jeudi 9 février 2017

Quel est le bénéfice du traitement par double antiagrégant plaquettaire chez les patients diabétiques bénéficiant d’un pontage coronarien ?

Auteur : 
Kamel Mohammedi
Date Publication : 
Janvier 2017
 
Article du mois en accès libre
 
Van Diepen S et al. Dual Antiplatelet Therapy Versus Aspirin Monotherapy in Diabetics With Multivessel Disease Undergoing CABG : FREEDOM Insights. J Am Coll Cardiol. 2017 Jan 17;69(2):119-127. doi: 10.1016/j.jacc.2016.10.043

 

Le pontage coronarien (PC) est associé à une réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire chez les patients atteints de maladie cardiovasculaire ischémique avec atteinte de plusieurs artères coronaires dans la population diabétique et non diabétique [1-3]. Le traitement par aspirine réduit la mortalité et améliore la perméabilité du PC [4 - 5]. Le traitement par double anti-agrégation plaquettaire (DAPT), associant aspirine et thiénopyridine, semble avoir un intérêt en terme de prévention cardiovasculaire secondaire devant l’hypercoagulabilité systémique et le risque de thrombose du PC. De plus, le risque de rupture, d’ulcération ou d’érosion de la plaque d’athérosclérose des artères coronaires natives persiste même après le pontage [6]. Le diabète sucré est considéré comme un facteur de risque d’échec de PC, avec une augmentation de la mortalité peropératoire et à long terme [7]. Dans le présent travail, Van Diepen et al. ont comparé aspirine seule vs. DAPT en termes de mortalité, d’évènements cardiovasculaires majeurs, et d’accidents hémorragiques chez des patients diabétiques avec coronaropathie multi-artérielle bénéficiant d’un PC lors de l’étude FREEDOM (Future REvascularization Evaluation in patients with Diabetes mellitus: Optimal management of Multivessel disease) [1].

FREEDOM est une étude randomisée, multicentrique, internationale dont l’objectif principal a été de comparer la revascularisation percutanée avec pose de stents bioactifs au PC chez des patients diabétiques âgés de plus de 18 ans et atteints de sténose (≥ 70 %) d’au moins 2 artères épicardiques majeures. Cette étude a montré une réduction du risque de mortalité et d’infarctus du myocarde (IDM) chez les patients bénéficiant d’une chirurgie par PC, en comparaison à ceux ayant eu un traitement endovasculaire [1]. En revanche, l’incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) était plus élevée dans le groupe PC. Dans le présent travail, les auteurs ont analysé tous les participants de l’étude FREEDOM ayant bénéficié d’un PC et traités par aspirine ou DAPT (aspirine plus clopidogrel ou ticlopidine) pendant au moins 30 jours après la chirurgie. Les patients traités par coumadine ont été exclus de ces analyses. Le critère de jugement primaire était un composite d’évènements macrovasculaires majeurs (mort de toute cause, IDM non fatal, AVC non fatal) à 5 ans. Les critères de jugement secondaires étaient les suivants : mortalité totale, IDM non fatal et hospitalisation pour maladie cardiovasculaire (angine instable, IDM, insuffisance cardiaque, douleurs thoraciques, arythmie cardiaque, AVC, AIT, ou maladie artérielle périphérique).

Parmi les 947 participants randomisés initialement dans le groupe PC, 795 patients ont été inclus dans cette étude : 251 (âge moyen 64 ans et 70 % d’hommes) étaient traités par aspirine seule, et 544 (âge moyen 61 ans et 72 % d’hommes) recevaient une DAPT. Le critère de jugement principal était comparable entre le groupe aspirine vs. DAPT : 16,0  vs. 12,5 % (hazard ratio multi-ajusté : 0,83; IC 95% [0,54 – 1,27], p=0,39). L’incidence de mortalité totale (0,62 [0,34 – 1,13], p=0,12), du décès de cause cardiovasculaire (1,17 [0,50 – 2,72], p=0,72), d’IDM (1,42 [0,63 – 3,21], p=0,40), d’AVC (0,85 [0,36 – 1,99], p=0,71), et d’hospitalisation pour maladie cardiovasculaire (1,10 [0,75 – 1,61], p=0,62) étaient également comparables entre les 2 groupes. Le traitement par DAPT n’était pas associé à un risque élevé d’accidents hémorragiques. Ainsi, les hémorragies majeures (5,7 vs. 5,6 % ; HR 1,00 [0,50 – 1,19], p=0,99), les transfusions sanguines (4,5 vs. 4,8% ; HR 1,09 [0,51 – 2,34], p=0,82), et les hospitalisations pour accidents hémorragiques (3,3 vs. 2,6 ; HR 0,85 [0,34 – 2,17], p=0,74) étaient similaires entre les patients traités par aspirine seule ou par DAPT. Des résultats similaires ont été observés dans les analyses de différents sous-groupes.

Ces analyses secondaires du groupe PC de l’étude FREEDOM ne montrent pas de bénéfice du traitement DAPT en comparaison à l’aspirine seule en terme de réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire. Le traitement DAPT n’était pas associé non plus à un risque plus élevé d’incidents hémorragiques. Il est intéressant de noter que 2/3 des participants de cette étude avaient un traitement DAPT pendant une durée médiane d’une année après le PC. Cette proportion est largement supérieure à celle qui a été rapportée dans d’autres études rétrospectives et observationnelles [8,9]. Certaines sociétés savantes recommandent la DAPT dans la population générale nécessitant une chirurgie par PC pour un syndrome coronarien aigu, mais ces recommandations sont basées sur des résultats d’études prospectives et des analyses de sous-groupes [10, 11]. Une étude récente a montré que les bénéfices du traitement par DAPT (vs. aspirine seule) après une angioplastie coronaire percutanée étaient plus faibles chez des patients diabétiques comparés aux sujets non-diabétiques [12]. En plus de cette efficacité contestée, le traitement par DAPT était également associé, dans d’autres études, à un risque élevé d’accidents hémorragiques [10, 11]. Les auteurs de la présente étude ont observé que le faible nombre d’évènements hémorragiques ne permettait pas d’avoir une puissance statistique suffisante pour détecter une différence significative entre les 2 groupes.

En résumé, les résultats de cette étude n’encouragent pas la prescription d’un traitement par deux antiagrégants plaquettaires chez les patients diabétiques avec atteinte de plusieurs coronaires bénéficiant d’un PC. Des études randomisées et contrôlées ayant comme objectif principal la comparaison de ces 2 attitudes de traitements antiagrégants plaquettaires sont indispensables pour valider ces analyses secondaires de l’étude FREEDOM.

 

Références

[1] Farkouh ME, et al. Strategies for multivessel revascularization in patients with diabetes. N Engl J Med 2012;367:2375–84.
 
[2] Mohr FW, et al. Coronary artery bypass graft surgery versus percutaneous coronary intervention in patients with three-vessel disease and left main coronary disease: 5-year follow-up of the randomised, clinical SYNTAX trial. Lancet 2013;381:629–38.
 
[3] Verma S, et al. Comparison of coronary artery bypass surgery and percutaneous coronary intervention in patients with diabetes: a meta analysis of randomised controlled trials. Lancet Diabetes Endocrinol 2013;1:317–28.
 
[4] Collaborative overview of randomised trials of antiplatelet therapy-II: Maintenance of vascular graft or arterial patency by antiplatelet therapy. Antiplatelet Trialists’ Collaboration. BMJ 1994;308:159–68.
 
[5] Mangano DT. Aspirin and mortality from coronary bypass surgery. N Engl J Med 2002;347:1309–17.
 
[6] Motwani JG, et al. Aortocoronary saphenous vein graft disease: pathogenesis, predisposition, and prevention. Circulation 1998;97:916–31.
 
[7] Morris JJ, et al. Influence of diabetes and mammary artery grafting on survival after coronary bypass. Circulation 1991;84 Suppl:III275–84.
 
[8] Kim DH, et al. Aspirin and clopidogrel use in the early postoperative period following on-pump and off-pump coronary artery bypass grafting. J Thorac Cardiovasc Surg 2009;138:1377–84.
 
[9] Sørensen R, et al. Efficacy of post-operative clopidogrel treatment in patients revascularized with coronary artery bypass grafting after myocardial infarction. J Am Coll Cardiol 2011;57:1202–9.
 
[10] Kulik A, et al. Secondary prevention after coronary artery bypass graft surgery: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation 2015;131:927–64.
 
[11] Levine GN, et al. 2016 ACC/AHA guideline focused update on duration of dual antiplatelet therapy in patients with coronary artery disease: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. J Am Coll Cardiol 2016;68:1082–115.
 
[12] Meredith IT, et al. Diabetes mellitus and prevention of late myocardial infarction after coronary stenting in the Randomized Dual Antiplatelet Therapy study. Circulation 2016;133:1772–82.
 


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mardi 7 février 2017

Quel est le bénéfice du traitement par double antiagrégant plaquettaire chez les patients diabétiques bénéficiant d’un pontage coronarien ?

Auteur : 
Kamel Mohammedi
Date Publication : 
Janvier 2017
 
Article du mois en accès libre
 
Van Diepen S et al. Dual Antiplatelet Therapy Versus Aspirin Monotherapy in Diabetics With Multivessel Disease Undergoing CABG : FREEDOM Insights. J Am Coll Cardiol. 2017 Jan 17;69(2):119-127. doi: 10.1016/j.jacc.2016.10.043

 

Le pontage coronarien (PC) est associé à une réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire chez les patients atteints de maladie cardiovasculaire ischémique avec atteinte de plusieurs artères coronaires dans la population diabétique et non diabétique [1-3]. Le traitement par aspirine réduit la mortalité et améliore la perméabilité du PC [4 - 5]. Le traitement par double anti-agrégation plaquettaire (DAPT), associant aspirine et thiénopyridine, semble avoir un intérêt en terme de prévention cardiovasculaire secondaire devant l’hypercoagulabilité systémique et le risque de thrombose du PC. De plus, le risque de rupture, d’ulcération ou d’érosion de la plaque d’athérosclérose des artères coronaires natives persiste même après le pontage [6]. Le diabète sucré est considéré comme un facteur de risque d’échec de PC, avec une augmentation de la mortalité peropératoire et à long terme [7]. Dans le présent travail, Van Diepen et al. ont comparé aspirine seule vs. DAPT en termes de mortalité, d’évènements cardiovasculaires majeurs, et d’accidents hémorragiques chez des patients diabétiques avec coronaropathie multi-artérielle bénéficiant d’un PC lors de l’étude FREEDOM (Future REvascularization Evaluation in patients with Diabetes mellitus: Optimal management of Multivessel disease) [1].

FREEDOM est une étude randomisée, multicentrique, internationale dont l’objectif principal a été de comparer la revascularisation percutanée avec pose de stents bioactifs au PC chez des patients diabétiques âgés de plus de 18 ans et atteints de sténose (≥ 70 %) d’au moins 2 artères épicardiques majeures. Cette étude a montré une réduction du risque de mortalité et d’infarctus du myocarde (IDM) chez les patients bénéficiant d’une chirurgie par PC, en comparaison à ceux ayant eu un traitement endovasculaire [1]. En revanche, l’incidence des accidents vasculaires cérébraux (AVC) était plus élevée dans le groupe PC. Dans le présent travail, les auteurs ont analysé tous les participants de l’étude FREEDOM ayant bénéficié d’un PC et traités par aspirine ou DAPT (aspirine plus clopidogrel ou ticlopidine) pendant au moins 30 jours après la chirurgie. Les patients traités par coumadine ont été exclus de ces analyses. Le critère de jugement primaire était un composite d’évènements macrovasculaires majeurs (mort de toute cause, IDM non fatal, AVC non fatal) à 5 ans. Les critères de jugement secondaires étaient les suivants : mortalité totale, IDM non fatal et hospitalisation pour maladie cardiovasculaire (angine instable, IDM, insuffisance cardiaque, douleurs thoraciques, arythmie cardiaque, AVC, AIT, ou maladie artérielle périphérique).

Parmi les 947 participants randomisés initialement dans le groupe PC, 795 patients ont été inclus dans cette étude : 251 (âge moyen 64 ans et 70 % d’hommes) étaient traités par aspirine seule, et 544 (âge moyen 61 ans et 72 % d’hommes) recevaient une DAPT. Le critère de jugement principal était comparable entre le groupe aspirine vs. DAPT : 16,0  vs. 12,5 % (hazard ratio multi-ajusté : 0,83; IC 95% [0,54 – 1,27], p=0,39). L’incidence de mortalité totale (0,62 [0,34 – 1,13], p=0,12), du décès de cause cardiovasculaire (1,17 [0,50 – 2,72], p=0,72), d’IDM (1,42 [0,63 – 3,21], p=0,40), d’AVC (0,85 [0,36 – 1,99], p=0,71), et d’hospitalisation pour maladie cardiovasculaire (1,10 [0,75 – 1,61], p=0,62) étaient également comparables entre les 2 groupes. Le traitement par DAPT n’était pas associé à un risque élevé d’accidents hémorragiques. Ainsi, les hémorragies majeures (5,7 vs. 5,6 % ; HR 1,00 [0,50 – 1,19], p=0,99), les transfusions sanguines (4,5 vs. 4,8% ; HR 1,09 [0,51 – 2,34], p=0,82), et les hospitalisations pour accidents hémorragiques (3,3 vs. 2,6 ; HR 0,85 [0,34 – 2,17], p=0,74) étaient similaires entre les patients traités par aspirine seule ou par DAPT. Des résultats similaires ont été observés dans les analyses de différents sous-groupes.

Ces analyses secondaires du groupe PC de l’étude FREEDOM ne montrent pas de bénéfice du traitement DAPT en comparaison à l’aspirine seule en terme de réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire. Le traitement DAPT n’était pas associé non plus à un risque plus élevé d’incidents hémorragiques. Il est intéressant de noter que 2/3 des participants de cette étude avaient un traitement DAPT pendant une durée médiane d’une année après le PC. Cette proportion est largement supérieure à celle qui a été rapportée dans d’autres études rétrospectives et observationnelles [8,9]. Certaines sociétés savantes recommandent la DAPT dans la population générale nécessitant une chirurgie par PC pour un syndrome coronarien aigu, mais ces recommandations sont basées sur des résultats d’études prospectives et des analyses de sous-groupes [10, 11]. Une étude récente a montré que les bénéfices du traitement par DAPT (vs. aspirine seule) après une angioplastie coronaire percutanée étaient plus faibles chez des patients diabétiques comparés aux sujets non-diabétiques [12]. En plus de cette efficacité contestée, le traitement par DAPT était également associé, dans d’autres études, à un risque élevé d’accidents hémorragiques [10, 11]. Les auteurs de la présente étude ont observé que le faible nombre d’évènements hémorragiques ne permettait pas d’avoir une puissance statistique suffisante pour détecter une différence significative entre les 2 groupes.

En résumé, les résultats de cette étude n’encouragent pas la prescription d’un traitement par deux antiagrégants plaquettaires chez les patients diabétiques avec atteinte de plusieurs coronaires bénéficiant d’un PC. Des études randomisées et contrôlées ayant comme objectif principal la comparaison de ces 2 attitudes de traitements antiagrégants plaquettaires sont indispensables pour valider ces analyses secondaires de l’étude FREEDOM.

 

Références

[1] Farkouh ME, et al. Strategies for multivessel revascularization in patients with diabetes. N Engl J Med 2012;367:2375–84.
 
[2] Mohr FW, et al. Coronary artery bypass graft surgery versus percutaneous coronary intervention in patients with three-vessel disease and left main coronary disease: 5-year follow-up of the randomised, clinical SYNTAX trial. Lancet 2013;381:629–38.
 
[3] Verma S, et al. Comparison of coronary artery bypass surgery and percutaneous coronary intervention in patients with diabetes: a meta analysis of randomised controlled trials. Lancet Diabetes Endocrinol 2013;1:317–28.
 
[4] Collaborative overview of randomised trials of antiplatelet therapy-II: Maintenance of vascular graft or arterial patency by antiplatelet therapy. Antiplatelet Trialists’ Collaboration. BMJ 1994;308:159–68.
 
[5] Mangano DT. Aspirin and mortality from coronary bypass surgery. N Engl J Med 2002;347:1309–17.
 
[6] Motwani JG, et al. Aortocoronary saphenous vein graft disease: pathogenesis, predisposition, and prevention. Circulation 1998;97:916–31.
 
[7] Morris JJ, et al. Influence of diabetes and mammary artery grafting on survival after coronary bypass. Circulation 1991;84 Suppl:III275–84.
 
[8] Kim DH, et al. Aspirin and clopidogrel use in the early postoperative period following on-pump and off-pump coronary artery bypass grafting. J Thorac Cardiovasc Surg 2009;138:1377–84.
 
[9] Sørensen R, et al. Efficacy of post-operative clopidogrel treatment in patients revascularized with coronary artery bypass grafting after myocardial infarction. J Am Coll Cardiol 2011;57:1202–9.
 
[10] Kulik A, et al. Secondary prevention after coronary artery bypass graft surgery: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation 2015;131:927–64.
 
[11] Levine GN, et al. 2016 ACC/AHA guideline focused update on duration of dual antiplatelet therapy in patients with coronary artery disease: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Clinical Practice Guidelines. J Am Coll Cardiol 2016;68:1082–115.
 
[12] Meredith IT, et al. Diabetes mellitus and prevention of late myocardial infarction after coronary stenting in the Randomized Dual Antiplatelet Therapy study. Circulation 2016;133:1772–82.
 


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