réduire le plus le risque cardiovasculaire chez les patients présentant une obésité et un diabète de type 2

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Novembre 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Aliminian A, et al. Cardiovascular Outcomes in Patients With Type 2 Diabetes and Obesity: Comparison of Gastric Bypass, Sleeve Gastrectomy, and Usual Care.  Diabetes Care 2021; 44:2552-2563. Epub 2021 Sep 9. doi : 10.2337/dc20-3023

 

Plus de 10 essais randomisés contrôlés ont montré la supériorité de la chirurgie bariatrique sur la prise en charge diététique classique pour le contrôle du diabète de type 2 (DT2) et la réduction du risque cardiovasculaire chez les patients DT2 et obèses [1]. C’est également le cas pour plus de 30 grandes études comparatives de cohorte qui ont toutes rapporté une diminution du risque de mortalité toutes causes après ce type de chirurgie [2]. Cependant, la majorité de ces essais cliniques s’est intéressée aux effets favorables du bypass gastrique (BPG), alors que, dans le même temps, la sleeve gastrectomie (SG) est devenue l’intervention bariatrique la plus pratiquée [3]. Mais les données à long terme sur l’efficacité de la SG sur les complications micro et macro-vasculaires du DT2 et la mortalité sont limitées. Afin d’aider les patients à choisir la procédure chirurgicale la plus appropriée pour eux, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : le risque chirurgical, les effets de chaque procédure sur le poids corporel et les comorbidités, l’existence de certaines comorbidités et troubles mentaux, des facteurs comportementaux et le niveau de la perte de poids souhaitée. Un autre facteur à prendre en considération dans ce choix est de comprendre les différences d’effet de chaque procédure sur le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs (MACE). Le but de cette étude était donc de déterminer quel type d’intervention de chirurgie bariatrique était associé à la plus forte diminution du risque de MACE chez les patients DT2 et obèses.

Cette étude est une analyse secondaire d’une précédente étude de cohorte appariée qui avait retrouvé une association entre la chirurgie métabolique et la diminution du risque de MACE chez les patients DT2 et obèses [4]. Un total de 13 490 patients incluant 1 362 patients opérés d’un BPG, 693 d’une SG et 11 435 patients non-opérés obèses et DT2 appariés sur les patients opérés (1 opéré pour 5 non opérés), a été analysé. Les critères d’appariement étaient l’âge, le sexe, l’IMC, la localisation du centre (Ohio ou Floride), l’usage d’insuline et la présence de complications du diabète. Tous ont reçu les soins à la Clinique de Cleveland (1998-2017), avec un suivi jusqu’en décembre 2018. Les auteurs ont estimé le temps jusqu’à la survenue d’un MACE (défini comme la première apparition d’un évènement coronarien, d’un AVC ou AIT), d’une insuffisance cardiaque, d’une néphropathie, de fibrillation atriale et d’un décès toute cause grâce à une analyse par régression de Cox multivariée.

L’IMC médian des groupes opérés de BPG, de SG, et le groupe contrôle était de 45,3, 44,7, et 42,6 kg/m², respectivement. La durée de suivi médiane pour les groupes opérés de BPG, de SG et le groupe contrôle était de 4,0 ans (écart inter quartile IQR 1,3–7,0), 2,0 ans (IQR 0,7–4,1), et 4,0 ans (IQR 2,1–6,1), respectivement. Globalement, les covariables initiales étaient bien équilibrées entre les 3 groupes étudiés.

L'incidence cumulée du critère primaire d’évaluation à 5 ans était de 13,7% (IC95% 11,4-15,9) dans le groupe BPG et de 24,7% (IC95% 19,0-30,0) dans le groupe SG, avec un hazard ratio (HR) ajusté de 0,77 (IC95% 0,60-0,98, P= 0,04). Dans le groupe de sujets non opérés, l’incidence cumulée à 5 ans du critère d’évaluation primaire était de 30,4% (IC95% 29,4–31,5). Les 2 procédures chirurgicales étaient associées à une plus faible incidence cumulée du critère primaire à 5 ans comparé au traitement médical : HR 0,53 (IC95% 0,46–0,61, P < 0,001) après BPG et HR 0,69 (IC95% 0,56–0,85, P < 0,001) après SG.

Sur les 6 critères d’évaluations secondaires individuels, le BPG était associé à une incidence cumulée significativement plus basse de néphropathie à 5 ans comparé à la SG (2,8% vs. 8,3%, respectivement ; HR 0,47 [IC95% 0,28-0,79], p= 0,005). De plus, le BPG était associé à une plus forte diminution du poids corporel (9,7%, IC95% 9,3–10,1, p < 0,001, de différence en faveur du BPG), de l’HbA1c, et d’un moindre nombre de médicaments pour traiter le diabète et les maladies cardiovasculaires. Cinq après le BPG, les patients avaient aussi plus souvent recours à la fibroscopie oeso-gastro-duodénale (45,8% vs. 35,6%, p <0,001) et à d’autres procédures de chirurgie abdominale (10,8% vs. 5,4%, p= 0,001) comparé à la SG.

Les limites de cet essai étaient le fait qu’elle était issue d’une première étude qui n’était pas conçue pour comparer les 2 sous-groupes (BPG et SG), le fait que le groupe SG était de plus petite taille et avait une durée de suivi légèrement inférieure, les erreurs possibles liées au recueil de données (erreurs de diagnostic ou de classification), l’absence de données concernant les causes de décès, le fait que ce soit les prescriptions médicales de médicament qui ont été recueillies (et non la prise effective des médicaments par les patients), l’absence d’analyse des évènements indésirables chirurgicaux qui n’ont pas donné lieu à une intervention et enfin, le fait que certains patients aient reçu des agonistes des récepteurs du GLP-1 et des inhibiteurs de SGLT2 (ce qui pourrait avoir contribuer à améliorer le risque cardio-vasculaire !).

Chez les patients obèses et DT2, le BPG semble associé à une plus grande perte de poids, un meilleur contrôle du DT2, un risque réduit de MACE et de néphropathie comparé à ce qui est obtenu après une SG.

 

Références

[1] Schauer PR et al. STAMPEDE Investigators. Bariatric surgery versus intensive medical therapy for diabetes - 5-year outcomes. N Engl J Med 2017; 376: 641–651.
 
[2] Fisher DP, et al. Association between bariatric surgery and macrovascular disease outcomes in patients with type 2 diabetes and severe obesity. JAMA 2018; 320: 1570–1582.
 
[3] English WJ, et al. American Society for Metabolic and Bariatric Surgery 2018 estimate of metabolic and bariatric procedures performed in the United States. Surg Obes Relat Dis 2020; 16: 457–463.
 
[4] Aminian A, Zajichek A, Arterburn DE, et al. Association of metabolic surgery with major adverse cardiovascular outcomes in patients with type 2 diabetes and obesity. JAMA 2019; 322: 1271–1282.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3240HSN

mercredi 3 novembre 2021

La biopsie osseuse au lit du patient par les diabétologues en cas de suspicion d’ostéite, quels résultats ?

Auteur : 
Camille Vatier
Date Publication : 
Octobre 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Féron F, et al. Reliability and Safety of Bedside Blind Bone Biopsy Performed by a Diabetologist for the Diagnosis and Treatment of Diabetic Foot Osteomyelitis. Diabetes Care 2021; 44: 2480-2486. doi : 10.2337/dc20-3170

 

Au cours de leur vie, 15 à 25% des patients diabétiques vont développer un mal perforant plantaire (MPP) sur une neuropathie et/ou une artériopathie périphérique [1], avec une infection dans la moitié des cas lorsque les patients se présentent aux médecins. L’ostéite concerne 40 à 80% de ces MPP infectés, et conduit à une amputation chez 20% des patients [2]. La meilleure prévention de l’amputation est le traitement antibiotique (ATB) adapté mis en place précocement. Un traitement ATB empirique, ou l’analyse bactériologique d’écouvillon ou d’aspiration à l’aiguille ne permettent pas un traitement efficace. La biopsie osseuse (BO) percutanée est une procédure sûre réalisée par les chirurgiens ou les radiologues interventionnels et reste le gold standard pour identifier les agents pathogènes impliqués dans l’ostéite. C’est la méthode recommandée par le groupe international de travail sur le pied diabétique (IWGDF) [3]. Cependant, cette BO percutanée n’est pas toujours disponible et reste sous utilisée (<20% des MPP). En 2015, pour surseoir à cette difficulté d’accès à la BO percutanée, le centre de Lariboisière à Paris à développer la réalisation de BO en aveugle au lit du patient. Les résultats de faisabilité et de fiabilité de ces BO sont rapportés dans cet article.

L’étude s’est déroulée en 3 phases : 1°) la première, prospective, observationnelle, était une phase de faisabilité et de sécurité menée entre décembre 2015 et septembre 2017 (après formation des diabétologues par les radiologues), 2°) la deuxième, prospective, était une phase de validité comparant la cicatrisation de la plaie sur 12 mois chez les patients BO+ traités par ATB versus les patients BO- non traités par ATB entre décembre 2015 et septembre 2018  et 3°) la 3ème rétrospective, était une phase d’efficacité, comparant les patients avec BO percutanées réalisées par les chirurgiens ou radiologues versus BO par les diabétologues. Les patients inclus dans cette étude étaient les patients diabétiques adultes admis pour MPP avec suspicion d’ostéite (clinique ou radiologique avec au moins deux des critères suivants : surface de la plaie > 2 cm², contact osseux, signes radiologiques d’ostéite). L’indication de la BO était décidée en staff multidisciplinaire et était réalisée au moins deux semaines après arrêt d’un traitement ATB. Pour la 3ème phase d’efficacité, seuls les patients avec un suivi de plus de 12 mois après la BO ont été inclus. Les critères d’exclusion étaient l’indication chirurgicale d’emblée, une antibiothérapie dans les deux semaines précédentes ou un suivi insuffisant. La BO par les diabétologues (B4) était réalisée au lit du patient, dans des conditions aseptiques, sous antalgiques +/- anxiolytiques. Une radiographie était pratiquée dans les deux semaines si nécessaire, pour mettre des marqueurs métalliques afin de diriger le trajet de l’aiguille (en peau saine) pour la biopsie osseuse et ainsi cibler l’ostéite. Une anesthésie sous cutanée ainsi qu’une anesthésie inhalée avec du protoxyde d’azote et de l’oxygène étaient réalisées. Les échantillons étaient envoyés en microbiologie et histologie (fragments de 2-3 mm). La BO faite par un radiologue ou par un chirurgien (B3) était également réalisée en peau saine, mais sous anesthésie locorégionale avec envoi du prélèvement uniquement en microbiologie (fragments de 3 mm à 1 cm).

Le critère principal de la phase 1 était la présence de tissu osseux sur l’examen histologique ; pour la phase 2, c’était le pourcentage de patients ayant eu une guérison complète de la plaie dans les 12 mois avec un traitement médicamenteux (ATB 6 semaines si examen microbiologique positif B4+ ou pas d’ATB si prélèvement négatif, B4-). Pour la phase 3 comparant les procédures B3 et B4, le critère principal était identique à celui de la phase 2.
Concernant la phase 1, 37 des 291 (12,7%) patients avec MPP étaient suspects d’ostéite et ont été inclus dans l’étude. La procédure B4 durait en moyenne 60 ± 8min, et nécessitait deux aides opératoires le plus souvent. 100% des prélèvements étaient constitués de tissu osseux. Aucune complication locale n’a été observée et seuls 3 patients (7%) se sont plaint de douleur immédiate contre 50% dans les 24h suivant le geste ; 21% des patients ont eu de la fièvre et 8,1% une bactériémie.
Au total, 93 patients ont été inclus dans la phase 2 mais 11 ont été perdus de vue, 2 sont décédés d’autres causes et 1 n’a pas eu de prélèvement osseux contributif. Sur les 79 patients évalués, les cultures microbiologiques étaient positives chez 50,6% d’entre eux. Entre les groupes B4+ et B4-, les caractéristiques des patients étaient identiques sauf l’âge et la CRP, plus élevés dans le groupe B4+ (75 ± 13 ans versus 68 ± 12 ans et 33 ± 67 mg/l versus 5 ± 29 mg/l respectivement). Le pourcentage de guérison de la plaie n’était pas statistiquement différent dans les deux groupes : 57,5% du groupe B4+ et 71,8% dans le groupe B4- (p=0,18). Parmi les patients B4+, 42,5% n’ont pas eu de guérison de plaie sous traitement médical à 12 mois : 8 ont eu un traitement chirurgical, 1 a guéri au-delà des 12 mois, 5 sont décédés des suites du MPP (un d’un sepsis sévère dans un contexte de cancer palliatif, un du fait d’un traitement limité par une cachexie gériatrique, deux de mort subite probablement iatrogénique, et un d’un choc cardiogénique sur cardiopathie ischémique et insuffisance rénale) et 3 ont eu besoin d’une seconde biopsie. Dans le groupe B4-, 18,2% des patients n’ont pas guéri : 4 patients ont eu besoin d’un traitement chirurgical, 4 ont eu une guérison de plaie au-delà des 12 mois et 3 ont eu besoin d’une seconde biopsie.
Enfin, pour la phase 3, sur 1 112 patients admis pour MPP, 12,8% avaient une suspicion d’ostéite nécessitant une BO. 79 patients ont eu la procédure B4 et 44 la procédure B3 (72,7% par un chirurgien et 27,3% par un radiologue). Les caractéristiques initiales étaient identiques entre les groupes (75% d’hommes, âge moyen 71 ± 13 ans, 90% de diabète de type 2, HbA1c 8,8%, 85% de neuropathes, 25% d’artériopathes sévères). Le pourcentage de patients avec ostéite confirmée sur le prélèvement microbiologique était supérieur dans le groupe B3 (77,3% versus 50,6%). Le pourcentage de guérison de plaies était identique entre les deux groupes (78,5% dans le groupe B4 et 84,1% dans le groupe B3, p=0,55), entre le groupe B3 + et B3-, entre le groupe B4+ et B3+ (58% versus 61% p=0,81). Le pourcentage de contamination des prélèvements était identique entre les groupes (13,6% dans la procédure B4 et 10,2% dans la B3). Le temps de cicatrisation était comparable entre les groupes B3 et B4 (105 jours en moyenne).

Cette étude observationnelle de faisabilité et d’efficacité concernant la biopsie osseuse au lit du patient dans un contexte de MPP avec suspicion d’ostéite montre que la procédure est facilement accessible, fiable, sûre et permet l’identification de l’agent pathogène dans la majorité des cas avec une performance de prise en charge thérapeutique comparable à la procédure chirurgicale. Dans la prise en charge du MPP, le diagnostic d’ostéite est un challenge difficile et notamment du fait de la difficulté de réalisation d’une BO. Ducloux et al. [4] avait également évalué la procédure de BO au lit du patient avec un pourcentage d’examen microbiologique positif comparable et un taux de guérison identique à ce travail.

Cette étude est la première à comparer le devenir des patients avec une BO selon les procédures standards (chirurgien ou radiologue) ou selon la procédure au lit du patient et montre que les résultats sont similaires. Ainsi, la biopsie osseuse réalisée par les diabétologues au lit du patient est un geste facile, simple, sûr et permet une prise en charge adaptée, équivalente à la BO standard… A vos trocarts !

 

Références

[1] Singh N, et al. Preventing foot ulcers in patients with diabetes. JAMA 2005; 293(2):217–28.
 
[2] Lavery LA, et al. Risk factors for developing osteomyelitis in patients with diabetic foot wounds. Diabetes res Clin Parct 2009; 83 :(3) 347–352.
 
[3] Lipsky BA, et al. International Working Group on the Diabetic Foot (IWGDF). Guidelines on the diagnosis and treatment of foot infection in persons with diabetes (IWGDF 2019 update). Diabetes Metab Res Rev 2020; 36(S1):e3280.
 
[4] Ducloux R, et al. Percutaneous bone biopsy to identify pathogens in diabetic foot chronic osteitis: useful and harmless. Wounds 2016; 28(6):182–9301.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/31t4vN5

mercredi 6 octobre 2021

L’usage de fénofibrate est associé à une diminution de la morbi-mortalité cardiovasculaire dans une cohorte de patients diabétiques de type 2

Auteur : 
Benjamin Bouillet
Date Publication : 
Septembre 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Jo, et al. Fenofibrate use is associated with lower mortality and fewer cardiovascular events in patients with diabetes: results of 10,114 patients from the Korean National health insurance service cohort. Diabetes Care 2021; 44:1868-1876. doi : 10.2337/dc20-1533

 

Malgré la diminution de la concentration de LDL-cholestérol grâce à la prise d’une statine, les patients diabétiques présentent un risque cardio-vasculaire (CV) substantiel. Les triglycérides (TG) sont l’une des cibles visées pour réduire ce risque CV résiduel et ainsi prévenir et traiter les maladies CV. En effet, des études épidémiologiques [1] et de randomisation mendéliennes [2] suggèrent qu’un taux élevé de TG est associé à une augmentation du risque de maladie CV, avec même une relation causale [3]. Cependant, les résultats des études évaluant l’impact de la diminution des TG par une action pharmacologique sont hétérogènes. Dans les études FIELD (Fenofibrate Intervention and Event Lowering in Diabetes) [4] et ACCORD (Action to Control Cardiovascular Risk in Diabetes) [5], le fénofibrate, seul ou associé à une statine, n’a pas fait la preuve de son efficacité sur la morbi-mortalité CV. Des bénéfices CV n’étaient observés que dans des sous-groupes de patients, notamment ceux avec un HDL-cholestérol bas et un taux de TG élevé. En revanche, dans l’étude REDUCE-IT [6], l’utilisation d’un acide gras oméga-3 spécifique, chez des patients avec un LDL-cholestérol < 100 mg/dl et des TG > 135 mg/dl sous statines, était associée à une diminution de la morbi-mortalité CV. Il n’existe pas, à ce jour, de larges études de suivi de cohorte prolongé ayant évalué l’impact CV de la diminution des TG par fénofibrate chez des patients diabétiques en conditions de vie réelle.

Cette étude avait pour objectif d’évaluer l’efficacité du fénofibrate sur des critères cliniques chez des patients diabétiques à partir d’une base de données de l’assurance maladie de Corée du Sud. Cette base de données regroupait 97% de la population sud-coréenne. Une cohorte d’environ 510 000 sujets, âgés de 40 à 79 ans, ayant bénéficié d’un examen médical entre 2002 et 2003 et suivie jusqu’en 2015 a été utilisée. Au sein de cette cohorte, 212 969 patients, diagnostiqués diabétiques de type 2 (DT2) entre 2003 et 2014 ont été identifiés. Après avoir exclu 149 242 sujets qui avaient également un code diagnostic de diabète de type 1, qui avaient déjà été traités par fénofibrate ou acides gras oméga-3 avant la découverte du diabète et qui n’avaient pas de résultats biologiques disponibles, 63 727 patients étaient candidats pour l’analyse. Les patients ont été séparés en deux groupes : patients sous fénofibrate seul (au moins une prescription entre 2003 et 2014 après le diagnostic de diabète) et patients sans fénofibrate ni acide-gras oméga-3 (groupe contrôle). Après un appariement 1 : 1, 5 057 patients ont été inclus dans chaque groupe. Le critère de jugement principal composite correspondait à la première survenue d’un infarctus du myocarde (IDM), d’un accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’un geste de revascularisation coronarienne et le décès d’origine CV. Les critères de jugement secondaires étaient la survenue isolée de l’un des 4 évènements précédemment décrits et les décès toutes causes confondues. Plusieurs covariables ont été analysées : âge, sexe, indice de masse corporelle (IMC), comorbidités (insuffisance cardiaque, fibrillation auriculaire, néoplasie, insuffisance rénale, HTA), prises de statines, antécédents de revascularisation coronarienne, antécédents de tabagisme, bilan lipidique, consommation alcoolique. La durée moyenne de suivi était de 3 ans.

L’âge moyen des 10 114 patients inclus dans l’étude était de 62 ans, 58,5% étaient des hommes, l’IMC moyen était de 25,2 kg/m2, la concentration  moyenne de TG  était de 239 mg/dl, de HDL-cholestérol de 49 mg/dl, de LDL-cholestérol de 111 mg/dl et 21% étaient fumeurs. La seule différence significative observée entre les patients sous fénofibrate et le groupe contrôle était la proportion de sujets avec des TG ≥ 200 mg/dl et un HDL-cholestérol < 35 mg/dl (7,6 vs 6,9%, p=0,035). Le critère de jugement primaire composite était significativement plus bas dans le groupe fénofibrate que dans le groupe contrôle (13,4 vs 15,5 /1000 sujet-années ; HR 0,76 ; IC 95% 0,62-0,94 ; p=0,01). L’incidence isolée des AVC était significativement plus basse dans le groupe fénofibrate (6,5 vs 8,6 /1000 sujet-années ; HR 0,62 ; IC 95% 0,46-0,83 ; p=0,015). L’incidence des décès d’origine CV et des décès toutes causes confondues était également plus basse dans le groupe fénofibrate (respectivement 1,8 vs 3,1/ 1000 sujets-année ; p=0,045 et 7,6 vs 15,3/1000 sujets-année ; p<0,0001). L’incidence des IDM et des gestes de revascularisation coronarienne n’était pas significativement différente entre les deux groupes. L’analyse de Kaplan-Meier retrouvait également une efficacité significative sur le critère composite, les AVC, la mortalité CV et la mortalité toutes causes en faveur du groupe fénofibrate. Une analyse en fonction de la durée du traitement par fénofibrate a été réalisée. Le Hazard Ratio (HR) ajusté pour le critère composite était augmenté à 1,52 (IC 95% 1,17-1,98 ; p=0,0018) pour le premier quartile (1 à 59 jours de fénofibrate) en comparaison au groupe contrôle, n’était pas modifié pour les 2ème (60 à 193 jours de fénofibrate) et 3ème quartiles (194-485 jours de fénofibrate) et était diminué à 0,35 (IC 95% 0,27-0,53 ; p<0,0001) pour le 4ème quartile (≥486 jours de fénofibrate).
L’effet favorable du fénofibrate sur le critère composite était persistant après ajustement sur l’ensemble des covariables analysées et dans les différents sous-groupes analysés (âge, présence ou non des comorbidités, IMC, traitement par statine, tabagisme, consommation alcoolique, niveaux des différents paramètres lipidiques). L’effet favorable du fénofibrate sur le critère composite était plus prononcé chez les hommes, en cas d’antécédent d’AVC et chez les patients avec un LDL-cholestérol < 100 mg/dl.

Les forces de cette étude sont une large population étudiée, des conditions en vie réelle et la prise en compte de nombreuses covariables dans l’analyse statistique. Ses limites sont : 1) les biais inhérents à une étude de cohorte basées sur une population donnée ; 2) l’utilisation du codage diagnostic pour définir les différentes comorbidités, qui peuvent être inexactes ; 3) les incertitudes concernant l’observance médicamenteuse ; 4) l’absence de données sur la dose de fénofibrate prescrite ; 5) des conclusions qui ne peuvent être extrapolées à d’autres populations ; 6) l’absence de données sur les taux des paramètres lipidiques après exposition au fénofibrate.

Au final, cette étude sud-coréenne, menée en conditions de vie réelle chez plus de 10 000 patients diabétiques de type 2 avec un suivi moyen de 3 ans, montre que l’utilisation de fénofibrate est associée à une amélioration de la morbi-mortalité CV, en diminuant notamment l’incidence des AVC, la mortalité CV et la mortalité toute causes confondues. Cet effet bénéfique est observé que les patients prennent ou non des statines.

 

Références

[1] Madsen, et al. Unmet need for primary prevention in individuals with hypertriglyceridaemia not eligible for statin therapy according to European Society of Cardiology/ European Atherosclerosis Society guidelines: a contemporary population-based study. Eur Heart J 2018; 39: 610–619.
 
[2] Ference, et al. Association of triglyceride-lowering LPL variants and LDL-C-lowering LDLR variants with risk of coronary heart disease. JAMA 2019; 321: 364–373.
 
[3] Watts, et al. Demystifying the management of hypertriglyceridaemia. Nat Rev Cardiol 2013; 10: 648–661.
 
[4] Keech A, et al. Effects of long-term fenofibrate therapy on cardiovascular events in 9795 people with type 2 diabetes mellitus (the FIELD study): randomised controlled trial. Lancet 2005; 366: 1849–1861.
 
[5] Ginsberg HN, et al. Effects of combination lipid therapy in type 2 diabetes mellitus. N Engl J Med 2010; 362: 1563–1574.
 
[6] Bhatt DL, et al. Cardiovascular risk reduction with icosapent ethyl for hypertriglyceridemia. N Engl J Med 2019; 380: 11–22.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3aeisiV

vendredi 2 juillet 2021

Le lien entre la répartition du tissu adipeux et la stéatopathie non alcoolique chez le patient vivant avec un diabète de type 1

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Juin 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Parente EB, et al. The Relationship Between Body Fat Distribution and Nonalcoholic Fatty Liver in Adults With Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2021; 44:1-8. doi : 10.2337/dc20-3175

 

La stéatopathie hépatique non alcoolique (NAFLD), caractérisée par une accumulation excessive de triglycérides dans le foie sans consommation excessive d’alcool, est associée au diabète de type 2 (DT2), à l’obésité et à la résistance à l’insuline [1]. Les individus vivant avec un diabète de type 1 (DT1) sont devenus plus souvent obèses durant les dernières décennies et la NAFLD a également été décrite chez ces patients, avec des prévalences comprises entre 4,7 et 50%, selon les caractéristiques cliniques et les méthodes utilisées pour mesurer le contenu en lipides du foie. De plus, la NAFLD a été associée à certaines complications du diabète telles que la néphropathie diabétique [2] et la maladie cardiovasculaire dans le DT1 [3].

Au-delà de l’obésité et du DT2, le SNP (single nucleotide polymorphism, variant génétique) antisens rs738409 C>G du gène PNPLA3 est associé à l’accumulation de lipides dans le foie. Bien que les porteurs de ce variant ne montrent pas d’augmentation de l’insulinorésistance, la présence de cet allèle a été associée à la progression vers la stéato-hépatite et également l’hépatocarcinome [4]. Le variant rs58542926 du gène TM6SF2 est aussi associé à la NAFLD indépendamment du variant génétique rs738409 de PNPLA3 [5].

Le tissu adipeux viscéral a été associé aux maladies cardiovasculaires, à l’insulinorésistance et à la NAFLD chez les patients DT2 et dans la population générale. Néanmoins, les liens entre la répartition corporelle du tissu adipeux et la NAFLD chez les patients DT1 n’ont jamais été explorés. Dans cette étude, les auteurs ont donc cherché à savoir si les différents dépôts de tissu adipeux étaient associés à la NAFLD en utilisant des modèles de régression logistique ajustés sur des variables métaboliques et génétiques. De plus, ils ont étudié les associations entre le rapport tour de taille sur taille (WHtR), l’IMC et la NAFLD, afin de trouver un outil simple et accessible pour l’identification de la NAFLD dans cette population.

Tous les individus inclus dans cette étude étaient issus de l’étude sur la néphropathie diabétique finlandaise (FinnDiane) qui est une étude nationale, prospective, multicentrique (93 centres à travers la Finlande) et toujours en cours, visant à identifier les facteurs de risque de complications du DT1. Le DT1 a été défini comme un diabète évoluant à un âge inférieur à 40 ans et nécessitant un traitement par insuline permanent initié durant la première année suivant le diagnostic de DT1. Les participants bénéficiaient durant le suivi d’un examen clinique, d’un prélèvement d’urine et de sang et ils répondaient à plusieurs questionnaires. Entre 2011 et 2017, 131 individus ont été recrutés et se sont rendus au CHU de Helsinki pour faire une IRM hépatique et évaluer le contenu hépatique en lipides. Les patients qui rapportaient une consommation journalière d’alcool supérieure à 30g pour les hommes et à 20g pour les femmes ont été exclus de l’étude, tout comme ceux qui avaient déjà une NAFLD et des données manquantes sur la consommation d’alcool.

Au final, 121 individus ont été inclus dans l’analyse. Parmi ceux-ci, 95 ont été génotypés pour le SNP du gène PNPLA3 rs738409 et le variant de TM6SF2 rs58542926, 84 avaient des données de composition corporelle évaluée par DEXA dans le cadre de l’étude FinnDiane. Le contenu lipidique du foie a été mesuré grâce à une IRM 3.0 Tesla au CHU d’Helsinki. Trois régions d’intérêt de 2 cm² chacune ont été délimitées au même endroit sur le foie. La valeur moyenne de l’intensité des 3 signaux a été calculée et la fraction lipidique du foie en a été déduite. La NAFLD a été déterminée pour un seuil de fraction lipidique supérieur ou égal à 6%. La composition corporelle a été évaluée par DEXA (Lunar, GE healthcare). Le tour de taille et le tour de hanche ont été mesurés et le rapport tour de taille sur taille (WHtR) a été calculé en divisant le tour de taille par la taille. L’obésité centrale a été définie par un rapport supérieur ou égal à 0,5. Les SNP rs738409 et rs58542926 ont été directement génotypés sur la plateforme de génotypage et analysés en utilisant un modèle additif. Les associations entre la répartition du tissu adipeux, le WHtR, l’IMC et la NAFLD ont explorées par des régressions logistiques. Une courbe ROC a été utilisée pour les seuils de WHtR et d’IMC avec la plus grande sensibilité et spécificité pour détecter la NAFLD.

Parmi les 121 sujets inclus dans l’analyse, l’âge médian était de 38,5 ans (32,3-43,7), la durée du diabète était de 21,2 ans (17,9-28,4), 52,1% étaient des femmes, 50,4% présentaient une obésité abdominale (WHtR ≥ 0,5), et la prévalence de la NAFLD étaient de 11,6% (n= 14).

Concernant les variants génétiques de PNPLA3 rs738409 et de TM6SF2 rs58542926, sur les 95 patients analysés, 28 étaient soit homozygotes (GG, n= 7) soit hétérozygotes (CG, n= 21) pour l’allèle mineur G du variant PNPLA3 rs738409 et la fréquence de l’allèle mineur était de 32,1% parmi les cas (NAFLD) et 16,1% parmi les sujets témoins (non NAFLD). Concernant le variant TM6SF2 rs58542926, aucun des participants n’était homozygote (TT) pour l’allèle mineur T, 12 individus étaient hétérozygotes (TC) et aucun d’entre eux n’était atteint de NAFLD. Vue la faible fréquence de l’allèle T chez les participants, ce variant a été exclu des analyses.

Les individus présentant une NAFLD avaient une plus longue durée d’évolution du DT1, des taux plus élevés d’HbA1c et de triglycérides, une plus faible sensibilité à l’insuline (basée sur le calcul de l’eGDR, le taux de disposition du glucose estimé : 3,1 mg/kg/min vs. 7,6 mg/kg/min, p < 0,001) et des besoins en insuline plus élevés (0,76 UI/kg vs 0,52 UI/kg, p = 0,026), par rapport à ceux n’ayant pas de NAFLD. Dans le groupe NAFLD, 85,7% souffraient d’obésité abdominale vs 45,8% (p = 0,005) dans le groupe sans NAFLD. Le pourcentage de tissu adipeux gynoïde, appendiculaire et total était similaire entre les sujets avec NAFLD et ceux sans. Les sujets NAFLD présentaient des pourcentages de tissu adipeux androïde et viscéral plus élevés (respectivement, 3,47% vs 2.40%, p = 0,02 ; 1,83% vs 0,55%, p = 0,01) comparés aux patients sans NAFLD. Le volume et le pourcentage de tissu adipeux viscéral étaient positivement associés à la NAFLD dans le modèle non ajusté et aussi dans le modèle ajusté pour les covariables (âge, sexe, durée du diabète, HbA1c, triglycérides, variant rs738409 de PNPLA3). L’augmentation de WHtR était positivement associée à la NAFLD dans le modèle non ajusté (OR = 7,59, p < 0,001) et également dans le modèle ajusté (OR = 6,64, p < 0,001). L’IMC était également associé au risque de NAFLD dans le modèle non ajusté (OR = 1,21, p = 0,002) et dans le modèle ajusté (OR = 1,22, p = 0,004).  Les aires sous la courbe entre le WHtR et la NAFLD (0,823 (IC 95% 0,692 – 0,955)) étaient plus grandes qu’entre l’IMC et la NAFLD (0,720 (0,572 – 0,955)) (p = 0,04). Le seuil de 0,5 du WHtR pour prédire la NAFLD montrait la plus haute sensibilité de 86% et spécificité de 55%. L’IMC de 26,6 kg/m² était le meilleur seuil avec une sensibilité de 79% et une spécificité de 57%. L’IMC de 30 kg/m² montrait une sensibilité de 43% et une spécificité de 81%.

Les limites de cette étude sont l’absence de dosage sanguin des enzymes hépatiques et des plaquettes, qui aurait permis le calcul d’un score de fibrose, le manque de données diététiques et d’activité physique et le design transversal de l’étude ne permettant pas d’établir de causalité. Les forces de l’étude consistent en l’utilisation de méthodes de référence pour la composition corporelle (DEXA) et le contenu en lipides du foie (IRM), ainsi que le génotypage des variants pour 95 participants sur les 121 de l’étude.

En conclusion, cette étude montre que les patients vivant avec un DT1 ne sont pas exempts de NAFLD et que le tissu adipeux viscéral est associé au risque de NAFLD après ajustement sur les covariables, incluant le variant rs738409 du gène PNPLA3. De plus, le WHtR pourrait être utilisé comme outil de dépistage de la NAFLD dans cette population.

 

Références

[1] Yki-Järvinen H. Non-alcoholic fatty liver disease as a cause and a consequence of metabolic syndrome. Lancet Diabetes Endocrinol 2014; 2:901–910.
 
[2] Targher G, Mantovani A, Pichiri I, et al. Nonalcoholic fatty liver disease is independently associated with an increased incidence of chronic kidney disease in patients with type 1 diabetes. Diabetes Care 2014; 37:1729–1736.
 
[3] Targher G, Bertolini L, Padovani R, et al. Prevalence of non-alcoholic fatty liver disease and its association with cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. J Hepatol 2010; 53:713–718.
 
[4] Liu Y-L, Patman GL, Leathart JBS, et al. Carriage of the PNPLA3 rs738409 C>G polymorphism confers an increased risk of non-alcoholic fatty liver disease associated hepatocellular carcinoma. J Hepatol 2014; 61:75–81.
 
[5] Petäjä EM, Yki-Järvinen H. Definitions of normal liver fat and the association of insulin sensitivity with acquired and genetic NAFLD—a systematic review. Int JMol Sci 2016; 17:633.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3xqzF2R

vendredi 25 juin 2021

Recommandations SFD/SFC sur le dépistage de l’ischémie myocardique

 

Les nouvelles recommandations de la SFD/SFC du dépistage de la maladie coronaire sont disponibles.

Evaluation du risque et dépistage de la maladie coronaire chez le patient diabétique asymptomatique. Consensus de la Société Française de Cardiologie et de la Société Francophone du Diabète.
À retrouver ici.



from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3vX1DBE

mardi 15 juin 2021

Observance médicamenteuse chez le diabétique : pas si mal finalement

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Mai 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Beernink JM, et al. Biochemical Urine Testing of Medication Adherence and Its Association With Clinical Markers in an Outpatient Population of Type 2 Diabetes Patients: Analysis in the DIAbetes and LifEstyle Cohort Twente (DIALECT). Diabetes Care. 2021:dc202533. doi : 10.2337/dc20-2533

 

Les progrès thérapeutiques et notamment pharmacologiques ont été majeurs dans la prise en charge globale du risque cardiométabolique des patients diabétiques de type 2 (DT2). Mais malgré ces progrès, tous les cliniciens le savent, il reste un écueil majeur à la prise en charge optimale de nos patients : c’est l’observance au traitement. L’inobservance est souvent une source d’échec au contrôle métabolique augmentant ainsi le risque de complications et nécessitant donc une majoration du nombre de traitements ce qui favorise encore plus l’inobservance... Le cercle est vicieux ! Même si l’inobservance pourrait être un facteur de risque de progression de la pathologie, elle est souvent difficile à quantifier car les patients sous-estiment fortement leur non-adhérence aux traitements lors des questionnaires. Dans cette étude, les auteurs ont utilisé la technique de la chromatographie en phase liquide couplée à la spectrométrie de masse (LC-MS/MS) pour détecter dans les urines la présence des 3 classes médicamenteuses les plus courantes chez des diabétiques de type 2 : antidiabétiques, antihypertenseurs et statines. Cette méthode à l’avantage d’être très spécifique (méthode qualitative oui/non sur une molécule) et très sensible (détection de taux faibles avec des seuils d’environ 4 à 6 demi-vies du produit). Cette méthode est celle utilisée par la police scientifique et dans le dopage sportif.
La population étudiée ici est un sous-groupe de la cohorte néerlandaise DIALECT qui a inclus entre 2009 et 2016 des patients DT2 nécessitant un recours à un spécialiste pour déséquilibre glycémique et/ou complications chroniques. Au total, les urines de 457 sujets ont été analysées par LC-MS/MS. Les antidiabétiques détectés étaient les biguanides, les sulfamides (sauf glibenclamide et tolbutamide qui n’ont pas de métabolite urinaire), les inhibiteurs de DPP4 et les thiazolidinediones. Les antihypertenseurs incluaient : les diurétiques, les béta-bloquants, les inhibiteurs calciques, les inhibiteurs de l’enzyme de conversion (IEC) et les sartans. Pour les statines, seules l’atorvastatine et la rosuvastatine ont des métabolites urinaires. L’adhérence au traitement était définie par la détection des 3 classes de traitements dans les urines, l’inobservance par le manque d’au moins une classe.
Les 457 sujets avaient un âge moyen de 64 ans et une durée de diabète de 11 ans. Par classes, l’observance était de : 95,7% pour les antidiabétiques oraux, 92% pour les antihypertenseurs et 95,5% pour les statines. L’observance globale était finalement très correcte avec 408 sujets chez qui les 3 classes étaient présentes dans les urines soit 89,3% des participants. Il y avait peu de différences entre les observants et les inobservants : ces derniers étaient plus souvent fumeurs, avaient une HbA1c et un LDL-C plus élevés et surtout plus de traitements que les sujets observants (8 contre 7 en moyenne). Les objectifs de pression artérielle, de LDL-C et d’HbA1c étaient plus fréquemment atteints par le groupe observant que non observant mais sans différence significative sauf pour l’objectif de LDL-C ≤ 2,5 mmol/l qui était atteint chez 81,1% des observants contre 67,4% des non observants (p=0,029).
Cause ou conséquence : le taux de complications micro et macro-vasculaires était significativement plus important chez les non adhérents (81,6% vs. 66,2%, p=0,029 pour les microangiopathies et 55,1% vs. 37,0%, p=0,014 pour les macroangiopathies).
Les analyses en régression logistique montraient que les déterminants de l’inobservance étaient : un IMC, une HbA1c, un LDL-C plus élevés, une néphropathie diabétique, une pathologie cardiovasculaire et un tabagisme actif.

Ces données montrent donc une bonne observance globale, plutôt surprenante par rapport aux données antérieures disponibles ou à l’expérience pratique de chacun. Il n’y a pas de biais évident ici (population incluse sur la nécessité de recours à un spécialiste du fait d’un diabète mal équilibré et compliqué et non prévenue des tests urinaires). Le système de santé des Pays-Bas où la délivrance des traitements est automatique pourrait expliquer ces bons chiffres. Reste à savoir si de tels chiffres seraient obtenus en France...

 



from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3pVE2je

jeudi 6 mai 2021

Inhibiteurs de SGLT2 et risque de lithiase rénale

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Avril 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Kristensen KB, et al. Sodium-glucose cotransporter 2 inhibitors and risk of nephrolithiasis. Diabetologia 2021 Mar 13. doi : 10.1007/s00125-021-05424-4

 

Les inhibiteurs des co-transporteurs glucose-sodium 2 (iSGLT2) sont de plus en plus utilisés dans le traitement du diabète de type 2 (DT2) [1]. En plus de leur effet sur le contrôle glycémique, les iSGLT2 sont efficaces sur la perte de poids, la diminution de la pression artérielle, l’amélioration du risque d’évènements cardiovasculaires et d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque [2]. Les iSGLT2 augmentent l’excrétion urinaire de glucose via la diminution de sa réabsorption rénale conduisant à une diurèse osmotique et une augmentation du flux urinaire [3]. En théorie, les iSGLT2 réduiraient le risque de lithiase rénale en diminuant la concentration de substances lithogéniques dans les urines.
Les lithiases rénales affectent environ 1 personne sur 11 durant leur vie entière et peuvent entrainer des obstructions rénales, une hydronéphrose et aboutir à une maladie rénale terminale. Puisqu’il est bien connu que le DT2 augmente le risque de lithiase rénale, un effet préventif des iSGLT2 sur les lithiases rénales serait cliniquement important. Les preuves actuellement disponibles sont en fait basées sur les analyses secondaires des grands essais cliniques randomisés [4]. Néanmoins, le faible nombre d’événements lithiasiques recensés dans ces études, avec pour conséquence une puissance insuffisante, ne permet pas de tirer de conclusion définitive sur le sujet. En utilisant les registres danois, les auteurs ont évalué dans une étude de cohorte observationnelle le risque de lithiase rénale associé à l’initiation d’un traitement par iSGLT2.
Les auteurs ont mené une étude de cohorte basée sur la population, comparative, d’initiation de traitement, à partir des registres de santé danois. Ils ont identifié tous les individus danois initiant un traitement par iSGLT2 ou agonistes des récepteurs au GLP1 (AR GLP1) entre le 11 novembre 2012 (date d’approbation du premier iSGLT2 en Europe) et le 31 décembre 2018. Les patients éligibles avaient au moins 40 ans lors de l’initiation du traitement, n’avaient reçu aucune prescription d’iSGLT2 ou d’AR GLP1 avant le début de l’étude, avaient résidé au Danemark en continu pendant au moins 1 an avant le début de l’étude et n’avaient pas d’antécédent de lithiase rénale.
Le critère de jugement principal était l’incidence de la lithiase rénale (définie par la présence d’un calcul dans l’uretère ou le rein). L’exposition aux médicaments était déterminée à partir des registres danois de prescription. Les individus étaient suivis depuis le jour de la première prescription des iSGLT2 ou AR GLP1 jusqu’à l’épisode de lithiase rénale, ou le décès ou l’émigration ou la fin de la période d’étude (soit le 31 décembre 2018). Dans l’analyse principale, les auteurs ont imité une analyse en intention de traiter (c’est-à-dire que les individus restaient dans le groupe exposé tel qu’assigné à l’entrée de l’étude et tout au long du suivi, sans tenir compte de l’interruption du traitement ou de l’initiation du traitement comparateur). L’utilisation des iSGLT2 a inclus à la fois les formulations en monothérapie et en association à la metformine.
Pour ajuster sur les différents facteurs confondants, les auteurs ont utilisé une approche par score de propension à hautes dimensions (qui se basent sur un algorithme standardisé afin de sélectionner les covariables pour lesquelles le score va ajuster). De plus, les auteurs ont forcé l’entrée dans le score de propension de plusieurs variables telles que le sexe, l’année de naissance, l’année d’entrée dans la cohorte, ainsi que 13 variables reflétant la sévérité du diabète ou affectant fortement le risque de lithiase rénale (par exemple la présence d’une rétinopathie diabétique, l’utilisation d’insuline ou de diurétiques thiazidiques…). Le score de propension a été estimé dans une régression logistique avec le traitement par iSGLT2 comme variable dépendante et les covariables précédentes comme variables indépendantes. Les nouveaux utilisateurs d’iSGLT2 ont ensuite été appariés (1 pour 1) selon les scores de propension aux nouveaux utilisateurs d’AR GLP1. Dans les analyses supplémentaires, le risque de récurrence de lithiase rénale a été évalué chez les individus avec un antécédent de lithiase rénale avant l’initiation du traitement.
Les auteurs ont identifié 24 290 patients initiant un traitement par iSGLT2 et 19 576 individus, un traitement par AR GLP1. L’incidence de l’usage d’iSGLT2 a augmenté durant la période d’étude tandis que celle des AR GLP1 est restée stable. Le taux d’incidence de lithiase rénale avant appariement était de 2,5 pour 1000 personnes années (intervalle de confiance à 95% (2,1 ; 3,0)) chez les initiateurs d’iSGLT2 et de 4,2 pour 1000 personnes années (3,7 ; 4,8) chez les utilisateurs d’AR GLP1. Après appariement sur le score de propension, 12 325 paires d’individus ont pu être constituées ; les caractéristiques initiales des patients étaient distribuées de façon égale entre les cohortes appariées avec des différences de moyennes standardisées inférieures à 0,1 pour toutes les covariables d’intérêt. L’âge médian était de 61 ans pour les 2 cohortes et la médiane de suivi était de 2,1 ans (écart interquartile 1,1 ; 3,3) pour les utilisateurs de iSGLT2 et de 1,9 (0,8 ; 3,4) pour les utilisateurs d’AR GLP1. Le taux d’incidence de lithiase rénale était de 2,0 pour 1000 personnes années (1,6 ; 2,6) chez les utilisateurs d’iSLT2 et de 4,0 pour 1000 personnes années (3,3 ; 4,8) pour les utilisateurs d’AR GLP1. La différence de taux d’incidence qui en découle était de -1,9 pour 1000 personnes années (-2,8 ; -1) et le Hazard Ratio (HR) était de 0,51 (0,37 ; 0,71). L’analyse en intention de traiter a permis d’obtenir des résultats similaires avec une réduction du taux d’incidence de lithiase de -2,7 pour 1000 personnes années (-4,2 ; -1,3) et un HR de 0,40 (0,23 ; 0,69). Lorsque les auteurs ont examiné séparément les types d’iSGLT2, ils ont trouvé des résultats similaires que l’analyse principale avec un HR de 0,56 (0,39 ; 0,79) pour la dapagliflozine et de 0,55 (0,36 ; 0,86) pour l’empagliflozine. En limitant la cohorte de comparaison aux individus initiant les AR GLP1 pour le diabète et non pour l’obésité, le HR était de 0,63 (0,46 ; 0,86).
En répétant ces analyses sur une cohorte comparative d’utilisateurs d’inhibiteurs de DPP4 (à la place des utilisateurs des AR GLP1), la différence de taux d’incidence était de -1,5 (-2,6 ; -0,4) par personnes années et le HR était de 0,61 (0,41 ; 0,88).
Concernant le risque de récurrence de lithiase rénale, les auteurs ont identifié 1 418 utilisateurs d’iSGLT2 et 1 181 utilisateurs d’AR GLP1 avec un antécédent de lithiase rénale avant l’initiation des traitements. Après appariement, 731 paires d’individus ont été déterminées. Le taux d’incidence de récidive de lithiase rénale était de 36 pour 1000 personnes années pour les utilisateurs d’iSGLT2 et de 53 pour 1000 personnes années pour les utilisateurs d’AR GLP1, donnant ainsi une différence de taux d’incidence de -17 (-33 ; -1,5), et un HR de 0,68 (0,48 ; 0,97).
Dans cette étude de cohorte nationale, l’initiation d’un traitement par iSGLT2 était associée à une diminution d’environ 50% du risque relatif de lithiase rénale comparée à l’initiation d’un traitement par AR GLP1. Il s’agit de la première étude analysant le risque de lithiase rénale associé aux iSGLT2 en pratique clinique courante. La méta-analyse basée sur l’analyse secondaire de 16 essais randomisés avait retrouvé un odd ratio de 0,85 (0,57 ; 1,26) pour le risque de lithiase rénale associé aux iSGLT2 comparé à un placebo ou à d’autres anti-hyperglycémiants oraux [4]. Cette méta-analyse était néanmoins limitée par le faible nombre d’évènements et le fait que les lithiases rénales n’étaient pas forcément rapportées dans ces études.
Les points faibles de cette étude seraient l’effet confondant de l’obésité (qui est un risque connu de lithiase rénale) mais les analyses statistiques basées sur l’utilisation de scores de propension de hautes dimensions ont permis de limiter ce risque. Une autre faiblesse serait un sous-diagnostic de la lithiase rénale car seules les formes nécessitant une hospitalisation ont été recensées.

En conclusion, les auteurs ont observé un risque de lithiase rénale diminué chez les individus recevant des iSGLT2 comparés à ceux utilisant des AR GLP1 ou inhibiteurs de DPP4. Le traitement par iSGLT2 pourrait donc être utile pour prévenir le risque de lithiase rénale chez les patients diabétiques de type 2.

 

Références

[1] Davies MJ, et al. Management of Hyperglycemia in type 2 diabetes, 2018. A consensus report by the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of diabetes (EASD). Diabetologia 2018; 61: 2461–2498.
 
[2] Patorno E, et al. Empagliflozin and the risk of heart failure hospitalization in routine clinical care: a first analysis from the EMPRISE study. Circulation 2019; 139: 2822– 2830.
 
[3] van Bommel EJM, et al. SGLT2 inhibition in the diabetic kidney—from mechanisms to clinical outcome. Clin J Am Soc Nephrol 2017; 12: 700–710.
 
[4] Cosentino C, et al. Nephrolithiasis and sodium-glucose co-transporter-2 (SGLT-2) inhibitors: a meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Res Clin Pract 2019; 155: 107808.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3nTs2xB

mercredi 31 mars 2021

Sur-risque de pathologie cardiovasculaire chez les femmes normoglycémiques avec antécédent de diabète gestationnel

Auteur : 
Camille Vatier
Date Publication : 
Mars 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Gunderson E, et al. Gestational Diabetes History and Glucose Tolerance After Pregnancy Associated With Coronary Artery Calcium in Women During Midlife The CARDIA Study. Circulation 2021; 143: 974-987. doi : 10.1161/CIRCULATIONAHA.120.047320

 

Le diabète gestationnel (DG) touche 8 à 9% des femmes enceintes aux Etats-Unis [1] et jusque 17 à 20% des femmes enceintes dans le monde [2]. Après la grossesse, le risque pour ces femmes de développer un diabète de type 2 (DT2) est multiplié par un facteur 4 à 7 [3] ; le DT2 est lui-même associé à un sur risque de pathologie cardiovasculaire (CV) et de pathologie coronarienne chez ces femmes ayant eu un DG (risque multiplié par 1,7 à 3) [4]. A ce jour, les données sont controversées concernant le lien entre DG et augmentation du risque CV indépendamment du développement d’un DT2 ultérieur avec un risque relatif nul chez les femmes européennes plus âgées [5] ou un risque multiplié par 1,25 à 2 [6] chez les femmes plus jeunes. Une méta-analyse récente montre que les femmes avec antécédent de DG mais ne développant pas de DT2 ont un risque CV augmenté de 30 à 56% [7]. Cependant, ces données sont à interpréter avec précaution, le classement en DG pouvant être erroné avec un diabète préexistant et l’absence de DT2 ultérieur sous-estimé par le manque d’information à long terme. Le prédiabète est fortement prédictif de DT2, est un facteur de risque de pathologie coronarienne et il pourrait concerner 40% des femmes avec DG [8]. Ces femmes sont peu testées sur le plan glycémique, des autres facteurs de risque / pathologies CV avant et après la grossesse, ce qui complique l’identification d’un lien entre tolérance au glucose et risque CV. L’objectif de cette étude était d’évaluer le lien entre l’histoire de DG et de la tolérance au glucose au décours et la présence de calcifications coronariennes (CAC) (score prédictif du risque CV) chez des femmes d’âge moyen, les hypothèses étant que la détérioration de la tolérance au glucose (développement d’un prédiabète ou d’un diabète) augmente le risque de CAC indépendamment des autres facteurs de risque CV et qu’une histoire de DG est associée à un plus fort risque de CAC même chez les femmes restant normoglycémiques à distance de la grossesse.

L’étude CARDIA (Coronary Artery Risk Developemnt in Young Adults) est une étude américaine mutlicentrique, longitudinale, observationnelle, sur le développement du risque coronaire. Entre 1985 et 1986, 5 115 participants, dont 2 787 femmes âgés de 18 à 30 ans, ont été recrutés dans quatre régions des Etats-Unis. La fidélisation à 15, 20 et 25 ans était de 74%, 72% et 72% pour cette cohorte. Sur l’ensemble des femmes recrutées, 1 392 ont été incluses dans ce travail, ayant eu au moins une naissance après inclusion. Parmi elles, les femmes avec grossesse multiples, diabète préexistant à une première naissance après l’inclusion, ou sans mesure du CAC, ont été exclues. Au total, 1 133 femmes avec mesure des facteurs de risque métabolique avant grossesse, avec 2 066 naissances après l’inclusion, ont été étudiées. A l’inclusion, à 10 ans, à 20 ans et à 25 ans : les facteurs sociodémographiques, le mode de vie (alcool, tabac, activité physique, diététique), l’histoire gynécologique (traitement hormonal de la ménopause…), les mesures anthropométriques, la pression artérielle ont été recueillis ; un prélèvement sanguin à jeun avec mesure de la glycémie à jeun (GAJ), du cholestérol total, des triglycérides (TG), du HDL-cholestérol (HDL-C), du LDL-cholestérol (LDL-C), et une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) avec mesure de la glycémie et de l’insulinémie ont été réalisées avec calcul du HOMA-IR. L’HbA1c était mesurée à 20 ans et 25 ans. Le syndrome métabolique était diagnostiqué en présence de trois des cinq critères NCEP/ATP3. Le score calcique (score CAC) était réalisé à 15, 20 et 25 ans du suivi. Le diabète était défini par une GAJ ≥ 126mg/dL ou une glycémie à 2 heures de l’HGPO ≥ 200mg/dL ou une HbA1c ≥ 6,5% ou la présence d’un traitement anti-hyperglycémiant ; le prédiabète était défini par une GAJ entre 100 et 125 mg/dL ou une glycémie à 2 heures de l’HGPO entre 140 et 199 mg/dL ou une HbA1c entre 5,7 et 6,4% selon les critères de l’American Diabetes Association. A chaque examen, les femmes rapportaient des données concernant leur grossesse : nombre, naissance > 20 semaines d’aménorrhée, date du terme, événement périnatal (DG, hypertension gravidique). Les femmes ont été classées en six groupes : absence de DG/ normoglycémie (groupe de référence) ; absence de DG/ prédiabète ; absence de DG/ diabète ; DG/ normoglycémie ; DG/ prédiabète ; DG/ diabète. Une fois qu’une femme passait dans le groupe avec la plus mauvaise tolérance au glucose, la classification était maintenue jusqu’à la fin du suivi.
La cohorte de 1 133 femmes (49% de noires américaines et 51% de caucasiennes) a eu 2 066 naissances entre l’inclusion et les 25 ans de suivi, 92% survenant dans les 15 premières années, 6,6% entre 15 et 20 ans et 1,4% entre 20 et 25 ans. L’âge moyen de la première naissance après inclusion était de 30,1 ± 4,9 ans et de fin de suivi 47,6 ± 5,9 ans. Un diabète gestationnel a été rapporté par 12,3% des participantes ; 36% des femmes ayant eu un DG ont développé un prédiabète et 25,9% un DT2 contre 35% et 9% respectivement chez les femmes sans DG, p<0,001. Sur les 125 femmes ayant développé un DT2, les femmes ayant eu un DG ont débuté leur DT2 plus tôt que celles n’ayant pas eu de DG (16,7% versus 10,1% avant 15 ans ; p=0,36 et 69,5% versus 47,2% entre 15 et 20 ans, p=0,009).Des CAC ont été détectées chez 16,2% des femmes : chez 24,5% des participantes ayant eu un DG contre 15% de celles sans DG (p=0,005). La proportion de femme avec CAC ne variait pas en fonction des catégories de tolérance au glucose chez les femmes ayant eu un DG mais était d’autant plus élevée que la catégorie de tolérance au glucose s’aggravait chez les femmes sans DG (p=0,003). Parmi les femmes avec une normoglycémie à la fin de l’étude, la proportion de femmes avec CAC était de 12,9% des femmes sans DG et 28,3% des femmes avec DG (p=0,002). Chez les femmes avec un prédiabète ou un diabète à la fin de l’étude, il n’y avait pas de différence de prévalence de CAC en fonction du statut DG. Le score CAC augmentait avec le temps avec une proportion de CAC > 10 plus élevée à 25 ans qu’à 15 ou 20 ans. Les données de score CAC correspondaient aux valeurs attendues pour l’âge des patientes. Parmi les femmes avec DG, l’index HOMA-IR a augmenté dans tous les groupes de tolérance au glucose (p=0,07) sans différence de poids entre les groupes. Parmi les femmes étant resté normoglycémiques au cours du suivi, celles ayant eu un DG avaient une Protéine C-réactive (CRPus) plus élevée que celles n’ayant pas eu de DG mais sans différence du HOMA-IR moyen. L’augmentation du score CAC était associée au développement d’un diabète, d’un syndrome métabolique, d’une hypertension artérielle, de complications gestationnelles, à l’utilisation d’hypolipémiant mais aussi à un IMC, une insulinémie, un HOMA-IR, une CRP us, un LDL-C et des triglycérides plus élevés et à un HDL-C plus bas lors du suivi. En analyse multivariée, le statut de DG était associé à un risque plus élevé de score CAC augmenté : 1,73 (IC95% 1,18-1,52) (ajustement sur l’âge, l’ethnie, la pression artérielle systolique avant grossesse, l’IMC préconceptionnel et le tabagisme). Par rapport aux femmes n'ayant pas d'antécédent de DG et normoglycémiques, le risque de CAC chez les participantes avec antécédent de DG était plus que doublé si elles avaient développé ensuite un prédiabète (HR 2,13 ; IC95% 1,09-4,17) ou un diabète (HR 2,02 ; IC95% 0,98-4,19), mais également si elles étaient revenues à une normoglycémie (HR 2,34 IC 1,34-4,09). En l'absence d'antécédent de DG, le risque de CAC au cours du suivi était augmenté de 54% en cas de développement d'un prédiabète, et multiplié par 2,17 (IC95% 1,3-3,62) en cas de survenue d'un diabète.

Ainsi, cette étude montre pour la première fois que le risque de maladie CV chez des femmes d’âge moyen ayant eu un DG n'est pas diminué si elles reviennent à une glycémie normale après grossesse avec un risque multiplié par 2,  indépendamment des données sociodémographiques, cliniques et du mode de vie. Cela suggère qu’une histoire de DG peut modifier en soi le risque CV indépendamment de la tolérance au glucose ultérieure. Parmi les hypothèses mécanistiques, un antécédent de DG pourrait perturber la physiologie vasculaire via la résistance à l'insuline et l'altération de la sécrétion d'insuline, qui favorisent les plaques athérogènes indépendamment de la dysglycémie. Dans ce contexte, il parait plus que souhaitable que les femmes ayant eu un DG soient dépistés à la fois quant aux facteurs de risque CV  et quant à la pathologie CV elle-même pour une prévention précoce et individualisée.

 

Références

[1] Casagrande SS,  et al. Prevalence of gestational diabetes and subsequent type 2 diabetes among U.S. women.  Diabetes Res Clin Pract. 2018;141:200–208.
 
[2] Vandorsten JP, et al. NIH consensus development conference: diagnosing gestational diabetes mellitus. NIH Consens State Sci Statements. 2013;29:1–31.
 
[3] Bellamy L, et al. Type 2 diabetes mellitus after gestational diabetes: a systematic review and meta-analysis. Lancet. 2009;373:1773–1779.
 
[4] Kramer CK, et al. Gestational diabetes and the risk of cardiovascular disease in women: a systematic review and meta-analysis. Diabetologia. 2019;62:905–914.
 
[5] Heida KY, et al. Earlier age of onset of chronic hypertension and type 2 diabetes mellitus after a hypertensive disorder of pregnancy or gestational diabetes mellitus. Hypertension. 2015;66:1116– 1122.
 
[6] Jaisson S, et al. Increased serum homocitrulline concentrations are associated with the severity of coronary artery disease. Clin Chem Lab Med 2015; 53: 103–110.
 
[7] Tobias DK et al. Association of history of gestational diabetes with long-term cardiovascular disease risk in a large prospective cohort of US women. JAMA Intern Med. 2017;177:1735–1742.
 
[8] Prados M, et al. Previous gestational diabetes increases atherogenic dyslipidemia in subsequent pregnancy and postpartum. Lipids. 2018;53:387– 392.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3m7c95M

vendredi 26 février 2021

L’adversité dans l’enfance influence-t-elle le risque de diabète ?

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Février 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Bengtsson J, et al. Trajectories of Childhood Adversity and Type 1 Diabetes: A Nationwide Study of One Million Children. Diabetes Care. 2021;44:740-747. doi : 10.2337/dc20-1130

 

Le diabète de type 1 (DT1) est une maladie auto-immune dont les mécanismes d’activation restent encore inconnus. Le stress induit par des expériences de malheurs ou d’adversités vécues dans l’enfance est un des facteurs qui pourrait influencer l’activation pathologique du système immunitaire contre les cellules béta productrices d’insuline. En effet, ce stress peut conduire à une dérégulation de la balance immunitaire conduisant à un phénotype pro-inflammatoire [1] mais aussi à une sécrétion accrue de cortisol induisant une pression sur les cellules bêta qui deviendraient plus susceptibles aux attaques auto-immunes [2]. Des études ont ainsi déjà mis en évidence un lien entre adversité et DT1 avec un risque presque 3 fois plus important de développer un DT1 en cas d’exposition à un épisode d’adversité [3] mais avec des limitations dans le nombre de cas et d’autres biais méthodologiques. Les auteurs de cette étude ont déjà montré que seules les filles soumises à un degré important d’adversité avaient un risque plus important de DT1 mais sans analyse du délai entre l’exposition à l’adversité et le début du DT1. Dans cette nouvelle étude, cette équipe danoise a utilisé les données d’un vaste registre national pour analyser l’association entre le niveau et la durée d’exposition à l’adversité et l’apparition d’un DT1.

A partir des formidables registre nationaux danois, tous les enfants nés au Danemark entre 1980 et 1998 et avec des données disponibles sur le niveau d’adversité jusqu’à leur 16 ans ont été inclus soit 1 097 628 sujets. Les facteurs permettant de mesurer le niveau d’adversité étaient recueillis annuellement et incluaient : pauvreté familiale, chômage parental, décès ou maladie somatique ou psychiatrique d’un parent ou d’un membre de la fratrie, famille d’accueil, alcoolisme ou toxicomanie parental et séparation maternelle. A partir de ces données, cinq trajectoires d’adversité ont été définies qui prenaient en compte la durée, la fréquence et l’accumulation de ces facteurs : 1) faible adversité (54% des sujets) ; 2) dénuement matériel avant 5 ans (20%) ; 3) dénuement matériel persistant (13%) ; 4) perte ou menace de perte familial (10%) et 5) adversité élevée et croissante (3%). A noter que les enfants ayant un des parents DT1 ont été exclus (n= 15 635). Les analyses ont été faites séparément selon le sexe et ajustées sur divers facteurs confondants (âge, année de naissance, poids de naissance, DT1 dans la fratrie, origine ethnique…).

Parmi les 1 081 993 sujets analysés, 5 619 ont développé un DT1 durant le suivi dont 1 797 après 16 ans. L’incidence du DT1 n’était pas différente entre les 5 groupes étudiés aussi bien chez les garçons que chez les filles (0,2 à 0,3%). De la même façon, le pic d’incidence du DT1 était d’environ 10 ans chez les filles et 14 ans chez les garçons comme déjà connu. Les seules différences majeures étaient :

  • Un risque 80% significativement plus élevé de DT1 avant 11 ans chez les garçons du groupe 5 (adversité élevée) versus 1 (adversité faible)
  • Un risque significativement 2 fois plus élevé de DT1 après 16 ans chez les filles du groupe 5 (adversité élevée) versus 1 (adversité faible) avec un risque de diabète tardif déjà élevé pour le groupe 4 versus 1 (39%, p<0,05)
 

Cette étude ne montre donc pas d’association claire entre niveau d’exposition à l’adversité et risque de DT1 dans une large population de plus d’un million d’enfants. La seule différence notable est observée chez les 3% de sujets exposés à un niveau d’adversité élevé chez qui le diabète débute plus tôt pour les garçons (avant 11 ans) et plus tard chez les filles (après 16 ans) s’éloignant du pic d’incidence classique de 10 ans chez les filles et 14 ans chez les garçons. Ces résultats ne permettent absolument pas d’expliquer ces observations mais montrent que l’influence d’un haut degré d’adversité sur le risque de DT1 diffère entre filles et garçons. Reste à savoir pourquoi...

 

Références

[1] Faresjö M. The Link between Psychological Stress and Autoimmune Response in Children. Crit Rev Immunol. 2015;35:117-34.
 
[2] Nicolaides NC, Kyratzi E, Lamprokostopoulou A, Chrousos GP, Charmandari E. Stress, the stress system and the role of glucocorticoids. Neuroimmunomodulation. 2015;22:6-19.
 
[3] Nygren M, et al. Experience of a serious life event increases the risk for childhood type 1 diabetes: the ABIS population-based prospective cohort study. Diabetologia. 2015;58:1188-97.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3krEeE3

mercredi 3 février 2021

La testostérone en traitement adjuvant d’un programme d’intervention hygiéno-diététique pour prévenir ou inverser le diabète de type 2 chez les hommes

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Janvier 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Wittert G et al., Testosterone treatment to prevent or revert type 2 diabetes in men enrolled in a lifestyle programme (T4DM): a randomised, double-blind, placebo-controlled, 2-year, phase 3b trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2021; 9:32-45. doi : 10.1016/S2213-8587(20)30367-3

 

Une concentration de testostérone sérique basse est fréquemment retrouvée chez les hommes obèses ou en surpoids et est associée à un risque augmenté d’apparition de diabète de type 2 (DT2) [1]. Dans une revue systématique et une méta-analyse, les hommes ayant une concentration de testostérone sérique supérieure à 15,5 nmol/l (447 ng/dl) ont un risque diminué de DT2 comparé à ceux ayant un taux inférieur ou égal à 15,5 nmol/l [2]. Si une perte de poids induite par un programme diététique est connue pour induire une rémission durable de l’intolérance au glucose et du DT2 d’installation récente [3], elle est également associée à une modeste remontée des taux de testostérone chez les hommes obèses ayant une testostérone diminuée sans pathologie hypothalamo-hypophysaire ou testiculaire connue [4]. Dans une étude observationnelle de 229 hommes avec des concentrations initiales de testostérone inférieures ou égales à 12,1 nmol/l (349 ng/dl), un traitement de 8 ans ou plus par injection intramusculaire d’undécanoate de testostérone a permis de prévenir la progression du prédiabète vers le DT2 et d’améliorer le métabolisme glucidique chez les patients DT2 [5]. Il n’existait pas d’essai randomisé contrôlé évaluant le traitement par testostérone pour prévenir ou inverser le DT2 chez des hommes obèses ou en surpoids avec des niveaux sériques bas en cette hormone. Les auteurs ont donc comblé cette lacune en évaluant l’efficacité et la sécurité de ce traitement hormonal contre placebo, en adjuvant d’un programme diététique et d’activité physique sur une durée de 2 ans.

L’étude T4DM (Testosterone for Diabetes Mellitus) était un essai randomisé contrôlé contre placebo en double aveugle de deux ans, de phase 3b, ayant été menée dans 6 centres australiens de troisième recours. Les critères d’éligibilité étaient des hommes âgés de 50 à 74 ans, avec un tour de taille supérieur ou égal à 95 cm, qui avaient soit une intolérance au glucose (glycémie à 2h au cours d’une HGPO entre 7,8 et 11,1 mmol/l) soit un DT2 nouvellement diagnostiqué (glycémie à 2h au cours d’une HGPO entre 11,1 et 15,0 mmol/l) et pour qui l’intervention diététique était possible. Ajouté à cela, les participants devaient avoir un taux de testostérone inférieur à 14,0 nmol/l (40,3 ng/dl). Quelques modifications mineures du protocole ont été effectuées concernant ce seuil de testostérone (abaissé à 13,0 nmol/l), le seuil de glycémie à 2h de l’HGPO (10 patients ont été inclus avec une glycémie à 2h à 7,7 mmol/l et plusieurs autres avec un seuil supérieur à 15,0 mmol/l). Les participants n’étaient pas inclus s’ils étaient à haut risque de faire un évènement cardiovasculaire. Les autres critères d’exclusion incluaient la prise d’un traitement par testostérone dans les 12 mois précédents ou si l’indication de ce traitement était une pathologie de l’axe hypothalamo-hypophysaire et testiculaire, toute prise de médication affectant l’axe hypothalamo-hypophysaire et testiculaire, toute pathologie psychiatrique grave, pathologie maligne récente ou en cours, infection virale chronique, perturbations du bilan hépatique, insuffisance rénale, antécédent de chirurgie bariatrique, traitement par médicaments anti-obésité dans les 6 mois précédents, abus de substances dans les 6 derniers mois et diagnostic ancien de DT1 ou DT2. Les patients étaient recrutés par une infirmière d’étude et randomisés (1:1) dans le bras placebo ou testostérone via un système de randomisation centralisé en ligne. La randomisation était stratifiée sur l’âge, le sexe, le centre, le tour de taille, la glycémie à 2h de l’HGPO, la consommation de tabac et l’antécédent familial de DT2 au premier degré. Les participants et tous les personnels de l’étude ignoraient quel traitement leur était administré. Tous les sujets participaient à un programme d’intervention diététique de 2 ans, réalisé par Weight Watchers (WW). Ce programme offrait un site web interactif ainsi que des réunions hebdomadaires. Les participants étaient invités à utiliser ces deux ressources. Le site web prodiguait des conseils diététiques, des guides d’activité physique, leur donnait des outils pour s’autoévaluer, au niveau des apports caloriques, de la quantité d’activité physique et des modalités de pesée. L’adhésion au programme était évaluée par leur présence ou non à chaque réunion et par la connexion au site ou non. L’undécanoate de testostérone (1000 mg [4 ml]) ou le placebo était administré par injection intramusculaire dans le quadrant supéro-externe du muscle glutéal par l’infirmière d’étude du centre, initialement, à 6 semaines, et ensuite tous les 3 mois pendant 2 ans. Des prises de sang étaient effectuées avant chaque injection. L’activité physique était évaluée par questionnaire validé (Active Australian Survey) qui comprenait 8 questions évaluant la pratique de différents types d’activité physique ainsi que leur intensité et leur durée. A partir de ce questionnaire, il était déterminé si un participant faisait suffisamment d’exercice (c’est-à-dire >150 minutes d’exercice par semaine) à 2 ans.
Les critères de jugement principaux à 2 ans étaient : apparition d’un DT2 (glycémie à 2h de l’HGPO ≥ 11,1 mmol/l) et les changements moyens de la glycémie à 2h de l’HGPO, en analyse en intention de traiter. Les critères secondaires étaient nombreux et incluaient : normalisation de la glycémie à 2h de l’HGPO, l’instauration d’un traitement antidiabétique, l’adhésion au programme hygiéno-diététique, le fait de faire suffisamment d’exercice, et les changements à 2 ans des paramètres suivants : glycémie à jeun, HbA1c, poids, tour de taille, composition corporelle (mesurée par absorptiométrie biphotonique), force musculaire de préhension (mesurée par un dynamomètre), doses des hormones stéroïdiennes, fonctions sexuelle et prostatique mesurées par questionnaires validés.

L’évaluation de la sécurité du traitement a été réalisée par la surveillance masquée de l’hématocrite et des PSA, en plus du recueil habituel des évènements indésirables.

Entre février 2013 et février 2017, 19 022 hommes ont été recrutés, 1007 (5%) ont été randomisés, soit dans le bras placebo (n = 503), soit dans le bras testostérone (n = 504). Les caractéristiques initiales des participants étaient similaires dans les 2 groupes. La dernière visite de suivi a eu lieu en mai 2019 et les données d’HGPO à 2 ans étaient disponibles pour 413 (82%) des 503 participants du groupe placebo et 443 (88%) des 504 participants du groupe testostérone. Sur ces 856 hommes, 172 (20%) avaient un DT2 initialement.

Au bout de deux ans, une glycémie à 2h de l’HGPO ≥ 11,1 mmol/l a été retrouvée chez 87 (21%) des 413 patients avec des données disponibles dans le groupe placébo et 55 (12%) des 443 participants dans le groupe testostérone, soit un risque relatif (RR) à 0,59 ; intervalle de confiance (IC) à 95% (0,43 ; 0,8) p = 0,0007). La variation moyenne de la glycémie à 2h de l’OGTT était de -0,95 mmol/l (±2,78 (écart type)) dans le groupe placebo et de -1,7 mmol/l (±2,47) dans le groupe testostérone (différence moyenne -0,75 mmol/l, (-1,10 ; -1,4) p < 0,0001). L’effet du traitement était indépendant du niveau initial de testostérone. La corrélation observée entre ces deux groupes était de 0,75 (0,72 à 0,78). Concernant les critères de jugement secondaires, une plus grande proportion de participants dans le groupe testostérone avait une normalisation de la glycémie à 2h de l’HGPO à 2 ans mais l’HbA1c était similaire dans les 2 groupes. Le groupe testostérone avait une diminution plus marquée de la glycémie à jeun, du tour de taille, de la masse grasse totale et une augmentation plus marquée de la masse musculaire totale et de la force de préhension mesurée par hand grip-test, comparées au groupe placebo. Le test international des fonctions érectiles montrait également une amélioration du score dans le groupe testostérone, comparé au placebo, tandis qu’il n’y avait pas eu de différence inter groupes dans le score international de symptômes prostatiques.

Concernant les mesures de sécurité, comparées au groupe placebo, il y a eu une augmentation dans la variation à 2 ans de l’hématocrite (4%, (3-4)) et des PSA (0,3 ng/ml, (0,2-0,4) p< 0,0001, tous les deux). Un taux d’hématocrite supérieur au seuil de sécurité de 54% a été observé chez 6 (1%) des 484 participants dans le groupe placebo et 106 (22%) des 491 participants dans le groupe testostérone. Une augmentation minimale de 0,75 µg/ml des PSA a été observée chez 87 (19%) des 468 participants dans le groupe placebo et 109 (23%) des 480 participants dans le groupe testostérone. Des évènements graves se sont produits chez 37 (7,4% (5,4 à 10,0) des 503 participants du groupe placebo et 55 (10,9% (8,5 – 13,9)) des 504 patients du groupe testostérone. Il y a eu également deux décès dans chaque groupe.

Les forces de l’étude sont la durée assez longue de 2 ans, le fort taux de participation des participants, l’inclusion d’un programme diététique et d’activité physique reconnu comme efficace pour la prévention du DT2 chez l’homme, l’administration directe du traitement par l’infirmière de l’étude au moment de la visite au centre de recherche, et deux critères de jugement principaux basés sur une HGPO, plutôt que sur la glycémie à jeun ou l’HbA1c. Le taux d’abandon de 15% est faible par rapport aux études de perte de poids par pharmacothérapie d’une durée de 2 ans.

Les limites de l’étude sont l’exclusion des hommes avec un hypogonadisme relié à une pathologie, le fait que l’adhésion au programme Weight Watchers et d’activité physique soit auto-rapportée, l’absence d’ajustement pour les comparaisons multiples, le fait que certains participants aient arrêté le traitement par testostérone puis repris et aient eu l’HGPO à 2 ans.

Les auteurs soulignent bien que ni les bénéfices ni la sécurité de cette étude ne peuvent être généralisés au-delà cette population à relativement bas risque, avec un programme concomitant d’hygiène de vie et avec un suivi étroit. De plus, vue la fréquence de l’augmentation de l’hématocrite induite par le traitement, il semble prudent, selon les auteurs, de vérifier l’absence d’hématocrite élevée ou les facteurs de risque d’augmentation avant de débuter un traitement par testostérone.

Le traitement par testostérone pendant deux ans permet donc de diminuer la proportion de participants ayant un DT2, en plus des effets d’un programme d’intervention hygiéno-diététique. L’augmentation de l’hématocrite est un facteur limitant du traitement. La durabilité, la sécurité et les effets cardiovasculaires à long terme de l’intervention restent à être étudiés.

 

Références

[1] Gyawali P, Martin SA, Heilbronn LK, Vincent AD et al. The role of sex hormone-binding globulin (SHBG), testosterone, and other sex steroids, on the development of type 2 diabetes in a cohort of community-dwelling middle-aged to elderly men. Acta Diabetol 2018; 55: 861-872.
 
[2] Ding EL, Song Y, Malik VS et al. Sex differences of endogenous sex hormones and risk of type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2006; 295: 1288-99.
 
[3] Lean MEJ, Leslie WS, Barnes AC et al. Durability of a primary care-led weight-management intervention for remission of type 2 diabetes: 2-year results of the DiRECT open-label, cluster-randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019; 7: 344-355.
 
[4] Grossmann M. Low testosterone in men with type 2 diabetes: significance and treatment. J Clin Endocrinol Metab 2011; 96: 2341-53.
 
[5] Yassin A, Haider A, Haider KS et al. Testosterone Therapy in Men With Hypogonadism Prevents Progression From Prediabetes to Type 2 Diabetes: Eight-Year Data From a Registry Study. Diabetes Care 2019; 42: 1104-1111.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3jfDOAo