mardi 4 décembre 2018

Le traitement intensif de la parodontite, aussi efficace sur le diabète qu’un traitement hypoglycémiant ?

Auteur : 
Camille Vatier
Date Publication : 
Novembre 2018
 
Article du mois en accès libre
 
D’Aiuto F, et al. Systemic effects of periodontitis treatment in patients with type 2 diabetes: a 12 month, single-centre, investigator-masked, randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2018 Nov;6(12):954-965. doi: 10.1016/S2213-8587(18)30038-X. [Epub ahead of print].

 

L’inflammation est un élément perturbateur du contrôle glycémique dans le diabète et est directement impliquée dans l’athérosclérose et la maladie rénale chronique [1] qui sont les causes majeures de mortalité prématurée chez les diabétiques. Pourtant, il n’est pas démontré à ce jour que traiter l’inflammation est efficace pour améliorer le contrôle glycémique et diminuer, de ce fait, le risque de complications du diabète de type 2. La parodontite est une maladie inflammatoire chronique, l’accumulation de bactéries sur la surface des dents n’étant pas confinée qu’à la cavité orale [2]. Elle est associée à une majoration du risque de diabète, de maladies cardiovasculaires et d’insuffisance rénale terminale [3]. Le traitement de la parodontite se déroule en trois phases : une phase initiale avec des soins dentaires de base, des conseils d’hygiène buccale, de détartrage ; une phase corrective après réévaluation à 8 semaines avec soins chirurgicaux parodontaux (en cas d’hygiène buccale optimale) ou avec répétition de détartrages et de débridements des racines (en cas d’hygiène buccale non optimale) pendant 1 à 2 mois, et une phase finale après réévaluation 3 mois après la fin des soins précédents. La phase finale est un protocole ouvert, le plus souvent avec des conseils d’hygiène dentaire et des soins non chirurgicaux de nettoyage dentaire réalisés tous les 3 mois. Tonetti et al. [4] ont montré précédemment que le traitement efficace de la parodontite conduit, à 6 mois, à la diminution des marqueurs inflammatoires systémiques et à l’amélioration de la fonction endothéliale, marqueur de l’athérosclérose. D’autres études ont montré une amélioration du contrôle glycémique après traitement de la parodontite à court terme (suivi de 2 à 6 mois) avec une diminution de l’HbA1c de 0,3-0,4% [5]. Cependant ces études concernent des petits échantillons de patients, diabétiques de type 1 et 2, avec parfois des traitements locaux ou systémiques adjuvants. Le bénéfice potentiel du traitement de la parodontite sur les complications du diabète reste donc incertain.

Dans ce travail, D’Aiuto et al. ont fait l’hypothèse qu’un traitement parodontal efficace, avec réduction de l’inflammation locale et systémique, permettrait l’amélioration du contrôle glycémique chez des patients diabétiques de type 2, et ainsi l’amélioration des fonctions vasculaires, rénales et de la qualité de vie. Il s’agit d’une étude randomisée monocentrique de douze mois en groupe parallèle, à l’insu de l’investigateur (seul le personnel dentaire connaissait le groupe de traitement) pour déterminer l’effet du traitement parodontal intensif (non chirurgical et chirurgical) par rapport au traitement habituel (contrôle dentaire régulier avec polissage et détartrage des dents) sur l’équilibre du diabète. Les patients ont été inclus dans l’étude s’ils présentaient un diabète de type 2 (selon les critères diagnostic de l’OMS) depuis plus de 6 mois et une parodontite modérée à sévère (≥ 20 poches parodontales de plus de 4mm de profondeur et alvéolyse atteignant plus de 30% de perte osseuse) avec plus de 15 dents. Les critères d’exclusion étaient une maladie systémique non contrôlée autre que le diabète (maladie cardiovasculaire, hypertension artérielle, pathologie hépatique, pulmonaire, insuffisance rénale terminale, cancer, infection par le VIH ou l’hépatite B), traitement chronique par des traitements affectant les tissus parodontaux (phénytoïne ou cyclosporine) de plus de deux semaines, traitement antibiotique chronique, grossesse ou allaitement. Les patients étaient randomisés dans deux groupes : traitement parodontal intensif (TPI) ou traitement parodontal contrôle (TPC), en tenant compte de la durée du diabète, du statut tabagique, du sexe et de la sévérité de la parodontite. Les affectations de traitements n’étaient connues par le clinicien dentiste et le patient que le premier jour du traitement, les autres investigateurs (infirmières collectant les mesures anthropométriques et les échantillons sanguins, les biologistes, l’équipe de traitement des données) étant en aveugle jusqu’à la fin de l’étude. L’ensemble des patients a reçu les mêmes informations concernant l’hygiène dentaire, et les mêmes prises en charge d’extraction dentaire si nécessaire.  Les patients du groupe TPI ont reçu les trois étapes décrites ; les patients du groupe TPC ont reçu détartrage et polissage de toutes les dents à l’inclusion, 2, 6, 9 et 12 mois et pour ceux qui le nécessitaient, à la fin de l’étude, un traitement additionnel parodontal était réalisé. Les patients ayant une progression de la parodontite étaient sortis d’étude pour être adressés à un centre spécialisé de prise en charge. Les traitements du diabète étaient gérés par l’endocrinologue habituel en utilisant les mêmes recommandations dans les deux groupes, et l’équipe de diabétologie n’était pas informée du groupe des patients. Les paramètres dentaires et cliniques (tabac, pression artérielle, poids, taille, tour de taille) étaient mesurés par deux examinateurs entrainés. A chaque visite, l’HbA1c, la glycémie, les paramètres lipidiques, l’insulinémie, la créatininémie, la CRPus ainsi que d’autres marqueurs inflammatoires et endothéliaux étaient mesurés ; le HOMA, la clairance de la créatinine et le risque cardiovasculaire (à partir du calculateur de risque de l’UKPDS) étaient calculés. Un questionnaire diététique semi-quantitatif et un questionnaire de qualité de vie étaient remplis au début et à la fin de l’étude. Le critère principal de jugement était la différence d’HbA1c entre les deux groupes à 12 mois ; les critères secondaires étaient la différence d’HbA1c à 6 mois, la différence de glycémie, d’insulinémie, de créatininémie, de fonction endothéliale à 6 et 12 mois. Le nombre de patients nécessaires pour montrer une différence de 1% d’HbA1c entre les deux groups était de 129 individus par groupe.
Entre le 1er octobre 2008 et le 31 octobre 2012, 1765 patients diabétiques de type 2 ont été examinés et sur les 885 patients éligibles à cette étude, 264 patients ont été randomisés (133 dans le groupe TPI et 131 dans le groupe TPC) : 62,5% d’hommes, 57 ans d’âge moyen, 8,1% d’HbA1c et 24% de patients insulinotraités. Le profil de risque cardiométabolique initial était comparable dans les deux groupes, et le régime et le mode de vie n’ont pas changé au cours de l’étude. Vingt patients ont été perdus de vue (12 et 8 dans les groupes TPI et TPC respectivement). Il existait quelques différences concernant le traitement entre les deux groupes à l’inclusion (plus de bêta bloquants, d’ARAII et d’aspirine dans le groupe TPC). Après deux mois, 63 patients du groupe TPI avaient une bonne hygiène (score de plaque dentaire ≤ 20%) et au moins une poche parodontale de plus de 6mm de profondeur nécessitant un traitement chirurgical pour améliorer le détartrage de la surface des racines. 55 patients n’avaient pas une hygiène dentaire optimale et 15 n’avaient pas de poche parodontale de plus de 6mm de profondeur nécessitant la poursuite des détartrages sous anesthésie locale (n=70).
L’HbA1C était diminuée de 0,6% à 12 mois (IC 0,1-1 ; p=0,0101) dans le groupe TPI par rapport au groupe TPC après ajustement sur l’âge, le sexe, l’ethnicité, le statut tabagique et la durée du diabète et en intention de traiter (pas de différence significative à 6 mois). Dans le groupe TPI, 67% des patients ont eu une diminution de plus de 0,9% de l’HbA1c contre 33% dans le groupe TPC (p=0,0284) à un an, baisse confirmée après ajustement sur les modifications thérapeutiques. A 12 mois, tous les paramètres cliniques parodontaux étaient significativement meilleurs dans le groupe TPI avec une diminution significative dès 2 mois de traitement pour atteindre une différence de 21% en fin d’étude pour le score de plaque dentaire (IC 15-26, p<0,0001), de 26% pour le score hémorragique (IC 21-31 ; p<0,0001), de 0,8 mm de profondeur de poches parodontales (IC 0,6-1,0 ; p<0,0001), et 27 poches parodontales en moins (IC 22-32 ; p<0,0001). Concernant les autres critères métaboliques secondaires, la glycémie à jeun a diminué dans le groupe TPI mais pas l’insulinémie, le HOMA, les lipides plasmatiques. Au sein du groupe TPI, il n’y avait pas de différence significative en terme d’HbA1c entre le groupe traitement chirurgical (n=63) et non chirurgical (n=70) avec un taux de 7,7+/-0,1%. Concernant les paramètres inflammatoires, la CRP et le TNFα étaient significativement plus bas à 12 mois dans le groupe TPI (-1 mg/L; IC 0,8-1,2 ; p=0,0102 et -0,4 pg/mL ; IC 0,2-0,6 ; p=0,0201 respectivement) mais il n’y avait pas de différence pour les autres marqueurs inflammatoires ou endothéliaux. Les patients du groupe TPI avaient un risque de coronaropathie à 10 ans plus faible à la fin de l’étude que ceux du groupe TPC (-1,1% ; IC 1,0-1,2 ; p=0,0323) ; ils avaient également un débit de filtration glomérulaire plus élevé (+4,1 mL/min/1,73m² ; IC 1,4-6,8  ; p=0,0031). Les effets secondaires étaient comparables dans les deux groupes, de même que les changements de prescriptions médicamenteuses, concernant plus de 20% de patients. La diminution d’HbA1c à 12 mois était corrélée aux évolutions des paramètres parodontaux, du débit de filtration glomérulaire, à la baisse de la CRP et du TNFα. La diminution de la CRP était corrélée aux paramètres parodontaux et au TNFα. Les scores de qualité de vie étaient plus élevés dans le groupe TPI à 12 mois (0,83 ; IC 0,29-1,38 ; p=0,0034) avec amélioration de la qualité de vie au travail, de la confiance en soi et des conditions de vie.

Les résultats de ce travail montrent que le traitement parodontal intensif améliore le contrôle métabolique des patients DT2 à 12 mois par rapport à la prise en charge standard de la parodontite. La diminution de l’HbA1c et de la glycémie à jeun s’accompagnent d’une amélioration de la fonction vasculaire et rénale, d’une diminution de l’inflammation systémique et d’une amélioration de la qualité de vie. Ceci suggère une relation entre parodontite, contrôle glycémique et contrôle des complications du diabète. Ce travail souligne que la santé dentaire est un axe important de la prise en charge des patients DT2.
En deuxième ligne de la prise en charge thérapeutique du DT2, les traitements antidiabétiques permettent une diminution de l’HbA1c de 0,4 à 0,9% équivalent à l’effet du traitement parodontal intensif retrouvé dans cette étude. Jusque là, il n’existait que de petites études et méta-analyses pour juger de l’effet potentiellement bénéfique du traitement de la parodontite sur le contrôle glycémique, sans conclusion réelle. La plus grosse étude sur le sujet, l’essai multicentrique sur diabète et traitement parodontal (DPTT) [6], présentait deux groupes de 257 patients chacun et ne retrouvait pas d’amélioration de la santé parodontale et pas de bénéfice glycémique à 6 mois, mais les patients inclus souffraient de parodontite peu sévère et les résultats du traitement parodontal étaient limités.
Au-delà de l’effet métabolique, les résultats suggèrent également un effet positif du traitement parodontal sur les complications cardiovasculaires et rénales du diabète. Dans une étude précédente randomisée chez des patients non diabétiques [4], il a été montré une amélioration de la fonction endothéliale après 6 mois de traitement parodontal. Ces résultats se confirment ici et à 12 mois chez des patients DT2 à haut risque cardiovasculaire. De plus, il est rapporté une diminution de 1,1% du risque cardiovasculaire UKPDS à 10 ans ; ce résultat est à interpréter avec précaution, d’autant que dans l’UKPDS, une diminution de 0,9% d’HbA1c s’accompagnait d’une amélioration marginale du risque de mortalité cardiovasculaire [7] entre le groupe intensif et le groupe contrôle. Le traitement parodontal pourrait améliorer le risque cardiovasculaire via son effet hypoglycémiant, et si ces résultats se confirmaient dans de larges études interventionnelles, le traitement parodontal serait une nouvelle cible de la prévention cardiovasculaire chez les diabétiques. Concernant l’amélioration de la fonction rénale retrouvée dans le groupe TPI, elle pourrait passer par l’effet positif endothélial puisque les lésions glomérulaires endothéliales sont l’une des premières anomalies de la néphropathie diabétique. Une des originalités de ce travail est l’étude de la qualité de vie avec une amélioration dans le groupe TPI.
Une des limites de ce travail est la différence de traitements entre les deux groupes notamment concernant l’aspirine, les bêta-bloquants, les ARAII. Cependant, des analyses de sensibilité post-hoc dans les sous groupes ne prenant pas ces traitements confirment la diminution de l’HbA1c dans le groupe TPI. Il faudra d’autres études pour confirmer l’efficacité du traitement parodontal chez les patients DT2 indépendamment du traitement cardiométabolique. Enfin cette étude est monocentrique, ce qui limite l’extrapolation possible des résultats à tous les patients DT2, mais les patients étaient recrutés à partir de différents centres médicaux.

En conclusion, la prévalence de la parodontite est de plus de 50% et chez les sujets diabétiques, les formes sévères représentant environ un cas sur deux [8]. Cette étude souligne le potentiel effet métabolique favorable du traitement parodontal chez les DT2. Ces résultats sont, comme toujours, à confirmer et à approfondir dans des études plus longues et avec un plus grand nombre de patients. Cependant, ils suggèrent qu’une évaluation bucco-dentaire systématique et que le traitement intensif d’une parodontite devraient faire partie intégrante de la prise en charge efficace d’un diabète de type 2.

 

Références

[1] Tuomi N, et al. The many faces of diabetes: a disease with increasing heterogeneity. Lancet 2014;383:1084-94.
 
[2] Artese HP, et al. Periodontal therapy and systemic inflammation in type 2 diabetes mellitus: a meta-analysis. PLoS One 2015;10:e0128344.
 
[3] Borgnakke WS, et al. Effect of periodontal disease on diabetes: systematic review of epidemiologic observational evidence. J Periodontol 2013;84:S135-52.
 
[4] Tonetti MS, et al. Treatment of periodontitis and endothelial function. N Eng J Med 2007;356:911-20.
 
[5] Simpson TC, et al. Treatment of periodontal disease for glycaemic control in people with diabetes mellitus. Cochrane Database Syst Rev 2015;6: CD004714.
 
[6] Engebretson SP,  et al. The effect of nonsurgical periodontal therapy on hemoglobin A1c levels in persons with type 2 diabetes and chronic periodontitis: a randomized clinical trial. JAMA 2013;310:2323-32.
 
[7] Stevens RJ, et al. The UKPDS risk engine: a model for the risk of coronary heart disease in type II diabetes (UKPDS 56). Clin Sci (Lond) 2001;101:671-79.
 
[8] White DA, et al. Adult Dental Health Survey 2009: common oral health conditions and their impact on the population.Br Dent J 2012;213:567-72.
 


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mercredi 14 novembre 2018

Les complications urologiques des patients diabétiques de type 1

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Octobre 2018
 
Article du mois en accès libre
 
Burden of Urological Complications in Men and Women With Long-standing Type 1 Diabetes in the Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications Cohort. Diabetes Care 2018 Oct; 41(10): 2170-2177. doi: 10.2337/dc18-0255

 

Peu d’études se sont penchées sur les affections urologiques associées au diabète. La dysfonction érectile (DE) est la plus connue, mais d’autres complications altèrent la qualité de vie de nos patients et patientes telles que les infections des voies urinaires, l'incontinence urinaire et d'autres symptômes des voies urinaires basses (LUTS-Low Urinary Track Symptoms) [1,2]. Des travaux ont montré qu'un certain nombre de ces complications urologiques étaient associées à un diabète de type 1 (DT1) plus sévère et moins bien contrôlé. Cependant, ces publications étaient toutes focalisées sur une seule complication et actuellement il n’y a pas de données disponibles permettant de connaître leur co-incidence ou co-prévalence [3,4].

Afin de mieux caractériser le fardeau des complications urologiques, individuelles et cumulatives, au cours du DT1, les données de suivi à 7 ans de l’étude Urologic EDIC (UroEDIC), étude ancillaire de EDIC, sont présentées dans cet article publié en octobre 2018 dans la revue Diabetes Care. On rappellera que le DCCT avait randomisé 1441 sujets DT1 entre 1983 et 1989, et démontré après un suivi moyen de 6,5 ans qu’un traitement intensif par multi-injections d’insuline permettait de retarder l'apparition et ralentir la progression de la rétinopathie, de la néphropathie et de la neuropathie de 35 à 70%. En 1994, 96% des patients du DCCT ont accepté de participer au programme EDIC qui comprend des examens annuels pour statuer sur les complications [5]. L'âge moyen des participants à EDIC était de 33,6 ans, avec une durée moyenne de diabète de 12,2 ans.

Tous les hommes et toutes les femmes d’EDIC ont été invités à participer à UroEDIC à la dixième année d’EDIC (2003 - UroEDIC I) et à nouveau à la dix-septième année d’EDIC (2010/2011 - UroEDIC II), indépendamment de leur participation à la dixième année. Les participants consentants ont répondu à une enquête confidentielle évaluant la fonction sexuelle et urinaire, l’impact des symptômes et les antécédents d’infection des voies urinaires (vessie-rein). Elle s’est appuyée sur des auto-questionnaires validés pour l’exploration des symptômes urologiques. L’objectif d’UroEDIC était double : 1) documenter la prévalence et la co-occurrence des dysfonctions sexuelles (DE, diminution de la libido, dysfonction orgasmique), de l’incontinence urinaire, des LUTS et des infections des voies urinaires, ainsi que leurs taux d'émergence, de persistance et de rémission ; 2) identifier des associations entre ces complications urologiques et des variables démographiques et cliniques liées au diabète (IMC, HbA1c, âge, atteintes micro-vasculaires associées…). Les taux de participation aux enquêtes UroEDIC I et UroEDIC II étaient de 83,6 et 95,1%, respectivement. Sur les 1141 participants d’UroEDIC I, 1059 (92,8%) ont participé à UroEDIC II. Ainsi, au total, 508 femmes et 551 hommes ont répondu au sondage aux deux temps, et au total 65% des femmes et 68% des hommes ont signalé au moins une complication urologique lors d’UroEDIC II.

La prévalence des complications urologiques dans UroEDIC II chez les femmes était de 42% pour les dysfonctions sexuelles, de 31% pour l’incontinence urinaire, de 22% pour les LUTS, et de 17% pour les infections des voies urinaires. Globalement, chez les femmes sexuellement actives, 35% n’ont signalé aucune complication, 39% en avaient une et 26%, deux complications ou plus. Les LUTS étaient souvent associés à d'autres complications, alors que les dysfonctions sexuelles survenaient plus souvent isolément. La deuxième complication urologique la plus fréquemment signalée chez les femmes participant à UroEDIC était l’incontinence urinaire. Le fait que 31% des femmes déclare présenter une incontinence urinaire hebdomadaire ou supérieure n’est pas anodin. Car outre le fait que cela peut être source d’une détresse importante, d’un isolement social et par conséquent d’une moins bonne qualité de vie, cela témoigne d’une prévalence très supérieure aux populations de femmes non-diabétiques de même âge : 15% dans l’étude BACH et 17% dans NHANES [6,7].
Chez les hommes il était rapporté 45% de DE, de 40% diminution de la libido, 24% de LUTS et 14% de dysfonction orgasmique. Seulement 31% n'avaient pas de complications, 36% en avaient une, 22% deux, 9% trois et 3% quatre.  De manière similaire, le type de chevauchement entre les complications chez les hommes était spécifique à chaque complication et contrairement aux femmes les LUTS apparaissant plus souvent sans autre complication, tandis que la DE, la diminution de la libido et dysfonction orgasmique survenaient simultanément.
La majorité des participants qui présentaient une complication urologique lors d’UroEDIC I conservait cette complication à UroEDIC II (de 56 à 86%), à l'exception des infections urinaires chez les femmes, où seulement 29% de celles ayant signalé la complication lors de la première enquête signalaient encore une infection de la vessie ou des reins au cours de la deuxième enquête.

Chez les femmes, l’âge croissant était associé à la fois à l’émergence (p=0,03) et à la persistance d’une dysfonction sexuelle (p<0,001) et à la persistance de l’incontinence urinaire (p=0,03). L'HbA1c était associée à l'émergence des LUTS (p=0,03) et à la persistance de l’incontinence urinaire (p=0,05). Ainsi les femmes du quartile supérieur d'HbA1c (> 8,54%) étaient deux fois plus susceptibles de déclarer des LUTS que celles du quartile inférieur d'HbA1c (≤ 7,38%), confirmant les données d’une étude du même groupe [8]. De plus, un IMC ≥ 30 kg/m² était associé à une probabilité plus élevée de déclarer une incontinence urinaire. Cette association de l’incontinence urinaire avec l'IMC est en accord avec les résultats obtenus auprès de populations non diabétiques et de femmes atteintes de diabète de type 2 [9]. Les femmes atteintes de néphropathie présentaient une probabilité plus élevée de déclarer une infection des voies urinaires, celles présentant une neuropathie périphérique, une probabilité plus élevée de LUTS, et celles ayant une neuropathie autonome, une probabilité plus élevée de dysfonction sexuelle et d'infection des voies urinaires, ce qui pourrait indiquer une mauvaise vidange de la vessie en raison d'une cystopathie diabétique.
Chez les hommes, l’âge était associé à l’émergence de LUTS (p<0,01) et à la persistance des quatre complications : les LUTS (p<0,001), la DE (p<0,0001), la diminution de la libido (p<0,01) et la dysfonction orgasmique (p=0,0063). L'HbA1c était associée à la persistance de la DE (p<0,0001) et à la persistance de la dysfonction orgasmique (p<0,001). Chez les hommes, l'IMC n'est pas considéré comme un facteur de risque indépendant de complications urologiques. Les hommes présentant des complications microvasculaires liées au diabète avaient une probabilité plus élevée de déclarer des LUTS, une DE et une dysfonction orgasmique. Le fait que la DE soit la complication la plus fréquemment rapportée n’est pas surprenant, de même que son association avec l’âge, un contrôle du diabète moins performant et d’autres complications du diabète, notamment la neuropathie autonome. Toutefois, il est important de signaler le rôle fort du diabète dans ce risque de survenue de cette complication puisque la proportion d’hommes déclarant une DE était beaucoup plus élevée que dans un groupe comparable dans la NHANES (par exemple, 42% dans UroEDIC II contre 8% dans le groupe NHANES des 40 à 50 ans) [10]. De façon comparable à la dysfonction sexuelle de la femme diabétique, un taux plus élevé d'hommes signale cette complication isolément et cela peut rendre compte d’étiologies indépendantes des mécanismes classiques métaboliques, neuronaux et vasculaires, telle que la dépression fréquemment associée au diabète. Enfin il est important de signaler que le groupe de traitement initial du DCCT n'était pas associé à l'émergence ou à la persistance de complications dans les 2 sexes.

En conclusion, dans un climat de solitude et de mystère réunis, cette étude démontre que les complications urologiques sont très fréquentes et coexistent habituellement chez les hommes et les femmes atteints de DT1. De plus, même si une majorité des participants à l'étude UroEDIC présentent globalement une persistance de leurs complications urologiques sur une période de 7 ans, la rémission possible de certaines complications offre la possibilité d’étudier les mécanismes impliqués dans l'amélioration des symptômes et d’identifier les facteurs qui prédisent une amélioration. Alors que les améliorations dans la gestion du diabète réduisent la sévérité de la rétinopathie, de la néphropathie et de la neuropathie, et tenant compte du fait que les personnes atteintes de diabète vivent plus longtemps, les complications urologiques représentent un réel fardeau affectant la qualité de vie de nos patients. Ce travail permet donc d’amorcer la réflexion sur la morbidité urologique associée au diabète et sur les études à mener pour en atténuer les symptômes.

 

Références

[1] Brown JS, et al. Urologic complications of diabetes. Diabetes Care 2005 Jan;28(1):177-85.
 
[2] Kupelian V, et al. Association of urological symptoms and chronic illness in men and women: contributions of symptom severity and duration--results from the BACH Survey. J Urol 2009 Feb;181(2):694-700.
 
[3] Czaja CA, et al. Urinary tract infections in women with type 1 diabetes mellitus: survey of female participants in the epidemiology of diabetes interventions and complications study cohort. J Urol 2009 Mar;181(3):1129-34;discussion 1134-5.
 
[4] Sarma AV, et al. Risk factors for urinary incontinence among women with type 1 diabetes: findings from the epidemiology of diabetes interventions and complications study. Urology 2009 Jun;73(6):1203-9.
 
[5] Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications (EDIC). Design, implementation, and preliminary results of a long-term follow-up of the Diabetes Control and Complications Trial cohort. Diabetes Care 1999 Jan;22(1):99-111.
 
[6] Tennstedt SL, et al. Prevalence of and risk factors for urine leakage in a racially and ethnically diverse population of adults: the Boston Area Community Health (BACH) Survey. Am J Epidemiol 2008 Feb 15;167(4):390-9.
 
[7] Nygaard I, et al. Prevalence of symptomatic pelvic floor disorders in US women. JAMA 2008 Sep 17;300(11):1311-6.
 
[8] Lenherr SM, et al. Glycemic Control and Urinary Tract Infections in Women with Type 1 Diabetes : Results from the DCCT/EDIC. J Urol 2016 Oct;196(4):1129-35.
 
[9] Jackson SL, Scholes D, Boyko EJ, Abraham L, Fihn SD. Urinary incontinence and diabetes in postmenopausal women. Diabetes Care 2005 Jul;28(7):1730-8.
 
[10] Saigal CS, Wessells H, Pace J, Schonlau M, Wilt TJ; Urologic Diseases in America Project. Predictors and prevalence of erectile dysfunction in a racially diverse population. Arch Intern Med 2006 Jan 23;166(2):207-12.
 


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mardi 16 octobre 2018

La glycémie en pré-opératoire de toute chirurgie est un marqueur du risque cardiovasculaire post-opératoire immédiat

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Septembre 2018
 
Article du mois en accès libre
 
Punthakee Z et al. Association of preoperative glucose concentration with myocardial injury and death after non-cardiac surgery (GlucoVISION): a prospective cohort study. Lancet Diabetes Endocrinol 2018 Jul 26. pii: S2213-8587(18)30205-5. doi: 10.1016/S2213-8587(18)30205-5. [Epub ahead of print].

 

Il n’est plus nécessaire de démontrer que le diabète est un facteur de risque cardiovasculaire. Il est cependant intéressant de préciser que la glycémie est associée de façon continue avec ce risque, chez les diabétiques comme chez les non-diabétiques, même pour des élévations glycémiques modestes en dessous du seuil définissant le diabète [1]. Cette association a été mise en évidence dans la population générale ambulatoire mais également chez les patients hospitalisés [1,2]. Cependant, la relation entre la glycémie préopératoire d’une chirurgie non cardiaque et la survenue post-opératoire d’un évènement cardiovasculaire majeur n’avait jamais été explorée. Pourtant, chaque année, des millions d’actes chirurgicaux sont réalisés dans le monde et les complications cardiovasculaires post-opératoires qui en découlent sont probablement sous-estimées. En effet, il a été récemment décrit une nouvelle entité pathologique appelée Myocardial Injury after Non-cardiac Surgery (MINS) qui correspond à une souffrance myocardique dans les suites d’une chirurgie non cardiaque. La MINS se caractérise par une élévation de la troponine, accompagnée ou non de symptômes ischémiques et/ou de signes électrocardiographiques [3]. Cette atteinte cardiaque est fréquente puisqu’elle concerne 8-18% des patients hospitalisés mais elle peut rester non diagnostiquée puisque les symptômes ischémiques sont souvent absents dans cette période post-opératoire immédiate. Pourtant, la survenue de MINS est de mauvais pronostic, cette complication étant fortement corrélée à la mortalité post-opératoire [4].

Afin d’évaluer le lien entre la glycémie pré-opératoire et la survenue de MINS, une équipe Canadienne a mis en place une cohorte prospective internationale de grande envergure, constituée de patients diabétiques et non diabétiques hospitalisés pour une chirurgie non-cardiaque programmée ou urgente. L’étude glucoVISION a donc été réalisée par 12 centres investigateurs dans 8 pays répartis en Europe et sur le continent Américain. Afin d’obtenir un large échantillon représentatif, tous les patients de plus de 45 ans hospitalisés la veille d’une quelconque chirurgie dans ces différents centres étaient éligibles à cette étude et pouvaient signer le consentement de participation. Les données démographiques et l’historique médical des patients participants étaient bien sûr colligés, de même que les traitements habituels et le motif de l’acte chirurgical. Pour tous ces patients, au moins une glycémie plasmatique ou capillaire était mesurée en pré-opératoire et les conditions de mesure étaient renseignées (heure du dernier apport de glucose entéral ou parentéral). Les glycémies étaient considérées « à jeun » si elles étaient réalisées au moins 8 heures après le dernier apport de glucose et « random » dans les autres cas. La troponine T était mesurée 6-12 heures après la chirurgie ainsi que chaque matin à J1, J2 et J3 post-opératoire. Les décès hospitaliers étaient recensés via le dossier médical et la mortalité extra-hospitalière via un appel téléphonique au patient à J30 post-opératoire. Le critère principal d’évaluation était la survenue de MINS dans les 3 jours post-opératoire, défini par une élévation de la troponine T ≥ 0,03 ng/mL, en lien avec une ischémie myocardique, selon adjudication par un comité d’experts qui éliminait les autres causes potentielles d’élévation des enzymes cardiaques (sepsis, embolie pulmonaire, cardioversion…). Le critère secondaire était le décès toute cause dans les 30 jours post-oprétatoires, à l’hôpital ou après sortie de l’hôpital.

Parmi les 16 087 patients ayant donné leur consentement de participation, 11 954 (dont 2809 (23%) patients atteints de diabète) ont pu être analysés du fait de données complètes. Les patients de cette cohorte avaient un âge moyen de 66,2 ± 11,7 années, étaient des hommes pour 49% et avaient fréquemment un ou plusieurs antécédents cardiovasculaires (cardiopathie ischémique (13%), insuffisance cardiaque (5%), accident cérébro-vasculaire (8%), maladie artérielle périphérique des membres inférieurs (6%), fibrillation auriculaire (4%) et hypertension artérielle (54%)). La chirurgie était pratiquée en urgence ou programmée pour 14% et 86% des patients, respectivement. Les principaux types de chirurgie pratiqués étaient des interventions orthopédiques (23%), de chirurgie générale (19%), vasculaire (4%) ou autres (55%). Concernant le sous-groupe des patients atteints d’un diabète antérieurement connu, les patients étaient légèrement plus âgés (67,9 ± 10,8 années), avaient des antécédents cardiovasculaires plus marqués et étaient traités par insuline dans 48% des cas.

La glycémie à jeun des sous groupes diabétiques et non diabétiques était de 143 ± 49 et 100 ± 20 mg/dL, respectivement. Pour les glycémies « random », ces valeurs étaient de 156 ± 65 et 109 ± 31 mg/dL. Le MINS et les décès dans les 30 jours étaient plus fréquents chez les patients diabétiques, comparativement à la population non diabétique (OR 1,98 [95% CI 1,70-2,30] p<0,0001 et OR 1,41 [1,08-1,86] p=0,016). Une relation linéaire a été mise en évidence entre le taux croissant de glycémie, la survenue de MINS et la mortalité à 30 jours. Ainsi, pour chaque 18 mg/dL de glycémie supplémentaire, les risque de MINS et de mortalité à 30 jours étaient augmentés de 6 et 8%, respectivement (OR 1,06 [95% CI 1,04-1,09] ; p=0,0003 et 1,08 [95% CI 1,02-1,14] ; p=0,0051). Ces relations restaient significatives lors de l’analyse en sous-groupe (diabète versus pas de diabète) ainsi que pour les seules glycémies « random », avec ou sans ajustement sur les facteurs de risque cardiovasculaires classiques. En revanche, pour les seules glycémies à jeun, les relations ne restaient significatives qu’avant ajustement. Pour ces analyses de sensibilité (glycémie « random » et glycémie à jeun), le résultat significatif sur l’ensemble de la cohorte était dépendant de l’effet observé dans le seul groupe des patients non diabétiques. En d’autres termes, la relation entre l’hyperglycémie (« random » ou à jeun) et la survenue de MINS ou de décès à 30 jours était plus forte pour les patients non diabétiques que pour les patients diabétiques. Par ailleurs, ces relations n’étaient pas modifiées par les analyses de sensibilité selon le centre investigateur, l’âge, le sexe, le type de chirurgie ou son caractère d’urgence.

Cette vaste cohorte prospective internationale montre que le niveau de glycémie pré-opératoire est corrélé au risque de MINS et de décès post-opératoire à 30 jours. Ces relations sont particulièrement fortes pour les glycémies « random » et chez les patients n’étant pas antérieurement connus pour être atteints de diabète. Dans cette condition, ces relations semblent être indépendantes des facteurs de risque cardiovasculaires classiques.

Il n’est pas possible de déterminer, au vu de ces résultats, si cette association est causale ou non. En effet, plusieurs mécanismes pourraient suggérer des effets potentiellement délétères de l’hyperglycémie sur le myocarde : stress oxydant, inflammation, altération de la fonction endothéliale, majoration des phénomènes d’ischémie-reperfusion ou encore atteinte vasculaire liée aux produits de glycation terminale. Cependant, il n’est pas exclu que l’hyperglycémie pré-opératoire ne soit que le reflet d’une élévation des catécholamines et/ou du cortisol en situation de stress préopératoire, l’élévation de ces hormones pouvant précipiter un événement cardiovasculaire chez des patients prédisposés. De plus, il faut rappeler qu’il existe plusieurs causes non ischémiques d’élévation de la troponine dans la période particulière entourant une chirurgie. En effet, la troponine peut s’élever en cas de sepsis, d’embolie pulmonaire, de cardioversion, d’insuffisance rénale sévère, d’hémorragie intracrânienne, de traumatisme de la paroi thoracique, de myocardite et de cardiomyopathie non ischémique incluant le syndrome de Takotsubo. Cependant, dans cette étude, ces élévations de troponine non liées au MINS ont été théoriquement éliminées de l’analyse par un comité expert d’adjudication.

Il aurait été informatif dans cette étude de disposer de résultats d’HbA1c de façon systématique pour tous les patients afin de pouvoir différencier les patients non diabétiques présentant une hyperglycémie de stress des patients diabétiques antérieurement non diagnostiqués. De plus, l’étude du lien entre HbA1c préopératoire et MINS aurait été intéressante, une étude antérieure de faible puissance ayant déjà montré une majoration de 30% du risque d’élévation de la troponine pour chaque point d’HbA1c supplémentaire dans une population de patients opérés en chirurgie vasculaire [5].

Quoi qu’il en soit, cette étude montre clairement que la présence d’une hyperglycémie en préopératoire d’une chirurgie non cardiaque est un marqueur pronostic des complications cardiovasculaires potentielles et justifie la mise en place d’une surveillance post-opératoire étroite. D’autres études seront néanmoins nécessaires pour déterminer si une intervention tentant de diminuer cette hyperglycémie avant de débuter la chirurgie permettrait d’améliorer le pronostic post-opératoire.

 

Références

[1] Emerging Risk Factors Collaboration. Diabetes mellitus, fasting blood glucose concentration, and risk of vascular disease: a collaborative meta-analysis of 102 prospective studies. Lancet 2010 ;375:2215.
 
[2] Badawi O et al. Association between intensive care unit-acquired dysglycemia and in-hospital mortality. Crit Care Med 2012;40:3180.
 
[3] Botto F et al. Myocardial injury after noncardiac surgery: a large, international, prospective cohort study establishing diagnostic criteria, characteristics, predictors, and 30-day outcomes. Anesthesiology 2014;120:564.
 
[4] Devereaux PJ et al. Association of postoperative high-sensitivity troponin levels with myocardial injury and 30-day mortality among patients undergoing noncardiac surgery. JAMA 2017;317:1642.
 
[5] Feringa HH et al. Impaired glucose regulation, elevated glycated haemoglobin and cardiac ischaemic events in vascular surgery patients. Diabet Med 2008;25:314.
 


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mercredi 22 août 2018

Team Novo Nordisk, saison 2018-2019, résumé 2

Comme promis cet hiver, je vous donne régulièrement des nouvelles sur les résultats du Team Novo Nordisk sur les différents Tours auxquels elle participe.Au cours de ces dernières semaines, les bons résultats de sont enchaînés et nous allons les découvrir ensemble. Voici le résumé des participations du Team aux courses de Mars à début Août […]

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mardi 10 juillet 2018

Glucagon faible dose : une alternative pour la prévention des hypoglycémies liées à l’activité physique chez les patients DT1 ?

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Juin 2018
 
Article du mois en accès libre
 
Rickels MR et al. Mini-Dose Glucagon as a Novel Approach to Prevent Exercise-Induced Hypoglycemia in Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2018 May 18. pii: dc180051. doi: 10.2337/dc18-0051. [Epub ahead of print].

 

L’activité physique régulière est bénéfique chez les patients atteints de diabète de type 1 (DT1) car elle diminue l’HbA1c et les besoins en insuline, contribue à maintenir un poids corporel adapté, et réduit l’incidence ou la progression de la rétinopathie et de la néphropathie diabétique, de l’hypertension artérielle et de la dyslipidémie [1]. Il est ainsi recommandé à ces patients de pratiquer un minimum de 150 minutes par semaine d’activité physique d’intensité modérée à vigoureuse, la charge totale d’entraînement devant être idéalement répartie sur au moins 3 séances dans la semaine [2]. Cependant, comme chez les patients atteints de diabète de type 2 (DT2), cette recommandation est assez peu suivie. En effet, une majorité de patients DT1 passent moins de 30 min par jour à pratiquer une activité physique et la prévalence du surpoids et de l’obésité augmente régulièrement dans cette population [1]. Le principal frein à l’activité physique chez les patients DT1 est la peur de l’hypoglycémie et la difficulté de gestion du traitement et de la diététique afin de tenter d’éviter cette complication fréquente [3]. Différentes recommandations sont pourtant maintenant disponibles afin de guider les patients pour l’ajustement de leur insulinothérapie et pour l’évaluation de leurs besoins en glucides avant, pendant et après l’activité physique [4]. La quantité de glucides à consommer pendant une activité physique prolongée et/ou soutenue peut d’ailleurs être importante (jusqu’à 1g/min) et peut représenter un frein supplémentaire pour les patients qui ont par ailleurs une problématique de perte pondérale [5].

Physiologiquement, chez le sujet sain, lors d’une activité physique aérobie, la sécrétion d’insuline diminue et la sécrétion de glucagon augmente, ces deux phénomènes concourant à augmenter la production hépatique de glucose pour répondre aux besoins musculaires et éviter ainsi la diminution du taux de glucose plasmatique. Chez les patients DT1, la physiopathologie de l’hypoglycémie lors de l’activité physique combine l’absence de réduction de l’insulinémie ainsi qu’un défaut d’augmentation de la sécrétion de glucagon. En effet, l’insulinémie qui provient des injections exogènes d’insuline n’est pas diminuée lors de l’activité physique et peut même augmenter, du fait d’une mobilisation accrue des dépôts sous-cutanés d’insuline, induite par les mouvements du sujet. De plus, le défaut de sécrétion de glucagon est d’autant plus marqué que le diabète est ancien (atteinte progressive des cellules alpha des îlots de Langerhans) et qu’une hypoglycémie est survenue récemment, ce phénomène pouvant favoriser la survenue d’hypoglycémies itératives [6,7].

Les évaluations scientifiques des approches visant à réduire les apports en insuline ou à majorer les apports en glucides ont montré une efficacité partielle mais la persistance d’évènements hypo- et hyperglycémiques [8]. La prévention des hypoglycémies liées à l’activité physique par un apport de glucagon n’avait jamais antérieurement été testée, principalement du fait de l’absence de forme facilement administrable de glucagon. En effet, la forme largement disponible du glucagon se présente actuellement comme un lyophilisat qui doit être reconstitué dans un solvant immédiatement avant injection. Cette préparation est exclusivement utilisée dans le cadre de l’urgence, en cas d’hypoglycémie sévère, sous la forme d’une injection de 1000 µg (1 mg). Actuellement en développement, une nouvelle forme liquide, stable, non aqueuse de glucagon peut être administrée par voie sous-cutanée (SC) à des faibles doses de 75, 150 et 300 µg (MDG – mini-dose glucagon). Une précédente étude a montré que l’injection SC de 150 µg de MDG était aussi efficace qu’un resucrage oral en cas d’hypoglycémies modérées chez des patients DT1 [9]. Aux vues de ces résultats, Rickels MR et al. ont conduit une étude pour évaluer l’effet du MDG, comparativement aux approches classiques (réduction de l’insuline ou prise d’hydrates de carbone), sur la prévention des hypoglycémies induites par une activité physique aérobie dans une population de patients DT1.

Cette étude a été réalisée dans deux centres de diabétologie des Etats-Unis, chez des patients atteints de DT1 depuis plus de 2 années, âgés de 18 à 64 ans, traités par pompe à insuline, réalisant au moins 3 séances de 30 min d’activité aérobie chaque semaine, et dont l’IMC était inférieur à 30 kg/m2. Les critères de non-inclusion comprenaient la survenue d’une hypoglycémie sévère dans les 12 derniers mois, la présence d’une rétinopathie diabétique évolutive, d’une neuropathie périphérique avec hypoesthésie des pieds, d’une neuropathie autonome cardiaque, la prise de béta-bloqueurs ou d’antidiabétiques non-insuliniques ou encore la conduite d’un régime hypocalorique en vue d’une perte pondérale. Quatre séances d’activité physique, espacées de 3 jours minimum, sur une période totale de 12 semaines, étaient réalisées par chaque patient de cette étude, permettant de tester en cross-over 4 modalités thérapeutiques différentes visant à éviter la survenue d’hypoglycémies induites par l’activité physique: pas d’intervention (séance contrôle) ; réduction de la basale d’insuline (séance basale) ; ingestion d’hydrates de carbone (séance glucides) ; administration de MDG (séance MDG). Chaque séance d’activité physique était identique, à type de marche rapide sur un tapis dont la vitesse et la pente étaient ajustées pour maintenir un effort de 45 min à 50-55% de la VO2max préalablement déterminée par une épreuve d’effort cardio-métabolique chez chaque patient. Toutes les procédures thérapeutiques décrites ci dessous étaient mises en oeuvre en simple aveugle pour le patient. Pour la “séance contrôle”, un simulacre de réduction de dose de basale d’insuline et une injection SC de sérum physiologique étaient réalisés 5 min avant le début de l’activité physique. Pour la “séance basale”, une basale temporaire à 50% de la basale habituelle était débutée 5 min avant le début de l’activité physique et maintenue pendant toute la durée de l’effort. Une injection SC de sérum physiologique était également réalisée 5 min avant le début de l’activité physique. Pour la “séance glucides”, aucune adaptation de basale ni injection sous-cutanée n’était réalisée. Une quantité de 20g de glucose était donnée à ingérer au patient 5 min avant le début de l’activité physique, ainsi qu’après 30 min d’effort (soit 40g au total). Pour la “séance MDG”, un simulacre de réduction de dose de basale d’insuline et une injection SC de 150 µg de MDG étaient réalisés 5 min avant le début de l’activité physique. Ainsi, la prise de glucides lors de la “séance glucides” était la seule procédure réalisée en ouvert. L’ordre des 4 séances était randomisé pour chaque patient. Des échantillons sanguins étaient prélevés, grâce à un cathéter veineux posé 1 heure avant le début de l’activité physique, au temps -30, -15, -5 et 0 min avant l’activité physique; au temps 5, 10, 15, 25, 35, 45 min pendant l’effort et au temps 50, 55, 60, et 75 min après la fin de l’effort. La glycémie plasmatique était mesurée extemporanément sur ces échantillons, permettant d’interrompre l’effort en cas de valeur < 70 mg/dL pendant la période d’activité physique. D’autres prélèvements étaient réalisés à 90, 105, 120, 135 et 165 min, après qu’un repas standard (44-50g de glucides représentant 55% des calories) soit pris à la 75ème minute, couvert par un bolus repas, réalisé à la 70ème minute, selon le ratio habituel du patient. De plus, les patients portaient un CGM Dexcom G4 pendant toute la durée de l’étude.

Quinze patients ont pu réaliser l’ensemble de l’étude, c’est à dire les 4 séances d’activité physique. Leur âge médian était de 30 ans (IQR 25-43), leur IMC de 24 kg/m2 (23-27), leur ancienneté de diabète de 22 années (14-31), leur HbA1c de 6,8 % (6,5-7,6) et leur VO2max de 42 mL/kg/min (35-51). La glycémie était identique avant les quatres séances d’activité physique, entre 115 et 120 mg/dL. En revanche, à la fin de l’activité physique, la glycémie était significativement plus basse lors des séances “contrôle” et “basale” comparativement aux séances “glucides” et “MDG” (86±30 et 85±25 comparativement à 174±59 et 161±39 mg/dL, respectivement ; p<0,001). Après le repas standardisé au décours de l’activité physique, les glycémies ont convergé après les 4 séances pour aboutir à des valeurs similaires à 90 minutes du début du repas (178±57, 160±67, 209±67 et 187±71 mg/dL, respectivement). Comme on pouvait s’y attendre, la glucagonémie était significativement plus basse pendant les séances “contrôle”, “basale” et “glucides” comparativement à la séance “MDG” (55±12, 53±9 et 61±21 comparativement à 424±201 pg/mL ; p<0,001). En revanche, l’insulinémie n’était pas différente au cours des 4 séances d’activité physique, notamment lors de la séance “basale” où la procédure de réduction du débit d’insuline n’a pas eu l’effet escompté (24±16, 23±10, 25±14 et 22±13 mU/mL). Après le repas test, la glucagonémie après séance “MDG” est revenue rapidement au niveau basal observé aprés les 3 autres séances et l’insulinémie a augmenté modérément après les 4 séances de façon superposable (insulinémie à 90 min du repas test : 40±20, 40±23, 50±39 et 36±16 mU/mL).

Pendant la période d’activité physique et la phase de récupération précoce, 6 et 5 évènements hypoglycémiques < 70 mg/dL sont survenus après les séances “contrôle” et “basale” comparativement à aucun évènement après les séances “glucides” et “MDG”. Concernant les évènements hyperglycémiques > 250 mg/dL pendant cette même période, les investigateurs en ont dénombré 0, 0, 5 et 1, après les 4 différentes séances, respectivement. Ces résultats ont été retrouvés sur les critères CGM avec un temps en hypo < 70 mg/dL de 12, 10, 0 et 1% (p=0,02) et un temps en hyper > 250 mg/dL de 0, 0, 11 et 5% (p=0,009) après les 4 différentes séances, respectivement. En revanche, les critères CGM n’étaient plus différents après les 4 séances dès la période de récupération précoce, après le repas test, dans l’après-midi, ni la nuit qui suivait la séance d’activité physique.

En résumé, cette étude montre que l’injection SC d’une mini dose de 150 µg de glucagon est une procédure efficace pour prévenir la survenue d’hypoglycémies pendant l’activité physique. Cette procédure était aussi efficace que l’ingestion de 40 g de glucides pour prévenir les hypoglycémies mais était associée à un moindre risque d’hyperglycémie. Cette étude rappelle également que les stratégies visant à réduire l’insulinémie active en vue d’une activité physique sont difficiles à mettre en oeuvre. En effet, dans ce protocole, la mise en place d’une basale temporaire à 50% de la basale habituelle 5 min avant et pendant toute la durée de l’effort ne permettait pas d’obtenir de réduction de l’insulinémie et n’avait donc aucun effet sur la réduction des hypoglycémies qui survenaient avec la même fréquence que lors de la séance “contrôle”. Des études antérieures ont cependant montré des résultats discordants de cette procédure de réduction du débit d’insuline qui peut tout de même s’avérer efficace si la réduction du débit est notamment plus marquée ou effectuée plus précocément avant le début de l’effort [8,10].

Plusieurs limites de cette étude doivent être soulignées. Tout d’abord, l’injection de glucagon SC a entraîné des nausées (sans vomissements) chez 2/15 patients dans ce protocole, comme cela a déjà été rapporté dans des études antérieures utilisant le glucagon à faible dose pour le traitement d’hypoglycémies modérées [9,11]. On rappelle également qu’en cas d’injection d’une dose de 1 mg de glucagon en situation d’hypoglycémie sévère, environ 1/3 des patients présentent des nausées sans ou avec vomissements. Par ailleurs, l’activité physique dans cette étude était calibrée et une seule intensité et une seule durée ont été testées. Il est donc difficile d’extrapoler ces résultats à une pratique plus libre et plus diversifiée de l’activité physique. Des études de “vraie vie” seraient indispensables pour valider, en routine, l’utilisation du glucagon faible dose pour prévenir les hypoglycémies induites par le sport. Enfin, la sécurité au long cours du glucagon en utilisation régulière nécessite d’étre testée. Quoi qu’il en soit, cette étude montre que l’utilisation du glucagon à faible dose avant le sport est aussi efficace que la prise de glucides pour éviter les hypoglycémies induites par l’activité physique. Cette alternative pourrait donc être intéressante pour les sujets DT1 sportifs, d’autant plus chez les patients qui ont un objectif pondéral pour lequel ils ne souhaitent pas être contraints de consommer de trop grandes quantités de glucides.

 

Références

[1] Bohn B et al. Impact of physical activity on glycemic control and prevalence of cardiovascular risk factors in adults with type 1 diabetes: a crosssectional multicenter study of 18,028 patients. Diabetes Care 2015;38:1536-1543.
 
[2] Colberg SR et al. Physical activity/exercise and diabetes: a position statement of the American Diabetes Association. Diabetes Care 2016;39:2065-2079.
 
[3] Brazeau AS et al. Barriers to physical activity among patients with type 1 diabetes. Diabetes Care 2008;31:2108-2109.
 
[4] Pinsker JE et al. Techniques for exercise preparation and management in adults with type 1 diabetes. Can J Diabetes 2016;40:503-508.
 
[5] Francescato MP et al. Prolonged exercise in type 1 diabetes: performance of a customizable algorithm to estimate the carbohydrate supplements to minimize glycemic imbalances. PLoS One 2015;10:e0125220.
 
[6] Mallad A et al. Exercise effects on postprandial glucose metabolism in type 1 diabetes: a triple-tracer approach. Am J Physiol Endocrinol Metab 2015;308:E1106-E1115.
 
[7] Galassetti P et al. Effect of antecedent hypoglycemia on counterregulatory responses to subsequent euglycemic exercise in type 1 diabetes. Diabetes 2003;52:1761-1769.
 
[8] Franc S et al. Insulin-based strategies to prevent hypoglycaemia during and after exercise in adult patients with type 1 diabetes on pump therapy: the DIABRASPORT randomized study. Diabetes Obes Metab 2015;17:1150-1157.
 
[9] Haymond MW et al. Nonaqueous, mini-dose glucagon for treatment of mild hypoglycemia in adults with type 1 diabetes: a dose-seeking study. Diabetes Care 2016;39:465-468.
 
[10] Riddell MC et al. Exercise management in type 1 diabetes: a consensus statement. Lancet Diabetes Endocrinol 2017;5:377-390.
 
[11] Haymond MW et al. T1D Exchange Mini-dose Glucagon Study Group. Efficacy and safety of mini-dose glucagon for treatment of nonsevere hypoglycemia in adults with type 1 diabetes. J Clin Endocrinol Metab 2017;102:2994-3001.
 


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mercredi 30 mai 2018

Niveau d’HbA1c et pronostic de cicatrisation des troubles trophiques du pied chez les personnes diabétiques : une relation pas si étroite…

Auteur : 
Ariane Sultan
Date Publication : 
Mai 2018
 
Article du mois en accès libre
 
D’après Betiel K. Fesseha et al. Association of Hemoglobin A1c and Wound Healing in Diabetic Foot Ulcers. Diabetes Care 2018 Apr; dc171683. doi: 10.2337/dc17-1683

 

Les patients porteurs d’un trouble trophique du pied ou « pied diabétique » présentent une altération de leur qualité de vie mais également un risque d’amputation de membre inférieur et une réduction de leur espérance de vie avec une mortalité à 5 ans estimée à 55% chez les patients avec plaie ischémique et 77% chez ceux ayant déjà subi une amputation de membre inférieur…Quand on sait, en plus, que la prévalence est de 4 à 10%, et qu’environ 25% des patients présenteront une plaie cours de leur vie, force est de constater qu’il s’agit d’une complication grave et fréquente du diabète [1,2]

Il est bien établi que le contrôle de la glycémie permet de réduire le risque de complication microvasculaire mais également le risque d’amputation à la condition qu’il soit associé à la prise en charge des autres facteurs de risque cardio-vasculaire [3].  En revanche, l’impact du contrôle glycémique en prévention secondaire des plaies (par exemple prévention des plaies chez un patient atteint d’une neuropathie diabétique) ou en prévention tertiaire (prévention des amputations chez un patient porteur d’une plaie du pied) est beaucoup moins clair. Ainsi, les données de la littérature montrent des résultats mitigés en ce qui concerne l’impact du contrôle glycémique sur la cicatrisation, le délai de cicatrisation et le taux d’amputation. Mais il s’agit souvent d’études ayant utilisé des mesures de contrôle glycémique effectuées avant la prise en charge de la plaie, ne permettant pas de conclure sur l’impact de l’équilibre glycémique sur la cicatrisation.

L’objectif de l’étude prospective observationnelle publiée dans Diabetes Care est double : (i) évaluer l’association entre niveau d’HbA1c et cicatrisation et (ii) évaluer l’impact de la variation d’HbA1c sur la cicatrisation, chez des patients diabétiques avec pied diabétique. L’hypothèse est qu’un contrôle glycémique adapté serait associé à une diminution du délai de cicatrisation.

La prise en charge des patients était effectuée par une équipe multidisciplinaire, les objectifs d’HbA1c individualisés en fonction des patients. En ce qui concerne l’équilibre du diabète, le suivi par un médecin diabétologue était réalisé tous les 3 mois. La fréquence de suivi de la plaie était adaptée à son évolution, avec des consultations qui pouvaient être très rapprochées (hebdomadaires si besoin). Ont été inclus dans l’étude les personnes diabétiques avec pied diabétique, exclusion faite des patients nécessitant une amputation majeure en urgence et ceux susceptibles de ne pas suivre les recommandations de prise en charge…

Le dosage d’HbA1c était effectué comme recommandé tous les 3 mois. L’évaluation de la variation de l’HbA1c utilisait 2 paramètres : (i) le nadir de variation de l’HbA1c (défini par la différence entre HbA1c initiale et valeur la plus basse d’HbA1c obtenue dans le suivi) et (ii) la variation moyenne d’HbA1c (calculée par la différence entre HbA1c à l’inclusion et moyenne des autres HbA1c mesurées pendant le suivi). Une HbA1c entre 6,5 et 8% était considérée comme un objectif glycémique acceptable pour la plupart des patients, une HbA1c supérieure à 8% témoignait d’un déséquilibre glycémique et était en faveur d’un contrôle glycémique optimisé si inférieure à 6,5%. Les plaies ont été gradées selon le WIfI (classification de la Société de Chirurgie Vasculaire), intégrant la taille de la plaie, la présence d’une ischémie et d’une infection.   La cicatrisation était définie par une épithélialisation complète de la plaie, avec restauration fonctionnelle et anatomique. La plaie justifiant d’une amputation était considérée comme un échec de traitement. Plusieurs modèles statistiques ont été effectués, avec différents facteurs d’ajustement sur les potentiels facteurs confondants.

Au total, 270 sujets diabétiques ont été inclus (584 plaies), majoritairement porteurs d’un diabète de type 2 multi-compliqué traité par insulinothérapie. L’HbA1c à l’inclusion était de 8,1%. Sur les 584 plaies, 450 ont cicatrisé, avec une cicatrisation maintenue à 2 mois dans 85,6% des cas.

Les résultats montrent :

  • un taux de cicatrisation comparable (à 90 jours et à plus long terme) quelle que soit l’HbA1c initiale, y compris après ajustement sur les facteurs confondants
  • une association paradoxale mais significative entre nadir d’HbA1c le plus élevé et cicatrisation, chez les sujets avec HbA1c à l’inclusion inférieure à 7,5%, y compris après ajustement sur les facteurs confondants dont les doses d’insuline
  • une absence d’association entre variation moyenne d’HbA1c et cicatrisation.
 

Cette étude confirme des résultats déjà obtenus, à savoir l’absence d’association entre niveau HbA1c initiale et cicatrisation. On est un peu surpris par l’association positive retrouvée entre augmentation de l’HbA1c chez les sujets initialement bien équilibrés et pronostic favorable de cicatrisation, résultat non confirmé si l’on utilise le paramètre de la variation moyenne de l’HbA1c… Quoiqu’il en soit, cette étude observationnelle ne démontre pas d’association claire entre contrôle glycémique et cicatrisation chez des sujets avec plaie du pied diabétique. Certains facteurs n’ont cependant pas été pris en compte, à savoir le taux d’hémoglobine, l’état nutritionnel et l’adhésion à la décharge, les deux derniers facteurs étant pourtant très impliqués dans le pronostic de cicatrisation. A quand une étude randomisée pour évaluer l’impact du contrôle glycémique sur le pronostic de cicatrisation ?

 

Références

[1] Fortington LV et al. Short and long term mortality rates after a lower limb amputation. Eur J Vasc Endovasc Surg 2013;46: 124–131.
 
[2] Moulik PK et al.  Amputation and mortality in new-onset diabetic foot ulcers stratified by etiology. Diabetes Care 2003;26:491–494.
 
[3] Gaede P et al. Effect of a multifactorial intervention on mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med 2008;358:580–591.
 


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lundi 7 mai 2018

Prévalence alarmante du diabète de type 2 chez les patients infectés par le VIH, quels facteurs de risque ?

Auteur : 
Camille Vatier
Date Publication : 
Avril 2018
 
Article du mois en accès libre
 
Duncan AD et al. Type 2 diabetes prevalence and its risk factors in HIV: A cross-sectional study. Plos One 2018 march;13:(3):e0194199. doi: 10.1371/journal.pone.0194199

 

Depuis le milieu des années 1990, des progrès importants dans les traitements antirétroviraux (ARV) ont permis une diminution de la morbidité et de la mortalité associées à l’infection par le VIH, la morbidité des patients vivants avec le VIH (PLWH) étant désormais commune à celle de la population générale. Le virus du VIH lui même ainsi que certains traitements ARV sont associés à une augmentation du risque de développer certaines comorbidités chroniques incluant le diabète de type 2, dont la prévalence est estimée à 4 fois supérieure dans la population de PLWH par rapport à la population générale [1,2]. Si les facteurs de risque de diabète de type 2 sont bien établis dans la population générale [3], certains facteurs spécifiques ont été identifiés chez les PLWH, comme le niveau d’immunosuppression et l’exposition aux ARV [4,5]. Afin de mieux comprendre les raisons de l’augmentation de la prévalence du DT2 chez les PLWH, et afin de pouvoir développer des stratégies de prévention spécifiques, Duncan et al. ont réalisé une étude transversale de cohortes ethniquement diversifiées, pour identifier les facteurs de risque de pré-diabète et de DT2 spécifiquement chez les PLWH.

Les patients VIH suivis dans trois centres ambulatoires londoniens couvrant une zone de forte prévalence d’infection par le VIH et des ethnies diverses ont été inclus dans ces cohortes. Les données des cohortes ont été collectées en 2005 et en 2014-2015. La cohorte de 2005 a été étudiée pour définir le profil métabolique des patients VIH [6]. La cohorte de 2014-2015 a été recrutée pour permettre une description minutieuse des facteurs de risque associés au DT2 et pour permettre une comparaison dans le temps.  Une approche de sélection randomisée a été réalisée pour la cohorte de 2005 : un patient sur trois se présentant dans les centres ambulatoires était invité à participer, en excluant le recrutement par les médecins spécialisés dans le métabolisme (les patients pouvant être inclus dans le cadre du suivi par un généraliste). Trois cent trente-sept des patients inclus dans cette cohorte, soit 33% de la cohorte, avaient un résultat de glycémie à jeun disponible. La comparaison de ces patients avec le reste de la cohorte ne retrouvait pas de différence en terme de caractéristiques démographiques, médicales ou concernant l’infection par le VIH. La cohorte 2014-2015 a été recrutée en utilisant une méthode de randomisation structurée à partir d’une grille stratifiée par tranches d’âge de 10 ans, par sexe, et par ethnicité (caucasien, noir africain, antillais ou autre) pour limiter les biais concernant ces paramètres démographiques. L’objectif de la stratification était d’assurer la représentativité de la cohorte, notamment concernant les femmes et les minorités ethniques souvent sous-représentées dans les études cliniques [7]. Les participants correspondaient à des patients consultant en réponse à des publicités des centres ambulatoires pour réaliser un dépistage métabolique, des patients suivis dans ces centres (un patient sur trois), et des patients adressés par des professionnels de santé. La taille de la cohorte a été calculée à partir des données issues de la cohorte de 2005 qui avait une prévalence d’anomalies glucidiques de 25% avec un IMC moyen de 25,8kg/m2 avec une marge d’erreur de 5%, représentant une cohorte de 339 patients.

Dans ces deux cohortes, les informations ont été collectées de façon prospective à partir des rapports médicaux incluant : l’IMC (maigreur si <18,5kg/m2, normal entre 18,5 et 24,9kg/m2, surpoids entre 25 et 29,9kg/m2 et obésité si ≥30kg/m2), le tour de taille (classé selon les critères du syndrome métabolique de la fédération internationale du diabète (IDF) [8]), la pression artérielle (calculée comme la moyenne de trois mesures successives, et classée en hypertension si > 140/80 mmHg ou en cas de traitement anti hypertenseur) ; le statut tabagique (jamais, tabagisme actuel ou tabagisme passé), la concentration en vitamine D (valeur la plus récente des 3 dernières années), le risque cardiovasculaire à 10 ans calculé à partir de l’échelle de Framingham, le statut lipidique (dyslipidémie si cholestérol total, LDL-cholestérol ou triglycérides > 5,2 mmol/l, 3 mmol/l et 2,2 mmol/l respectivement ou HDL-cholestérol <1,2 mmol/l). Chaque participant a eu une mesure de la glycémie à jeun après 10 à 12 heures de jeûne, afin de le classer selon son statut glycémique : DT2 connu, glycémie à jeun normale ≤5,9mmol/l, hyperglycémie modérée à jeun entre 6 et 6,9mmol/l et DT2 si ≥7mmol/l). De plus, l’âge, le genre, l’ethnie, l’histoire cardiovasculaire, la durée de l’infection par le VIH, le traitement actuel et l’histoire des traitements ARV, la notion de lipodystrophie, une co-infection par un virus d’hépatite ont été collectées. En 2015, les données se sont enrichies de la fréquence de consommation de fruits et légumes (< ou > cinq portions par jour), du nombre d’heures d’activité physique par semaine, de l’histoire cardiovasculaire et d’accidents vasculaires recueillis de façon distincte, de l’histoire familiale de diabète, de la présence d’une maladie rénale chronique, des variations pondérales dans les 12 mois suivant l’initiation des ARV, de la présence d’une stéatose hépatique (définie par une biopsie, une IRM ou un fibroscan), et du nadir de CD4. Les ARV associés au développement de l’insulinorésistance étaient : zidovudine, didanosine, stavudine, zalcitabine, indinavir et de fortes doses de ritonavir, conformément à la littérature. Le syndrome métabolique était défini selon les critères de l’IDF [8].

Les données issues de ces deux cohortes ont été comparées. Pour la cohorte de 2015, le risque relatif de développer un diabète a été comparé à celui de la population générale en utilisant le score Qdiabetes [9]. La cohorte de 2005 regroupait 227 participants (77% d’hommes) et celle de 2015, 338 (74% d’hommes). Ces deux cohortes étaient diversifiées sur le plan ethnique avec 61 pays de naissance, correspondant à la population de Londres. En 2015, 58% des participants étaient en surpoids ou obèses. En comparaison à la cohorte de 2005, la cohorte de 2015 était en moyenne plus vieille, plus lourde, plus hypertendue, avec une infection par le VIH plus longue et plus traitée par des ARV, mais moins tabagique et moins lipodystrophique. La prévalence d’une anomalie de la glycémie à jeun était de 24,9% en 2005 et de 32,3% en 2015, avec une même prévalence d’hyperglycémie modérée à jeun (18,1% en 2005 et 17,2% en 2015, p=0,76) et une augmentation de la prévalence de DT2 (6,8% en 2005 et 15,1% en 2015, p=0,003). Les facteurs significativement associés à une anomalie de la glycémie à jeun dans ces deux cohortes étaient : le tour de taille, l’hypertension, la durée de l’infection par le VIH et l’utilisation d’ARV. L’exposition aux ARV et l’IMC n’étaient associés au DT2 que dans la cohorte de 2015. Parmi les données recueillies exclusivement dans la cohorte de 2015, la stéatose hépatique, le faible niveau d’activité physique et la prise de poids à l’initiation des ARV étaient associés à une anomalie de la glycémie à jeun (p<0,001). Une analyse en régression logistique a été réalisée à partir de la cohorte de 2015, avec tout d’abord les facteurs de risque modifiables, puis les facteurs non modifiables puis tous les facteurs. Les facteurs de risque modifiables (stéatose hépatique, hypertension, ratio HDL/triglycérides et activité physique) sont le plus fortement associés à la prédiction d’une anomalie de la glycémie à jeun, plus encore que les facteurs liés au VIH (durée de l’infection par le VIH, poids pris à l’initiation des ARV) et que les facteurs non modifiables (âge). La stéatose hépatique et l’hypertension étant les meilleurs prédicteurs avec un odds ratio à 7,28 (p<0,001) et 2,58 (p=0,003), respectivement. Le nadir de CD4 et la fréquence de consommation de fruits et légumes étudié dans la cohorte de 2015 n’était pas significativement associé au risque d’anomalie glycémique à jeun.

Ce travail rétrospectif souligne la prévalence alarmante des anomalies de la glycémie à jeun dans une cohorte de patients VIH d’ethnies variées avec environ 1 patient sur 3 pré-diabétiques ou DT2. Cette étude identifie le rôle de facteurs de risque conventionnels et spécifiques à la population VIH de prédire le risque de DT2 et montre le poids important des facteurs de risque modifiables. Entre 2005 et 2015, les cohortes ont vieilli, ont une plus longue durée d’infection par le VIH et une plus longue exposition aux ARV, déterminants importants des anomalies glucidiques. Cependant, d’autres facteurs semblent déterminants dans ce travail comme l’adiposité centrale dont la prévalence a augmenté en 2015. Dans ce contexte de prévalence alarmant, l’identification des facteurs de risque de développer un diabète dans la population de patients vivants avec le VIH est indispensable pour développer une stratégie de prévention et de traitement spécifique. Si autrefois l’infection par le VIH était associée à une mort prématurée et à une maigreur, rendant les facteurs de risque conventionnels du diabète non relevant dans cette population, aujourd’hui, les patients infectés par le VIH vivent plus longtemps et la prévalence du surpoids et de l’obésité abdominale augmentent pour devenir comparable à la population générale [10]. Ce travail explique pourquoi la prévalence du DT2 augmente chez les PLWH : le changement de l’incidence des facteurs de risque conventionnels (âge, IMC) et la combinaison avec des facteurs spécifiques de l’infection par le VIH en sont à l’origine. La durée de l’infection par le VIH, le traitement ARV (plus spécifiquement les traitements métaboliquement toxiques), la prise de poids après initiation du traitement ARV et la présence de lipodystrophies sont significativement associés au risque d’anomalie glucidique mais surtout la stéatose hépatique et l’hypertension, plus encore que l’âge qui sont prédictifs du risque de développer un diabète. La prévalence du DT2 dans ces cohortes de patients VIH était de 6,8% en 2005 et 15,1% en 2015, en partie du fait de l’augmentation de l’âge et de l’lMC. Les implications de ces résultats concernent des millions de patients dans le monde, vivant avec le VIH. Pour améliorer leur prise en charge, il semble important d’augmenter le dépistage du diabète chez ces patients et de dépister les facteurs de risque comme la stéatose hépatique et l’hypertension, en plus d’être proactif sur le mode de vie. Des études d’intervention sur l’impact du changement de mode de vie et des régimes dans cette population semblent indispensables pour connaître l’efficacité sur les facteurs de risque de diabète et proposer une stratégie thérapeutique adaptée.

 

Références

[1] Monroe AK, et al. Diagnosing and managing diabetes in HIV-infected patients: current concepts. Clin Inf Dis 2015; 60(3) :453-62.
 
[2] Brown TT, et al. Antiretroviral therapy and the prevalence and incidence of diabetes mellitus in the multicentre AIDS cohort study. Arch Int Med 2005;165(10):1179-82.
 
[3] American Diabetes Association;Diagnosis and classification of diabetes mellitus. Diabetes Care 2014;37(Suppl 1):S81-90.
 
[4] Hadigan C, et al. Diabetes mellitus type 2 and abnormal glucose metabolism in the setting of human immunedeficiency virus. Endocrinol Metab Clin North Am 2014;43:685-696.
 
[5] Ledergerber B, et al. Factors associated with the incidence of type 2 diabetes mellitus in HIV-infected participants in the Swiss HIV Cohort Study. Clin Infect Dis 2007;45(1): 111-9.
 
[6] Aboud M, et al. Cardiovascular risk evaluation and antiretroviral therapy effects in an HIV cohort: implications for clinical management: the CREATE 1 study. Int J Clin Pract 2010;64(9): 1252-19.
 
[7] Redwood S, et al. Under-representation of minority ethnic groups in research-call for action. Br J Gen Pract 2013;63(612): 342-3.
 
[8] Alberti KG, et al. Metabolic syndrome-a new world-wide definition. A Consensus Statement from the International Diabetes Federation. Diabet Med 2006 23(5): 469-80.
 
[9] Hippisley-Cox J, et al. Predicting risk of type 2 diabetes in England and Wales: prospective derivation and validation of QDScore. BMJ 2009;338: b880Br.
 
[10] Public Health England (2015). The Public Health Outcomes Framework for England, 2013-2016.
 


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mercredi 28 mars 2018

Le risque de suicide est augmenté après chirurgie bariatrique !

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Mars 2018
 
Article du mois en accès libre
 
Neovius M et al. Risk of suicide and non-fatal self-harm after bariatric surgery: results from two matched cohort studies. Lancet Diabetes Endocrinol 2018 march;6:197-207. 10.1016/S2213-8587(17)30437-0

 

La chirurgie bariatrique permet de réduire significativement de nombreux risques auxquels sont exposés les patients obèses : mort prématurée, événements cardiovasculaires, diabète et son cortège de complications micro et macrovasculaires… Les niveaux de preuve sont élevés et la balance bénéfices/risques est clairement en faveur de la chirurgie pour tous ces critères. Toutefois, un problème émerge dans la littérature : celui de l’impact de la chirurgie de l’obésité sur la santé mentale de nos patients. Ainsi, plusieurs publications signalent une augmentation de l’abus d’alcool ou de traitements anxiolytiques ou antidépresseurs après certaines interventions [1,2]. Il apparaît aussi des alertes sur l’existence d'un risque accru de suicide après chirurgie comparativement à la population générale ou aux patients obèses non opérés [3]. Ces constatations ne sont toutefois pas systématiquement rapportées [4,5]. Ainsi dans une étude danoise de cohorte qui avait exclu les patients ayant des antécédents de contact avec les services psychiatriques, la fréquence des suicides n’était pas différente entre les patients traités par chirurgie bariatrique et ceux admis à l'hôpital avec un diagnostic d'obésité mais n'ayant pas subi de chirurgie bariatrique [4].

Neovius M et al ont donc réalisé cette étude dans le but de comparer le risque de suicide ou de tentative d’autolyse chez des sujets obèses opérés comparativement à des obèses non opérés, en tenant compte du statut psychiatrique à l’inclusion. Pour cela, Ils ont utilisé les données de la Swedish Obese Subjects (SOS) study [6] et celles d’une étude nationale combinant le registre scandinave de chirurgie de l'obésité (SOReg) [7] et la base de données Itrim Health Database (Itrim).
Rappelons que SOS est une étude d’intervention prospective, non-randomisée, contrôlée incluant des sujets obèses recrutés entre 1987 à 2001. Les patients choisissant la chirurgie constituaient le groupe chirurgical (n=2010). Le choix de la procédure dans le groupe de chirurgie bariatrique a été fait par le chirurgien (265 [13%] bypass gastriques, 376 [19%] anneaux gastriques, et 1369 [68%] sleeve gastrectomies). Le groupe contrôle, composé de 2037 individus obèses choisissant de ne pas subir une chirurgie, avait les mêmes critères d’inclusion (âgés de 37 à 60 ans et un IMC≥34 kg/m² chez les hommes et ≥38 kg/m² chez les femmes) et d'exclusion (dont la boulimie, l’abus de drogues ou d'alcool, les problèmes psychiatriques ou de coopération contre-idiquant la chirurgie bariatrique). Les patients témoins ont reçu le traitement non chirurgical de l'obésité habituellement mis en œuvre dans leur centre d'inclusion. Il n’y a eu aucune tentative pour standardiser le traitement non chirurgical, qui allait de l'intervention sophistiquée sur le mode de vie à l'absence de traitement. Ces 2 groupes étaient appariés sur 18 variables, dont quatre variables psychosociales possédant une association documentée avec la mort, et deux traits de personnalité liés à la préférence thérapeutique.
Le SOReg est un registre prospectif national débuté en 2007 couvrant 98,5% des interventions bariatriques réalisées en Suède. Parmi les 30081 patients de SOReg ayant eu une chirurgie bariatrique au cours de la période d'étude (du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2012), 26388 (88%) ont eu un bypass gastrique et étaient éligibles. La base de données Itrim recueille de manière prospective les données des personnes inscrites au programme Itrim de perte de poids commercial dans 38 centres à travers la Suède. Les centres utilisent une plateforme informatique commune pour le suivi trimestriel (par exemple, le poids corporel mesuré, le tour de taille et la pression artérielle…) et l’analyse des données a concerné 18365 (58%) des 31414 patients commençant le programme de modifications intensives du style de vie du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2013. Après l'appariement des 2 cohortes (catégories d’âges, d’IMC, sexe, niveau d'éducation, diabète, maladies cardiovasculaires, antécédents d'automutilation, mésusage de substances, anti-dépresseurs, anxiolytiques et antécédents de soins psychiatriques), 20256 (77%) des participants traités par un bypass gastrique et 16162 (88%) participants traités par une modification intensive du mode de vie étaient disponibles pour analyse (SOReg plus Itrim).
Les participants au programme intensif Itrim (groupe contrôle) ont bénéficié d’une phase de perte de poids de 3 mois avec un régime hypocalorique ou très hypocalorique sur la base de l'IMC initial, des préférences personnelles et des contre-indications. Après la phase de perte de poids, les patients ont suivi un programme de maintien du poids de 9 mois incluant l'exercice (entraînement au centre 2-3 fois par semaine pendant 30-45 min et l'utilisation du podomètre pour encourager la marche) et des conseils diététiques. Les changements de comportement ont été facilités par un programme structuré, comprenant 20 séances d'une heure en groupe et des séances individuelles réalisées tout au long du programme. Le programme Itrim peut donc être assimilé à un « coaching », les patients n’étant pas livrés à eux-mêmes comme ont pu l’être certains patients du groupe contrôle de la SOS study. Toutefois, dans la SOS, les deux groupes ont eu un suivi identique avec des examens physiques et des questionnaires à l’inclusion, à 6 mois, et à 1, 2, 3, 4, 6, 8, 10, 15 et 20 ans.
Cette différence de prise en charge dans les groupes contrôles a eu un impact sur les pertes pondérales moyennes des 2 cohortes. Ainsi, pour SOS, la perte de poids du groupe chirurgie et du groupe contrôle étaient respectivement de -23% (SD 11; -28kg [SD 14]) et 0 (8; 0kg [9]) à 2 ans, -17% (12; -21kg [15]) et 1% (13; 1kg [14]) à 10 ans et -16% (13; -21kg [17]) et -1% (14; -2kg [16]) à 15 ans. Dans la cohorte SOReg plus Itrim, la perte moyenne du poids sur 1 an était de -32% (7; -37kg [10]) dans le groupe chirurgie, et de -15% (9; -18kg [11]) dans le groupe contrôle.

Les morts par suicide, les visites médicales pour automutilation, abus de substances et autres causes psychiatriques, ainsi que pour les maladies cardiovasculaires, ont été récupérées à partir du Registre National des Causes de Décès et du Registre National des Patients. Les données sur l'utilisation de médicaments psychiatriques étaient retrouvées sur les registres d’inclusion de SOS et dans le registre des médicaments prescrits dans SOReg plus Itrim. L'utilisation autodéclarée de drogues dans SOS correspondait aux données du Registre National des Médicaments d'Ordonnance.

Au cours des 68528 années-personnes dans SOS (médiane 18 ans, IQR 14-21), les suicides ou les comportements auto-agressifs non mortels étaient plus élevés dans le groupe chirurgie (n=87) que dans le groupe témoin (n=49; [aHR] 1,78, IC 95% 1,23-2,57, p=0,0021); parmi ces événements, neuf étaient des suicides, dans le groupe chirugie et trois dans le goupe contrôle (3,06 [0,79-11,88], p=0,11). Après ajustement sur la présence d’un diabète et des maladies cardiovasculaires à l’inslusion, les résultats sont similaires pour le suicide ou l'automutilation non mortelle (1,74 [1,20-2,52], p=0,0033) et pour le suicide (3,33, [0,86-12,97], p=0,083). Ce sur-risque de suicide ou de comportements auto-agressifs non mortels était observé avec toutes les procédures par rapport aux témoins: bypass gastrique 3,48 [1,65-7,31], p=0,0010 ; anneau gastrique 2,43 [1,23-4,8], p=0,011 ; et sleeve-gastrectomie 2,25 (1·37-3·71), p=0,0015. L’intoxication médicamenteuse était la méthode la plus courante pour mourir par suicide (78% [7/9] pour la chirurgie et 100% [3/3] pour les témoins), ou par automutilation non fatale (70% [57/81] et 53% [25/47]). Parmi les neuf suicides dans le groupe chirurgie, cinq sont survenus chez des patients traités par bypass gastrique. L'abus de substance a été enregistré chez 48% [39/81] des patients du groupe chirurgie et 28% [13/47] des participants du groupe témoin avec des comportements auto-agressifs non fatals (p = 0,023).

C’est le même constat dans la cohorte SOReg plus Itrim. Au cours des 149582 années-personnes (médiane 3,9, IQR 2,8-5,2), les suicides ou les comportements auto-agressifs non mortels étaient plus élevés dans le groupe bypass gastrique (n=341) que dans groupe contrôle Itrim (n=84, aHR 3,16, 2,46-4,06, p<0,0001); parmi ces événements, 33 et 5 étaient des suicides, groupes bypass et contrôle respectivement (5,17, 1,86-14,37, p=0,0017). Comme dans SOS, l'intoxication était la méthode de suicide la plus courante (79% [26/33] pour la chirurgie et 80% [4/5] dans le groupe contrôle) et l'automutilation non fatale (68 % [214/316] et 59% [47/80]). Parmi les participants présentant des comportements auto-agressifs non mortels, les diagnostics de toxicomanie étaient plus fréquents après un bypass gastrique qu'après une modification intensive du mode de vie (51% [162/316] vs 29% [23/80], p=0,0003). Il n’y avait pas de lien entre le degré de perte de poids et le poids à l’inclusion et le risque de suicide ou d’événement d'automutilation non mortel.

Les résultats de cette étude apportent les preuves les plus fortes à ce jour d'une association entre chirurgie et comportement suicidaire. Certes il s’agit d’une association dans deux cohortes appariées non randomisées, mais possédant de grandes qualités complémentaires (suivi prolongé pour SOS, groupe intensif dans Itrim en particulier). Il faut garder à l’esprit que le suicide reste un événement rare en valeur absolue (neuf contre trois suicides dans SOS et trente trois contre cinq dans SOReg plus Itrim), et il est difficile d’imaginer la mise en œuvre d’un essai randomisé de taille et de durée suffisantes pour évaluer le risque de suicide après une chirurgie bariatrique.

D’autres études seront nécessaires pour mieux appréhender les mécanismes impliqués dans cette augmentation du taux de suicide. On peut bien sûr évoquer la piste de bouleversements psychologiques après la chirurgie (modification de l’image du corps, troubles des conduites alimentaires…), mais également celle d’altérations neuroendocriniennes avec des changements dans les systèmes de signalisation de la ghréline, du GLP-1, du NPY et des endocannabinoïdes (ainsi que les synergies potentielles entre ces changements) qui affectent non seulement le contrôle énergétique, mais aussi les réponses hédoniques avec des effets sur l'humeur, l'anxiété et la dépression. Par ailleurs des changements morphologiques induits par la chirurgie bariatrique peuvent également produire des altérations de l'absorption et du métabolisme de l'alcool (et de certains médicaments), une oxydation réduite de l'alcool et une vidange gastro-intestinale accélérée…

Y’avait-il un intérêt propre à mener cette étude en Suède au-delà de sa faisabilité tirant profit de la force des registres scandinaves ? En fait en 2014 en Suède, la prévalence d'un IMC≥35 kg/m² n’est pas plus inquiétante qu’ailleurs, estimée à 5-6%. Mais la Suède en 2013 avait l'un des pourcentages les plus élevés de procédures de chirurgie bariatrique dans le monde pour sa population totale (0,08 % contre 0,04% aux Etats-Unis) [8] et chez les patients opérés pour obésité, la prévalence de la dépression, de l'automutilation et de la toxicomanie avant chirurgie était environ deux fois plus élevée que dans la population générale de Suède [9], alors même que le taux de suicide normalisé selon l'âge pour 100000 habitants étaient de 12,3 en Suède, similaire à la moyenne des pays de l’OCDE (12,0) et aux États-Unis (12,5) [10]. Or dans les 2 cohortes, le sur-risque de suicide ou d'automutilation non mortelle persistait lors des analyses en sous-groupes tenant compte de l’existence ou non à l’inclusion de troubles psychiatriques ou d’antécédents d'automutilation. Cela souligne l’importance d’une sélection soigneuse des patients telle que mise en exergue par les recommandations. L'évaluation préopératoire ne doit donc pas seulement être diagnostique, mais doit être utilisée pour améliorer la sécurité et l'efficacité du traitement chirurgical en identifiant les zones de vulnérabilité potentielle, les défis et les forces pour créer un plan de traitement personnalisé. Il convient donc de bien faire la différence entre le risque collectif et le risque à l’échelle individuelIe. Il apparaît qu’un soutien psychologique postopératoire à long terme est tout aussi crucial et les mesures de soutien postopératoires devraient en particulier inclure une évaluation clinique pour identifier tout facteur de risque modifiable de suicide ou d'automutilation afin qu'une stratégie thérapeutique puisse être proposée pour réduire ce sur-risque.

 

Références

[1] Arterburn DE, Courcoulas AP. Bariatric surgery for obesity and metabolic conditions in adults. BMJ 2014; 349: g3961.
 
[2] Courcoulas AP, et al. Long-term outcomes of bariatric surgery: a National Institutes of Health symposium. JAMA Surg 2014;149(12):1323-29.
 
[3] Lagerros YT, et al. Suicide, self-harm, and depression after gastric bypass surgery: a nationwide cohort study. Ann Surg 2017;265(2):235-43.
 
[4] Kovacs Z, et al. Risk of psychiatric disorders, self-harm behaviour and service use associated with bariatric surgery. Acta Psychiatr Scand 2017;135(2):149-58.
 
[5] Adams TD, et al. Health benefits of gastric bypass surgery after 6 years. JAMA 2012;308:1122-31.
 
[6] Sjostrom L, et al. Effects of bariatric surgery on mortality in Swedish obese subjects. N Engl J Med 2007;357(8):741-52.
 
[7] Hedenbro JL, et al. Formation of the Scandinavian Obesity Surgery Registry, SOReg. Obes Surg 2015;25(10):1893-900.
 
[8] Angrisani L, et al. Bariatric surgery worldwide 2013. Obes Surg 2015;25(10):1822-32.
 
[9] Backman O, et al. Alcohol and substance abuse, depression and suicide attempts after Roux-en-Y gastric bypass surgery. Br J Surg 2016;103(10):1336-42.
 
[10] OECD. Suicide rates: age-standardised rates per 100 000 population, 2013 or latest available year.
 


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