mardi 30 juin 2015

Suivi des patients de l’étude VADT : effet du contrôle glycémique sur le risque cardiovasculaire

Auteur : 
Ariane Sultan
Date Publication : 
Juin 2015
 
Follow-up of Glycemic Control and Cardiovascular Outcomes in Type 2 Diabetes. Hayward R. et al. N Engl J Med 2015;372:2197-206.

 

La plupart des études d’observation ont montré l’association entre contrôle glycémique et risque cardiovasculaire [1,2]. En revanche, la démonstration dans des études interventionnelles du bénéfice du contrôle glycémique intensif sur la réduction du risque cardiovasculaire est plus controversée, sujet brûlant actuellement. Seuls les résultats de l’étude UKPDS étaient plutôt en faveur d’une réduction du risque d’événements cardiovasculaires [3], bénéfice vraisemblablement expliqué par plusieurs facteurs : sujets jeunes, avec un diabète de type 2 récent, plus longue durée de suivi et possiblement un objectif glycémique différent. Ainsi, l’une des questions essentielles pour les cliniciens que nous sommes, à savoir quels sont les bénéfices/risques d’un équilibre glycémique intensif sur le risque cardiovasculaire, reste encore sans réponse formelle.

L’impact de la durée de suivi des cohortes sur l’interprétation des résultats sur le risque cardiovasculaire est surement essentiel. Ainsi, le suivi de cohortes de patients ayant été inclus dans des études randomisées est une analyse intéressante. L’étude présentée ici est un suivi des patients inclus dans l’étude VADT [4], étude randomisée ayant évalué le potentiel bénéfice cardiovasculaire d’un contrôle glycémique intensif versus conventionnel chez des militaires vétérans avec diabète de type 2. Les résultats de VADT avaient montré que le risque d’événement cardiovasculaire majeur était comparable dans les deux groupes, et ce après un suivi médian de 5,6 ans.

Cette analyse pré-spécifiée rapporte le suivi observationnel à 5 ans de 1791 patients, suivi effectué grâce à des registres. A la fin de l’étude VADT, les participants étaient pris en charge de façon habituelle. Le critère de jugement principal était le délai de survenue d’un événement cardiovasculaire majeur, les critères de jugement secondaire étaient la mortalité cardiovasculaire et totale. Le suivi a été obtenu chez 92% des participants de l’étude VADT.

Equilibre glycémique et facteurs de risque cardiovasculaire : Pendant l’étude VADT, le groupe randomisé initialement dans le bras traitement intensif avait une HbA1c significativement plus basse (de 1,5%, respectivement 6,9% vs. 8,4%) que dans le groupe randomisé traitement conventionnel. Cette différence s’est significativement réduite au cours du temps (0,5% après un suivi de un an, respectivement 7,8% vs. 8,3%) et n’est plus que de 0,3% après 3 ans de suivi. Aucune différence n’était notée pendant l’étude VADT ni pendant le suivi en ce qui concerne la prise en charge des autres facteurs de risque cardiovasculaire (lipides, hypertension artérielle).

Evènements cardiovasculaires : Après 9,8 ans de suivi, le groupe initialement randomisé traitement conventionnel a présenté 288 événements cardiovasculaires majeurs versus 253 dans le groupe initialement randomisé traitement intensif. En d’autre terme, le traitement intensif de la glycémie pendant VADT est associé à une réduction significative de 17 % du risque d’événements cardiovasculaires majeurs pendant le suivi observationnel. La prise en charge de 116 sujets-année permet d’éviter un événement cardiovasculaire. Il est important de noter que ce bénéfice ne diffère pas en fonction du niveau initial de risque cardiovasculaire des participants (faible versus élevé). En revanche, aucune différence (ni réduction ni augmentation) n’a été mise en évidence sur les critères de jugement secondaire, à savoir mortalité cardiovasculaire (83 décès groupe conventionnel versus 74 groupe intensif) et mortalité totale (respectivement 258 et 275 décès).

Ce suivi de VADT montre qu’un traitement « intensif » de la glycémie est associé à une réduction du risque d’événements cardiovasculaires majeurs, chez des sujets âgés ayant un diabète ancien, sans cependant d’amélioration de la survie après un suivi total de 12 ans (intervention + observation). Ces résultats vont dans le même sens que ceux des autres grandes études cliniques. Ainsi, la réduction relative du risque d’événement cardiovasculaire de 17% observée dans cette étude est comparable à celle observée dans l’étude de suivi de l’étude ACCORD [5]. Ainsi, comme évoqué, le bénéfice du contrôle glycémique ne semble manifeste qu’après une durée de suivi suffisante…ce qui ne signifie pas que le contrôle glycémique ne permet pas de réduire le risque cardiovasculaire comme parfois lu ou entendu.

Les résultats montrent tout d’abord que les caractéristiques des patients des deux groupes sont différentes. Ainsi, les patients ayant bénéficié d’une transplantation d’îlots pancréatiques (38 patients) étaient significativement plus âgés (51,8 versus 44,0 ans), avec une plus longue durée d’évolution du diabète (37 versus 32 ans). De plus, la durée d’attente avant transplantation était supérieure de 6 mois chez les patients ayant bénéficié d’une transplantation pancréatique (94 patients).

On soulignera cependant les limites de l’étude, et notamment le fait qu’il s’agisse d’une étude de suivi observationnel, et l’on ne peut totalement exclure de différences entre les deux groupes. Cependant, aucune différence n’a été mise en évidence en ce qui concerne la prise en charge de la pression artérielle ou des lipides. Enfin, le suivi ne concerne qu’un sous-groupe de patients de l’étude VADT, les résultats issus de ce sous-groupe ne sont peut être pas extrapolables à l’ensemble de la cohorte.

En conclusion, la réduction du risque cardiovasculaire n’apparaît qu’après 12 ans de suivi... Peut-être faut il attendre encore davantage pour obtenir une réduction de la mortalité ??

 

Références

[1] Khaw KT et al. Association of hemoglobin A1c with cardiovascular disease and mortality in adults: the European prospective investigation into cancer in Norfolk. Ann Intern Med 2004;141:413-20.
 
[2] Selvin E, et al. Meta-analysis: glycosylated hemoglobin and cardiovascular disease in diabetes mellitus. Ann Intern Med 2004; 141:421-31.
 
[3] UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk of complications in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33). Lancet 1998; 352:837-53.
 
[4] Duckworth W et al. Glucose control and vascular complications in veterans with type 2 diabetes. N Engl J Med 2009;360:129-39.
 
[5] Gerstein HC et al. Effects of intensive glycaemic control on ischaemic heart disease: analysis of data from the randomised, controlled ACCORD trial. Lancet 2014;384:1936-41.
 
[6] UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Effect of intensive blood-glucose control with metformin on complications in overweight patients with type 2 diabetes (UKPDS 34). Lancet 1998;352: 854-65.
 
 


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