lundi 29 février 2016

L’administration intra-nasale de glucagon : une alternative efficace à la voie intra-musculaire pour traiter l’hypoglycémie des patients diabétiques de type 1

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Février 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Rickels MR et al. Intranasal Glucagon for Treatment of Insulin-Induced Hypoglycemia in Adults With Type 1 Diabetes : A Randomized Crossover Noninferiority Study. Diabetes Care 2016 Feb ; 39(2):264-70. Epub 2015 Dec 17.

 

La survenue d’une hypoglycémie constitue l’un des freins majeurs à l’obtention d’un équilibre glycémique optimal [1]. Les patients diabétiques de type 1 sont les plus exposés à ce danger. Alors qu’une hypoglycémie modérée répond favorablement à la prise orale de glucose dans la majorité des cas, l’hypoglycémie sévère nécessite par définition l’intervention d’un tiers, avec la nécessité de recourir à une injection de glucagon en intra-musculaire quand le resucrage par voie orale est impossible (par exemple en raison de troubles de la conscience). La recherche médicale nous réserve encore bien des surprises ! Notre étonnement est d’autant plus fort lorsqu’il s’agit d’innovations dans des domaines où l’acquis thérapeutique semblait immuable. Ainsi, en cas d’hypoglycémie sévère, pourrait-t-il exister une alternative à la sacro-sainte injection de glucagon ? C’est pour répondre à cette question que Rickels et al. ont évalué l'efficacité et la sécurité d’emploi du glucagon dispensé en intra-nasal par rapport au glucagon injecté par voie intra-musculaire.

Dans cette étude nord-américaine, multicentrique, menée en ouvert, 77 patients diabétiques de type 1 ont été randomisés pour recevoir, en cross-over, les deux modalités d’administration de glucagon : soit 3 mg de glucagon intra-nasal, soit 1 mg de glucagon en intra-musculaire dans sa formulation habituelle (Glucagen Kit® de NovoNordisk), au décours d’une hypoglycémie provoquée par voie intraveineuse. Les visites devaient être espacées de une à quatre semaines. Pour chaque participant, l’ordre d’application des traitements a été déterminé de façon aléatoire. Soixante-quinze sujets ont eu les deux traitements.

Les sujets étaient âgés de 33±12 ans et avaient un IMC de 26±4 kg/m². Leur diabète était connu en moyenne depuis 18 ans. Il y avait 45 femmes (58%) et 74 sujets étaient blancs non hispaniques (96%). Le taux d’HbA1c moyen à l’inclusion était de 8,3±1,8% et 57 sujets étaient traités par pompe à insuline. Ont donc été exclus de cette étude les sujets ayant présenté une hypoglycémie sévère dans le mois précédant l’inclusion, ceux qui présentaient des affections cardio-vasculaires, hépatiques ou rénales, les sujets traités par ß-bloquants et ceux qui consommaient plus de trois boissons alcoolisées par jour.

Le protocole de cette étude est clairement une de ses forces. Ainsi, après une nuit de jeûne, chaque participant était soumis à une hypoglycémie lors d’une perfusion d’insuline sur la base de 2 mUI/kg/min, débit ajusté à la glycémie plasmatique déterminée toutes les 5 à 10 minutes après le début de la perfusion d’insuline. Quand la glycémie atteignait moins de 60 mg/dL, la perfusion d’insuline était interrompue et les patients, en décubitus latéral, se voyaient administrer 5 minutes après (t = 0) le glucagon soit en intra-nasal (Glu-Na) soit en intra-musculaire au niveau du deltoïde (Glu-IM). La glycémie et le glucagonémie étaient mesurées juste avant l’administration de glucagon, puis au temps t = 5, 10, 15, 20, 25, 30, 40, 50, 60 et 90 min. L’insulinémie était déterminée à t = 0, 30 et 60 min.
Il est important de noter que la quantité d’insuline nécessaire pour induire l’hypoglycémie était comparable dans les 2 groupes : 0,09 (0,07-0,13) UI/kg pour le groupe Glu-Na et 0,10 (0,08-0,14) UI/kg pour le groupe Glu-IM. De même, les concentrations d’insuline à t = 0, 30 et 60 minutes après l’administration de glucagon étaient comparables dans les 2 bras.

A l’arrêt de l’infusion la glycémie moyenne était à 55±54 mg/dL et 55± 4 mg/dL dans le groupe Glu-Na et Glu-IM, respectivement. La glycémie à la 5ème minute après l’arrêt de la perfusion d’insuline atteignait 48±8 mg/dL et 49±8 mg/dL, respectivement, juste avant l’administration de glucagon (t = 0). Au nadir (défini par le minimum de glycémie mesurée dans les 10 min après l’administration de glucagon), la glycémie était comparable avec 44±8 mg/dL et 47±8 mg/dL pour le groupe Glu-Na et Glu-IM, respectivement.

Pour considérer le traitement par glucagon efficace, il fallait que la glycémie plasmatique revienne à plus de 70 mg/dL ou qu’elle augmente d’au moins 20 mg/dL depuis le nadir de glycémie dans un délai maximum de 30 minutes et cela sans qu’aucune autre intervention ne soit nécessaire pour élever la glycémie.

Le principal résultat de cette étude est que le glucagon administré en intra-nasal est aussi efficace que le glucagon injecté par voie intra-musculaire pour faire remonter la glycémie des sujets diabétiques de type 1 (non infériorité atteinte). Seul un sujet de l’étude n’est pas parvenu à corriger sa glycémie selon le critère de succès. Il appartenait au groupe Glu-Na : son nadir était de 47 mg/dL avec une glycémie atteignant 65 mg/dL à 30 min post-injection (donc < à 70 mg/dL). Toutefois, la glycémie était mesurée à 72 mg/dL à la 40ème min sans aucune intervention supplémentaire.

La concentration plasmatique de glucagon a atteint un taux pharmacologique en moins de 5 minutes témoignant d’une absorption rapide avec les deux voies d’administration. Mais le pic de concentration était atteint en 20 minutes avec la voie intra-nasale contre 15 minutes seulement dans le bras Glu-IM. Aussi, dans le bras Glu-Na l’augmentation de la concentration de glucose était retardée de 5 minutes par rapport au bras Glu-IM de telle sorte que le critère de succès était plus rapidement atteint dans le bras Glu-IM que dans le bras Glu-Na : 13 minutes contre 16 minutes,  respectivement (p<0,001). En corollaire, l’intensité des symptômes d’hypoglycémie (qui étaient évalués avant la perfusion d’insuline et lorsque la glycémie passait sous 75 mg/dL puis sous 60 mg/dL et aux temps t = 15, 30, 60 et 90 min après l’administration de glucagon) était supérieure dans le bras Glu-Na par rapport au bras Glu-IM durant les 45 min après l'administration de glucagon, mais semblables par la suite.

Enfin, la tolérance globale du glucagon intra-nasal était bonne, avec des troubles digestifs à types de nausées et vomissements aussi fréquents que dans le bras Glu-IM. Il y avait plus de céphalées, d’inconfort nasal et de manifestations oculaires à type de prurit et larmoiement dans le bras Glu-Na. Ces effets étaient transitoires et modérés.

En conclusion, le traitement d’une hypoglycémie par glucagon intra-nasal est non inférieur au glucagon IM. Mais doit-on s’inquiéter de ce décalage de 5 minutes pour la remontée glycémique et d’environ 3 minutes pour atteindre le critère de succès ? Je ne le pense pas car, comme le soulignent les auteurs, ce léger délai doit être mis en balance avec le temps nécessaire pour récupérer le kit de glucagon, puis préparer et administrer la formulation injectable par voie intra-musculaire chez un patient qui peut parfois être agité. Beaucoup d’entre nous prescrivent du glucagon injectable, mais finalement peu de patients l’utilisent réellement. Nombreux sont les aidants qui ne savent pas s’en servir ou témoignent de leur crainte de réaliser l’injection intra-musculaire. Finalement le glucagon injectable est au mieux stocké dans le réfrigérateur et attendra qu’un professionnel de santé appelé à l’aide l’utilise. Tout cela rallonge le délai d’intervention avec de possibles conséquences cliniques. Dans bon nombre de cas, l’hypoglycémie perdure, et le patient ne reprendra conscience qu’après perfusion intraveineuse de glucose. A contrario, le dispositif d’administration intra-nasal est extrêmement simple d’utilisation. L’embout est introduit dans une narine et la dose thérapeutique sera délivrée par simple pression sur un bouton situé à l’autre extrémité et relié à un piston. Cela assure la délivrance du produit sec, sans nécessité d’inspiration, donc même sans participation du patient.

Cette simplicité d’utilisation a été illustrée dans un poster présenté à l’EASD en septembre 2015 [2]. En situation d’hypoglycémie simulée sur mannequin, il a été montré que l’administration intra-nasale de glucagon était effectivement beaucoup plus rapide que l’administration intra-musculaire à la fois pour des soignants (n=16) habitués à gérer des diabétiques insulino-traités (16 sec vs 1min 53 sec) que pour des personnes (n=16) sans lien avec le soin (26 sec vs 2 min 24 sec). Concernant la facilité d’utilisation dans le contexte de cette urgence simulée, 6 soignants et 3 non soignants n’injectaient qu’une dose partielle de glucagon IM. Cinquante pour cent des soignants et 80% des non soignants ne parvenaient pas à injecter le glucagon. A l’inverse, l’administration intra-nasale fut complète pour 94% des soignants et 93% des non-soignants.

La recherche d’une alternative au glucagon IM n’est toutefois pas récente avec notamment deux équipes pionnières dans les années 80 : celle de Pontiroli en Italie [3] et celle du Pr Gérard Slama en France [4]. Mais c’est finalement une compagnie pharmaceutique canadienne privée située à Montréal, Locemia (acronyme de « Low blood sugar » et « hypoglycemia ») qui a mis au point cette formulation intra-nasale. Et l’Histoire de ce glucagon intra-nasal est probablement en marche avec la publication le 9 octobre 2015 d’un communiqué de presse annonçant que les laboratoires Lilly faisaient l’acquisition de la présentation intra-nasale de glucagon de phase III auprès de Locemia Solutions.

 

Références

[1] Cryer PE. The barrier of hypoglycemia in diabetes. Diabetes. 2008 Dec;57(12):3169-76.
 
 
[3] Pontiroli AE, et al. Metabolic effects of intranasally administered glucagon: comparison with intramuscular and intravenous injection. Acta Diabetol Lat. 1985 Apr-Jun;22(2):103-10.
 
[4] Freychet L, Rizkalla SW, Desplanque N, et al. Effect of intranasal glucagon on blood glucose levels in healthy subjects and hypoglycaemic patients with insulin-dependent diabetes. Lancet. 1988;1(8599):1364-6.
 
 


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dimanche 28 février 2016

Remplacement de lecteur de glycémie chez Lifescan

  Dans le cadre de la garantie il vous est possible de remplacer votre ancien lecteur de glycémie OneTouch. Si vous utilisez un lecteur de glycémie OneTouch Vita ou OneTouch UltraEasy, depuis le 1er novembre 2012, vous pouvez, si vous le souhaitez, obtenir dans le cadre de la garantie, un lecteur OneTouch Verio, OneTouch Verio IQ ou […]

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vendredi 19 février 2016

Autocollants pour capteur FreeStyle Libre

Abbot vient de lancer un nouveau site web pour son lecteur de glycémie FreeStyle Libre. Accessible via monfreestylelibre.fr Autre point, dont je vous parlais dans le 1er épisode de #FAQ Diabète, les premiers autocollants de personnalisation des capteurs de FreeStyle sont maintenant disponibles. Ces premiers autocollants sont surtout dédiés aux jeunes diabétiques. Une plateforme dédiée […]

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samedi 13 février 2016

FAQ Diabète #01 – FreeStyle Libre

  Nouvelle série ! FAQ #Diabète ! A découvrir sur la chaîne YouTube VivreAvecUnDiabete.com, cette nouvelle série vidéo a pour but de répondre à vos questions fréquentes posées sur la page Facebook, le compte Twitter et le site VivreAvecUnDiabete.com Dans ce premier numéro, réponse à vos questions sur le lecteur de glycémie FreeStyle Libre. Beaucoup de […]

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