vendredi 1 mars 2024

Durée optimale et type d’activité physique pour améliorer l’équilibre glycémique chez les personnes atteintes de diabète de type 2 : revue systématique et méta-analyse

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Février 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Daniel Gallardo-Gomez & al., Optimal Dose and Type of Physical Activity to Improve Glycemic Control in People Diagnosed With Type 2 Diabetes: A Systematic Review and Meta-analysis. Diabetes Care. 2024;47(2):295–303. doi : 10.2337/dc23-0800

 

L’activité physique permet une diminution de la mortalité, de la morbidité et l’amélioration de paramètres cliniques et biologiques tels que l’hémoglobine glyquée (HbA1c). Des sociétés savantes ou d’autres institutions comme l’OMS recommandent la pratique d’au moins 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée ou de 75 minutes d’activité physique « vigoureuse » par semaine [1]. Des méta-analyses se sont intéressées à l’efficacité de différents types d’activité physique [2], mais aucune n’a évalué la « dose » optimale d’activité physique pour améliorer l’HbA1c chez les personnes atteintes de diabète. Les auteurs se sont donc intéressés à la variation de l’HbA1c selon la quantité d’activité physique pratiquée, en prenant en compte l’HbA1c initiale des patients.

Les auteurs ont effectué une revue systématique de la littérature dans les bases de données Embase, MEDLINE, Scopus, CINAHL, SPORTDiscus et Web of Science. Les critères d’inclusion des articles étaient 1) essai randomisé contrôlé, 2) comportant des patients avec un diabète de type 2 (DT2), 3) avec évaluation de l’effet de l’activité physique, 4) avec groupe contrôle qui recevait un traitement classique ou un autre type d’activité physique, 5) avec une valeur d’HbA1c pour déterminer le contrôle glycémique. Ont été exclues les études avec plusieurs types d’intervention (par exemple activité physique et équilibre alimentaire), celles dont les patients avaient des comorbidités sévères et où l’activité physique durait moins de 4 semaines. Les auteurs ont ensuite distingué les études selon qu’elles s’intéressaient à l’activité physique générale ou à un certain type d’activité physique. Les analyses ont également été stratifiées en fonction de l’HbA1c de départ d’après des catégories définies par l’American Diabetes Association : < 6,5% (« pré-diabète »), entre 6,5 et 7% (« DT2 contrôlé »), entre 7 et 8% (« DT2 non contrôlé »), et > 8% (« DT2 sévère non contrôlé »). La quantité d’activité physique était exprimée en MET minutes par semaine, le MET (pour Metabolic Equivalent of Task) permettant de calculer la dépense énergétique d’une activité physique spécifique. Celle-ci était obtenue en multipliant le MET de l’activité physique principale de l’étude par la durée d’une session et par le nombre de sessions par semaine.

Les auteurs ont ensuite déterminé la quantité d’activité physique qui correspondait à la plus grande réduction d’HbA1c dans chaque catégorie, ainsi que la dose minimale nécessaire pour changer de catégorie (pour passer de la catégorie DT2 non contrôlé à DT2 contrôlé, par exemple) et la dose maximale tolérée, c’est-à-dire la dose à partir de laquelle l’effet de l’activité physique est nul ou délétère.

La revue systématique a permis d’identifier 4 633 articles potentiels (doublons exclus), dont 484 correspondaient aux critères et ont été lus. Au final, 126 études (6 718 participants) ont été incluses dans la méta-analyse. Les patients avaient en moyenne 58 ans et 46,2% étaient de sexe masculin. Ils avaient un diabète diagnostiqué depuis 7,6 ± 3,8 ans et une médiane d’HbA1c à 7,5%. Sur l’ensemble des participants, 199 étaient dans la catégorie « pré-diabète », 1 253 dans la catégorie « DT2 contrôlé », 3 820 dans la catégorie « DT2 non contrôlé » et 1 446 dans la catégorie « DT2 sévère non contrôlé ». Les auteurs ont observé une relation dose-effet de l’activité physique sur l’HbA1c, non linéaire, dessinant une courbe en J. La dose optimale d’activité physique était de 1 100 MET min/semaine dans toutes les catégories, avec une réduction d’HbA1c de -1,02% à -0,66% pour le DT2 sévère non contrôlé, de -0,64% à -0,49% pour le DT2 non contrôlé, de -0,47% à -0,4% pour le DT2 contrôlé et de -0,38% à -0,24% pour le pré-diabète. La quantité minimale d’activité physique variait entre 150 MET min/semaine (HbA1c de départ 8,1%) à 810 MET min/semaine (HbA1c à 8,6%)  pour passer de la catégorie DT2 sévère non contrôlé à la catégorie DT2 non contrôlé ; entre 330 MET min/semaine (HbA1c à 7,1%) et 990 MET min/semaine (HbA1c à 7,5%) pour passer de la catégorie DT2 non contrôlé à la catégorie DT2 contrôlé ; entre 570 MET min/semaine (HbA1c 6,6%) et 900 MET min/semaine (HbA1c 6,8%) pour passer de la catégorie DT2 contrôlé à la catégorie pré-diabète.

Concernant le risque de biais, 28 études étaient considérées à faible risque, 34 présentaient un risque indéterminé et 64 présentaient un risque de biais important. Les auteurs ont conduit une analyse de sensibilité en prenant uniquement en compte les études à faible risque de biais, et retrouvaient un effet dose-réponse similaire.

Cette quantité optimale d’activité physique déterminée par les auteurs est nettement supérieure aux recommandations actuelles. En effet, 1 100 MET min/semaine correspondent à une moyenne de 244 min/semaine d’activité physique d’intensité modérée ou à 157 min/semaine d’activité physique vigoureuse. Les effets de l’activité physique sur l’HbA1c peuvent être expliqués par différents phénomènes physiologiques, tels que l’augmentation de la captation de glucose par les muscles squelettiques, la diminution de la production de cytokines, l’amélioration de la fonction endothéliale et de la fonction cardiaque. Cependant, il existe une variabilité interindividuelle importante concernant les variations de glycémie induites par l’activité physique [3]. La quantité d’activité physique optimale déterminée ici, exprimée en MET min/semaine, permet de déterminer la durée d’activité physique optimale pour chaque type d’activité physique si son équivalent métabolique est connu, ce qui concourt à individualiser les recommandations faites aux patients en fonction de leurs besoins et préférences, et pourrait améliorer leur adhésion à la pratique d’une activité physique régulière.

Les limites de cette étude sont i) la présence d’hétérogénéité concernant les protocoles selon les études, ii) l’absence de données à l’échelle individuelle, amenant les auteurs à faire des moyennes concernant les valeurs d’HbA1c, iii) le faible nombre de données disponibles concernant les quantités d’activité physique supérieures à 1 100 MET min/semaine, conduisant les auteurs à extrapoler l’effet d’une activité physique plus importante, iv) l’impossibilité de déterminer la durée nécessaire pour atteindre le changement souhaité d’HbA1c, du fait d’une variabilité interindividuelle importante.

En conclusion, cette méta-analyse a identifié une relation non linéaire entre activité physique et HbA1c chez les patients présentant un DT2, avec une dose optimale de 1 100 MET min/semaine. Ce seuil, bien que supérieur aux recommandations actuelles, pourrait permettre une meilleure adhésion des patients à l’activité physique, en leur proposant des programmes adaptés à leurs besoins et envies.

 

Références

[1] American College of Sports Medicine. ACSM’s Guidelines for Exercise Testing and Prescription. Lippincott Williams &Wilkins, 2013, p. 456.
 
[2] Liu Y, Ye W, Chen Q, et al. Resistance exercise intensity is correlated with attenuation of HbA1c and insulin in patients with type 2 diabetes: a systematic review and meta-Analysis. Int J Environ Res Public Health. 2019 Jan 7;16(1):140.
 
[3] Solomon TPJ. Sources of Inter-individual Variability in the Therapeutic Response of Blood Glucose Control to Exercise in Type 2 Diabetes: Going Beyond Exercise Dose. Front Physiol. 2018 Jul 13;9:896.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/1eCMYBT