lundi 6 novembre 2023

Pléconaril et ribavirine dans la prise en charge du diabète de type 1 récemment diagnostiqué : essai randomisé de phase 2

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Octobre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Krogvold L & al., Pleconaril and ribavirin in new-onset type 1 diabetes: a phase 2 randomized trial. Nat Med. 2023 Oct 4. doi : 10.1038/s41591-023-02576-1

 

Le diabète de type 1 (DT1) se caractérise par une perte progressive de la fonction ß cellulaire pancréatique conduisant à la nécessité d’une insulinothérapie au long cours. La pathologie résulte d’une interaction complexe entre prédisposition génétique, système immunitaire et facteurs environnementaux [1]. Parmi les causes environnementales évoquées, les infections virales par entérovirus, fréquentes dans l’enfance et de présentation variable, ont fait l’objet d’une attention particulière. Plusieurs méta-analyses ont en effet retrouvé une association significative entre infection à entérovirus et apparition d’auto-anticorps (DT1 stade 1 et 2) ou diabète clinique (DT1 stade 3) [2,3]. Dans la Diabetes Virus Detection study (DiViD), collectant du tissu pancréatique chez 6 patients nouvellement diagnostiqués pour un DT1, une infection de bas grade par entérovirus ainsi que la présence même du virus au sein du tissu pancréatique étaient retrouvées chez les 6 patients [4]. S’il existe un lien entre infection à entérovirus et DT1, la question de savoir si cette infection initie la réponse auto-immune, participe à l’évolution de la maladie ou les 2 reste en suspens. Ainsi, l’éradication de cette infection de bas grade pourrait permettre d’améliorer la capacité sécrétoire insulinique du pancréas après la survenue des premiers symptômes et le diagnostic de DT1. Le pléconaril est un traitement antiviral ciblant les entérovirus, permettant de réduire la mortalité néonatale secondaire à ces infections. La ribavirine est une molécule présentant une activité antivirale à large spectre et pourrait contribuer à une immuno-modulation par stimulation de la réponse interféron gamma selon des données in vitro.

Ainsi, l’objectif de cet essai était d’étudier l’effet d’un traitement antiviral sur la production endogène d’insuline, reflétée par le C-peptide, chez des enfants et adolescents récemment diagnostiqués pour un DT1.

Dans cet essai clinique randomisé de phase 2, en aveugle, contre placebo (DiVid Intervention), mené en groupes parallèles sur 2 sites (Oslo et Copenhague), des enfants et adolescents âgés de 6 à 15 ans et récemment diagnostiqués pour un DT1 (stade 3) ont été randomisés soit dans le groupe Pleconaril/Ribavirine soit dans le groupe placebo (ratio 1 :1). L’essai comprenait une période de screening de 3 semaines, une période d’intervention de 26 semaines à laquelle a succédé une période de suivi de 26 semaines. Une extension de 2 ans du suivi est également en cours (non rapportée dans cette publication). Le diagnostic de DT1 et la première injection d’insuline devaient avoir été réalisés dans les 3 semaines précédant l’inclusion. Pléconaril et ribavirine étaient administrés à domicile par voie orale sous la forme de solutions buvables de manière séparée pendant 26 semaines à raison de 2 prises par jour. Les traitements placebo étaient administrés selon les mêmes modalités afin de maintenir le double aveugle. Le critère primaire de jugement était la production endogène d’insuline à 12 mois évaluée par le calcul de l’aire sous la courbe (ASC) du C-peptide après un repas test. Les critères secondaires étaient la persistance d’un C-peptide supérieur à 0,2 pmol/mL au cours du repas test, l’HbA1c, les doses d’insuline et les évènements hypoglycémiques. Des repas test étaient réalisés à chaque visite (0, 3, 6 et 12 mois) en milieu hospitalier le matin à jeun avec prise de sang à T0 puis à 15, 30, 60, 90 et 120 minutes après ingestion du repas test. La recherche d’entérovirus était réalisée par RT-PCR dans différents échantillons biologiques (sang, salive, aspiration nasopharyngée...).

Quatre-vingt-seize participants ont été inclus dans cet essai dont 47 (19 filles et 28 garçons) randomisés dans le groupe pléconaril/ribavirine et 49 (21 filles et 28 garçons) dans le groupe placebo. Les participants étaient en moyenne (écart-type) âgés de 11,1 (2,4) ans, avaient un indice de masse corporelle de 17,9 (2,7) kg/m2 et une HbA1c au diagnostic de 11,8 (4,3) % sans différence entre les 2 groupes. Une acido-cétose diabétique était survenue chez 12,5 % des participants au diagnostic. La présence d’entérovirus n’a été retrouvée chez aucun des participants. À 12 mois, l’ASC du C-peptide en réponse à un repas test était significativement supérieure dans le groupe pléconaril/ribavirine par rapport au groupe placebo (p=0,037). Pendant les 12 mois de suivi, la diminution de l’ASC du C-peptide en réponse à un repas test était de 11 % dans le groupe pléconaril/ribavirine contre 24 % dans le groupe placebo. Au début de l’étude, l’ensemble des participants présentaient un pic de C-peptide supérieur à 0,2 pmol/mL au cours du repas test. À 12 mois, 86 % et 67 % des participants du groupe pléconaril/ribavirine et du groupe placebo, respectivement, avait un taux de C-peptide supérieur à ce seuil soit une différence significative entre les groupes (p=0,04). L’HbA1c était significativement différente entre les 2 groupes à 3 et 6 mois (plus basse dans le groupe pléconaril/ribavirine) mais cette différence ne persistait pas à 12 mois. Aucune différence en termes de doses d’insuline (rapportée au poids) n’était retrouvée entre les 2 groupes. Deux hypoglycémies sévères sont survenues dans le groupe placebo, aucune dans le groupe pléconaril/ribavirine. Enfin, la survenue d’effets indésirables était rapportée chez 93,6% des participants du groupe pléconaril/ribavirine et 95,9% pour ceux du groupe pléconaril/ribavirine sans effets indésirables graves.

Ainsi, l’utilisation combinée du pléconaril et de la ribavirine pendant 6 mois chez des enfants et adolescents nouvellement diagnostiqués pour un DT1 permet de maintenir une meilleure production endogène d’insuline à 12 mois comparativement à un placebo. Les résultats de l’étude montrent également la sécurité d’emploi et la tolérance du traitement. L’amélioration de la sécrétion endogène d’insuline par le traitement antiviral pourrait avoir des implications cliniques en termes de contrôle métabolique, de limitation du risque hypoglycémique ou de la survenue de complications chroniques. On notera néanmoins l’absence de différence d’HbA1c entre les groupes à 12 mois. Certaines limites sont également à prendre en compte. L’essai ne permet pas de distinguer les effets propres de chacune des molécules. Le faible effectif et l’inclusion dans 2 centres représentent également des limites. Enfin, l’absence d’infection à entérovirus chez les participants de l’étude ne permet pas de corréler l’efficacité du traitement à la présence de l’infection.

Dans cette étude de phase 2, la combinaison de 2 traitements antiviraux, pléconaril et ribavirine, chez des enfants et adolescents nouvellement diagnostiqués pour un DT1 a conduit à un maintien de l’insulino-sécrétion résiduelle par rapport au placebo. Ces premiers résultats pourraient ouvrir des perspectives intéressantes pour de futures études évaluant l’efficacité d’un traitement antiviral dans la prévention et le traitement du DT1.

 

Références

[1] Atkinson, M.A. & al. Current Concepts on the Pathogenesis of Type 1 Diabetes--Considerations for Attempts to Prevent and Reverse the Disease. Diabetes Care 2015, 38, 979–988.
 
[2] Isaacs, S.R. & al. Enteroviruses and Risk of Islet Autoimmunity or Type 1 Diabetes: Systematic Review and Meta-Analysis of Controlled Observational Studies Detecting Viral Nucleic Acids and Proteins. Lancet Diabetes Endocrinol 2023, 11, 578–592.
 
[3] Faulkner, C.L. & al. The Virome in Early Life and Childhood and Development of Islet Autoimmunity and Type 1 Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis of Observational Studies. Rev Med Virol 2021, 31, 1–14.
 
[4] Krogvold, L. & al. Live Enteroviruses, but Not Other Viruses, Detected in Human Pancreas at the Onset of Type 1 Diabetes in the DiViD Study. Diabetologia 2022, 65, 2108–2120.
 


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