lundi 28 novembre 2016

Grossesse après chirurgie bariatrique : les complications maternelles, fœtales et périnatales sont plus fréquentes les deux premières années

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Novembre 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Parent B, et al. Bariatric surgery in women of childbearing age, timing between an operation and birth, and associated perinatal complications. JAMA Surg. 2016 Oct(19). [Epub ahead of print]. doi: 10.1001/jamasurg.2016.3621
 

 

Aux États-Unis, environ 20% des femmes sont obèses au moment de la conception [1]. Obésité et grossesse ne font cependant pas bon ménage ! En effet de nombreuses études ont montré l’impact délétère de l’obésité sur le parcours obstétrical : l’obésité augmente les complications avant, pendant et après l’accouchement ! Diminution de la fertilité, complications gravidiques (hypertension artérielle, pré-éclampsie, diabète gestationnel) plus fréquentes, modifications des modalités d’accouchement sont autant d’exemples des risques maternels. Les risques fœtaux sont eux aussi augmentés : anomalies de fermeture du tube neural, anomalies cardiaques, mort fœtale in utero, macrosomie… [2].

De nombreuses femmes obèses en âge de procréer ont recours à la chirurgie bariatrique qui leur assure généralement une perte significative et durable de poids. La perte de poids rapidement constatée après chirurgie améliore leur fertilité. Aussi la fréquence des grossesses après chirurgie ne cesse de croître.

Il faut garder à l’esprit que les 12 à 16 premiers mois après la chirurgie, quand la perte de poids est rapide, des changements métaboliques peuvent potentiellement entraîner des carences nutritionnelles plus ou moins importantes selon le type de chirurgie [3]. On est donc en droit de s’interroger quant à l’influence possiblement négative d’une conception, durant cette période non-optimale sur le plan nutritionnel, sur le développement du fœtus et le devenir des nourrissons. En outre, le délai idéal entre l’acte de chirurgie bariatrique et le début d’une grossesse reste indéfini.

C’est pour répondre à toutes ces questions que Brodie Parent et al, ont étudié (en termes de pronostic maternel et périnatal) rétrospectivement les grossesses de 1859 femmes (âge médian 32 ans [IQR 28-36]) qui avaient subi une chirurgie bariatrique avant leur grossesse dans l'État de Washington entre 1980 et 2013. Ils les ont comparées à 8437 mères (âge médian 28 ans [24-32]) qui n'avaient pas subi de chirurgie bariatrique et qui ont eu une grossesse durant la même période. Le groupe chirurgie bariatrique comprenait des femmes opérées par gastroplastie verticale calibrée, anneau gastrique ajustable, sleeve gastrectomie et by-pass gastrique de Roux-en-Y. Ce groupe est désigné «  mères post-opératoires » (MPO). Les autres femmes étaient désignées «  mères non opérées » (MNO).

Comparativement aux MNO, les MPO d'âge, d'IMC, de parité, de statut socioéconomique et de comorbidités (HTA, diabète…) semblables, avaient un pronostic périnatal généralement plus mauvais. Plus précisément, 8,6% des nourrissons issus de MNO étaient prématurés (âge gestationnel <37 semaines), comparativement à 14% des nourrissons de MPO (RR 1,57 [IC 95%: 1,33-1,85]). Il y a eu 1,5% de naissances prématurées précoces (âge gestationnel <32 semaines) chez les MNO contre 3,0% pour les MPO (RR 1,71 [1,16-2,01]). Onze pour cent des nourrissons de MNO ont nécessité une admission en unité de soins intensifs néonatals (USIN) comparé à 15,2% des nourrissons issus du groupe MPO (RR 1,25 [1,08-1,44]). Par rapport aux nourrissons de MNO, les nourrissons des MPO étaient également plus exposés au retard de croissance intra-utérin (13,0% vs 8,9% : RR 1,93 [1,65-2,26]). Cette étude retrouvait à l’inverse un risque plus faible de macrosomie dans le groupe de nourrissons MPO (6,6% vs 8,7%: RR 0,53 [0,44-0,65]).

Chez les nourrissons du groupe MPO, il existait une tendance à l’augmentation des malformations congénitales (RR 1,12 [0,99-1,26]). Les anomalies héréditaires ou chromosomiques (par exemple Syndrome de Down et autres caryotypes anormaux) ont été exclues de la définition de malformation considérant que leur étiologie est indépendante de l'environnement métabolique et nutritionnel de la mère. Par rapport aux nourrissons de MNO, les nourrissons des MPO avaient également plus souvent un score d’Apgar ≤ 8 (17,5% vs 14,8% : RR 1,21 [1,06-1,37]). De même, il existait une tendance à l’augmentation de la mortalité fœtale ou infantile (RR 1,54 [0,91-2,61]). Le recours à une césarienne était plus fréquent dans le groupe MPO : 40,7% des MPO vs 25,4% des MNO (RR 1,21 [1,12-1,31]). Il n’y avait pas de différence significative en termes de traumatismes obstétricaux (dystocie des épaules, hémorragie intra-ventriculaire, paralysie nerveuse, hématome du cuir chevelu et traumatisme squelettique).

L’objectif secondaire de ce travail était d’examiner l'association entre les risques périnataux et le temps qui sépare la grossesse de la chirurgie bariatrique. Comparativement aux nourrissons de mères ayant un intervalle de plus de 4 ans entre le début de la grossesse et la chirurgie, les nourrissons de mères ayant moins de 2 ans d'intervalle présentaient des risques plus élevés de prématurité (11,8% vs 17,2% : RR 1,48 [1,00-2,19]), d’admission en unité de soins intensifs néonatals (12,1% vs 17,7% : RR 1,54 [1,05-2,25], et de RCIU (9,2% vs 12,7% : RR, 1,51 [0,94-2,42]). Ce sur-risque de RCIU était également présent pour les grossesses débutées dans un intervalle compris entre 2 à 4 ans après la chirurgie : RR 1,67 [1,04-2,68].

En résumé, cette étude montre un risque plus élevé de complications néonatales pour les mères qui ont eu une chirurgie bariatrique comparativement à celles qui n’ont pas été opérées et appariées sur l'âge, l'IMC, la parité, le statut socio-économique et les comorbidités. De plus les nourrissons du groupe MPO dont l'intervalle entre chirurgie et grossesse est inférieur à 2 ans présentent des risques plus élevés de complications comparativement à ceux issues de grossesses plus tardives (> 4 ans).

En 2009, la HAS recommande de maintenir une contraception généralement pendant 12 à 18 mois après l’acte de chirurgie bariatrique (grade C) [4]. Cela ne paraît donc pas suffisamment long. Aux USA, L'American College of Gynecologists recommande d'éviter de débuter une grossesse pendant un minimum de 2 ans après une opération bariatrique. Ces recommandations sont  basées en grande partie sur des opinions d’experts, plutôt que sur des preuves solides. Des études prospectives devraient permettre de mieux appréhender le délai idéal, selon le type de chirurgie (ce que ne permet pas d’évaluer cette publication agrégeant tous les types de chirurgie).

Ces résultats plaident cependant en faveur d’une planification de la grossesse après chirurgie bariatrique. Plus globalement, c’est tout le parcours de soin obstétrical des femmes obèses en âge de procréer, et candidates à une chirurgie bariatrique, qui doit être davantage formalisé au sein des équipes. Cela va de l’information de la patiente préalablement à l’indication de la chirurgie concernant le risque maternel, fœtal et périnatal, jusqu’à la surveillance de la grossesse elle-même en passant par l’évaluation diététique, nutritionnelle, clinique et biologique pré-conceptionnelle et en discutant très en amont la question des modalités de contraception pré et post-chirurgie. Tous ces aspects relèvent d’une véritable démarche d’éducation thérapeutique, notamment pour éviter qu’une grossesse  ne débute en pleine phase initiale catabolique de perte pondérale massive.

 

Références

[1] Willis K, et al. Pregnancy and neonatal outcome after bariatric surgery. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol. 2015;29(1):133-144.
 
[2] Watkins ML, et al. Maternal obesity and risk for birth defects. Pediatrics. 2003 May;111(5Pt2):1152-8.
 
[3] Stein J, et al. Review article: the nutritional and pharmacological consequences of obesity surgery. Aliment Pharmacol Ther. 2014; 40(6):582-609.
 
 
[5] American College of Obstetricians and Gynecologists : ACOG practice bulletin no.105 : bariatric surgery and pregnancy. Obstet Gynecol. 2009;113(6):1405-1413.
 
 


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jeudi 3 novembre 2016

L’utilisation des capteurs en temps réel réduit le risque de survenue des hypoglycémies sévères

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Octobre 2016
 
Article du mois en accès libre
 
van Beers CA et al. Continuous glucose monitoring for patients with type 1 diabetes and impaired awareness of hypoglycaemia (IN CONTROL): a randomised, open-label, crossover trial. Lancet Diabetes Endocrinol. 2016 pii: S2213-8587(16)30193-0. [Epub ahead of print]. doi: 10.1016/S2213-8587(16)30193-0
 

 

L’objectif de normoglycémie est fondamental chez les patients atteints de diabète de type 1 (DT1) afin de réduire le risque de survenue des complications micro- et macrovasculaires et de diminuer la mortalité [1,2]. Cependant, cet objectif est difficile à atteindre notamment à cause du risque hypoglycémique qui y est associé et qui représente un facteur majeur limitant l’obtention d’un contrôle glycémique optimal [3]. Les hypoglycémies peuvent avoir des conséquences physiques et psychologiques importantes et peuvent même être fatales [4]. Les hypoglycémies modérées sont fréquentes ches les patients DT1 puisqu’elles surviennent à raison de 1 à 2 évènements/patient/semaine. L’incidence des hypoglycémies sévères, nécessitant l’intervention d’une tierce personne, est bien sûr plus faible, mais représente quand même de 0,2 jusqu’à 3,2 épisodes/patient/an, d’autant plus que le diabète est ancien [5]. De plus, la récurrence des hypoglycémies entraîne un émoussement des systèmes de contre-régulation, favorisant leur non perception (hypoglycemia unawareness - HU). Ce phénomène, qui concerne environ 25% des patients DT1, augmente d’un facteur 3 à 6 le risque de survenue d’hypoglycémies sévères [6].

De nombreuses études ont montré que l’utilisation du CGM (continuous glucose monitoring) en temps réel (rt-CGM) chez les patients DT1 permet une amélioration de l’HbA1c sans majoration du risque hypoglycémique, avec un effet d’autant plus favorable que l’HbA1c de départ est plus élevée, et que l’observance au port du système est régulière [7]. Cependant, dans ces études, les patients atteints d’HU étaient le plus souvent exclus. Une seule étude observationnelle a suggéré que l’utilisation du rt-CGM pouvait réduire l’incidence des hypoglycémies sévères dans une population de patients DT1 avec HU, mais les participants de cette analyse étaient très jeunes (moyenne d’âge 18,6 ans) et ne correspondent pas au profil type du patient DT1 ne ressentant pas ses hypoglycémies (> 40 ans et > 25 ans d’ancienneté de diabète) [8]. Ainsi, l’objet de l’étude rapportée ici était d’évaluer l’effet du rt-CGM dans une population de patients adultes DT1 avec HU.

Il s’agit d’une étude bi-centrique néerlandaise, randomisée, ouverte, en crossover, comparant l’effet du rt-CGM (Paradigm VEO en mode capteur uniquement ; Medtronic) à une prise en charge classique avec auto-contrôles de la glycémie capillaire (self monitoring of blood glucose – SMBG). Pour être éligibles, les patients devaient être atteints d’un DT1, avoir entre 18 et 75 ans, être traités par insulinothérapie intensifiée à la pompe ou en multi-injections, faire au moins 3 auto-contrôles de glycémie capillaire par jour et avoir une HU définie par un score de Gold ≥ 4 (score simple à réaliser et validé chez les adultes DT1) [6]. Les principaux critères d’exclusion étaient la présence d’une insuffisance rénale, hépatique ou cardiaque, d’une rétinopathie diabétique proliférante menaçante, d’un cancer évolutif, l’utilisation de béta-bloqueurs, l’utilisation d’un rt-CGM au long cours, ou encore la présence de troubles visuels ou auditifs ne permettant pas de percevoir précisément les informations en provenance d’un rt-CGM. Après une période de run-in de 6 semaines pour réajustement des doses d’insuline et rappels éducatifs, les patients ont été randomisés 1:1 pour une séquence de 16 semaines de rt-CGM suivi d’une séquence de 16 semaines de SMBG ou inversement (SMBG d’abord puis rt-CGM). Les deux séquences, quel que soit leur ordre, étaient séparées par une période de washout de 12 semaines. Lors de chaque séquence de 16 semaines, les patients étaient libres d’adapter leurs doses d’insuline selon leurs habitudes et selon les rappels éducatifs de la phase de run-in qui comportaient les messages classiques concernant la gestion des hypoglycémies et des hyperglycémies, la prise en compte des glucides et les risques liés à l’HU. Il n’y avait pas de protocole précis de titration des doses d’insuline selon les résultats SMBG ou rt-CGM. Les patients avaient une visite physique ou téléphonique tous les 15 jours pendant chacune des 2 séquences de 16 semaines, afin d’éviter la perte d’information concernant la survenue des hypoglycémies et notamment des hypoglycémies sévères. Le critère principal d’évaluation était le pourcentage de temps passé dans la cible normoglycémique (70-180 mg/dL), sachant que pendant la séquence SMBG, les patients portaient quand même le rt-CGM, en mode aveugle, uniquement dans le but d’obtenir des données de glucose interstitiel pour l’analyse comparative. Les critères secondaires d’évaluation étaient la survenue d’hypoglycémies sévères, le pourcentage de temps passé < 70 mg/dL, le pourcentage de temps passé > 180 mg/dL, l’aire sous la courbe < 70 mg/dL, la durée des épisodes < 70 mg/dL et la variabilité intra- et inter-journalière du glucose, mesurée avec différents index.

Cinquante-deux patients ont été randomisés dans cette étude. Leur âge moyen était de 48,6 ans, avec une ancienneté de diabète de 30,5 années, une HbA1c de départ à 7,5±0,8%, et une dose moyenne quotidienne d’insuline de 0,5 UI/kg/j. Parmi ces patients, 44% étaient traités par pompe à insuline. Ces patients pratiquaient en moyenne 5 contrôles de glycémie capillaire par jour. 93% des patients avaient déjà présenté au moins une hypoglycémie sévère, avec plus de 4 épisodes annuels pour près de 40% d’entre eux. Le temps d’utilisation médian des capteurs pendant la séquence rt-CGM était de 89,4%. Concernant le critère principal, le pourcentage de temps passé en normoglycémie était plus élevé pour la séquence rt-CGM que SMBG (65,0% [IC 95% 62,8–67,3] vs 55,4% [53,1–57,7], respectivement; différence moyenne 9,6 [IC 95% 8,0–11,2]; p<0,0001). Parallèlement, le pourcentage de temps passé < 70 mg/dL et le pourcentage de temps passé au-dessus de 180 mg/dL étaient significativement plus faibles lors de la séquence rt-CGM, de jour comme de nuit. De même, l’aire sous la courbe < 70 mg/dL était plus basse lors de la séquence rt-CGM, comparée à la séquence SMBG (62,9 [45,1–80,7] vs 115,8 [97,8–133,8] mmol/L/min, respectivement ; p<0,0001). Tous les indices de variabilité étaient également significativement abaissés lors de la séquence rt-CGM (SD, MAG, MODD, CONGA). Enfin, le nombre d’épisodes d’hypoglycémie sévère était significativement plus faible lors de la séquence rt-CGM comparativement à la séquence SMBG (14 vs 34 épisodes, respectivement ; p=0,033). Ces bénéfices du capteur étaient observés aussi bien chez les patients traités par pompe que par multi-injections. De même, il n’y avait pas de différence d’efficacité que les patients utilisent ou non la méthode de l’insulinothérapie fonctionnelle pour adapter leurs doses d’insuline. L’HbA1c était à 7,3% à la fin de chaque séquence, reflétant bien que la diminution du risque hypoglycémique lors de la séquence rt-CGM s’est également accompagnée d’une réduction de l’exposition à l’hyperglycémie. Il faut noter que pour les patients randomisés pour avoir le rt-CGM puis le SMBG, les bénéfices observés lors de la séquence rt-CGM disparaissaient rapidement lors de la séquence SMBG, ne montrant aucun effet « rémanent » de l’utilisation des capteurs.

Pour la première fois, une étude prouve que l’utilisation du rt-CGM, sans fonction de suspension automatique du débit de base, permet de réduire l’incidence des hypoglycémies sévères dans une population pourtant à très haut risque car ne percevant pas les hypoglycémies. Ces résultats contrastent avec une précédente étude (HypoCOMPaSS) qui, malgré une méthodologie proche, n’avait pas montré un tel bénéfice du rt-CGM. Cependant, il faut souligner que pour cette étude, l’observance au port du capteur était moins bonne avec un temps d’utilisation médian des capteurs de seulement 57% [9].

Après avoir accumulé des preuves de leur capacité à améliorer l’HbA1c et à réduire les hypoglycémies, les capteurs montrent à présent qu’ils peuvent diminuer l’incidence des hypoglycémies sévères dans une population à haut risque d’en présenter. Qui pourrait encore rester réfractaire aux capteurs ?

 

Références

[1] Nathan DM et al. Intensive diabetes treatment and cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. N Engl J Med 2005;353:2643-2653.
 
[2] Orchard TJ et al. Association between 7 years of intensive treatment of type 1 diabetes and long-term mortality. JAMA 2015;313:45-53.
 
[3] Cryer PE. Hypoglycaemia: the limiting factor in the glycaemic management of Type I and Type II diabetes. Diabetologia 2002;45:937-948.
 
[4] Feltbower RG et al. Acute complications and drug misuse are important causes of death for children and young adults with type 1 diabetes: results from the Yorkshire Register of diabetes in children and young adults. Diabetes Care 2008;31:922-926.
 
[5] Frier BM. Hypoglycaemia in diabetes mellitus: epidemiology and clinical implications. Nat Rev Endocrinol 2014;10:711-722.
 
[6] Gold AE et al. Frequency of severe hypoglycemia in patients with type I diabetes with impaired awareness of hypoglycemia. Diabetes Care 1994;17:697-703.
 
[7] Pickup JC, Freeman SC, Sutton AJ. Glycaemic control in type 1 diabetes during real time continuous glucose monitoring compared with self monitoring of blood glucose: meta-analysis of randomised controlled trials using individual patient data. BMJ 2011;343:d3805.
 
[8] Choudhary P et al. Real-time continuous glucose monitoring significantly reduces severe hypoglycemia in hypoglycemia-unaware patients with type 1 diabetes. Diabetes Care 2013;36:4160-4162.
 
[9] Little SA et al. Recovery of hypoglycemia awareness in long-standing type 1 diabetes: a multicenter 2 × 2 factorial randomized controlled trial comparing insulin pump with multiple daily injections and continuous with conventional glucose self-monitoring (HypoCOMPaSS). Diabetes Care 2014;37:2114-2122.
 


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samedi 1 octobre 2016

L’utilisation de FreeStyle Libre® diminue le risque d’hypoglycémie chez les patients diabétiques de type 1 bien contrôlés

Auteur : 
Kamel Mohammedi
Date Publication : 
Septembre 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Bolinder J et al.  Novel glucose-sensing technology and hypoglycaemia in type 1 diabetes: a multicentre, non-masked, randomised controlled trial. Lancet 2016 (ahead of print). doi: 10.1016/S0140-6736(16)31535-5
 

 

Le contrôle strict de la glycémie est indispensable pour prévenir les complications micro- et macrovasculaires liées au diabète [1, 2], mais une majorité de patients diabétiques n’arrive pas à atteindre l’objectif glycémique recommandé. De plus, un contrôle glycémique satisfaisant est souvent associé à un risque élevé d’hypoglycémie [3]. Des études observationnelles antérieures ont montré que 30 à 40 % des patients diabétiques de type 1 (DT1) étaient victimes de 1 à 3 malaises hypoglycémiques chaque année [4].

L’utilisation des dispositifs de contrôle continu du glucose (CGM) a émergé ces dernières années, particulièrement chez les patients DT1. Le FreeStyle Libre® (Abbott Diabetes Care, Witney, Oxon, UK) est le premier dispositif CGM avec un système flash, sans besoin de calibrage. Le patient peut consulter son taux de glucose (sans ponction cutanée) en scannant, à tout moment, le capteur à l’aide d’un moniteur. Le patient (ou le personnel soignant) peut ainsi consulter en temps réel les données immédiates ainsi que les 8 dernières heures de données de glucose interstitiel qui sont en mémoire dans le transmetteur.

L’objectif de la présente étude a été de comparer l’utilisation de FreeStyle Libre® à l’auto-surveillance de la glycémie capillaire, dans la prévention des hypoglycémies chez des adultes DT1 bien contrôlés. Cette étude randomisée, ouverte, multicentrique européenne (Suède, Autriche, Allemagne, Pays-Bas, et Espagne) a inclus des patients DT1 âgés de plus de 18 ans, diagnostiqués depuis au moins 5 ans, traités par insuline (protocole inchangé depuis au moins les 3 mois précédents l’étude), avec une HbA1C ≤ 7,5 %, pratiquant une auto-surveillance glycémique régulière (≥ 3 par jour pendant au moins les 2 mois précédents l’étude), et capables de manier le FreeStyle Libre®. Les principaux critères d’exclusion ont été le diagnostic lors des 6 derniers mois d’une hypoglycémie sévère avec perte de connaissance, d’une acidocétose diabétique, ou d’un infarctus du myocarde, l’allergie aux pansements adhésifs, l’utilisation d’un dispositif CGM les 4 derniers mois ou d’une pompe à insuline couplée à un capteur CGM, la grossesse, et la corticothérapie par voie orale.

Tous les participants pré-sélectionnés ont porté le FreeStyle Libre® pendant une période de 14 jours sans accès aux données (ni pour les patients ni pour les investigateurs), et seulement ceux avec au moins 50 % de données exploitables ont été randomisés dans l’un des 2 groupes : FreeStyle Libre® versus auto-surveillance glycémique standard utilisant un lecteur de glycémie capillaire de type FreeStyle Lite meter®. Après la randomisation, les participants du groupe actif avaient l’accès libre et total aux données du capteur pendant les 6 mois de l’étude. Les patients randomisés dans le groupe contrôle ont été équipés d’un FreeStyle Libre® pendant 2 périodes de 14 jours à la fin du 3ème et 6ème mois de l’étude sans accès aux données du capteur, tout en continuant à gérer leur diabète sur la base de glycémies capillaires.

Le critère de jugement principal a été le temps passé en hypoglycémie (< 3,9 mmol/L [<0,70 g/L] sur la base des données du capteur dans les 2 groupes)pendant les 14 derniers jours précédents la fin de l’étude. Parmi les nombreux critères de jugement secondaires étudiés on peut citer la glycémie dérivée du CGM au 194ème-208ème jour, HbA1C au 208ème jour, le changement de doses quotidiennes d’insuline (du premier au 208ème jour), l’utilisation du dispositif (du 15ème au 208ème), et la fréquence quotidienne de scans du FreeStyle Libre®, ou d’autocontrôles de la glycémie capillaire.

Entre septembre 2014 et février 2015, 241 patients ont été randomisés dans cette étude. Le temps passé en hypoglycémie a diminué de 38 % dans le groupe actif comparé au contrôle (-1,24 ± 0,24 h/jour, p<0.0001) : de 3,38 à 2,03 h/jour (groupe actif) et de 3,44 à 3,27 h/jour (groupe contrôle). Cette différence a été observée quel que soit le seuil d’hypoglycémie retenue (<3,1 mmol/l, 2,5 mmol/L, ou 2,2 mmol/l). Les utilisateurs de FreeStyle Libre® ont passé également moins de temps en hyperglycémie (>13,3 mmol/L), et ils avaient moins de variabilité glycémique. En revanche, la variation du taux d’HbA1c pendant l’étude a été comparable entre les 2 groupes.

Les patients randomisés dans le groupe actif ont réduit le nombre de contrôles de glycémie capillaire de 5,5 à 0,7 par jour. Le nombre moyen de scans par 24 heures a été estimé à 15,1 ± 6,9. La fréquence d’utilisation du dispositif dans le groupe actif (92,8 %), et celle de l’autocontrôle glycémique dans le groupe contrôle (5,8 ± 1,7 par jour à l’inclusion et 5,6 ± 2,2 à la fin de l’étude) ont été optimales tout au long de l’étude. L’adaptation des doses d’insuline était comparable entre les 2 groupes. Les patients du groupe actif semblaient plus satisfaits de leur traitement en comparaison aux contrôles, mais la qualité de vie, les craintes liées à l’hypoglycémie, et la pression engendrée par le diabète étaient comparables entre les 2 groupes.

Sept hypoglycémies sévères (nécessitant une hospitalisation ou l’intervention d’une tierce personne) ont été rapportées chez 6 participants : 2 dans le groupe actif, et 4 dans le groupe contrôle (différence non significative). Aucun cas d’acidocétose diabétique n’a été signalé pendant cette étude. Parmi les effets secondaires, 248 ont été liés à l’insertion (douleur, saignement, œdème, ecchymoses, ou induration), ou au port du capteur (érythèmes, démangeaison, ou rash), responsables de 7 sorties de l’étude dans le groupe actif.

L’utilisation de FreeStyle Libre® a permis de diminuer le temps passé en hypoglycémie de façon similaire pendant le jour ou la nuit, ce qui est particulièrement intéressant, car les hypoglycémies nocturnes sont redoutables et sévères dans 50 % des cas [5]. La diminution du temps passé en hypoglycémie, et de sa fréquence, a été observée immédiatement après le début de l’étude témoignant de la bonne acceptabilité et du délai rapide d’adaptation des patients à ce nouveau dispositif, même si la qualité de vie et d’autres paramètres psycho-comportementaux concernant le diabète et les hypoglycémies n’ont pas été différents entre les 2 groupes. On peut imaginer qu’une période de 6 mois est trop courte pour changer le vécu d’un patient. L’utilisation de FreeStyle Libre® a été également associée à une diminution du temps passé en hyperglycémie, et à une moindre variabilité glycémique. En revanche, il faut encore déterminer pourquoi ces résultats ne se sont pas traduits pas une amélioration du taux d’HbA1c. Il est probable que la baisse des hypoglycémies dans le bras actif ait masqué une éventuelle différence entre les 2 groupes en terme d’HbA1c. Il est important de noter que ces résultats encourageants sont en partie liés à l’excellente adhérence au dispositif (>90 % d’utilisation).

La principale limite de cette étude est l’inclusion réduite aux patients DT1 bien contrôlés, qui avaient certainement une prise en charge satisfaisante de leur diabète, et une meilleure motivation. De ce fait, ces résultats ne peuvent pas être généralisés à d’autres populations de patients DT1 mal contrôlés avec un risque élevé d’hypoglycémie sévère (critère d’exclusion dans cette étude), et ceux qui n’ont pas suffisamment de motivation ou d’habileté technique pour utiliser ce dispositif.

Au total, l’utilisation du FreeStyle Libre® a permis la réduction de l’incidence et du temps passé en hypoglycémie chez les patients DT1 bien contrôlés. Ce nouveau dispositif innovant en matière d’auto-surveillance du diabète est bien toléré et correctement accepté par les patients DT1.

 

Références

[1] The Diabetes Control and Complications Trial Research Group. The effect of intensive treatment of diabetes on the development and progression of long-term complications in insulin-dependent diabetes mellitus.N Engl J Med. 1993 Sep 30;329(14):977-86.
 
[2] Nathan DM et al. Intensive diabetes treatment and cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. N Engl J Med. 353 (2005), pp. 2643–2653.
 
[3] The Diabetes Control and Complications Research Group. Hypoglycaemia in the diabetes, control and complications trial. Diabetes. 46 (1997), pp. 272–286.
 
[4] UK Hypoglycaemia Study Group. Risk of hypoglycaemia in types 1 and 2 diabetes: effects of treatment modalities and their duration. Diabetalogia. 50 (2007), pp. 1140–1147.
 
[5] Choudhary P et al. Hypoglycaemia: current management and controversies. Postgrad Med J, 87 (2011), pp. 298–306.
 


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mardi 6 septembre 2016

VLOG Diabète #03 – Pompe à insuline Cellnovo

Dans ce troisième et dernier VLOG Diabète, consacré à la pompe à insuline Cellnovo, prise en main de ma tablette, navigation dans les menus et réglages.     Retrouvez les précédents VLOG Diabète sur la pompe Cellnovo, en suivant ce lien.

Cet article, VLOG Diabète #03 – Pompe à insuline Cellnovo, est publié sur VivreAvecUnDiabete.com.



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lundi 27 juin 2016

La prévention primaire cardiovasculaire des patients DT1 passe-t-elle aussi par les statines ?

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Juin 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Hero C, et al. Association between use of lipid-lowering therapy and cardiovascular diseases and death in Individuals with type 1 diabetes. Diabetes Care 2016 Jun; 39 (6):996-1003. doi: 10.2337/dc15-2450
 

 

Les patients avec diabète de type 1 (DT1) ont un excès de morbi-mortalité cardiovasculaire comparativement à la population générale non diabétique [1]. Ce sur-risque d’événements cardiovasculaires explique en partie pourquoi les DT1 ont une durée de vie plus courte que la population générale [2].

En 2008, la méta-analyse du Cholesterol Treatment Trialists (CTT) évaluant l’impact des statines chez 18,686 diabétiques démontre une réduction de 21% des événements cardiovasculaires majeurs pour chaque baisse de 1 mmol/L (soit 38,7 mg/dL) du taux de LDL cholestérol [3]. Dans cette méta-analyse, seuls 1466 DT1 étaient inclus. Leur âge moyen était de 55 ans, et 56% avaient des antécédents (ATCD) d'accident vasculaire cérébral (AVC), d’infarctus du myocarde (IDM) ou de maladie artérielle périphérique. La population de cette méta-analyse n’était donc pas représentative de la population en prévention primaire. Jusqu’à présent, aucune étude n'a examiné l'effet des traitements hypolipémiants sur la morbi-mortalité cardiovasculaire des DT1 en prévention primaire.

L’étude publiée dans la revue Diabetes Care de juin 2016 vise justement à apporter des éléments de réponse à cette question. L’hypothèse des auteurs est que l’utilisation de traitements hypolipémiants en prévention primaire chez les patients DT1 réduit l’incidence des évènements cardiovasculaires fatals ou non fatals.

Pour cela les auteurs ont utilisé les données de la cohorte Suédoise National Diabetes Register (NDR) initiée en 1996 et qui incluait 95% des patients DT1 suédois de 18 ans ou plus. À partir des 27133 patients DT1 repérés entre le 1 janvier 2006 et le 31 décembre 2008, 2186 sujets ont été exclus en raison d’ATCD d’événements cardiovasculaires et 717 en raison de données manquantes concernant l’utilisation de statine. Ont donc été inclus 24230 DT1 dont 18843 n’avaient pas de traitements médicamenteux hypolipémiants et 5387 qui étaient traités. Les auteurs ont réalisé deux évaluations : une étude sur la population globale comprenant les 24230 DT1 traités ou non ; et une étude sur une population réduite à 4025 DT1 non-traités et 4025 DT1 traités après appariement sur un score de propension afin de limiter l’impact de la non-randomisation sur l’estimation de l’effet des traitements. L’appariement (par création de paires de sujets) était basé sur 32 variables comprenant les principaux facteurs de risques cardiovasculaires notamment, mais aussi des paramètres socio-économiques. Le suivi a duré 6 ans et les événements fatals ou non (IDM, angor instable, angioplastie coronaire percutanée, et/ou pontage coronarien ; infarctus cérébral, hémorragie intracérébrale, ou autre type d’AVC) ont été collectés à partir du NDR et des registres nationaux suédois des patients hospitalisés et des causes de décès.

La population globale présente d’importantes différences : comparativement aux DT1 non traités, les DT1 traités sont plus âgés (50,4±11,7 vs 36,3±12,7 ans), ont un diabète plus ancien (34,0±12,8 vs 21,0±13,2 ans), un tour de taille plus important (94,6±13,0 vs 87,9±12,5 cm), un taux de triglycérides plus élevé (1,34±1,08 vs 1,07±0,80 mmol/L), une pression artérielle systolique plus élevée (134,8±16,7 vs 124,5±14,7 mmHg) en dépit d’un traitement anti-hypertenseur plus fréquent (66,7% vs 20,2%). Dans la cohorte globale, les DT1 traités avaient un taux d'événements à peu près quatre fois plus élevé que les patients non traités : 22,98 (IC 95% : 21,32-24,74) et 5,72 (5,29-6,18) pour 1000 années-patients respectivement.

Le score de propension a permis d’obtenir un équilibre satisfaisant de l'ensemble des 32 variables, de telle sorte qu’il n'y avait plus de différence entre les DT1 traités ou non dans la cohorte appariée. De fait, pour 1000 années-patients, il y avait 17,3 (15,67-19,08) et 18,2 (16,56-20,06) événements cardiovasculaires mortels ou non chez les patients traités et non traités, respectivement. Pour la mortalité toutes causes, il y avait 9,9 (8,66-11,25) décès chez les DT1 traités contre 13,2 (11,82-14,81) pour les non traités.

Dans la cohorte globale, les risques instantanés (Hazard ratio, HR) de décès étaient significativement réduits sous traitement pour tous les évènements : par exemple, la mortalité cardiovasculaire était réduite de 40% [HR 0,60 (IC95% 0,50-0,72)] et la mortalité toutes causes de 44% [0,56 (0,48-0,64)] (Figure 1) et la survenue d’AVC mortels ou non de 44% [0,56 (0,46-0,70)]. Le risque instantané dans la cohorte appariée n’est significatif que pour la mortalité toutes causes, avec un HR à 0,74 (0,62-0,88), soit une réduction de 26% du risque pour les DT1 en prévention primaire sous traitements hypolipémiants (Figure 2 et 3).

En résumé, cette étude observationnelle suédoise est la première à explorer l'effet des médicaments hypolipémiants chez les DT1 sans ATCD cardiovasculaire, et montre avec un suivi moyen de 6 ans que ces traitements réduisent de façon significative l'incidence des décès cardiovasculaires, de la mortalité toutes causes, des évènements cardiovasculaires, des AVC, des évènements coronariens et des atteintes artérielles périphériques.

Comme les statines constituent plus de 97% des médicaments hypolipémiants utilisés dans la cohorte NDR [4], il est possible d’extrapoler ces résultats positifs à l’utilisation des statines. En 2013, les recommandations de l’American College of Cardiology / American Heart Association Cholesterol proposaient en prévention primaire chez les patients DT1 âgés de 40 à 75 ans d’initier un traitement par statine de puissance modérée (avec une diminution attendue du LDL entre 30 et 49%) pour un taux de LDL entre 70 et 189 mg/dL et une estimation du risque cardiovasculaire ≤ à 5% à 10 ans [5]. Il faudra privilégier une statine de puissance plus élevée (avec une diminution attendue d’au moins 50% du LDL) quand l’estimation du risque cardiovasculaire à 10 ans dépasse 7,5%. Plus récemment, les recommandations NICE suggèrent d’initier un traitement par statine chez tous les adultes atteints de DT1 âgés de plus de 40 ans, mais aussi chez ceux qui ont un diabète depuis plus de 10 ans [6].

Dans cette étude, les résultats observés sont obtenus chez des patients plus jeunes avec une moyenne d’âge de 39,4 ans. L'analyse de la cohorte globale indique que le traitement par statine d'une telle population de patients DT1 pourrait réduire considérablement la morbidité et la mortalité cardio-vasculaire. Cependant, l’analyse n’a pas évalué spécifiquement les patients âgés de 40 ans ou moins en raison d’un faible nombre d'événements dans cette tranche d'âge (il y a eu 92 décès chez les patients âgés de 40 ans ou moins).

Dans la population appariée, le bénéfice des traitements hypolipémiants plus marqué pour le risque de mortalité que pour le risque de survenue d’évènements cardiovasculaires plaide en faveur d’une utilisation plus précoce des statines, avant l’installation des lésions athéromateuses significatives.

Cette publication nous rappelle le manque criant d’étude de prévention cardiovasculaire dédiée aux DT1 alors que les bénéfices d’un traitement par statines apparaissent très importants. L’utilisation du score de propension ne saurait cependant remplacer la puissance d’une randomisation lors d’un essai clinique prospectif interventionnel et une telle étude serait donc nécessaire avant toute conclusion définitive.  À bon entendeur… !

 

Cliquer sur les images pour agrandir.

 

Références

[1] Lind M, Svensson A-M, Kosiborod M, Gudbjörnsdottir S, Pivodic A, Wedel H, et al. Glycemic control and excess mortality in type 1 diabetes. N Engl J Med. 20 nov 2014;371(21):1972‑82.
 
[2] Livingstone SJ, Levin D, Looker HC, Lindsay RS, Wild SH, Joss N, et al. Estimated life expectancy in a Scottish cohort with type 1 diabetes, 2008-2010. JAMA. 2015 janv;313(1):37‑44.
 
[3] Cholesterol Treatment Trialists’ (CTT) Collaborators, Kearney PM, Blackwell L, Collins R, Keech A, Simes J, et al. Efficacy of cholesterol-lowering therapy in 18,686 people with diabetes in 14 randomised trials of statins: a meta-analysis. Lancet Lond Engl. 2008 janv;371(9607):117‑25.
 
[4] Eliasson B, et al. Clinical usefulness of different lipid measures for prediction of coronary heart disease in type 2 diabetes: a report from the Swedish National Diabetes Register. Diabetes Care. 2011 sept;34(9):2095‑100.
 
[5] Stone NJ, Robinson JG, Lichtenstein AH, Bairey Merz CN, Blum CB, Eckel RH, et al. 2013 ACC/AHA guideline on the treatment of blood cholesterol to reduce atherosclerotic cardiovascular risk in adults: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on Practice Guidelines. J Am Coll Cardiol. 2014 juill;63(25 Pt B):2889‑934.
 
[6] Rabar S, Harker M, O’Flynn N, Wierzbicki AS, Guideline Development Group. Lipid modification and cardiovascular risk assessment for the primary and secondary prevention of cardiovascular disease: summary of updated NICE guidance. BMJ. 2014;349:g4356.
 
 
 


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mardi 31 mai 2016

Di@bTest 22 – Pompe à insuline Cellnovo

La pompe à insuline Cellnovo est arrivée à la rédaction de VivreAvecUnDiabete.com hier ! Déballage de celle-ci dans ce Di@bTest #22 !

Cet article, Di@bTest 22 – Pompe à insuline Cellnovo, est publié sur VivreAvecUnDiabete.com.



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vendredi 27 mai 2016

Les fonctions cognitives sont-elles plus altérées chez les patients diabétiques avec atteinte du pied ?

Auteur : 
Kamel Mohammedi
Date Publication : 
Mai 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Natovich R, et al. Cognitive Dysfunction: Part and Parcel of the Diabetic Foot. Diabetes Care 2016 May (ahead of print). doi: 10.2337/dc15-2838
 

 

Le « pied diabétique » est une complication fréquente et sévère, responsable d’un taux élevé d’amputation et de complications infectieuses et associée à un risque élevé de mortalité [1]. En plus d’une prise en charge thérapeutique multidisciplinaire, le traitement des problèmes de pied diabétique nécessite en amont une éducation appropriée des patients. Les recommandations des sociétés savantes proposent d’impliquer le patient diabétique dans la prise en charge de sa maladie [2]. Une étude antérieure a montré que la gestion quotidienne du diabète dépend des fonctions cognitives du patient [3]. Les patients diabétiques présentant une atteinte du pied ont besoin d’acquérir des connaissances nécessaires pour prendre les décisions appropriées permettant d’éviter l’aggravation des lésions, et d’optimiser la cicatrisation. L’adhésion du patient à ce projet thérapeutique nécessite de bonnes performances cognitives.

L’objectif de la présente étude était de comparer les fonctions cognitives chez des patients diabétiques présentant une atteinte du pied par rapport à des témoins diabétiques appariés pour le sexe et l’ancienneté du diabète. Cette étude cas-témoins a inclus des diabétiques de type 2, âgés de 45 à 75 ans, et capables de lire et d’écrire. Les troubles visuels et auditifs, les déficits moteurs et cognitifs, ainsi que l’insuffisance rénale et hépatique ont été considérés comme des critères de non-inclusion. Tous les participants ont bénéficié d’une évaluation cognitive exhaustive durant 90 minutes. Deux batteries de tests ont été réalisées : le test Neurotrax (computerized neuropsychological battery of tests), une version informatisée du MMS (Mini Mental Status), et des tests dits "papier-crayon". Neurotrax permet une détection précoce des formes modérées de déficits cognitifs et de démence. Ce test estime le score cognitif global en évaluant les principales fonctions cognitives (mémoire, attention, concentration, habileté psychomotrice, vitesse motrice, et fonctionnement exécutif), et le quotient intellectuel non verbal. Les tests "papier-crayon" utilisent (i) le test de codage DSST (Digit Symbol Substitution Test) qui évalue la mémoire à court terme, et les capacités d’apprentissage, d’attention, et de concentration ; et (ii) le test de capacité d’expression verbale (production verbale, mémoire sémantique, et langage). Tous les tests ont été standardisés sur l’âge et le niveau d’instruction (évalué selon le nombre d’années d’étude). D’autres données cliniques (dépression, dyslipidémie, hypertension artérielle, et complications micro- et macrovasculaires) ont été également collectées.

Au total, 99 patients avec « pied diabétique » et 95 contrôles diabétiques ont été recrutés. Les patients avec « pied diabétique » étaient plus jeunes, avaient un niveau d’instruction plus faible, un IMC et une HbA1c plus élevés, et des complications du diabète plus fréquentes. Comparés aux contrôles, les patients présentant une atteinte du pied avaient un score cognitif global inférieur (89,9 vs. 99,6, p < 0,001). Les scores de mémoire (89,9 vs. 98,4), attention et concentration (90,3 vs. 98,9), délai de réaction (91,7 vs. 100,1), fonctionnement exécutif (91,3 vs. 100,0), habileté psychomotrice (88,9 vs. 101,4), aisance verbale phonétique (72,8 vs. 91,5) et sémantique (82,2 vs. 95,8), et DSST (79,3 vs. 94,2) étaient plus faibles dans le groupe « pied diabétique » comparé au groupe contrôle (p < 0,001 pour toutes les comparaisons). Les différences significatives persistaient dans plusieurs modèles de régression ajustés sur des variables potentiellement confondantes (IMC, HbA1c, symptômes dépressifs, tabagisme, maladie macrovasculaire, rétinopathie, et néphropathie). En revanche, le score de fonctionnement cognitif prémorbide (évaluation de la phase prodromique avant l’établissement du diagnostic du trouble cognitif) était similaire dans les deux groupes (p = 0,22). Enfin, les patients du groupe « pied diabétique » avaient une différence significative entre le fonctionnement prémorbide et le score cognitif global (p = 0,001), alors que cette différence n’a pas été observée chez les témoins, suggérant ainsi une baisse des fonctions cognitives chez les premiers, et leur stabilité chez les seconds.

Ce travail montre que les patients diabétiques atteints de problèmes de pied ont des fonctions cognitives plus altérées par rapport aux patients diabétiques indemnes de complications podologiques. Ils ont des capacités de mémoire et de concentration diminuées, et des réponses cognitives et psychomotrices plus lentes. Ils ont également plus de difficultés d’apprentissage et une moindre aisance verbale. Ces troubles cognitifs peuvent clairement retentir sur la réussite de l’éducation thérapeutique des patients, avec une mauvaise compréhension et mise en application des recommandations médicales, mettant ainsi en péril le projet thérapeutique. Une étude antérieure a montré que les troubles cognitifs étaient négativement associés à la reprise de la marche après amputation, à l’observance des prothèses prescrites, et au maintien de l’autonomie physique [4]. Inversement, des fonctions cognitives plus performantes ont été associées à une meilleure mobilité et une intégration sociale satisfaisante [5].

Cette étude originale aborde une question particulièrement intéressante tant pour les patients que pour le personnel soignant. Néanmoins, elle présente un certain nombre de limites méthodologiques, notamment son aspect transversal, ainsi que son faible effectif. Il serait plus intéressant de mener des études prospectives afin de déterminer l’effet du contrôle du diabète et des autres facteurs de risque cardiovasculaires sur cette association. La présente étude est également inappropriée pour conclure sur un éventuel lien de causalité entre les troubles cognitifs et le pied diabétique.

Au total, les résultats de cette étude nous encouragent à évaluer les fonctions cognitives de nos patients diabétiques présentant une atteinte du pied afin de leur proposer un projet thérapeutique individualisé en adaptant les soins procurés et l’appareillage de décharge recommandés selon leurs propres ressources cognitives.

 

Références

[1] Boulton AJ, et al. The global burden of diabetic foot disease. Lancet. 2005 Nov 12 ;366(9498):1719-24.
 
[2] American Diabetes Association. Standards of medical care in diabetes-2015 abridged for primary care providers. Clin Diabetes 2015 ;33:97–111.
 
[3] Primožič S, et al. Specific cognitive abilities are associated with diabetes self-management behavior among patients with type 2 diabetes. Diabetes Res Clin Pract 2012;95:48–54.
 
[4] Sansam K, et al. Predicting walking ability following lower limb amputation: a systematic review of the literature. J Rehabil Med 2009;41:593–603.
 
[5] Williams RM, Turner AP, Green M, et al. Relationship between cognition and functional outcomes after dysvascular lower extremity amputation: a prospective study. Am J Phys Med Rehabil 2015;94:707–717.
 
 
 


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mercredi 27 avril 2016

Prévalence du diabète et de l’obésité dans le monde : et si le pire était à venir ?

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Avril 2016
 
Article du mois en accès libre
 
NCD Risk Factor Collaboration (NCD-RisC). Trends in adult body-mass index in 200 countries from 1975 to 2014: a pooled analysis of 1698 population-based measurement studies with 19·2 million participants. Lancet 2016 Apr 2. 387(10026):1377-96. doi: 10.1016/S0140-6736(16)30054-X
 
NCD Risk Factor Collaboration (NCD-RisC). Worldwide trends in diabetes since 1980: a pooled analysis of 751 population-based studies with 4·4 million participants. Lancet 2016 Apr 5. 387(10027):1513-30​. doi: 10.1016/S0140-6736(16)00618-8
 

 

« Nous, chefs d'État et de gouvernement et les représentants des Etats et de gouvernements, sommes réunis à l'Organisation des Nations Unies les 19 et 20 Septembre 2011, pour aborder la prévention et le contrôle des maladies non transmissibles dans le monde entier ». C’est en ces termes que débute le texte de la résolution adoptée, par l'Assemblée Générale des Nations-Unis, concernant la déclaration de la politique de prévention et de contrôle des maladies non transmissibles (NCD, non-communicable disease), auxquelles appartiennent le l’obésité et le diabète [1]. Obésité et diabète sont responsables d’une importante morbi-mortalité, et pèsent sévèrement sur les dépenses des systèmes de santé [2,3]. De fait, les Nations Unies ont fixé pour objectif de stopper, en 2025, la progression de la prévalence (normalisée selon l'âge) de l’obésité et du diabète à leurs niveaux de l’an 2010.

Il apparaît donc nécessaire de disposer aujourd’hui de données robustes sur la prévalence de l’obésité et du diabète en fonction du temps, dans le but de mieux évaluer l’effet d’interventions mises en œuvre dans différents pays afin de réduire la prévalence de ces deux maladies, et de comparer les tendances dans les différents pays. En ce sens l’OMS collabore avec la NCD-RISC (Risk Factor Collaboration) localisée au sein de l'Imperial College de Londres. La NCD-RISC correspond à un réseau de spécialistes de la santé, dans le monde entier, qui fournit des données épidémiologiques sur les principaux facteurs de risque de NCD.

La NCD-RISC vient donc de publier consécutivement deux vastes études épidémiologiques menées à l’échelon international : la première a analysé l’évolution de la répartition de l’IMC entre 1975 et 2014, après sélections de 1698 études de population comprenant 19,2 millions de participants, la seconde a analysé l’évolution de la prévalence du diabète de 1980 à 2014, sur la base de 751 études de population incluant 4,372 millions de participants âgés de 18 ans ou plus.

La méthodologie est comparable : sélection de données dans 200 pays et territoires organisés en 21 régions, principalement sur la base de la géographie et du revenu national. Seule exception, une région composée de pays anglophones à revenus élevés, considérant que ces pays tendent à avoir un niveau comparable de facteurs de risque cardio-métabolique, et en particulier l’IMC, mais qu’ils peuvent être distincts d'autres pays de leur région géographique originelle. Les auteurs ont mis l'accent sur la qualité des données et des sources : uniquement basées, pour la première publication, sur des études qui avait mesuré la taille et le poids pour éviter le biais des études déclaratives ; pour la seconde, la définition retenue pour le diabète était : soit glycémie à jeun (GAJ) > 1,25g/L, soit antécédent de diabète connu, soit utilisation d’insuline ou d’hypoglycémiants oraux. Ils ont aussi réalisé un travail d’identification et d’analyse des sources non déclaratives, considérées comme représentatives de la population (tant au niveau national, infranational et communautaire), et ayant mesuré au moins un marqueur de diabète : GAJ, glycémie 2h après charge orale en glucose ou HbA1c. Pour les études anciennes avec un seuil de glycémie > 1,40 g/l pour le diabète les auteurs ont réalisé différentes analyses de régressions afin de convertir ces données en prévalences valides pour un seuil à 1,26 g/l. Les données des différents pays ont été analysées selon un protocole commun pour obtenir la moyenne et la prévalence requise selon l'âge et le sexe, tout en donnant plus de poids aux données nationales qu’aux sous études nationales et communautaires. Les données sources recouvrent 99% et 90% de la population mondiale en 2014, respectivement pour l’IMC et le diabète.

De 1975 à 2014, la prévalence mondiale de la maigreur (IMC <18,5 kg/m²), normalisée selon l’âge, a diminué d’environ un tiers chez les hommes et les femmes passant de 13,8% (95% ICr 10,5-17,4) à 8,8% (7,4-10,3) et de 14,6% (11,6-17,9) à 9,7% (8,3-11,1), respectivement. A l’inverse, la prévalence de l'obésité (IMC ≥ 30 kg/m²) a augmenté de 3,2% (2,4-4,1) en 1975 à 10,8% (9,7-12) en 2014 chez les hommes et de 6,4% (5,1-7,8) à 14,9% (13,6-16,1) chez les femmes. La prévalence de l'obésité a dépassé celle de la maigreur en 2004 chez les femmes et en 2011 chez les hommes. En valeurs absolues, entre 1975 et 2014, le nombre d'hommes obèses dans le monde est passé de 34 M (26-44) à 266 M (95% CI 240-295) et celui des femmes obèses de 71 M (57- 87) à 375 M (95% CI 344-407). Bien que les IMC des hommes et des femmes soient corrélés dans les différents pays, en 2014, les femmes ont en moyenne un IMC plus élevé que les hommes dans 141 pays. La prévalence de l’obésité sévère (IMC ≥35 kg/m²) progresse et atteint 2,3% (2,0-2,7) chez les hommes et 5,0% (4,4-5,6) chez les femmes. Celle de l'obésité morbide (IMC ≥40 kg/m²) est de 0,64% (0,46-0,86) chez les hommes et de 1,6% (1,3-1,9) chez les femmes en 2014. Cette étude confirme également la menace pesant sur certaines populations : à titre d’exemple, en 2014, plus de 50% des femmes et plus de 38% des hommes vivant en Polynésie et Micronésie sont obèses ! La prévalence de l'obésité a également dépassé le seuil de 30% chez les hommes et les femmes dans les pays à revenus élevés anglophones, et chez les femmes en Afrique australe, dans le Moyen-Orient et Afrique du nord. Plus de 15% des femmes à Nauru et des îles Samoa américaines présentent une obésité morbide.

Avec de tels chiffres, la probabilité de stopper la progression de l’obésité d’ici à 2025, au niveau mondial, apparaît pratiquement nulle. En effet, si les tendances observées après 2000 se confirment, chaque pays aura une probabilité inférieure à 50% d'atteindre l'objectif. Paradoxalement, la plus forte probabilité (environ 45%) est pour Nauru avec, de 1975 à 2014, une quasi stagnation de la prévalence de l’obésité - il est toutefois utile de rappeler que c’est dans cette île de Micronésie que le taux d’obésité est le plus élevé au monde. La probabilité d'atteindre la cible est inférieure à 10% pour les hommes dans 194 pays, et dans 174 pays pour les femmes. Au contraire, si les tendances post-2000 se maintiennent, d'ici 2025, la prévalence mondiale de l'obésité atteindra 18% chez les hommes et dépassera 21% chez les femmes, avec une prévalence de l’obésité sévère qui sera supérieure à 9% chez les femmes et à 6% chez les hommes.

Sachant que l’obésité est un facteur de risque majeur de diabète, on pouvait craindre le pire quant à la tendance de la prévalence du diabète au niveau planétaire. Le second article nous éclaire à ce sujet. De 1980 à 2014, la prévalence du diabète au niveau mondial, normalisée selon l'âge, a plus que doublé chez les hommes passant de 4,3% (95% IC 2,4-7,0) à 9,0% (7,2-11,1) et a augmenté de 63% chez les femmes passant de 5,0% (2,9-7,9) à 7,9% (6,4-9,7). La probabilité a posteriori que ces variations soient exactes atteignent 0,994 et 0,954, respectivement. La hausse de la prévalence du diabète évolue en parallèle de la menace que fait peser l’obésité sur certaines populations : ainsi, en 2014, la prévalence du diabète est supérieure à 20% chez les hommes adultes et les femmes en Polynésie et en Micronésie, alors qu’elle atteint 31% (95% ICr 19-44) chez les hommes et 33% (21-47) chez les femmes dans les îles Samoa américaines. Elle avoisine 15% dans les deux sexes en Mélanésie, au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. On peut éventuellement trouver un certain réconfort en relevant qu’en 2014, c’est en Europe que la prévalence du diabète, normalisée selon l'âge, est la plus basse : en particuliers dans le nord-ouest et sud-ouest de l'Europe chez les femmes (inférieure à 5%) et en Europe du nord-ouest (Suisse, Autriche, Danemark, Belgique et Hollande) chez les hommes (5,8% [95% IC 3,6-8,7]).

L’objectif de stopper la progression du diabète d’ici 2025 risque également d’être difficile à atteindre. En effet, cette étude montre qu’aucun pays ne présente de diminution statistiquement significative de la prévalence du diabète entre 1980 à 2014. L'augmentation au cours de ces 35 années était inférieure à 20% dans 9 pays pour les hommes, principalement dans le Nord-Ouest de l’Europe, et dans 39 pays pour les femmes. Au cours de la même période, la prévalence du diabète de l’adulte, normalisée selon l'âge, a au moins doublé pour les hommes dans 120 pays et pour les femmes dans 87 pays ! Les auteurs ont pu ainsi estimer que dans le monde entier, si les tendances post-2000 se poursuivent, la probabilité de mettre un terme à la hausse de prévalence du diabète d'ici 2025 est inférieure à 1% chez les hommes et tout juste de 1% chez les femmes. Seuls 9 pays, principalement en Europe du nord-ouest, ont une probabilité d’au moins 50% d'atteindre l'objectif global pour les hommes, contre 29 pays pour les femmes.

Plus effrayant encore, si les tendances des années post-2000 se poursuivent, la prévalence du diabète en 2025 sera de 12,8% (95% ICr 8,3-19,6) chez les hommes et de 10,4% (95% ICr 7,1-15,1) chez les femmes. Le nombre d'adultes atteints de diabète dépassera alors 700 M : leur nombre était estimé à 108 M en 1980 et 422 M en 2014...

Ces études confirment nos craintes nées de publications antérieures [4-7]. Au cours des quatre dernières décennies, nous sommes passés d'un monde où la prévalence de la maigreur était plus de 2 fois supérieure à celle de l'obésité, à une situation où plus de personnes sont obèses que maigres, à la fois au niveau mondial et dans toutes les régions, à l'exception de zones de l'Afrique sub-saharienne et en Asie. Si les tendances post-2000 se poursuivent, non seulement le monde n'atteindra l'objectif global de mettre un terme à l'augmentation de l'obésité, mais aussi l'obésité sévère dépassera l'insuffisance pondérale chez les femmes en 2025. Comme le soulignent les auteurs, l'attention mondiale centrée sur l'épidémie d'obésité a largement éclipsé la persistance de la maigreur dans certains pays. Cette épidémie mondiale d’obésité participe clairement à l’augmentation dramatique de la prévalence du diabète (qui a quadruplé en 35 ans), phénomène toutefois fortement aggravé dans certains pays par la croissance démographique et le vieillissement.

Il est donc urgent de mettre en œuvre des interventions auprès des populations les plus à risques afin de prévenir, de détecter précocement les prises de poids et le diabète. Les leviers du changement sont bien sûr des modifications du style de vie, mais aussi des politiques sociales et alimentaires courageuses [8]. Il faut une responsabilisation renforcée des gouvernements afin de limiter l'influence des acteurs du secteur privé qui interfèrent souvent sur le développement des politiques : amélioration de la transparence, suivi des actions, gestion des conflits d'intérêts, renforcement de l'engagement de la société civile pour la création d’environnements alimentaires sains… Autant de pistes à explorer rapidement car 2025, c’est demain !

 

Références

 
[2] Global Burden of Metabolic Risk Factors for Chronic Diseases Collaboration. Cardiovascular disease, chronic kidney disease, and diabetes mortality burden of cardiometabolic risk factors from 1980 to 2010: a comparative risk assessment. Lancet Diabetes Endocrinol. 2014 Aug;2(8):634-47.
 
[3] Seuring T, et al. The economic costs of type 2 diabetes: a global systematic review. Pharmacoeconomics. 2015 Aug;33(8):811-31.
 
[4] Ng M, et al. Global, regional, and national prevalence of overweight and obesity in children and adults during 1980–2013: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013. Lancet. 2014 Aug 30;384(9945):766-81.
 
[5] Stevens GA, et al. National, regional, and global trends in adult overweight and obesity prevalences. Popul Health Metr. 2012 Nov 20;10(1):22.
 
[6] Guariguata L, et al. Global estimates of diabetes prevalencefor 2013 and projections for 2035. Diabetes Res Clin Pract 2014;103: 137-49.
 
[7] International Diabetes Federation. IDF Diabetes Atlas, 6th edn. Brussels: International Diabetes Federation, 2013.
 
[8] Dietz WH, et al. Management of obesity: improvement of health-care training and systems for prevention and care. Lancet. 2015 Jun 20;385(9986):2521-33.
 


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dimanche 27 mars 2016

Pioglitazone et protection cardiovasculaire : de nouvelles preuves à verser au dossier de réhabilitation ?

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Mars 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Kernan et al. Pioglitazone after ischemic stroke or transient ischemic attack. New Engl J Med 2016 [Epub Ahead of Print]. doi: 10.1056/NEJMoa1506930

 

Les accidents vasculaires cérébraux constitués (AVC) et les accidents ischémiques transitoires (AIT) concernent 14 millions de patients par an à travers le monde et représentent un problème majeur de santé publique, compte tenu des conséquences potentielles d’un AVC constitué en termes de handicap, d’incapacité et de dépendance [1]. De plus, les patients victimes d’un événement cérébro-vasculaire sont à très haut risque vasculaire, avec une forte probabilité, à court ou moyen terme, de récidiver un AVC/AIT ou de présenter un accident coronarien [2]. La prise en charge de ce haut risque cardiovasculaire fait d’ailleurs partie intégrante des objectifs thérapeutiques à suivre chez ces patients qui présentent fréquemment une hypertension artérielle, une dyslipidémie ainsi qu’une hyperglycémie, ou un diabète. De plus, même en l’absence de diabète, l’insulinorésistance est fréquente dans cette population, concernant plus de 50% des sujets [3]. La fréquence de cette anomalie métabolique dans le contexte cérébro-vasculaire a conduit les auteurs à élaborer l’étude IRIS (Insulin Resistance Intervention after Stroke), avec l’hypothèse que la pioglitazone (PIO), médicament améliorant l’insulinorésistance (IR), pourrait diminuer le risque cardiovasculaire après AVC ou AIT chez des patients non diabétiques, mais insulinorésistants.

Cette étude internationale, randomisée, en double aveugle, a inclus des sujets de plus de 40 ans, qui avaient présenté un AVC ou un AIT dans les 6 mois et dont le HOMA-IR (glycémie à jeun (mmol/L) x insulinémie à jeun (µUI/mL) / 22,5) était supérieur à 3,0 reflétant une IR (quartile supérieur de l’IR pour les sujets non diabétiques). L’épisode cérébro-vasculaire pouvant majorer transitoirement l’IR, la mesure de l’HOMA-IR n’était pas réalisée dans les 15 premiers jours suivant l’événement. Les sujets diabétiques, définis par les critères ADA 2005 et/ou une HbA1c ≥ 7%, étaient exclus. De même, les patients présentant une insuffisance cardiaque, une maladie hépatique évolutive, des œdèmes ou encore un antécédent ou un risque de cancer de vessie ne pouvaient pas participer à cette étude, en raison des contre-indications à utiliser la PIO dans ces différents contextes. Les patients éligibles étaient alors randomisés 1:1 pour recevoir PIO ou placebo (PCB) à la dose initiale de 15 mg/j, augmentée progressivement jusqu’à 45 mg/j à partir de la 8ème semaine de traitement, sauf en cas de survenue d’œdèmes, de dyspnée d’effort ou d’une prise de poids excessive, situations qui pouvaient conduire au maintien d’une plus faible dose. Bien sûr, en cas de survenue d’une insuffisance cardiaque avérée, d’un cancer de vessie ou de fractures osseuses à basse énergie, le traitement était définitivement interrompu. Le traitement a été poursuivi pendant 5 années, avec une surveillance de l’observance tous les 4 mois. Le critère d’évaluation primaire était un critère composite : nouvel AVC ou infarctus du myocarde (IDM) fatal ou non fatal. Les critères d’évaluation secondaire étaient les suivants : AVC, syndrome coronarien aigu, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, mortalité globale, survenue d’un diabète et déclin cognitif (évalué par MMS).

Un total de 3876 patients (1939 PIO, 1937 PCB) a été analysé. Les caractéristiques de base des patients étaient superposables dans les  groupes PIO/PCB : l’âge moyen était de 63,5 ans et l’HbA1c de 5,8% dans les deux groupes ; l’événement index était un AVC à 88%/87% ; la durée moyenne entre l’événement index et la randomisation était de 81/79 jours ; le HOMA-IR moyen était de 4,7/4,6, respectivement. Dans les deux groupes, les patients ont reçu de façon identique les traitements appropriés de prévention secondaire cardiovasculaire (notamment, 82% recevaient des statines, 92% des antiagrégants plaquettaires, 55% des IEC ou ARA2). Au cours des 4,8 années de suivi moyen, 227 patients (5,9%) ont retiré leur consentement et 99 autres (2,6%) ont été perdus de vue. Au total, 175 et 151 patients des groupes PIO et PCB ont arrêté le traitement avant la fin du suivi. A la fin de l’étude, l’observance était moins bonne dans le groupe PIO, 60% des patients prenant encore le traitement, contre 67% dans le groupe PCB. Les causes d’arrêt de traitement dans le groupe PIO étaient plus fréquemment dues à la survenue d’œdèmes, d’insuffisance cardiaque, de fractures et à une prise de poids. Le critère primaire (AVC ou IDM) est survenu pour 175/1939 patients (9,0%) dans le groupe PIO et pour 228/1937 patients (11,8%) dans le groupe PCB, soit un hazard ratio (HR) de 0,76 [0,62-0,93] pour le groupe PIO (p=0,007). Parmi les critères secondaires, seule la survenue d’un diabète au cours du suivi était plus rare dans le groupe PIO que dans le groupe PCB (HR 0,48 [0,33-0,69], p<0,001). Il n’a par ailleurs pas été trouvé de différences significatives pour les autres critères d’évaluation. Concernant les paramètres de risque, HOMA-IR et CRP étaient significativement inférieurs dans le groupe PIO que dans le groupe PCB à 1 an. Dès la première année et durant toute l’étude, dans le groupe PIO comparativement à PCB, la glycémie à jeun, les triglycérides et la pression artérielle systolique étaient diminués alors que le HDL et le LDL étaient augmentés. Concernant la tolérance, le poids augmentait de +2,6 kg dans les groupe PIO comparé à une perte de -0,5 Kg dans le bras PCB à la 4ème année. A noter que dans le groupe PIO, 52,2% des patients ont présenté une prise pondérale ≥ 4,5 Kg et 11,4% ont pris plus de 13,6 Kg. De façon attendue, les œdèmes sont survenus chez 35,6/24,9% (p<0,001) et les fractures chez 5,1/3,2% (p<0,003) des patients des groupes PIO/PCB, respectivement. Aucune différence significative n’a été observée entre les groupes PIO et PCB concernant les hospitalisations pour insuffisance cardiaque (n=51 vs 42, p=0,35) ni concernant les cancers de vessie (n=12 vs 8, p=0,37) ou tous les cancers (n=133 vs 150, p=0,29).

Cette étude montre donc un effet cardiovasculaire bénéfique de la pioglitazone dans une population de sujets insulinorésistants non-diabétiques en prévention secondaire cardiovasculaire. Ce résultat contraste avec les deux principales études d’intervention cardiovasculaires précédemment conduites avec des médicaments de la classe des glitazones. En effet, l’étude PROactive avec la pioglitazone et l’étude BARI-2D avec la rosiglitazone, n’avaient pas montré de bénéfice de ces molécules sur le critère primaire composite choisi [4,5]. Cependant, dans l’étude PROactive, la pioglitazone avait montré sa supériorité sur le critère composite secondaire associant décès, IDM et AVC, résultat concordant avec l’étude IRIS.

Les résultats positifs de cette étude, en faveur de la pioglitazone, s’inscrivent en France dans un contexte bien particulier puisque nous ne disposons plus de médicament de la classe des glitazones depuis bientôt 5 années. En effet, les autorités de santé européennes ont décidé de suspendre l’AMM de la rosiglitazone en septembre 2010, suite à la célèbre méta-analyse controversée de Nissen, qui montrait une augmentation du risque d’infarctus avec cette molécule [6]. Quelques mois plus tard, en juin 2011, l’ANSM suspendait l’AMM de la pioglitazone, suite à la publication d’une étude observationnelle qui suggérait que cette molécule augmentait le risque de cancer de vessie [7]. Depuis, de nouveaux éléments scientifiques ont été publiés et sont en faveur de la sécurité cardiovasculaire de la rosiglitazone (étude RECORD et nouvelles méta-analyses) [8,9]. Ces nouvelles preuves ont été jugées suffisamment crédibles par la FDA qui a assoupli les règles de prescription de cette molécule aux Etats-Unis depuis décembre 2015. De même, plusieurs études ont écartés l’hypothèse d’un risque accru de cancer de vessie ou de cancer toute cause avec la pioglitazone, quelque-soit la dose utilisée et l’ancienneté du traitement [10]. Quoi qu’il en soit, en France, la suspension de l’AMM de la pioglitazone est toujours en vigueur alors que ce médicament est utilisé dans de nombreux pays d’Europe et aux Etats-Unis. Espérons que les résultats favorables de l’étude IRIS inciteront les autorités de santé françaises à réévaluer la balance bénéfice/risque de la classe des glitazones. Il semble raisonnable de reconsidérer leur utilisation à nouveau, en réservant peut-être leur prescription aux diabétologues, qui connaissent bien le profil de risque particulier de ces molécules, mais qui se souviennent également de la grande efficacité de ces traitements sur l’équilibre métabolique de leurs patients.

 

Références

[1] Krishnamurthi RV et al. Global and regional burden of first ever ischaemic and haemorrhagic stroke during 1990-2010: findings from the Global Burden of Disease Study 2010. Lancet Glob Health 2013;1:e259-281.
 
[2] Dhamoon MS et al. Recurrent stroke and cardiac risks after first ischemic stroke: the Northern Manhattan Study. Neurology 2006;66:641-646.
 
[3] Kernan WN et al. Impaired insulin sensitivity among non diabetic patients with a recent TIA or ischemic stroke. Neurology 2003;60:1447-51.
 
[4] Dormandy JA et al. Secondary prevention of macrovascular events in patients with type 2 diabetes in the PROactive Study (PROspective pioglitAzone Clinical Trial In macroVascular Events): a randomised controlled trial. Lancet 2005;366:1279-1289.
 
[5] BARI 2D Study Group et al. A randomized trial of therapies for type 2 diabetes and coronary artery disease. N Engl J Med 2009;360:2503-2515.
 
[6] Nissen SE et al. Rosiglitazone revisited: an updated meta-analysis of risk for myocardial infarction and cardiovascular mortality. Arch Intern Med 2010;170:1191-1201.
 
[7] Lewis JD et al. Risk of bladder cancer among diabetic patients treated with pioglitazone: interim report of a longitudinal cohort study. Diabetes Care 2011;34:916-922.
 
[8] Home PD et al. Rosiglitazone evaluated for cardiovascular outcomes in oral agent combination therapy for type 2 diabetes (RECORD): a multicenter, randomized, open-label trial. Lancet 2009;373:2125-2135.
 
[9] Lu Y et al. Effect and cardiovascular safety of adding rosiglitazone to insulin therapy in type 2 diabetes: a meta-analysis. J Diabetes Investig 2015;6:78-86.
 
[10] Lewis JD et al. Pioglitazone use and risk of bladder cancer and other common cancers in persons with diabetes. JAMA 2015;314:265-277.
 
 


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lundi 29 février 2016

L’administration intra-nasale de glucagon : une alternative efficace à la voie intra-musculaire pour traiter l’hypoglycémie des patients diabétiques de type 1

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Février 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Rickels MR et al. Intranasal Glucagon for Treatment of Insulin-Induced Hypoglycemia in Adults With Type 1 Diabetes : A Randomized Crossover Noninferiority Study. Diabetes Care 2016 Feb ; 39(2):264-70. Epub 2015 Dec 17.

 

La survenue d’une hypoglycémie constitue l’un des freins majeurs à l’obtention d’un équilibre glycémique optimal [1]. Les patients diabétiques de type 1 sont les plus exposés à ce danger. Alors qu’une hypoglycémie modérée répond favorablement à la prise orale de glucose dans la majorité des cas, l’hypoglycémie sévère nécessite par définition l’intervention d’un tiers, avec la nécessité de recourir à une injection de glucagon en intra-musculaire quand le resucrage par voie orale est impossible (par exemple en raison de troubles de la conscience). La recherche médicale nous réserve encore bien des surprises ! Notre étonnement est d’autant plus fort lorsqu’il s’agit d’innovations dans des domaines où l’acquis thérapeutique semblait immuable. Ainsi, en cas d’hypoglycémie sévère, pourrait-t-il exister une alternative à la sacro-sainte injection de glucagon ? C’est pour répondre à cette question que Rickels et al. ont évalué l'efficacité et la sécurité d’emploi du glucagon dispensé en intra-nasal par rapport au glucagon injecté par voie intra-musculaire.

Dans cette étude nord-américaine, multicentrique, menée en ouvert, 77 patients diabétiques de type 1 ont été randomisés pour recevoir, en cross-over, les deux modalités d’administration de glucagon : soit 3 mg de glucagon intra-nasal, soit 1 mg de glucagon en intra-musculaire dans sa formulation habituelle (Glucagen Kit® de NovoNordisk), au décours d’une hypoglycémie provoquée par voie intraveineuse. Les visites devaient être espacées de une à quatre semaines. Pour chaque participant, l’ordre d’application des traitements a été déterminé de façon aléatoire. Soixante-quinze sujets ont eu les deux traitements.

Les sujets étaient âgés de 33±12 ans et avaient un IMC de 26±4 kg/m². Leur diabète était connu en moyenne depuis 18 ans. Il y avait 45 femmes (58%) et 74 sujets étaient blancs non hispaniques (96%). Le taux d’HbA1c moyen à l’inclusion était de 8,3±1,8% et 57 sujets étaient traités par pompe à insuline. Ont donc été exclus de cette étude les sujets ayant présenté une hypoglycémie sévère dans le mois précédant l’inclusion, ceux qui présentaient des affections cardio-vasculaires, hépatiques ou rénales, les sujets traités par ß-bloquants et ceux qui consommaient plus de trois boissons alcoolisées par jour.

Le protocole de cette étude est clairement une de ses forces. Ainsi, après une nuit de jeûne, chaque participant était soumis à une hypoglycémie lors d’une perfusion d’insuline sur la base de 2 mUI/kg/min, débit ajusté à la glycémie plasmatique déterminée toutes les 5 à 10 minutes après le début de la perfusion d’insuline. Quand la glycémie atteignait moins de 60 mg/dL, la perfusion d’insuline était interrompue et les patients, en décubitus latéral, se voyaient administrer 5 minutes après (t = 0) le glucagon soit en intra-nasal (Glu-Na) soit en intra-musculaire au niveau du deltoïde (Glu-IM). La glycémie et le glucagonémie étaient mesurées juste avant l’administration de glucagon, puis au temps t = 5, 10, 15, 20, 25, 30, 40, 50, 60 et 90 min. L’insulinémie était déterminée à t = 0, 30 et 60 min.
Il est important de noter que la quantité d’insuline nécessaire pour induire l’hypoglycémie était comparable dans les 2 groupes : 0,09 (0,07-0,13) UI/kg pour le groupe Glu-Na et 0,10 (0,08-0,14) UI/kg pour le groupe Glu-IM. De même, les concentrations d’insuline à t = 0, 30 et 60 minutes après l’administration de glucagon étaient comparables dans les 2 bras.

A l’arrêt de l’infusion la glycémie moyenne était à 55±54 mg/dL et 55± 4 mg/dL dans le groupe Glu-Na et Glu-IM, respectivement. La glycémie à la 5ème minute après l’arrêt de la perfusion d’insuline atteignait 48±8 mg/dL et 49±8 mg/dL, respectivement, juste avant l’administration de glucagon (t = 0). Au nadir (défini par le minimum de glycémie mesurée dans les 10 min après l’administration de glucagon), la glycémie était comparable avec 44±8 mg/dL et 47±8 mg/dL pour le groupe Glu-Na et Glu-IM, respectivement.

Pour considérer le traitement par glucagon efficace, il fallait que la glycémie plasmatique revienne à plus de 70 mg/dL ou qu’elle augmente d’au moins 20 mg/dL depuis le nadir de glycémie dans un délai maximum de 30 minutes et cela sans qu’aucune autre intervention ne soit nécessaire pour élever la glycémie.

Le principal résultat de cette étude est que le glucagon administré en intra-nasal est aussi efficace que le glucagon injecté par voie intra-musculaire pour faire remonter la glycémie des sujets diabétiques de type 1 (non infériorité atteinte). Seul un sujet de l’étude n’est pas parvenu à corriger sa glycémie selon le critère de succès. Il appartenait au groupe Glu-Na : son nadir était de 47 mg/dL avec une glycémie atteignant 65 mg/dL à 30 min post-injection (donc < à 70 mg/dL). Toutefois, la glycémie était mesurée à 72 mg/dL à la 40ème min sans aucune intervention supplémentaire.

La concentration plasmatique de glucagon a atteint un taux pharmacologique en moins de 5 minutes témoignant d’une absorption rapide avec les deux voies d’administration. Mais le pic de concentration était atteint en 20 minutes avec la voie intra-nasale contre 15 minutes seulement dans le bras Glu-IM. Aussi, dans le bras Glu-Na l’augmentation de la concentration de glucose était retardée de 5 minutes par rapport au bras Glu-IM de telle sorte que le critère de succès était plus rapidement atteint dans le bras Glu-IM que dans le bras Glu-Na : 13 minutes contre 16 minutes,  respectivement (p<0,001). En corollaire, l’intensité des symptômes d’hypoglycémie (qui étaient évalués avant la perfusion d’insuline et lorsque la glycémie passait sous 75 mg/dL puis sous 60 mg/dL et aux temps t = 15, 30, 60 et 90 min après l’administration de glucagon) était supérieure dans le bras Glu-Na par rapport au bras Glu-IM durant les 45 min après l'administration de glucagon, mais semblables par la suite.

Enfin, la tolérance globale du glucagon intra-nasal était bonne, avec des troubles digestifs à types de nausées et vomissements aussi fréquents que dans le bras Glu-IM. Il y avait plus de céphalées, d’inconfort nasal et de manifestations oculaires à type de prurit et larmoiement dans le bras Glu-Na. Ces effets étaient transitoires et modérés.

En conclusion, le traitement d’une hypoglycémie par glucagon intra-nasal est non inférieur au glucagon IM. Mais doit-on s’inquiéter de ce décalage de 5 minutes pour la remontée glycémique et d’environ 3 minutes pour atteindre le critère de succès ? Je ne le pense pas car, comme le soulignent les auteurs, ce léger délai doit être mis en balance avec le temps nécessaire pour récupérer le kit de glucagon, puis préparer et administrer la formulation injectable par voie intra-musculaire chez un patient qui peut parfois être agité. Beaucoup d’entre nous prescrivent du glucagon injectable, mais finalement peu de patients l’utilisent réellement. Nombreux sont les aidants qui ne savent pas s’en servir ou témoignent de leur crainte de réaliser l’injection intra-musculaire. Finalement le glucagon injectable est au mieux stocké dans le réfrigérateur et attendra qu’un professionnel de santé appelé à l’aide l’utilise. Tout cela rallonge le délai d’intervention avec de possibles conséquences cliniques. Dans bon nombre de cas, l’hypoglycémie perdure, et le patient ne reprendra conscience qu’après perfusion intraveineuse de glucose. A contrario, le dispositif d’administration intra-nasal est extrêmement simple d’utilisation. L’embout est introduit dans une narine et la dose thérapeutique sera délivrée par simple pression sur un bouton situé à l’autre extrémité et relié à un piston. Cela assure la délivrance du produit sec, sans nécessité d’inspiration, donc même sans participation du patient.

Cette simplicité d’utilisation a été illustrée dans un poster présenté à l’EASD en septembre 2015 [2]. En situation d’hypoglycémie simulée sur mannequin, il a été montré que l’administration intra-nasale de glucagon était effectivement beaucoup plus rapide que l’administration intra-musculaire à la fois pour des soignants (n=16) habitués à gérer des diabétiques insulino-traités (16 sec vs 1min 53 sec) que pour des personnes (n=16) sans lien avec le soin (26 sec vs 2 min 24 sec). Concernant la facilité d’utilisation dans le contexte de cette urgence simulée, 6 soignants et 3 non soignants n’injectaient qu’une dose partielle de glucagon IM. Cinquante pour cent des soignants et 80% des non soignants ne parvenaient pas à injecter le glucagon. A l’inverse, l’administration intra-nasale fut complète pour 94% des soignants et 93% des non-soignants.

La recherche d’une alternative au glucagon IM n’est toutefois pas récente avec notamment deux équipes pionnières dans les années 80 : celle de Pontiroli en Italie [3] et celle du Pr Gérard Slama en France [4]. Mais c’est finalement une compagnie pharmaceutique canadienne privée située à Montréal, Locemia (acronyme de « Low blood sugar » et « hypoglycemia ») qui a mis au point cette formulation intra-nasale. Et l’Histoire de ce glucagon intra-nasal est probablement en marche avec la publication le 9 octobre 2015 d’un communiqué de presse annonçant que les laboratoires Lilly faisaient l’acquisition de la présentation intra-nasale de glucagon de phase III auprès de Locemia Solutions.

 

Références

[1] Cryer PE. The barrier of hypoglycemia in diabetes. Diabetes. 2008 Dec;57(12):3169-76.
 
 
[3] Pontiroli AE, et al. Metabolic effects of intranasally administered glucagon: comparison with intramuscular and intravenous injection. Acta Diabetol Lat. 1985 Apr-Jun;22(2):103-10.
 
[4] Freychet L, Rizkalla SW, Desplanque N, et al. Effect of intranasal glucagon on blood glucose levels in healthy subjects and hypoglycaemic patients with insulin-dependent diabetes. Lancet. 1988;1(8599):1364-6.
 
 


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