jeudi 6 avril 2023

Résultats de l’exposition in utero à la metformine chez les enfants nés de femmes diabétiques de type 2 (MiTy Kids) : suivi à 24 mois de l’essai contrôlé randomisé MiTy

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Mars 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Feig DS. & al., Outcomes in children of women with type 2 diabetes exposed to metformin versus placebo during pregnancy (MiTy Kids): a 24-month follow-up of the MiTy randomized controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol. 2023 Mars. doi : 10.1016/S2213-8587(23)00004-9

 

Les recommandations actuelles ne positionnent pas la metformine comme une option thérapeutique de première intention chez les femmes enceintes diabétiques de type 2 (DT2) [1]. Si l’innocuité pendant la grossesse semble avoir été démontrée tant chez la mère que chez l’enfant en termes de prise pondérale, de survenue d’une hypertension gravidique, de macrosomie ou encore d’hypoglycémies néonatales [2], les effets à long terme chez l’enfant font l’objet de données contradictoires dans la littérature. De par son passage transplacentaire et son action via l’AMP kinase, il a été évoqué des effets délétères à long terme chez les enfants exposés in utero conduisant à une augmentation du risque d’obésité et de syndrome métabolique [3]. Ces hypothèses se sont d’ailleurs vérifiées dans des populations de femmes présentant un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou un diabète gestationnel (DG) [4–6]. Pour autant, aucune étude ne s’est intéressée aux populations de femmes enceintes DT2 alors que la prise en charge d’un DT2 pendant la grossesse est une situation de plus en plus fréquente, exposant à une augmentation de la morbi-mortalité périnatale. C’est dans ce contexte que la présente étude « MiTy Kids » a été réalisée.

Ainsi, l’objectif de l’étude « MiTy Kids » était de déterminer les effets sur l’adiposité de l’exposition in utero à la metformine parmi une cohorte d’enfants suivis jusqu’à l’âge de 2 ans, nés de femmes DT2 traitées par metformine ou placebo pendant la grossesse.

« MiTy Kids » est une étude longitudinale de suivi des enfants nés de femmes ayant participé à l’essai « MiTy ». En résumé, cet essai contrôlé, randomisé, en double aveugle et multicentrique, incluaient 502 femmes enceintes DT2 traitées par insuline. Après randomisation, un traitement par Metformine (1000 mg par voie orale deux fois par jour) ou placebo était ajouté en sus de l’insuline. À l’issue de la grossesse, les femmes ayant participé à l’essai « MiTy » pouvaient accepter d’inclure leurs enfants dans l’étude « MiTy Kids ». Parmi les enfants inclus dans « MiTy Kids », les données anthropométriques (taille, poids, indice de masse corporelle [IMC], mesure des plis cutanés) ont été recueillies à 3 et 6 mois puis tous les 6 mois jusqu’à l’âge de 24 mois. Le critère de jugement principal comportait 2 mesures d’adiposité à 24 mois : l’IMC, exprimé en Z-score, et la mesure des plis cutanés (moyenne de la somme des mesures). La somme des plis cutanés était calculée en ajoutant les mesures des plis tricipital, bicipital, sous-scapulaire et supra-iliaque. Certains marqueurs métaboliques comme la glycémie, l’insulinémie, le profil lipidique, la leptine ou encore l’adiponectine ont été dosés chez 14 enfants du groupe metformine et 17 du groupe placebo. Une comparaison par test de Student a été effectuée entre les groupes puis une régression linéaire a été appliquée avec ajustement sur différents facteurs de confusion.

Parmi les 465 enfants éligibles à « MiTy Kids », 283 (61%) ont participé à l’étude dont 135 nés de mères traitées par Metformine. À 24 mois, aucune différence significative d’adiposité n’était retrouvée tant en termes d’IMC (différence moyenne de Z-score entre les 2 groupes : 0,07 [IC95% -0,31 à 0,45], p=0,72) que de somme des plis cutanés (différence moyenne entre les 2 groupes : 0,8 mm [IC95% -0,7 à 2,3], p=0,31). La dynamique de progression de l’IMC était globalement similaire entre les groupes. Néanmoins, une augmentation plus rapide de l’IMC entre 6 et 12 mois a été observée chez les enfants de sexe masculin dans le groupe metformine par rapport au groupe placebo. Pour autant, les courbes d’IMC se rejoignaient à 24 mois. Après régression linéaire, la metformine n’était pas un facteur prédictif de l’IMC à 24 mois contrairement à l’IMC pré-gestationnel, à un bas niveau socio-économique ou à un moindre temps de sommeil chez la mère. Réalisés sur une faible partie de la cohorte, les dosages des paramètres métaboliques ne retrouvaient, entre les 2 groupes, qu’une différence pour la glycémie à jeun, plus élevée dans le groupe metformine par rapport au groupe placebo (respectivement, 85,5±13,1 mg/dL vs 74,6±7,6 mg/dL, p=0,009). Enfin, le poids des enfants nés de mère DT2 dans cette cohorte était plus important de 1 déviation standard par rapport à la population de référence (courbes de référence de l’OMS).

Ainsi, aucune différence n’est retrouvée à l’âge de 2 ans entre les enfants du groupe metformine et ceux du groupe placebo sur les données anthropométriques étudiées. En outre, cette étude est la première à évaluer les effets à long terme de l’exposition in utero à la metformine chez des enfants nés de mères DT2. Ces résultats sont en contradiction avec d’autres études précédentes menées dans des populations de femmes avec SOPK ou DG. En effet, dans l’essai contrôlé randomisé PedMet, les enfants exposés à la metformine in utero nés de mères présentant un SOPK avaient un IMC plus élevé à 4 ans et entre 5 et 11 ans par rapport aux contrôles [4]. De même, dans l’étude MiGTOFU (Metformine in Gestational Diabetes : The Offspring Follow-Up), les enfants nés de mères traitées par metformine présentaient un IMC et un rapport tour de taille/tour de hanche plus élevés par rapport aux enfants nés de mères traitées par insuline à l’âge de 9 ans alors qu’il n’y avait pas de différence à 7 ans [5]. De même, chez les nouveau-nés dont les mères ont été traitées par metformine pendant la grossesse, une méta-analyse retrouve un plus petit poids à la naissance ainsi qu’une accélération de la courbe pondérale se traduisant par un IMC plus élevé pendant l’enfance comparativement aux enfants nés de mères traitées par insuline [6]. Ainsi, les résultats de la présente étude pourraient être la conséquence d’effets différents de la metformine sur les paramètres anthropométriques selon la population de mères exposées (SOPK, DG ou DT2) ou être liés à une observation à 2 ans, encore trop précoce pour mettre en évidence des différences et nécessitant un suivi à un âge plus tardif.

Cette étude apporte donc des résultats rassurants quant à l’exposition in utero à la metformine en termes d’effets à long terme chez des enfants nés de mères DT2. Néanmoins, des travaux complémentaires sont nécessaires d’une part, pour déterminer la persistance de ces observations au-delà de l’âge de 2 ans et d’autre part, pour valider ces observations dans d’autres cohortes.

 

Références

[1] ElSayed, N.A. & al. 15. Management of Diabetes in Pregnancy: Standards of Care in Diabetes-2023. Diabetes Care 2023, 46, S254–S266.
 
[2] Farrar, D. & al. Treatments for Gestational Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis. BMJ Open 2017, 7, e015557.
 
[3] Nguyen, L. & al. Metformin from Mother to Unborn Child - Are There Unwarranted Effects? EBioMedicine 2018, 35, 394–404.
 
[4] Hanem, L.G.E. & al. Intrauterine Metformin Exposure and Offspring Cardiometabolic Risk Factors (PedMet Study): A 5-10 Year Follow-up of the PregMet Randomised Controlled Trial. Lancet Child Adolesc Health 2019, 3, 166–174.
 
[5] Rowan, J.A. & al. Metformin in Gestational Diabetes: The Offspring Follow-up (MiG TOFU): Body Composition and Metabolic Outcomes at 7-9 Years of Age. BMJ Open Diabetes Res Care 2018, 6, e000456.
 
[6] Tarry-Adkins, J.L & al. Neonatal, Infant, and Childhood Growth Following Metformin versus Insulin Treatment for Gestational Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis. PLoS Med 2019, 16, e1002848.
 


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