jeudi 26 septembre 2019

Steno-2 : encore un bénéfice sur les AVC et la mortalité 21 ans après

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Septembre 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Gæde P et al. Beneficial impact of intensified multifactorial intervention on risk of stroke: outcome of 21 years of follow-up in the randomised Steno-2 Study. Diabetologia 2019;62 :1575-1580. doi: 10.1007/s00125-019-4920-3

 

Le risque de survenue d’un AVC au cours de la vie a été estimé à 24,9% dans la population, selon une étude menée en 2016 [1]. Les événements vasculaires cérébraux sont plus fréquents chez les patients diabétiques de type 2 (DT2) comparés à ceux indemnes de diabète. Bien que le risque d’AVC chez les patients DT2 ait diminué, la prévalence des AVC augmente due à l’inflation des cas de DT2 dans le monde [2]. L’importance d’une intervention intensifiée sur tous les facteurs de risque dans le traitement du DT2 a été mise en évidence dans l’étude Steno-2. Dans cette étude, une augmentation de la durée de vie médiane de 7,9 ans ainsi qu’une diminution significative du nombre d’évènements cardiovasculaires majeurs, d’insuffisance cardiaque et de complications microvasculaires ont été observées chez les patients bénéficiant d’un traitement intensifié de leurs facteurs de risque comparé au traitement conventionnel [3].

Dans cette analyse post-hoc, le but était de comparer le temps d’apparition du premier AVC entre le groupe ayant bénéficié d’un traitement intensifié des facteurs de risque et le groupe ayant reçu un traitement conventionnel dans l’étude Steno-2.

L’étude Steno-2 a été réalisé entre 1992 et 1993, et a inclus 160 patients diabétiques de type 2 et ayant une microalbuminurie. Ils ont été randomisés en 2 groupes : l’un recevant un traitement conventionnel et l’autre un traitement intensifié ciblant de façon concomitante les facteurs de risque cardiovasculaires (n=80 dans chaque groupe). La durée moyenne du traitement était de 7,8 années. Après ces 7,8 années, la partie randomisée de l’étude s’est terminée et tous les individus ont ensuite reçu un traitement intensifié, pour une période observationnelle additionnelle de 13,4 années. Le critère primaire d’analyse était le moment de survenue du premier AVC, les critères secondaires étaient un critère combiné du moment de survenue de décès par AVC ou évènement cardio-vasculaire ainsi qu’un second critère combiné de mort par AVC et toute autre cause de mortalité. Les cas d’accidents ischémiques transitoires (AIT) ont été ajoutés aux critères secondaires sus cités.

Durant la période de suivi de 21,2 années, 30 individus ont eu 39 AVC. Les patients du groupe traitement conventionnel avaient plus de risque d’avoir un AVC, avec au total 29 évènements se produisant chez 21 individus (26%), contre 10 AVC chez 9 individus (11%) dans le groupe traitement intensifié. Le risque d’AVC était significativement réduit dans le groupe traitement intensifié par rapport au groupe conventionnel (HR 0,31 (0,14 ; 0,69)). Le profil était similaire pour les AIT et le critère combiné AVC + AIT. Les auteurs ont également montré que les patients du groupe traitement intensifié avait un moindre risque de mortalité cardiovasculaire et par AVC (n = 55 ; HR 0,36 (0,20 ; 0,63)) ainsi que de mortalité par AVC et toute cause (n = 101 ; HR 0,46 (0,31 ; 0,69)). Le temps médian de survenue d’un AVC ou de décès était de 19,9 années dans le groupe intensif et de 11,4 ans dans le groupe conventionnel. Dans le groupe intensif, 4 (11%) des 35 participants victimes d’évènement cardiovasculaire ont eu leur premier évènement cardiovasculaire sous la forme d’un AVC, tandis que c’était le cas pour 14 des 51 individus (27%) dans le groupe traitement conventionnel. Sur les 39 AVC évalués dans l’étude, 35 étaient ischémiques et les 4 autres étaient hémorragiques ; parmi ceux-ci, 2 étaient le premier AVC chez un patient de chaque groupe, et les 2 autres étaient récurrents chez 2 individus du groupe conventionnel.

Cette étude montre une fois encore l’intérêt majeur d’une intervention multifacettes et intensifiée sur les facteurs de risque cardiovasculaires chez les patients DT2 et microalbuminuriques, en accord avec les recommandations EASD/ADA.

Les auteurs avaient déjà précédemment montré une nette diminution du risque de progression de la néphropathie diabétique dans le groupe intensifié de cette même étude Steno-2 [3]. Ici, ils font l’hypothèse que cette intervention préviendrait d’avantage les petits infarctus lacunaires associés à la microangiopathie cérébrale, alors que les AVC thromboemboliques avec des symptômes plus sévères et de pronostic sombre, seraient prévenus dans de moindres proportions. La force principale de cette étude est l’exhaustivité des données cliniques, les principales faiblesses en sont la relative petite taille des groupes et le fait que cette population soit à haut risque cardiovasculaire (DT2 et microalbuminurie). L’amplitude de la réduction du risque démontrée ici ne peut être applicable à une population ayant un risque cardiovasculaire inférieur. Les auteurs soulignent aussi que puisque tous les individus ont reçu un traitement intensif après la phase randomisée, les effets mesurés sont probablement une sous-estimation des vrais effets.

Cette étude démontre bien que l’AVC est une complication fréquente et potentiellement létale chez les individus DT2 et microalbuminuriques, et qu’une intervention thérapeutique « musclée » de tous les facteurs de risque cardiovasculaires permet une protection à long terme vis-à-vis du risque de survenue et de récurrence des évènements cérébraux-vasculaires.

 

Références

[1] The GBD 2016 Lifetime Risk of Stroke Collaborators Global, regional, and country-specific lifetime risks of stroke, 1990 and 2016. N Engl J Med 2018;379: 2429–2437.
 
[2] Gregg EW, Li Y, Wang J et al. Changes in diabetes-related complications in the United States, 1990–2010. N Engl J Med 2014;370: 1514–1523.
 
[3] Gæde P, Oellgaard J, Carstensen B et al. Years of life gained by multifactorial intervention in patients with type 2 diabetes mellitus and microalbuminuria: 21 years follow-up on the Steno-2 randomised trial. Diabetologia 2016;59: 2298–2307.
 


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