lundi 15 janvier 2024

Se faire vacciner contre le COVID-19 avant l’infection réduit le risque de développer un diabète : une étude de vraie vie basée sur les dossiers médicaux électroniques aux Etats-Unis

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Décembre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Tina Yi Jin Hsieh & al, COVID-19 Vaccination Prior to SARS-CoV-2 Infection Reduced Risk of Subsequent Diabetes Mellitus: A Real-World Investigation Using U.S. Electronic Health Records. Diabetes Care 2023;46(12):2193–2200. doi : 10.2337/dc23-0936

 

Suite à la pandémie de COVID-19, les chercheurs ont mis en évidence une relation entre cette infection virale et le diabète. Bien que ce dernier n’augmente pas le risque de contracter une infection par le SARS-CoV-2 [1], il est reconnu comme un facteur de risque de progression vers une forme sévère de la maladie [2]. De plus, il semble y avoir un lien potentiel entre infection par le SARS-CoV-2 et découverte de diabète ainsi qu’avec ses complications métaboliques aiguës (acido-cétose diabétique, syndrome hyperglycémique hyperosmolaire) [3]. Enfin, des données suggèrent également que le COVID long – correspondant aux séquelles de l’infection persistant à plus de 30 jours – est aussi associé à un risque accru de développer un diabète [4]. L’infection par le SARS-CoV-2 étant amenée à croître, elle pourrait augmenter le nombre de cas de diabète et donc aggraver le problème de santé publique représenté par celui-ci. Bien qu’il soit maintenant établi que la vaccination diminue le risque de forme grave et de décès lié au COVID-19, ses effets sur les séquelles de l’infection – par exemple, l’apparition d’un diabète – sont moins connus.

La majorité des études à ce jour ont comparé la survenue d’événements d’intérêt et la réponse immunitaire à la vaccination COVID-19. Cependant, aucune étude n’a évalué l’effet de la vaccination sur le risque de développer un diabète chez les patients infectés par le SARS-CoV-2, ce qui peut rendre difficile pour les praticiens de conseiller leurs patients par rapport à la vaccination. Les auteurs ont, dans un premier temps, utilisé les données d’une cohorte de patients adultes ayant eu une infection par le SARS-CoV-2 pour déterminer le risque d’apparition de diabète après COVID-19 afin d’obtenir des données actualisées (du fait des nombreuses mutations du virus, qui pourraient avoir une incidence également sur l’apparition du diabète), et pour servir de validation externe à leur base de données. Ils ont, dans un second temps, exploré le rôle de l’immunisation au COVID-19 dans la survenue d’un diabète en comparant le risque d’apparition d’un diabète chez les participants ayant bénéficié d’une dose de vaccin avant une infection à SARS-CoV-2 à ceux n’ayant pas eu d’injection préalable.

La première cohorte incluait des adultes ayant des informations médicales dans la base de données TriNetX entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2022. La date index correspondait au jour de l’infection par le SARS-CoV-2. La seconde cohorte incluait des adultes ayant des informations médicales dans la base de données entre le 1er janvier 2021 et  le 30 juin 2022 et ont été répartis selon leur statut vaccinal. Les auteurs ont exclu les patients ayant un antécédent de cancer ou de diabète, des traitements antidiabétiques ou une hémoglobine glyquée > 6,5% avant la date de l’infection. La première cohorte était conçue pour évaluer l’incidence du diabète et de la prescription de traitements antidiabétiques (hors analogues du GLP-1, du fait de prescriptions chez les non diabétiques, à visée amaigrissante). Le critère de jugement était évalué durant les 180 jours suivant l’infection. Afin de minimiser les biais, les auteurs ont utilisé un appariement selon un score de propension dans les deux cohortes afin d’apparier les participants selon un ratio 1:1. Les auteurs ont ensuite utilisé, dans la première partie de l’étude, une analyse de Kaplan-Meier pour déterminer l’incidence du diabète entre les deux groupes : ceux avec et sans COVID-19. Dans la seconde partie, ils ont identifié les patients avec COVID-19 et ont examiné le risque de développer un diabète selon l’état vaccinal selon le test du log-rank.

Après appariement par score de propension, 1 562 606 patients ont été inclus dans chaque groupe (COVID-19 et non-COVID-19). Les patients ayant contracté une infection par le SARS-CoV-2 avaient un risque d’apparition de diabète multiplié par 1,65 (IC95% 1,62-1,68) et un recours à des traitements antidiabétiques multiplié par 1,34 (IC95% 1,32-1,37), comparé au groupe non-COVID-19. Les courbes de Kaplan Meier montraient également une augmentation de l’incidence du diabète dans le groupe COVID-19 (test du logrank < 0,0001).

Pour la seconde partie de l’étude, les auteurs ont identifié 83,829 patients ayant eu une infection COVID-19 après vaccination, qui ont été appariés avec un ratio 1:1 à des participants non vaccinés. Lorsqu’ils sont comparés aux patients non vaccinés, les individus ayant bénéficié du vaccin et ayant contracté un COVID-19 ensuite ont un risque de diabète diminué de 21% (HR 0,79, IC95% 0,73-0,86) et une utilisation de traitements antidiabétiques 10% moins fréquente (HR 0,90, IC95% 0,85-0,96). L’analyse par modèle de Cox avec les courbes de Kaplan Meier montrent également une diminution de l’incidence du diabète et de l’utilisation de traitements anti-diabétiques dans le groupe vacciné (test du logrank < 0,0001). Les  analyses en sous-groupes retrouvaient: i) un risque réduit dans les deux sexes (femmes : HR 0,87, IC95% 0,8-0,93 ; hommes : HR 0,85, IC95% 0,78-0,93) ; ii) pour tous les groupes d’âge, une diminution de l’incidence du diabète et de l’utilisation des traitements antidiabétiques chez les vaccinés comparés aux non vaccinés (18-44 ans : HR 0,84, IC95% 0,76-0,93 ; 45-64 ans : HR 0,79, IC95% 0,72-0,88 ; plus de 65 ans : HR 0,86, IC95% 0,78-0,94) ; iii) un effet protecteur dans toutes les ethnies (caucasiens : HR 0,86, IC95% 0,81-0,92 ; africains ou afro-américains : HR 0,65, IC95% 0,55-0,76 ; autres ethnies : HR 0,84, IC95% 0,73-0,97). Enfin, il semble exister une relation dose-effet entre vaccin et diabète ; les patients ayant eu 1 seule injection avaient un risque de diabète réduit de 27% (HR 0,73, IC95% 0,54-0,98), ceux ayant eu 2 doses ont un risque réduit de 46% (HR 0,54, IC95% 0,47-0,62) et ceux ayant plus de doses avaient une réduction du risque de 55% (HR 0,45, IC95% 0,37-0,54).

Cette étude montre donc un effet protecteur du vaccin contre le SARS-CoV-2 vis-à-vis de l’apparition d’un diabète dans les suites de cette infection. Les auteurs reconnaissent quelques limites à cette étude : i) d’abord, cette étude se basant sur des registres électroniques, les patients n’ayant pas consulté à l’hôpital malgré la découverte d’un diabète ne sont pas pris en compte, ce qui peut gêner l’interprétation de l’effet de la vaccination sur l’apparition du diabète ; ii) les bases de données peuvent comporter des erreurs, notamment sur la situation socio-économique ou les habitudes de vie des patients, ce qui peut conduire à des biais, notamment sur la présence d’une assurance santé qui n’était pas renseignée sur cette base de données ; iii) il n’y avait pas d’information sur des stigmates d’auto-immunité ou sur la fonctionnalité des cellules β-pancréatiques avant et après l’infection à SARS-CoV-2 et le diagnostic de diabète ; iv) l’échantillon plus réduit de patients pour étudier l’effet dose-réponse rend moins extrapolables les résultats (un peu moins de 60 000 patients).

Les auteurs précisent cependant que la vaccination ne constitue pas un traitement pour éviter l’apparition d’un diabète dans un contexte d’infection COVID-19. Ces résultats doivent être confirmés et reproduits dans d’autres cohortes longitudinales pour clarifier l’effet protecteur de la vaccination COVID-19 dans l’apparition d’un diabète lors de l’infection à SARS-CoV-2.

Ainsi, la vaccination anti-COVID-19 pourrait avoir un effet protecteur contre l’apparition d’un diabète post-infection COVID-19, un effet à confirmer par des études supplémentaires. Une autre bonne raison de se faire vacciner !

 

Références

[1] Hartmann-Boyce J, Rees K, Perring JC, et al. Risks of and from SARS-CoV-2 infection and COVID-19 in people with diabetes: a systematic review of reviews. Diabetes Care 2021;44:2790–2811.
 
[2] Apicella M, Campopiano MC, Mantuano M, Mazoni L, Coppelli A, Del Prato S. COVID-19 in people with diabetes: understanding the reasons for worse outcomes. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8:782–792.
 
[3] Rubino F, Amiel SA, Zimmet P, et al. New-onset diabetes in Covid-19. N Engl J Med 2020;383:789–790.
 
[4] Xie Y, Al-Aly Z. Risks and burdens of incident diabetes in long COVID: a cohort study. Lancet Diabetes Endocrinol 2022;10:311–321.
 


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