vendredi 3 juin 2022

Association entre régime modérément pauvre en glucides et mortalité chez les patients diabétiques de type 2 dans une cohorte prospective américaine

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Mai 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Wan Z et al. Associations of Moderate Low-Carbohydrate Diets with Mortality among Patients with Type 2 Diabetes: A Prospective Cohort Study. J Clin Endocrinol Metab. 2022 16; dgac235. doi : 10.1210/clinem/dgac235

 

Le diabète de type 2 (DT2) est un problème de santé publique majeur, associé à des taux de morbidité et de mortalité élevés. Parmi les facteurs de risque modifiables, un régime alimentaire sain joue un rôle essentiel dans la prévention et l’amélioration des complications du DT2. Il a été suggéré qu’un régime dont la teneur en glucides est réduite (LCD pour lower-carbohydrate diet), avec comme corolaire une augmentation de la teneur en lipides et en protéines dans l’apport énergétique journalier pouvait avoir des effets favorables sur la perte de poids, l’équilibre glycémique et l’HbA1c, au-delà de la restriction énergétique [1]. Le LCD aurait aussi des effets bénéfiques sur les facteurs de risque cardiovasculaires, tels que le cholestérol et les triglycérides circulants [2]. En revanche, l’effet bénéfique d’une telle diète sur le risque de mortalité en population générale n’est pas clair [3]. De plus, la teneur en glucides, la qualité et l’origine des glucides dans ce régime, ainsi que de celles des protéines ou des lipides, peuvent aboutir à des effets sur la santé très différents. Plusieurs études ont ainsi montré qu’un LCD contenant des protéines et des lipides issus de sources animales était associé à un risque de mortalité toutes causes et cardiovasculaire plus élevé, qu’un LCD avec des aliments d’origine végétale [4].

Bien qu’un récent consensus américain ait souligné le bénéfice potentiel d’une diète LCD sur l’équilibre glycémique chez les patients DT2, il n’est pas encore clairement établi si suivre une diète LCD peut avoir un bénéfice sur la survie à long terme chez les patients DT2 [5]. De plus, l’impact du sexe, de l’ethnie, de l’IMC ou de la durée d’évolution du diabète sur l’association LCD-mortalité est également non connu. Cette étude a donc cherché à investiguer de façon prospective les associations des différents types de LCD avec la mortalité chez les patients DT2.

Il s’agit donc d’une étude prospective sur un échantillon représentatif de la population civile américaine non institutionnalisée du Centre National de statistiques en Santé. Ont été inclus les individus âgés de plus de 20 ans, diabétiques ayant eu au moins une enquête diététique complète entre 1999 et 2014. Le diabète était défini par : auto-déclaration, utilisation de médicaments antidiabétiques ou d’insuline, glycémie à jeun supérieure ou égale à 7,0 mmol/l, HbA1c supérieure ou égale à 6,5% ou glycémie supérieure ou égale à 11,1 mmol/l au cours d’une hyperglycémie provoquée par voie orale. Après exclusion des individus avec des apports caloriques improbables (< 800 kcal/jour ou > 4200 kcal/jour chez les hommes et <600 et >3500 kcal/jour chez les femmes), avec des données incomplètes sur la mortalité ou enceintes, 5677 patients ont été inclus dans l’analyse.

L’évaluation des apports diététiques a été réalisée par rappel des 24h de 1999 à 2000 puis sur 2 jours de 2001 à 2014. La moyenne des valeurs des 2 jours a alors été calculée. Les auteurs ont ensuite appliqué la méthode de l’Institut National du Cancer dans l’estimation des apports en macronutriments pour minimiser les erreurs de mesure. Trois scores de LCD ont été calculés : LCD sain, LCD non sain, LCD « overall ». Les auteurs ont qualifié les glucides de haute qualité (LCD sain) s’ils étaient issus de céréales complètes, légumes, graines, ou de faible qualité (LCD non sain) s’ils étaient issus de glucides raffinés, jus de fruits, saccharose, pommes de terre. Ils ont aussi utilisé le pourcentage d’apports énergétiques journaliers issus des glucides, des lipides ou des glucides, plutôt que le chiffre brut pour minimiser le biais de sous-estimation. Les participants ont été divisés en 11 strates (0-10) selon le pourcentage d’apport énergétique issu des protéines, des lipides et des glucides. Les individus des catégories les plus hautes en teneur en protéines et en lipides ont un nombre de points élevé tandis que les individus à haute teneur en glucides avaient un score plus bas. Le score LCD « overall » était la somme des 3 scores de composition en macronutriments, classés de 0 à 30. Un score LCD non sain était calculé selon le pourcentage de l’apport énergétique issu des glucides raffines, des protéines d’origine animale et des lipides saturés, tandis que le calcul d’un LCD sain était basé sur des glucides non raffinés, des protéines d’origine végétale et des lipides insaturés. Plus le score était élevé plus les participants suivaient une diète saine.

Les informations sur le sexe, l’âge, l’ethnie, le niveau d’études, le revenu de la famille, la consommation de tabac, l’activité physique, le diabète, les antécédents médicaux ont été recueillis au recrutement par des enquêteurs entrainés à l’aide de questionnaires standardisés. Le poids et la taille ont été relevés lors de l’examen clinique, et l’IMC a été calculé. L’activité physique de loisir a été quantifiée par semaine à l’aide de questionnaires et classée de modérée à intense. La consommation d’alcool a été recueillie sur des centres mobiles d’examen. De plus, la glycémie, l’insulinémie, l’HbA1c, les triglycérides, le cholestérol total, le LDL, le HDL et la CRP ont été prélevés au recrutement. L’index HOMA-IR a ensuite été calculé. La mortalité a été déterminée par revue du fichier national des décès.

Des modèles à risque proportionnel de Cox ont été utilisés pour estimer les hazard ratios (HR) et leurs intervalles de confiance à 95% de la mortalité.

Sur les 5677 personnes diabétiques incluses, la moyenne d’âge était de 61,8 ans (écart type = 13,5 ans) et 49,7% étaient des femmes. Sur une médiane de 6,3 années de suivi (39 401 personnes-années), 1432 décès sont survenus. Après ajustement sur les facteurs de confusion incluant les paramètres du style de vie, la durée du diabète et l’HbA1c, les patients du 3e quartile du score de LCD « overall » avaient le plus faible risque de mortalité (HR : 0,65 [IC95% : 0,5-0,85]), comparativement à ceux du premier quartile. L’HR de mortalité ajusté sur les multiples variables dans les différents quartiles des scores de LCD sains était de : 1,00 (référence), 0,78 [IC95% :0,64-0,0,96], 0,73 [0,58-0,91] et 0,74 [0,58-0,95] (P-trend= 0,01). Le fait de remplacer (à apports énergétiques égaux) 2% de l’énergie issue des glucides par des protéines végétales ou des acides gras poly-insaturés était associé à une diminution de la mortalité totale de 23 à 37%. Des résultats similaires ont été retrouvés quand les analyses étaient stratifiées sur l’âge, le sexe, l’ethnie, le tabac, l’IMC, le degré d’activité physique et la durée du diabète.

Les points forts de l’étude étaient le caractère prospectif, l’utilisation d’un échantillon représentatif de la population américaine (qui permet de généraliser plus facilement les résultats observés), la prise en compte de multiples facteurs de confusion potentiels. Les points faibles de l’étude étaient la méthode de recueil diététique rapporté par les patients avec le risque de sous-estimation qu’il comporte, le fait que ce recueil ne se fasse qu’initialement (les patients ont très bien pu changer de régime au cours du suivi), l’impossibilité de distinguer ni les types de diabète, ni la sévérité du diabète, la possibilité d’autres facteurs de confusion non pris en compte dans l’étude et le biais lié aux comparaisons multiples.

Un score LCD sain étaient donc significativement associé à un plus faible risque de mortalité chez les adultes diabétiques de type 2. L’adhésion à une diète modérément basse en glucides bien équilibrée, avec des protéines végétales et des acides gras poly-insaturés pourrait prévenir les décès prématurés chez les patients DT2.

 

Références

[1] Goldenberg JZ, et al. Efficacy and safety of low and very low carbohydrate diets for type 2 diabetes remission: systematic review and meta-analysis of published and unpublished randomized trial data. BMJ 2021 13; 372-74.
 
[2] Santos FL, et al. Systematic review and meta-analysis of clinical trials of the effects of low carbohydrate diets on cardiovascular risk factors. Obes Rev 2012; 13:1048-66.
 
[3] Reynolds A, et al. Carbohydrate quality and human health: a series of systematic reviews and meta-analyses. Lancet 2019; 393:434-445.
 
[4] Shan Z, et al. Association of Low-Carbohydrate and Low-Fat Diets With Mortality Among US Adults. JAMA Intern Med 2020; 180:513-523.
 
[5] Evert AB, et al. Nutrition Therapy for Adults With Diabetes or Prediabetes: A Consensus Report. Diabetes Care 2019; 42:731-754.
 


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