mardi 29 janvier 2019

Le volume pancréatique, nouveau biomarqueur prédictif de la progression du diabète de type 1 ?

Auteur : 
Camille Vatier
Date Publication : 
Janvier 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Campbell-Thompson ML et al. Relative Pancreas Volume Is Reduced in First-Degree Relatives of Patients With Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2018. doi: 10.2337/dc18-1512

 

Malgré les avancées diagnostiques et thérapeutiques dans le diabète de type 1 (DT1), la prise en charge de cette pathologie reste très coûteuse [1]. L’incapacité à préserver les cellules bêta pancréatiques sur le long terme pour prévenir le DT1 reste une problématique fondamentale non résolue dans la physiopathologie du DT1 au stage préclinique. Depuis plus de cent ans, différents travaux rapportent une diminution de la taille du pancréas dans le diabète à partir d’études autopsiques [2,3] et radiologiques (échographie, scanner, IRM) avec des diminution de 31 à 52% chez des DT1 anciens et de 26 à 31% chez des DT1 récents. Les ilots pancréatiques ne représentant que 1 à 2% du volume pancréatique fonctionnel, la diminution de volume est donc secondaire à une diminution du volume exocrine. Cette réduction de volume a également été retrouvée chez des donneurs d’organe ayant un anticorps positif pour le diabète de type 1 (AcDT1) [4]. Ces résultats suggèrent que la diminution de la taille du pancréas est parallèle à la diminution de la masse cellulaire bêta. D’autres études ont également montré une diminution des fonctions exocrines mais sans retentissement clinique (diminution de la chymotrypsine et de l’élastase) chez des patients DT1 récents. Les hypothèses expliquant cette diminution de taille du pancréas dans le DT1 sont i) la perte de l’effet insulinotrophique sur les cellules acineuses, ii) la destruction immunologique du tissu pancréatique exocrine, iii) les interactions épigénétiques, génétiques et environnementales [5]. Les avancées dans la technologie de l’IRM continuent d’améliorer la qualité de l’interprétation pancréatique, l’IRM étant devenu un outil diagnostic indispensable pour les pathologies pancréatiques [6]. L’objectif de cette étude était de mesurer par IRM le volume pancréatique (VP) des apparentés du premier degré (APD) avec ou sans AcDT1 et de le comparer à celui de sujets contrôles, n’ayant pas d’histoire familiale de DT1, et de sujets DT1.
Les contrôles (non diabétiques et sans AcDT1) et les patients (DT1 de diagnostic inférieur à un an selon les critères de l’American Diabetes Association) incluent dans cette étude étaient des sujets âgés de 8 à 50 ans,  suivis à la Polyclinique de l’Université de l’Institut du Diabète de Floride. Les APD ont été recrutés par le réseau d’essais du National Institutes of Health, avec un âge limite de 45 ans (âge seuil pour le dosage des anticorps) et ils ont été classés en fonction des résultats de leurs anticorps du DT1 (négatif, un seul anticorps ou multiples anticorps). Les critères d’exclusion comportaient les antécédents d’insuffisance pancréatique exocrine et de pancréatites. Les sujets de l’étude ont été examinés avec recueil de l’histoire médicale, de l’ethnie, du poids, de la taille et avec réalisation d’une IRM abdominale de 45 minutes, sans injection de produit de contraste et sans sédation, après au moins quatre heures de jeune. Toutes les IRM ont été réalisées sur le même appareil. Un total de cinquante deux coupes contiguës centrées sur la région du pancréas a été obtenu et le VP a été calculé après délimitation manuelle du pancréas sur chaque coupe par des spécialistes de l’IRM pancréatiques (trois pour l’étude). Une reconstitution en séquence tridimensionnelle permettait une meilleure résolution, et la mesure d’un coefficient de corrélation interobservateur (ICC) à partir de cinq IRM de sujets confirmant un niveau élevé de concordance (0,86 [IC 95% 0.56, 0.97]). Le VP relatif à l’IMC (RVPIMC) était calculé en divisant le VP par l’IMC. Des tests sanguins incluant dosage de l’HbA1c, de la glycémie à jeun, du Peptide C, du trypsinogène et des AcDT1 (anti-GAD, anti-IA2, anti-Znt8 et anti-insuline) étaient réalisés.
Parmi les 246 sujets recrutés dans cette étude, 12 ne correspondaient pas aux critères d’inclusion (4 DT1 > 45 ans, 7 sans histoire familiale de DT1 et 1 sans sous-groupe attitré), 5 n’ont pas eu d’IRM (3 à cause d’un problème de maintenance de l’IRM, 2 refusant finalement l’examen). Au total, 229 sujets correspondaient aux critères d’inclusion entre 2014 et 2017 avec : 49 sujets contrôles (pas de diabète, pas d’APD diabétique), 61 APD sans anticorps (APD AcDT1-), 31 APD avec un anticorps (APD AcDT1+), 36 APD avec plusieurs anticorps (APD AcDT1++) et 52 DT1 de diagnostic récents. Parmi eux, 44% d’hommes, d’âge moyen 19,6 ans ± 10,5, ancienneté du DT1 0-363 jours avec une moyenne de 175 ± 105 jours. Dans chacun des cinq groupes, l’IMC et le poids augmentaient avec l’âge tandis que le VP augmentait (de la même façon dans les différents groupes sauf celui des DT1 de diagnostic récents). Le poids et la taille étaient significativement et indépendamment associés au VP, motivant le calcul du RVPIMC. Une tendance linéaire significative du RVPIMC était retrouvée entre les groupes (p<0,0001 avec un volume moyen de 3,9 ± 1 ,1 dans le groupe contrôle ; 3,5 ± 0,9 dans le groupe APD AcDT1- ; 3,3 ± 1,1 dans le groupe APD AcDT1+ ; 3.0 ± 1.0 dans le groupe APD AcDT1++ et 2.5 ± 0.2 dans le groupe DT1 de diagnostic récent). Les analyses comparant chaque groupe avec le groupe contrôle non DT1 après ajustement sur l’âge et le sexe retrouvaient, indépendamment du statut immunologique, un VPIMC plus bas par rapport aux contrôles (p≤ 0,01). La distribution du VP a été analysée en fonction du nombre d’anticorps positifs (0, 1, 2, 3 ou 4). Le VP des patients présentant 3 ou 4 AcDT1 étaient plus faibles que celui  des patients ayant 1 ou 2 AcDT1. Par contre, le RVPIMC n’était pas linéairement associé à la durée du diabète dans le groupe DT1. Concernant les paramètres des fonctions endocrines et exocrines, les patients du groupe DT1 avaient une HbA1c et une glycémie à jeun plus élevées avec un peptide-C diminué en comparaison avec les autres groupes ; la concentration en trypsinogène était également diminuée dans le groupe DT1 (p≤0,029).

Cette étude a mesuré pour la première fois de façon non invasive le volume pancréatique des apparentés du premier degré de patients DT1 avec anticorps négatifs et montre qu’il est plus faible que celui des sujets contrôles non DT1, non apparentés à des DT1 et sans AcDT1. Elle confirme la diminution du VP chez les APD des DT1 avec AcDT1 positifs. Ces résultats soulignent la complexité des interactions entre les compartiments endocrine et exocrine du pancréas dans le DT1, et suggèrent qu’un pancréas plus petit pourrait être un facteur prédisposant au DT1 chez des APD. Les mécanismes conduisant à cette réduction de volume du pancréas résultent probablement de nombreuses interactions environnementales (in utero, dans l’enfance, à la puberté) qui pourraient moduler la croissance pancréatique et le risque de progression vers le DT1. Les gènes modulant le risque de DT1 concernent en particulier des déterminants majeurs des molécules de classe 2 du complexe HLA [7]. Ces gènes pourraient avoir un impact dans l’immunité exocrine innée contre les facteurs environnementaux incluant les virus ou bactéries. D’autres études examinant les relations entre les gènes HLA et le VP sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse. De plus, une inflammation infra clinique exocrine pancréatique a été décrite chez des donneurs d’organe DT1, suggérant une pancréatite infra clinique pouvant contribuer à la réduction du VP [8]. Cette étude confirme les données préexistantes dans le DT1 de diagnostic récent  avec une diminution significative du VP, mais elle ne retrouve pas de corrélation entre cette diminution et la durée du diabète, les études antérieures étant controversées sur le sujet avec une absence de corrélation [9] ou une corrélation positive [10]. Ces résultats discordants sont probablement le fait de différences méthodologiques notamment concernant les techniques radiologiques (à jeun ou non) et aussi du fait de la variabilité individuelle du VP. Pour répondre à cette question, des études longitudinales sont nécessaires avec mesure du VP au cours du temps, ces études pourraient permettre aussi d’identifier les sujets à très haut risque de développer un DT1 et d’évaluer des interventions thérapeutiques pour tenter de préserver la masse cellulaire bêta. L’absence de corrélation entre le VP et les mesures des fonctions cellulaires bêta par l’HbA1c et le peptide C suggère que le mécanisme aboutissant à l’insulinopénie n’est pas uniquement lié à l’effet sur la masse cellulaire bêta.  De façon intéressante, les résultats de cette étude retrouvent une tendance à la diminution du niveau de trypsinogène chez les patients APD avec AcDT1, suggérant l’importance de la dysfonction exocrine infraclinique dans la physiopathologie du DT1. La diminution de la sécrétion de trypsinogène pourrait s’expliquer par la diminution de l’effet insulinotropique sur la portion exocrine ou par un effet direct autoimmun sur les cellules acineuses ou par une combinaison de ces effets. D’autres études explorant la fonction pancréatique exocrine dans les stades précliniques du DT1 sont nécessaires pour confirmer et mieux comprendre ces résultats.Afin d’améliorer la surveillance de la progression vers le DT1, de nouveaux biomarqueurs sont nécessaires. En effet si les études d’intervention thérapeutiques n’ont pas fait preuve de bénéfice à long terme, peut être est-ce en partie liée à cause de l’hétérogénéité des patients traités au niveau du stade de leur maladie. Un meilleur phénotypage pourrait permettre de sélectionner des patients pour lesquels un traitement pourrait être utile. Ces résultats sur l’utilisation de l’IRM abdominale pour quantifier le volume pancréatique chez des sujets à haut risque de DT1 sont prometteurs, si des études longitudinales du VP confirmaient une vitesse de diminution du VP prédictive du risque de progression de la normo vers l’hyperglycémie, la mesure du VP serait un biomarqueur utile en pratique clinique. D’autres études nécessitent de confirmer si le VP peut être utilisé comme marqueur prédictif de progression dans le DT1.

 

Références

[1] American Diabetes Association. Economic costs of diabetes in the U.S. in 2017. Diabetes Care 2018;41:917–928.
 
[2] Cecil RL et al. A study of the pathological anatomy of the pancreas in ninety cases of diabetes mellitus. J Exp Med 1909;11:266–290.
 
[3] Löhr M et al. Residual insulin positivityand pancreatic atrophy in relation to duration of chronic type 1 (insulin-dependent) diabetes mellitus and microangiopathy. Diabetologia 1987;30:757–762.
 
[4] Campbell-Thompson M et al. Pancreas organ weight in individuals with disease associated autoantibodies at risk for type 1 diabetes. JAMA 2012;308:2337–2339.
 
[5] Campbell-Thompson M et al. Abnormalities of the Exocrine Pancreas in Type 1 Diabetes. Curr Diab Rep 2015;15:79.
 
[6] Haldorsen IS et al. The role of pancreatic imaging in monogenic diabetes mellitus. Nat Rev Endocrinol2011;8:148–159.
 
[7] Onengut-Gumuscu S et al. Type 1 Diabetes Genetics Consortium. Fine mapping of type 1 diabetes susceptibility loci and evidence for colocalization of causal variants with lymphoid gene enhancers. Nat Genet 2015; 47:381–386.
 
[8] Hardt PD et al. Pancreatic exocrine function in patients with type 1 and type 2 diabetes mellitus. Acta Diabetol 2000;37:105–110.
 
[9] Williams AJ et al. Pancreatic volume is reduced in adult patients with recently diagnosed type 1 diabetes. J Clin Endocrinol Metab 2012;97:E2109–E2113.
 
[10] Garcia TS, et al. Pancreatic size and fat content in diabetes: A systematic review and meta-analysis of imaging studies. PLoS One 2017;12:e0180911.
 


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lundi 14 janvier 2019

Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité : une complication inattendue pour la descendance des femmes diabétiques

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Décembre 2018
 
Article du mois en accès libre
 
Xiang AH, et al. Maternal Gestational Diabetes Mellitus, Type 1 Diabetes, and Type 2 Diabetes During Pregnancy and Risk of ADHD in Offspring. Diabetes Care. 2018;41:2502-2508. doi: 10.2337/dc18-0733

 

Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) est l’un des troubles neuro-comportementaux les plus répandus, avec une prévalence estimée à 5,3% dans le monde en 2007 [1]. L'âge moyen du diagnostic est de 7 ans [2]. Le TDAH est caractérisé par des symptômes d’inattention et/ou d’hyperactivité-impulsivité qui interfèrent avec le fonctionnement ou le développement de l’enfant dans plusieurs sphères de sa vie (scolaire, sociale...). En effet, le TDAH donne lieu à une forte incidence de comorbidités : il s’agit le plus souvent de troubles de l’apprentissage (47,3%), de troubles des conduites (28,6%), et/ou d’un trouble oppositionnel avec provocation (22,1%). Une méta-analyse d’études prospectives menées auprès d’enfants atteints de TDAH montre que ces derniers sont également exposés à un risque plus important d’abus de substances et de tabagisme que les enfants qui ne souffrent pas de la maladie [3].
Plusieurs études suggèrent que l'exposition au diabète maternel pendant la grossesse peut augmenter le risque de troubles neuro-comportementaux dans la descendance [4,5]. Des études sur de petits échantillons ont examiné la relation entre le diabète de type 2 (DT2) et le diabète gestationnel (DG) chez la mère pendant la grossesse et le risque de TDAH chez la descendance [5] avec des résultats discordants. Deux études européennes récentes sur de grands échantillons ont montré que les antécédents maternels de diabète de type 1 (DT1) étaient associés au risque de TDAH chez les enfants [6,7]. Cependant, aucune étude n’a évalué l’importance relative du DT1, du DT2 et du diabète gestationnel, ni le moment de survenue ou la gravité du diabète gestationnel pendant la grossesse, en ce qui concerne le risque de TDAH chez les enfants.

C’est dans ce contexte qu’a été conduite cette étude de cohorte longitudinale multi-ethnique. Elle a inclus des enfants nés entre 28 et 44 semaines de gestation dans les hôpitaux du Kaiser Permanente Southern California (KPSC) entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2012. Il s’agit de la plus grande étude jamais réalisée dans ce domaine puisque l’échantillon final de l’étude comprenait un total de 333 182 enfants nés de 243 882 mères. Selon les recommandations de KPSC, tous les enfants dès l’âge de 4 ans et les adolescents de moins de 18 ans présentant des symptômes évocateurs de TDAH sont soumis à une ou plusieurs échelles validées d'évaluation du comportement et sont adressés à un spécialiste du comportement. Dans cette étude, pour minimiser les biais de dépistage et de diagnostic, les enfants devaient naître dans un hôpital affilié au KPSC et être inscrits au régime de santé de KPSC à l'âge de 4 ans. Les cas de TDAH ont été identifiés sur la base des codes 314.x de la CIM-9 ou de renouvellements de médicaments spécifiques au TDAH lors d’au moins deux visites pendant la période de suivi. Les 333 182 enfants ont été suivis pendant une durée médiane de 4,9 ans (intervalle IQ 2,2-9,6) après l'âge de 4 ans.
Une analyse comparant directement l'exposition au DT1 ou au DT2 a montré que, par rapport au DT2, le HR du DT1 était de 1,44 (1,00-2,06 ; p=0,05) avant et de 1,16 (0,81-1,67 ; p=0,42) après ajustement pour les facteurs de confusion potentiels. Ainsi, les facteurs de confusion potentiels semblaient expliquer en grande partie la différence de risque de TDAH entre ces deux groupes exposés au diabète.
Parmi les cas de DG, l’âge gestationnel au moment du diagnostic (avant et après ajustement) n’était pas associé au risque de TDAH de l’enfant, ce qui suggère qu’il n’existe pas de fenêtre de vulnérabilité claire pendant la grossesse associée au risque de TDAH de l’enfant. Bien que le DG dans son ensemble ne soit pas associé au risque de TDAH chez l'enfant, il apparaît cependant que les enfants exposés à un DG justifiant un traitement médicamenteux présentent un risque significativement plus élevé que les enfants du groupe sans diabète (HR ajusté 1,26 [IC 95% 1,14-1,41] ; p<0,001). De même, la fréquence des enfants atteints de TDAH était de 5,5% pour les groupes DG nécessitant un médicament (8 614 femmes, soit 29% des DG, dont 84% recevaient de l'insuline) contre 4,5% dans le groupe DG sans médicament (p<0,001). Le risque de TDAH chez les enfants était donc significativement plus grand pour le groupe DG avec médicament que pour le DG sans médicament (HR 1,48 [IC 95% 1,30-1,68] ; p<0,001). Les femmes nécessitant des médicaments antidiabétiques pendant la grossesse peuvent présenter une hyperglycémie relativement grave nécessitant un traitement médicamenteux visant à faire baisser le taux de glucose. Après ajustement, le DG traité reste significativement associé à un risque plus élevé de TDAH par rapport au groupe DG sans médicament (HR ajusté 1,38 [IC 95% 1,20-1,59] ; p<0,001).
Certains biais de confusion potentiellement non mesurés, dus à la fois à des facteurs intra-utérins, à des événements post-nataux (tels que l'utilisation de paracétamol/acétaminophène [8], l’exposition à la pollution atmosphérique [9], les modalités d'accouchement, la détresse néonatale, la survenue d’hypoglycémies, ou d’un traumatisme crânien) ou encore à une susceptibilité génétique ne peuvent être exclus. Mais l'inclusion de co-variables tels que la pré-éclampsie/éclampsie, la présence ou l'absence d'anomalies congénitales, le poids à la naissance et l'âge gestationnel à l'accouchement ont eu peu d'incidence sur les estimations du risque.

Dans cette étude, bien que les femmes diabétiques pendant la grossesse recevaient des lecteurs et des bandelettes pour mesurer leur glycémie au domicile, on peut regretter l’absence de données réellement exploitables concernant l’équilibre glycémique dans les différents groupes. En effet les données des auto-mesures de glucose n’ont pas été colligées dans les dossiers médicaux de manière systématique et peu de patientes ont eu un suivi de leur HbA1c à chaque trimestre. Par conséquent, les données sur l'HbA1c sont très limitées et ce sous-ensemble peut ne pas être représentatif de la population de l’étude. Cette étude nous apprend tout de même qu’au cours du premier trimestre, les taux moyens d'HbA1c chez les DT1, DT2, DG avec médicament, DG sans médicament et grossesses non diabétiques étaient de 7,6%, 6,8%, 6,1%, 5,6% et 5,4%, respectivement. Cette « hiérarchie » s’est maintenue tout au long de la grossesse, bien que les différences aient été moins importantes au deuxième et troisième trimestres. Ces données laissent à penser que le degré de contrôle de la glycémie peut jouer un rôle dans l'explication du risque. Néanmoins, des études complémentaires seront nécessaires pour évaluer formellement la relation entre le niveau de contrôle glycémique pendant la grossesse et le risque de TDAH chez les enfants.

Les résultats de cet article concernant le sur-risque de TDAH dans le groupe exposition au DT1 sont en accord avec une étude suédoise de registre montrant un sur-risque de 35% de TDAH chez les enfants exposés au DT1 maternel comparativement aux enfants de la population générale [7]. Cette étude a également montré que le DT1 paternel était associé à un sur-risque de 20% de TDAH dans la descendance. Le plus grand risque associé au DT1 maternel versus paternel est en accord avec l’hypothèse d'un impact de l'environnement glycémique intra-utérin dans la survenue étiologie du TDAH. Mais le fait qu’il existe un risque élevé associé au DT1 à la fois paternel et maternel suggère que la prédisposition génétique associée à l'immunité pourrait jouer un rôle dans la survenue d'un TDAH [6].
Il est important de rappeler que la répartition démographique des membres du KPSC représente globalement la population des résidents du sud de la Californie ; ainsi, cette étude ne peut-être généralisée. Toutefois pris dans leur ensemble, les résultats de cette étude suggèrent qu'une hyperglycémie sévère nécessitant un traitement médicamenteux pour traiter le diabète pendant la grossesse, qu'il s'agisse d'un DT1, d'un DT2 préexistant, ou d'un DG peut être associée à un risque accru de TDAH chez les enfants. Les mécanismes biologiques potentiels qui lient le risque de TDAH dans la descendance et dans un environnement glycémique sous-optimal pendant la grossesse sont inconnus et peuvent impliquer de multiples voies. Cette hyperglycémie peut prédisposer les fœtus au stress, à l'inflammation chronique, à l'hypoxie et à l'hyperinsulinémie fœtale, qui peuvent à leur tour entraver le développement du cerveau du fœtus pendant les périodes prénatales critiques et entraîner des troubles neuro-comportementaux plus tard dans la vie. L'épigénétique pourrait être un autre mécanisme potentiel. Une étude chez l’animal a montré que l’hyperglycémie maternelle chronique pendant la grossesse augmentait l’excitation de l’hippocampe et modifiait le comportement des enfants [10].
Cette étude doit donc nous inciter à être d’autant plus attentifs à l’équilibre glycémique durant la grossesse de nos patientes diabétiques pour ne pas potentiellement impacter sur le développement neuro-comportemental de leurs enfants.

 

Références

[1] Polanczyk G, et al. The worldwide prevalence of ADHD: a systematic review and metaregression analysis. Am J Psychiatry 2007;164(6):942-948.
 
[2] Visser SN, et al. Trends in the parent-report of health care provider diagnosed and medicated attention-deficit/ hyperactivity disorder: United States, 2003-2011. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2014 Jan;53(1):34-46.e2.
 
[3] Wilens TE, et al. Does ADHD predict substance-use disorders? A 10-year follow-up study of young adults with ADHD. J Am Acad Child Adolesc Psychiatry 2011 Jun;50(6):543-53.
 
[4] Ornoy A, et al.  Effect of maternal diabetes on the embryo, fetus, and children: congenital anomalies, genetic and epigenetic changes and developmental outcomes. Birth Defects Res C Embryo Today 2015 Mar;105(1):53-72.
 
[5] Ornoy A, et al. School-age children born to diabetic mothers and to mothers with gestational diabetes exhibit a high rate of inattention and fine and gross motor impairment. J Pediatr Endocrinol Metab 2001;14(Suppl. 1):681-9.
 
[6] Instanes JT, et al. Attention-deficit/hyperactivity disorder in offspring of mothers with inflammatory and immune system diseases. Biol Psychiatry 2017 Mar 1;81(5):452-9.
 
[7] Ji J, et al. Type 1 diabetes in parents and risk of attention deficit/hyperactivity disorder in offspring: a population based study in Sweden. Diabetes Care 2018 Apr;41(4):770-774.
 
[8] Liew Z, et al. Acetaminophen use during pregnancy, behavioral problems, and hyperkinetic disorders. JAMA Pediatr 2014 Apr;168(4):313-20.
 
[9] Perera FP, et al. Early-life exposure to polycyclic aromatic hydrocarbons and ADHD behavior problems. PLoS One 2014 Nov 5;9(11):e111670.
 
[10] Chandna AR, et al. Chronic maternal hyperglycemia induced during mid-pregnancy in rats increases RAGE expression, augments hippocampal excitability, and alters behavior of the offspring. Neuroscience 2015 Sep 10;303:241-60.
 


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