lundi 5 décembre 2022

L’excès de gain de poids au cours de la grossesse influence-t-il le risque de TDAH chez les enfants nés de mères avec diabète gestationnel ?

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Novembre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Perea V, et al. Role of Excessive Weight Gain During Gestation in the Risk of ADHD in Offspring of Women With Gestational Diabetes, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism; 107 (10): e4203–e4211. doi : 10.1210/clinem/dgac483

 

Le diabète gestationnel (DG) est associé à un risque supérieur de désordres neuropsychiatriques chez la descendance. Les effets délétères de l’hyperglycémie sur le développement cérébral fœtal (stress, inflammation chronique, hypoxie...) expliquent en partie ce risque majoré. Outre son impact sur les complications materno-fœtales telles que la macrosomie ou la prématurité, l’obésité maternelle au cours du DG a également été décrite comme associée au trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) [1]. Plus précisément, des études préliminaires ont démonté que la malnutrition engendrait une inflammation à l’origine d’une altération du système sérotoninergique fœtal. Cette altération semble médier, sur le long terme, des effets néfastes concernant la santé mentale de la descendance.

Au-delà de l’obésité, les auteurs sont les premiers à s’être intéressés à l’excès de gain de poids (EGP). L’objectif était de définir le risque pour les enfants, nés de mères avec DG, de développer un TDAH en fonction de l’IMC prégestationnel au cours de leur existence. Au-delà de l’IMC prégestationnel, ils souhaitaient définir l’impact de l’EGP maternel dans cette population spécifique.

Tout enfant unique, né entre janvier 1991 et décembre 2008, de mère avec DG à l’hôpital universitaire de Mutua de Terrassa à Barcelone a été inclus. Quatre groupes d’IMC ont été constitués : < 18,5 kg/m2 ; >18,5 et< 25 kg/m2 ; ≥25 et < 30 kg/m2 ; ≥ 30 kg/m2. Le gain de poids au cours de la grossesse a été défini grâce au dernier poids mesuré lors de la dernière visite anténatale, soustrait du poids prégestationnel. En accord avec les recommandations de l’IOM (Institute of Medicine), le gain de poids préconisé était, respectivement pour chacun de ces groupes en fonction de l’IMC prégestationnel, de 12,5 à 18 kg, 11,5 à 16 kg, 7 à 11,5 kg et de 5 à 9 kg [2]. Les troubles TDAH ont été identifiés dans les dossiers médicaux par les codes de la CIM-10 F90 et F91.

Au total, 1036 enfants ont été inclus. L’IMC prégestationnel moyen était de 25,9 ± 5,4 kg/m2. 27,1% des patientes présentaient un surpoids (25≤ IMC< 30 kg/m2) et 18,8% étaient obèses (IMC ≥ 30 kg/m2). Respectivement, seuls 28,8% et 30% des femmes de ces 2 groupes ont présenté un EGP selon les recommandations. Cet EGP était associé aux complications materno-fœtales : pré-éclampsie, césarienne, macrosomie… en comparaison aux grossesses d’IMC similaires sans EGP. Les enfants ont été suivis pendant une médiane de 17,7 ans. Le taux de TDAH en fonction de l’IMC prégestationnel étaient de 7,4 % (< 18,5 kg/m2), 11,4% (18,5< IMC< 25 kg/m2), 14,2% (25≤ IMC< 30 kg/m2) et 16,4% (IMC≥ 30 kg/m2). Après ajustement sur l’année de naissance, le tabagisme, l’âge maternel, le poids de naissance, le sexe, la prématurité, l’ethnie et la naissance par césarienne, le risque de TDAH était de 1,59 fois plus élevé chez les enfants de mères obèses (IMC≥ 30 kg/m2) [95% IC 1,05-2,41], en comparaison aux femmes de poids normal. A contrario, le surpoids maternel n’était pas associé au risque de TDAH. Le gain de poids maternel médian était de 9,5 kg, sans association significative avec le TDAH dans la descendance. Aucune association significative n'a été retrouvée entre gain de poids maternel et TDAH (approprié, inadéquat ou excessif). Cependant, les auteurs ont analysé la contribution conjointe de l’IMC prégestationnel et de l'EPG dans le risque de TDAH. Dans le groupe obésité (IMC≥ 30 kg/m2), un risque plus élevé de TDAH pour la descendance des femmes avec EGP versus celles avec un poids normal sans EGP a été retrouvé (HR ajusté 2,13 [IC 95%, 1,14-4,01]), contrairement à l'obésité sans EGP (HR ajusté 1,36 [IC 95%, 0,78-2,36]). Le surpoids maternel, avec ou sans EGP, n'était pas associé au TDAH (HR ajusté 1,37 [IC 95 %, 0,72-2,60]).

Dans cette étude, les auteurs ont donc mis en évidence que les TDAH étaient plus fréquemment identifiés chez les enfants, issus de grossesses avec DG, chez les mères en situation d’obésité pré-gestationnelle. L’EGP n’était pas associé à un risque supérieur de TDAH pour la descendance, hormis chez les femmes avec obésité pré-gestationnelle. Notons que l'incidence des troubles du développement neurologique a augmenté au cours des dernières années, ce qui suggère que les facteurs maternels pourraient jouer un rôle. Même si l'hyperglycémie maternelle pendant la période prénatale (à la fois pour le diabète prégestationnel et le DG), augmente la probabilité de diagnostic du TDAH ; il ne s’agit pas du seul facteur. Concernant l’obésité pré-gestationnelle, une vaste étude de cohorte nationale finlandaise incluant 649 043 nouveau-nés a révélé un hazard ratio pour le TDAH de 1,15 (IC 95 %, 1,01-1,30) chez les enfants nés de femmes souffrant de DG par rapport à la population non diabétique, augmentant jusqu'à 1,64 (IC 95 %, 1,42-1,88) chez les femmes souffrant d'obésité pré-gestationnelle [1]. Néanmoins, certaines caractéristiques du DG fortement liées à l'obésité et aux troubles du développement neurologique n'ont pas été prises en compte (diagnostic précoce du DG, utilisation d'insuline, …). Dans l’étude de Perea et al., les auteurs ont montré que la prise de poids maternelle n'était pas indépendamment liée au TDAH. Cependant, lorsqu'elle était évaluée conjointement avec l'obésité maternelle, la présence des deux entités était liée au risque le plus élevé de TDAH chez la progéniture (HR 2,14 ; IC 95 %, 1,14-4,02). Peu d'études ont évalué les conséquences à long terme du DG sur la santé mentale. Dans une étude de cohorte incluant 331 enfants âgés de 2 à 6 ans, le gain de poids (brut ou ajusté pour l'IMC maternel) n'était pas lié aux symptômes du TDAH [3]. A l'inverse, Pugh et al ont observé que la progéniture de mères en surpoids avec un EGP présentait un plus grand nombre d'erreurs d'impulsivité par rapport à leurs homologues avec un gain de poids maternel moyen [4].

Plusieurs points forts de cette étude doivent être soulignés : (1) le suivi de presque 20 ans, (2) le recueil prospectif pendant la grossesse, évitant ainsi le biais de mémoire, (3) la robustesse des codes CIM-10 utilisés (4), les mêmes critères de diagnostic du DG et les mêmes objectifs de traitement ont été appliqués tout au long de la période de collecte des données, et (5) l’inclusion de l’année de naissance dans les modèles ajustés afin de tenir compte des éventuels changements de prise en charge. Il existe également certaines limites, tel que le manque de données induisant de possibles facteurs de confusion potentiels sur les troubles neuropsychiatriques maternels, les facteurs de risque paternels ou le statut socio-économique (1), l’absence de groupe contrôle non diabétique (2), l’utilisation de poids auto-déclaré pour calculer l’IMC prégestationnel (3), l’absence d’ajustement sur l’utilisation de l’insulinothérapie (4).

En conclusion, les auteurs soulignent l’impact de l’EGP sur le risque de développer un TDAH pour la descendance, essentiellement dans la population avec DG et obésité pré-gestationnelle. Ces résultats nous confortent dans la nécessité d’un respect strict des recommandations de gain de poids au cours de grossesses diabétiques afin d’éviter les conséquences à long terme sur la santé mentale de l’enfant.

 

Références

[1] Kong L,et al. The risk of offspring psychiatric disorders in the setting of maternal obesity and diabetes. Pediatrics. 2018;142(3).
 
[2] Institute of Medicine and National Research Council Committee to Reexamine IOM Pregnancy Weight Guidelines. Weight Gain During Pregnancy: Reexamining the Guidelines. National Academies Press; 2009.
 
[3] Fuemmeler BF, et al. Pre-pregnancy weight and symptoms of attention deficit hyperactivity disorder and execu- tive functioning behaviors in preschool children. Int J Environ Res Public Health. 2019;16(4):667.
 
[4] Pugh SJ, et al. Gestational weight gain, prepregnancy body mass index and offspring attention-deficit hyperactivity disorder symptoms and behaviour at age 10. BJOG. 2016;123(13):2094-2103.
 


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lundi 7 novembre 2022

Le risque de fracture ostéoporotique : un argument en faveur des NACOs chez les patients diabétiques de type 2 en fibrillation auriculaire

Auteur : 
Benjamin Bouillet
Date Publication : 
Octobre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Tak Wai Lui D, et al. Evaluation of Fracture Risk Among Patients With Type 2 Diabetes and Nonvalvular Atrial Fibrillation Receiving Different Oral Anticoagulants. Diabetes Care 2022 Sep 20;dc220664. doi : 10.2337/dc22-0664

 

La fibrillation auriculaire (FA) est la première cause d’arythmie cardiaque et touche 40 millions de personnes dans le monde. Environ 30% des patients diabétiques présentent une FA et 15% des patients avec une FA sont diabétiques. La présence simultanée d’un diabète de type 2 (DT2) et d’une FA est associée à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires et de mortalité, qui est plus importante que celle conférée par l’un ou autre de manière isolée. En outre, le DT2 majore le risque d’évènements thromboemboliques liés à la FA. Les traitements anticoagulants, à savoir les antivitamines K (au premier rang desquels la warfarine) et les nouveaux anticoagulants (NACOs) diminuent significativement le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les patients diabétiques et non diabétiques [1]. Les anticoagulants sont ainsi indispensables dans la prise en charge de la FA. La warfarine favorise potentiellement l’ostéoporose car l’ostéocalcine est incorporée à l’os via une carboxylation dépendante de la vitamine K [9]. En théorie, les NACOs n’interfèrent pas avec le métabolisme osseux [2]. L’ostéoporose est responsable d’une augmentation du risque de fracture, notamment vertébrale. Ces dernières sont associées à une augmentation de la morbi-mortalité. Des méta-analyses ont montré que les NACOs étaient associés à un risque de fracture inférieur à celui de la warfarine en population générale [3].
Les patients DT2 présentent un risque de fracture ostéoporotique, vertébrale et du col fémoral, plus élevé que les sujets non diabétiques [4]. La fragilité osseuse au cours du diabète est particulière puisqu’elle est liée à un ralentissement du renouvellement osseux et à une altération de la microarchitecture osseuse, alors qu’elle est liée à une résorption osseuse accélérée dans la population générale. Les données comparant l’effet sur l’os de la warfarine et des NACOs chez les patients diabétiques sont rares.
Cette étude avait donc pour objectif d’évaluer le risque de fracture chez des patients DT2 avec une FA selon qu’ils soient traités par warfarine ou par NACOs.

Cette étude rétrospective de cohorte a été réalisée à partir de l’ensemble des données médicales des hôpitaux publics de Hong Kong. L’ensemble des patients, âgés de plus de 18 ans, présentant à la fois un DT2 et une FA, et ayant débuté un traitement par warfarine ou par un NACO (rivaroxaban, dabigatran, apixaban ou edoxaban), entre le 1er Janvier 2005 et le 31 Décembre 2019, a été inclus dans l’étude.
Les critères d’exclusion étaient les suivants: 1) un antécédent (ATCD) de valvulopathie, d’hyperthyroïdie, de tumeur osseuse, ou d’insuffisance rénale terminale définie par un débit de filtration glomérulaire (DFG) <15 ml/min, l’hémodialyse ou la transplantation rénale ; 2) une FA paroxystique (au cours d’une chirurgie cardiaque, d’une myocardite, d’une péricardite) ; 3) la co-prescription de warfarine et d’un NACO ; 4) l’exposition à un anticoagulant dans les 180 jours précédents l’inclusion. Les patients étaient suivis jusqu’à la survenue d’un des critères de jugement, du décès, d’un changement d’anticoagulant ou jusqu’au 31 décembre 2020. Le critère de jugement principal était un score composite comprenant les fractures ostéoporotiques majeures (vertèbres, humérus proximal, poignet et col fémoral). Les critères de jugement secondaires étaient chacune des fractures ostéoporotiques majeures prises individuellement (membre supérieur [MS], col fémoral et vertèbre).
De nombreuses covariables ont été prises en compte à l’inclusion dans l’étude : âge, sexe, indice de masse corporelle (IMC), pression artérielle systolique et diastolique, ancienneté du diabète, HbA1c, glycémie à jeun, LDL-cholestérol, ratio cholestérol total/ HDL-cholestérol, triglycérides, DFG, statut albuminurique (macroalbuminurie si ratio albuminurie/créatininurie (RAC) > 34 mg/mmol ; microalbuminurie si RAC entre 3,4 et 34 mg/mmol et normoalbuminurie si RAC < 3,4 mg/mmol), comorbidités (ATCD d’insuffisance cardiaque, d’AVC, d’accident ischémique transitoire, de bronchopneumopathie chronique obstructive, d’hépatopathie, d’ostéoporose, de fracture, de polyarthrite rhumatoïde, d’arthropathie inflammatoire, de chute, d’hypoglycémie sévère, de rétinopathie diabétique, d’hyperparathyroïdie, de démence), les prescriptions de médicaments du diabète, d’antihypertenseurs, d’hypolipémiants, d’inhibiteurs de la pompe à proton, d’antidépresseurs, de glucocorticoïdes, de calcium, de vitamine D, de traitement hormonal substitutif, de traitement de l’ostéoporose, d’antiparkinsonien. Un modèle de Cox a été utilisé pour calculer les hazard ratios (HRs).

La présence d’EV a été détectée dans les échantillons pancréatiques des 6 sujets DT1 et dans 2 des 11 échantillons contrôles. Seulement deux autres virus ont été détectés chez deux sujets : EBV chez un des sujets DT1 et parvovirus B19 chez un des sujets contrôles. EBV et parvovirus B19 sont connus pour entrainer des infections persistantes. La positivité sporadique à EBV et parvovirus B19 était donc considérée comme fortuite. Pour confirmer la présence et la contagiosité de l’infection à EV, du tissu pancréatique a été incubé avec des cultures de cellules humaines pendant 3 à 5 jours. Les cellules étaient alors mises en culture avec d’autres cellules non infectées (3 passages au final). La présence d’EV a été confirmée en RT-PCR dans toutes les cultures cellulaires, chez les 6 sujets DT2 et chez les 2 sujets contrôles, initialement positifs, confirmant la viabilité et la contagiosité des souches virales présentes.
Il s’agissait d’EV du groupe B pour 5 sujets DT1 et 1 sujet contrôle, d’EV du groupe C pour un sujet DT1 et d’EV du groupe A pour un sujet contrôle. La caractérisation plus précise des types d’EV n’a pas été possible, probablement en lien avec la faible charge virale et à des mutations du virus.
L’infection à EV n’entrainait qu’une faible diminution de viabilité des cultures cellulaires, suggérant une réplication virale de bas grade. Les analyses réalisées ont également pu confirmer le caractère persistant de l’infection à EV. Enfin, l’expression de VP1, une protéine de la capside d’EV, a été retrouvée en immunohistochimie, dans des îlots pancréatiques et dans le tissu acineux d’un patient DT1 et des deux sujets contrôles.

Un total de 15 770 patients DT2 avec une FA ont été inclus dans l’étude (9 288 dans le groupe NACO et 6 482 dans le groupe warfarine). L’âge moyen était de 75,7 ans, sans prédominance de sexe (50,8% de femmes). L’HbA1c moyenne était de 7,1% avec une ancienneté moyenne du diabète de 9,2 ans. Avant score de propension, les patients sous NACOs étaient plus souvent de sexe féminin, plus âgés, avec un meilleur équilibre glycémique et un IMC plus bas. Les NACOs utilisés étaient l’apixaban (44,8%), le dabigatran (35,1%), le rivaroxaban (18,0%) et l’edoxaban (2,6%). Le suivi médian de l’ensemble de la cohorte était de 20 mois [11-52], du groupe NACO de 16 mois [8-27], du groupe warfarine de 50 mois [20-88].
Une fracture ostéoporotique majeure a été observée chez 551 patients (3,5%), dont 201 (2,2%) dans le groupe NACO et 350 dans le groupe warfarine (5,4%). L’incidence cumulée ajustée de fractures majeures était plus faible dans le groupe NACO (1,02 pour 100 personnes-années; [95% IC : 0,88-1,19]) que dans le groupe warfarine (1,26 pour 100 personnes-années ; [95% IC : 1,11-1,44]). Le risque de fracture ostéoporotique était 20% plus faible chez les patients sous NACOs (HR=0,80 [95% IC : 0,64-0,99], P = 0,044)).
Concernant les types de fractures ostéoporotiques, 384 patients (2,4%) ont présenté une fracture du col fémoral, 164 (1,0 %) ont présenté une fracture du MS et 67 (0,4%) une fracture vertébrale. Seul le risque de fracture du col fémoral était significativement moins important sous NACO (HR 0,74  [95% IC : 0,57-0,96], P=0,025). L’analyse en sous-groupes retrouvait un effet protecteur contre les fractures ostéoporotiques sévères uniforme en faveur des NACOs, quels que soient le sexe, l’âge, l’HbA1c, l’ancienneté du diabète et les ATCD d’hypoglycémies sévères.

Les points forts de cette étude sont son caractère national et une population uniquement diabétique, permettant des analyses en sous-groupe selon des facteurs spécifiques au diabète. Ses points faibles sont : 1) son caractère observationnel, qui n’a pas permis de mesurer certains facteurs confondants, comme la densité minérale osseuse ; 2) la possibilité que des fractures vertébrales asymptomatiques n’aient pas été diagnostiquées, mais il n’y a pas de raison pour que l’absence de diagnostic soit différente en fonction de l’anticoagulant utilisé ; 3) l’absence d’information sur le temps dans la cible thérapeutique pour la warfarine et sur les événements traumatiques pouvant causer des fractures; 4) l’absence de données sur l’observance médicamenteuse.

Cette étude est la première à comparer le risque de fractures ostéoporotiques associé aux NACOs et à la warfarine, spécifiquement chez les sujets diabétiques en FA. Elle montre que l’utilisation des NACOs est associée à une diminution de 20% du risque de fracture ostéoporotique majeure, notamment du col du fémoral, chez les sujets DT2 en FA. Même si, en l’absence de contre-indication, les NACOs sont devenus le traitement anticoagulant de 1ère intention en cas de FA, cette étude apporte un argument supplémentaire pour préférer leur utilisation chez les patients DT2, qui présentent déjà un surrisque de fracture et de complications post-fracture.

 

Références

[1] Itzhaki Ben Zadok O, Eisen A. Use of nonvitamin K oral anticoagulants in people with atrial fibrillation and diabetes mellitus. Diabet Med 2018; 35:548–556.
 
[2] De Caterina R, et al. Vitamin K antagonists and osteoporotic fractures: insights from comparisons with the NOACs. Eur Heart J 2020;41:1109–1111.
 
[3] Huang HK, et al. Fracture risks in patients treated with different oral anticoagulants: a systematic review and meta-analysis. J Am Heart Assoc 2021;10:e019618.
 
[4] Napoli N, et al. Mechanisms of diabetes mellitus-induced bone fragility. Nat Rev Endocrinol 2017; 13:208– 219.
 


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lundi 10 octobre 2022

Impact de 7 herpès virus sur l'incidence du pré-diabète et sur l’HbA1c : Résultats de la cohorte KORA

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Septembre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Woelfle, T., & al. Health impact of seven herpesviruses on (pre)diabetes incidence and HbA1c: results from the KORA cohort. Diabetologia 2022 ;65 :1328–1338. doi : 10.1007/s00125-022-05704-7

 

Huit herpès virus sont connus pour affecter les humains : herpès simplex (HSV) 1 et 2, virus varicelle-zona (VZV), virus Epstein-Barr (EBV), cytomégalovirus (CMV) et herpès virus humains (HHV) 6, 7 et 8. Tous provoquent une infection latente à vie chez leurs hôtes après des infections primaires systémiques, généralement bénignes. De nombreux facteurs de risque comportementaux et environnementaux du diabète de type 2 ont d’ores et déjà été établis, notamment le mode de vie : la sédentarité, les erreurs hygiéno-diététiques, l'obésité et l'inflammation mais également de nombreux facteurs de risque génétiques. Jusqu'à récemment, l'implication étiologique des virus dans le développement du diabète n'a été proposée que pour le diabète de type 1. Parmi les données déjà mises en lumière : 1) une prévalence accrue d’HHV8 chez les patients diabétiques de type 2 a été signalée dans de nombreuses populations, 2) une association entre le statut sérologique HSV1 et CMV et la prévalence du diabète de type 2 a été rapportée, sans que l’imputabilité ne puisse être certifiée.
Cette étude avait pour objectif d’examiner les associations entre les sept herpès virus [HSV1, HSV2, VZV, EBV, CMV, HHV6 et HHV7] et l'incidence du pré-diabète d’une part et l’HbA1c d’autre part.

Pour ce faire, l’étude est fondée à partir d’une plateforme de recherche sur la santé basée sur la population du sud de l’Allemagne (KORA), qui a permis la réalisation d’enquêtes de santé successives. Celles utilisées pour ce travail ont été réalisées de 2006 à 2008 puis de 2013 à 2014. Deux tiers des participants ont réalisé les deux études. Les participants ont bénéficié d’une sérologie virale multiplex pour les herpès virus humains, ainsi qu'une HGPO et d’une HbA1c lors des 2 enquêtes successives. Le statut diabétique a été défini selon la tolérance au glucose en utilisant les seuils recommandés par l'American Diabetes Association. Le pré-diabète a été défini comme : une glycémie à jeun comprise entre 5,6 mmol/l et 6,9 mmol/l et/ou une glycémie 2h après la charge en glucose comprise entre 7,8 mmol/l et 11,0 mmol/l.

Parmi les résultats rapportés, la prévalence du pré-diabète était de 27,5 % dans la première étude puis de 36,2 % dans la seconde, tandis que celle du diabète de type 2 était de 8,5 % puis de 14,6 %. Parmi les 1257 participants dont la tolérance au glucose était normale au départ, 364 ont développé un pré-diabète et 17 un diabète de type 2 sur une durée moyenne de suivi de 6,5 ans. L'EBV était l'herpès virus le plus répandu initialement (98 %), suivi de HSV1 (88 %), HHV7 (85 %), VZV (79 %), CMV (46 %), HHV6 (39 %) et HSV2 (11 %). Le nombre moyen d'herpès virus pour lesquels les participants étaient séropositifs était de 4,4 ± 1,1 initialement puis de 4,7 ± 1,1 lors de la seconde étude. Un tiers d'entre eux étaient positifs à un nombre supérieur de virus lors de la seconde étude (34 %), 54 % étaient positifs pour le même nombre de virus et seulement 12 % étaient positifs pour moins de virus.
Parmi les sept herpès virus examinés, le HSV2 et le CMV étaient associés à l'incidence du pré-diabète chez les 1257 participants présentant une tolérance au glucose normale au départ. Ces associations étaient indépendantes du sexe, de l'âge, de l'indice de masse corporelle (IMC), du tabagisme, du niveau d’éducation, de l'activité physique, du diabète parental, de l'hypertension artérielle, des taux de lipides, de la résistance à l'insuline ou encore de la glycémie à jeun. Le risque de développer un pré-diabète était augmenté de 66% chez les participants séropositifs pour HSV2  au cours des 6,5 années dans le modèle non ajusté (OR 1,66, IC95% 1,13-2,43). Le surrisque de pré-diabète restait significatif dans le modèle ajusté sur tous les facteurs confondants  (OR 1,59, IC95% 1,01-2,48). Une association entre le CMV et l'incidence du pré-diabète (OR 1,47, IC95% 1,15-1,87) qui était partiellement expliquée par l'âge, l'hypertension et les triglycérides, a également été démontrée. L'OR ajusté était de 1,33 (IC95% 1,00-1,78) démontrant une association indépendante entre le CMV et l’incidence du pré-diabète. L'analyse de stabilité LASSO a montré que HSV2 (proportion de sélection de 37,5 %) et CMV (proportion de sélection de 50,2 %) étaient de loin les virus sélectionnés les plus stables
La séropositivité au HSV2 et au CMV était significativement associée à l'HbA1c de départ, avec des estimations β brutes de 0,17 (IC95% 0,10-0,25) et 0,07 (IC95% 0,03-0,12), respectivement. Aucun des autres virus n'était associé de manière significative à l’HbA1c.
La séropositivité initiale pour un virus était associée à un surrisque de pré-diabète de 6% (1,06, IC95% 1,02-1,27). Une personne porteuse des 7 herpès virus présentait un surrisque de pré-diabète de 50%. Toutefois, cette association n'était pas persistante après ajustement sur les facteurs de confusion.

Les auteurs suggèrent que les deux virus HSV2 et CMV contribuent de manière constante et complémentaire à l'incidence du pré-diabète, indépendamment du sexe, de l'âge, de l'IMC, de l'éducation, du tabagisme, de l'activité physique, du diabète parental, de l'hypertension, des taux de lipides, de la résistance à l'insuline et de la glycémie à jeun. De plus, HSV2 a été associé à l'HbA1c indépendamment des facteurs de confusion. Nous savons que le diabète de type 2 est une pathologie multifactorielle dont l’ensemble des facteurs de risque ne sont pas encore dévoilés. Les mécanismes de l'implication potentielle du HSV2 et du CMV dans le développement du pré-diabète restent à élucider. Les auteurs émettent l’hypothèse, que tous deux sont des virus qui provoquent des infections chroniques et ont ainsi potentiellement la capacité de moduler le système immunitaire, qui à son tour influencerait le système endocrinien. Par ailleurs,  une étude coréenne de Yoo et al [3] a mis en évidence une association entre antécédent de maladie à CMV et incidence du diabète de type 2 (OR ajusté 2,60 (IC95% 1,68-3,95)). Notons par ailleurs que le CMV a également été trouvé en histopathologie dans des îlots de Langerhans de patients atteints de diabète de type 2 mais pas chez les témoins, ce qui suggère également le possible  rôle du CMV dans le développement du diabète de type 2 [4]. Aucune étude n’avait jusqu’alors mis en évidence d’association entre HSV2 et pré-diabète. Possiblement parce que c’est le moins fréquent des virus du groupe herpès ; même s’il infecte une personne sur dix dans le monde. Certains ont évoqué un lien avec HHV6 et HHV8 mais les résultats étaient divers et parfois contradictoires.
Les auteurs rapportent certaines limites pour ce travail : la sérologie n’étant positive qu’un temps, elle sous-estime probablement le nombre de patients ayant été en contact avec un herpès virus, aucune donnée clinique notamment sur la sévérité de l’infection n’était disponible et ils critiquent le manque de validation du test viral multiplex pour HHV6 et HHV7 puisqu’il n’existe pas d’étalon universel.

Cette étude révèle une association possible entre la séropositivité à HSV2 et CMV d’une part et l’incidence du pré-diabète après ajustement pour le sexe, l'âge, l'IMC, l'éducation, le tabagisme, l'activité physique, le diabète parental, l'hypertension, les niveaux de lipides, la résistance à l'insuline et la glycémie à jeun d’autre part. Pour HSV2, les résultats sont renforcés par l'association du statut sérologique avec l'HbA1c, indépendamment des facteurs de confusion et de la prévalence du pré-diabète elle-même. Ces résultats mettent en évidence le lien herpes virus et pré-diabète, ainsi que la nécessité d'intensifier les recherches visant à évaluer les stratégies de prévention virale en matière de santé publique.

 

Références

[1] Pompei R. The role of human herpesvirus 8 in diabetes mellitus type 2: state of the art and a medical hypothesis. Adv Exp Med Biol 2016; 901:37–45.
 
[2] Chen S, et al. Cytomegalovirus sero-positivity is associated with glucose regulation in the oldest old. Results from the Leiden 85-plus study. Immun Ageing 2012; 9(1):18.
 
[3] Yoo SG, et al. Impact of cytomegalovirus disease on new-onset type 2 diabetes mellitus: population-based matched case-control cohort study. Diabetes Metab J 2019; 43(6):815–829.
 
[4] Lohr JM, et al. Detection of cytomegalovirus nucleic acid sequences in pancreas in type 2 diabetes. Lancet 1990 ; 336(8716):644–648.
 


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lundi 18 juillet 2022

Le régime méditerranéen est également efficace en prévention secondaire cardio-vasculaire

Auteur : 
Benjamin Bouillet
Date Publication : 
Juin 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Delgado-Lista J, et al. Long-term secondary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet and a low-fat diet (CORDIOPREV): a randomised controlled trial. Lancet 2022; 399:1876-85. doi : 10.1016/S0140-6736(22)00122-2

 

La composition du régime méditerranéen est caractérisée par une proportion importante de fruits, légumes, céréales, de viande blanche et poisson comme source principale de protéines et d’huile d’olive comme principale source de lipides. L’étude PREDIMED a montré que le régime méditerranéen était efficace en prévention primaire cardio-vasculaire (CV) chez des sujets à haut risque CV en comparaison à un régime pauvre en graisses [1].  Malgré des études épidémiologiques montrant des résultats similaires, il n’existe pas d’étude de grande ampleur et de longue durée ayant démontré l’efficacité du régime méditerranéen en prévention secondaire CV, notamment en comparaison à un groupe interventionnel actif. L’étude CORDIOPREV est la première étude à comparer dans un large essai l’efficacité de deux interventions diététiques (régime méditerranéen et régime pauvre en graisses) en prévention secondaire CV.

L’étude CORDIOPREV est un essai monocentrique, randomisé, comparant deux interventions diététiques chez des sujets coronariens, à l’hôpital universitaire de Cordoba, en Espagne. Les critères d’inclusion étaient un âge compris entre 20 et 75 ans et l’existence d’une coronaropathie établie (infarctus du myocarde (IDM), hospitalisation pour angor instable ou événement coronarien avec sténose > 50% à la coronarographie). Les critères d’exclusion étaient d’avoir présenté un événement coronarien au cours des 6 derniers mois, d’avoir une pathologie associée sévère ou une espérance de vie inférieure à la durée prévue de l’étude. La randomisation était de 1 : 1 dans les deux groupes d’intervention. Elle était réalisée en aveugle des membres de l’équipe de recherche. Seuls les diététiciens étaient au courant du groupe d’intervention.
La durée prévue de l’étude était de 7 ans. Le régime méditerranéen (RM) devait comprendre au moins 35% de lipides (22% d’acides gras (AG) monoinsaturés, 6% d’AG polyinsaturés et <10% d’AG saturés), 15% de protéines et au maximum 50% de glucides. Le régime pauvre en graisses (RPG) devait contenir moins de 30% de lipides (<10% d’AG saturés, 12-14% d’AG monoinsaturés, 6-8% d’AG poly-insaturés), 15% de protéines et au moins 55% de glucides. Les apports quotidiens en cholestérol étaient <300 mg dans les deux régimes. L’adhérence aux régimes a été évaluée grâce à deux échelles spécifiques : la 4-point Mediterranean Diet Adherence Screener et la 9-point low-fat diet adherence. Une restriction calorique et la pratique d’une activité physique n’étaient pas recommandées dans le protocole. Le suivi diététique comprenait une visite individuelle tous les 6 mois, une session de groupe tous les 3 mois et un appel téléphonique tous les 2 mois. Douze contacts annuels avec un diététicien ont donc eu lieu tout au long de l’étude. Le critère de jugement principal était un score composite d’événements CV majeurs (IDM, revascularisation, accident vasculaire cérébral (AVC), artériopathie des membres inférieurs documentée et décès CV). L’analyse statistique a été menée en intention de traiter. Elle a utilisé une courbe de Kaplan-Meier et 7 modèles de Cox ajustés à différentes variables (ajustement le plus complet avec âge, sexe, antécédents familiaux CV précoces, hypertension artérielle, LDL-cholestérol <100 mg/dl, IMC, tabagisme, traitement par statine, diabète, changement de poids et d’activité physique au cours du suivi, traitement médicamenteux à l’inclusion).

Entre Octobre 2009 et Février 2012, 1 002 sujets ont été inclus dans l’étude. L’analyse statistique a été réalisée chez 502 sujets dans le groupe RM et 500 dans le groupe RPG. Dans le groupe RM, 423 sujets ont suivi l’intervention à son terme (33 décès et 46 abandons), alors qu’ils étaient 370 dans le groupe RPG (44 décès et 86 abandons).
L’âge moyen était de 59,5 ans et 82,5% des participants étaient des hommes. Le suivi médian était de 2 557 jours. L’adhérence moyenne était de 8,78 pour le RM (sur une échelle comprise entre 0 et 14) et de 3,81 pour le RPG (sur une échelle allant de 0 à 9). A l’issue de l’étude, les sujets du groupe RM avaient significativement augmenté leurs apports en lipides (37,4 à 40,5% des apports énergétiques totaux quotidiens (AETQ)), en AG monoinsaturés (18,4 à 21,4% des AETQ), en AG polyinsaturés (6,4 à 7,4% des AETQ) (grâce à une augmentation de la consommation d’huile d’olive, de noix et de poissons gras) et leurs apports en fibres (2,3 à 3,2 g/1000 kcal). Ils avaient significativement diminué leurs apports en glucides (41,4 à 39,4% des AETQ) et leurs apports en AG saturés (9 à 7,9% des AETQ). Dans le groupe RPG, les participants avaient significativement diminué leurs apports en lipides (36,7 à 32,1% des AETQ), en AG monoinsaturés (17,9 à 25,1% des AETQ) et en AG saturés (8,9 à 7,1% des AETQ). Ils avaient significativement augmenté leurs apports en glucides (41,7 à 45,5% des AETQ) et en fibres (2,3 à 3,2 g/1000 kcal).
Les évènements CV ont concerné 17,3% (n=87) des sujets du groupe RM et 22,2% des sujets du groupe RPG. Le taux d’évènement était significativement plus faible dans le groupe RM que dans le groupe RPG (28,1 vs 37,7 pour 1000 personnes-années, p=0,039). Le Hazard Ratio (HR) non ajusté était en faveur du RM (0,745 95% IC 0,563-0,986). Dans tous les modèles d’ajustement, le HR était en faveur du RM et oscillait entre 0,719 et 0,753. Il n’était pas observé de différence significative entre les deux groupes lorsque chaque composant du score composite était analysé individuellement. Dans l’analyse en sous-groupe, le RM restait supérieur au RPG chez les sujets sans antécédents familiaux CV précoces, sans hypertension artérielle à l’inclusion, avec un LDL-cholestérol <100 mg/dl. Le RM était également supérieur au RPG chez les diabétiques (HR = 0,77 95% IC 0,55-1,10) et les non diabétiques (HR=0,69 95% IC 0,43-1,11).

Les limites de cette étude étaient : 1) l’inclusion uniquement de patients coronariens ce qui ne permet pas de généraliser les résultats à d’autres populations ; 2) la réalisation de l’étude dans un pays méditerranéen avec une acceptation plus important du RM. Cependant, des études menées dans des pays non méditerranéens ont montré une très bonne acceptation du RM. Les forces de cette étude étaient  la durée prolongée du suivi avec intervention diététique et l’uniformité de la prise en charge diététique dans les deux groupes d’intervention.

Cette étude montre donc que le régime méditerranéen comparé à un régime pauvre en graisses permet une diminution du risque d’événements CV de l’ordre de 25% en prévention secondaire. Cette observation est retrouvée dans le sous-groupe des patients diabétiques. Nous bénéficions désormais de données robustes pour prescrire le régime méditerranéen aussi bien en prévention CV primaire que secondaire.

 

Références

[1] Estruch R, et al. Primary prevention of cardiovascular disease with a Mediterranean diet supplemented with extra-virgin olive oil or nuts. N Engl J Med 2018; 378: e34.
 


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vendredi 3 juin 2022

Association entre régime modérément pauvre en glucides et mortalité chez les patients diabétiques de type 2 dans une cohorte prospective américaine

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Mai 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Wan Z et al. Associations of Moderate Low-Carbohydrate Diets with Mortality among Patients with Type 2 Diabetes: A Prospective Cohort Study. J Clin Endocrinol Metab. 2022 16; dgac235. doi : 10.1210/clinem/dgac235

 

Le diabète de type 2 (DT2) est un problème de santé publique majeur, associé à des taux de morbidité et de mortalité élevés. Parmi les facteurs de risque modifiables, un régime alimentaire sain joue un rôle essentiel dans la prévention et l’amélioration des complications du DT2. Il a été suggéré qu’un régime dont la teneur en glucides est réduite (LCD pour lower-carbohydrate diet), avec comme corolaire une augmentation de la teneur en lipides et en protéines dans l’apport énergétique journalier pouvait avoir des effets favorables sur la perte de poids, l’équilibre glycémique et l’HbA1c, au-delà de la restriction énergétique [1]. Le LCD aurait aussi des effets bénéfiques sur les facteurs de risque cardiovasculaires, tels que le cholestérol et les triglycérides circulants [2]. En revanche, l’effet bénéfique d’une telle diète sur le risque de mortalité en population générale n’est pas clair [3]. De plus, la teneur en glucides, la qualité et l’origine des glucides dans ce régime, ainsi que de celles des protéines ou des lipides, peuvent aboutir à des effets sur la santé très différents. Plusieurs études ont ainsi montré qu’un LCD contenant des protéines et des lipides issus de sources animales était associé à un risque de mortalité toutes causes et cardiovasculaire plus élevé, qu’un LCD avec des aliments d’origine végétale [4].

Bien qu’un récent consensus américain ait souligné le bénéfice potentiel d’une diète LCD sur l’équilibre glycémique chez les patients DT2, il n’est pas encore clairement établi si suivre une diète LCD peut avoir un bénéfice sur la survie à long terme chez les patients DT2 [5]. De plus, l’impact du sexe, de l’ethnie, de l’IMC ou de la durée d’évolution du diabète sur l’association LCD-mortalité est également non connu. Cette étude a donc cherché à investiguer de façon prospective les associations des différents types de LCD avec la mortalité chez les patients DT2.

Il s’agit donc d’une étude prospective sur un échantillon représentatif de la population civile américaine non institutionnalisée du Centre National de statistiques en Santé. Ont été inclus les individus âgés de plus de 20 ans, diabétiques ayant eu au moins une enquête diététique complète entre 1999 et 2014. Le diabète était défini par : auto-déclaration, utilisation de médicaments antidiabétiques ou d’insuline, glycémie à jeun supérieure ou égale à 7,0 mmol/l, HbA1c supérieure ou égale à 6,5% ou glycémie supérieure ou égale à 11,1 mmol/l au cours d’une hyperglycémie provoquée par voie orale. Après exclusion des individus avec des apports caloriques improbables (< 800 kcal/jour ou > 4200 kcal/jour chez les hommes et <600 et >3500 kcal/jour chez les femmes), avec des données incomplètes sur la mortalité ou enceintes, 5677 patients ont été inclus dans l’analyse.

L’évaluation des apports diététiques a été réalisée par rappel des 24h de 1999 à 2000 puis sur 2 jours de 2001 à 2014. La moyenne des valeurs des 2 jours a alors été calculée. Les auteurs ont ensuite appliqué la méthode de l’Institut National du Cancer dans l’estimation des apports en macronutriments pour minimiser les erreurs de mesure. Trois scores de LCD ont été calculés : LCD sain, LCD non sain, LCD « overall ». Les auteurs ont qualifié les glucides de haute qualité (LCD sain) s’ils étaient issus de céréales complètes, légumes, graines, ou de faible qualité (LCD non sain) s’ils étaient issus de glucides raffinés, jus de fruits, saccharose, pommes de terre. Ils ont aussi utilisé le pourcentage d’apports énergétiques journaliers issus des glucides, des lipides ou des glucides, plutôt que le chiffre brut pour minimiser le biais de sous-estimation. Les participants ont été divisés en 11 strates (0-10) selon le pourcentage d’apport énergétique issu des protéines, des lipides et des glucides. Les individus des catégories les plus hautes en teneur en protéines et en lipides ont un nombre de points élevé tandis que les individus à haute teneur en glucides avaient un score plus bas. Le score LCD « overall » était la somme des 3 scores de composition en macronutriments, classés de 0 à 30. Un score LCD non sain était calculé selon le pourcentage de l’apport énergétique issu des glucides raffines, des protéines d’origine animale et des lipides saturés, tandis que le calcul d’un LCD sain était basé sur des glucides non raffinés, des protéines d’origine végétale et des lipides insaturés. Plus le score était élevé plus les participants suivaient une diète saine.

Les informations sur le sexe, l’âge, l’ethnie, le niveau d’études, le revenu de la famille, la consommation de tabac, l’activité physique, le diabète, les antécédents médicaux ont été recueillis au recrutement par des enquêteurs entrainés à l’aide de questionnaires standardisés. Le poids et la taille ont été relevés lors de l’examen clinique, et l’IMC a été calculé. L’activité physique de loisir a été quantifiée par semaine à l’aide de questionnaires et classée de modérée à intense. La consommation d’alcool a été recueillie sur des centres mobiles d’examen. De plus, la glycémie, l’insulinémie, l’HbA1c, les triglycérides, le cholestérol total, le LDL, le HDL et la CRP ont été prélevés au recrutement. L’index HOMA-IR a ensuite été calculé. La mortalité a été déterminée par revue du fichier national des décès.

Des modèles à risque proportionnel de Cox ont été utilisés pour estimer les hazard ratios (HR) et leurs intervalles de confiance à 95% de la mortalité.

Sur les 5677 personnes diabétiques incluses, la moyenne d’âge était de 61,8 ans (écart type = 13,5 ans) et 49,7% étaient des femmes. Sur une médiane de 6,3 années de suivi (39 401 personnes-années), 1432 décès sont survenus. Après ajustement sur les facteurs de confusion incluant les paramètres du style de vie, la durée du diabète et l’HbA1c, les patients du 3e quartile du score de LCD « overall » avaient le plus faible risque de mortalité (HR : 0,65 [IC95% : 0,5-0,85]), comparativement à ceux du premier quartile. L’HR de mortalité ajusté sur les multiples variables dans les différents quartiles des scores de LCD sains était de : 1,00 (référence), 0,78 [IC95% :0,64-0,0,96], 0,73 [0,58-0,91] et 0,74 [0,58-0,95] (P-trend= 0,01). Le fait de remplacer (à apports énergétiques égaux) 2% de l’énergie issue des glucides par des protéines végétales ou des acides gras poly-insaturés était associé à une diminution de la mortalité totale de 23 à 37%. Des résultats similaires ont été retrouvés quand les analyses étaient stratifiées sur l’âge, le sexe, l’ethnie, le tabac, l’IMC, le degré d’activité physique et la durée du diabète.

Les points forts de l’étude étaient le caractère prospectif, l’utilisation d’un échantillon représentatif de la population américaine (qui permet de généraliser plus facilement les résultats observés), la prise en compte de multiples facteurs de confusion potentiels. Les points faibles de l’étude étaient la méthode de recueil diététique rapporté par les patients avec le risque de sous-estimation qu’il comporte, le fait que ce recueil ne se fasse qu’initialement (les patients ont très bien pu changer de régime au cours du suivi), l’impossibilité de distinguer ni les types de diabète, ni la sévérité du diabète, la possibilité d’autres facteurs de confusion non pris en compte dans l’étude et le biais lié aux comparaisons multiples.

Un score LCD sain étaient donc significativement associé à un plus faible risque de mortalité chez les adultes diabétiques de type 2. L’adhésion à une diète modérément basse en glucides bien équilibrée, avec des protéines végétales et des acides gras poly-insaturés pourrait prévenir les décès prématurés chez les patients DT2.

 

Références

[1] Goldenberg JZ, et al. Efficacy and safety of low and very low carbohydrate diets for type 2 diabetes remission: systematic review and meta-analysis of published and unpublished randomized trial data. BMJ 2021 13; 372-74.
 
[2] Santos FL, et al. Systematic review and meta-analysis of clinical trials of the effects of low carbohydrate diets on cardiovascular risk factors. Obes Rev 2012; 13:1048-66.
 
[3] Reynolds A, et al. Carbohydrate quality and human health: a series of systematic reviews and meta-analyses. Lancet 2019; 393:434-445.
 
[4] Shan Z, et al. Association of Low-Carbohydrate and Low-Fat Diets With Mortality Among US Adults. JAMA Intern Med 2020; 180:513-523.
 
[5] Evert AB, et al. Nutrition Therapy for Adults With Diabetes or Prediabetes: A Consensus Report. Diabetes Care 2019; 42:731-754.
 


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mardi 10 mai 2022

Ostéocalcine et risque de survenue de diabète ou de néphropathie diabétique : les enseignements d’une cohorte prospective

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Avril 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Xiaoqi Ye, et al. Osteocalcin and Risks of Incident Diabetes and Diabetic Kidney Disease: A 4.6-Year Prospective Cohort Study. Diabetes Care. 2022;45(4):830-836. doi : 10.2337/dc21-2113

 

L’ostéocalcine (OC) est la protéine non collagénique la plus importante de la matrice osseuse et de la synthèse ostéoblastique. Outre son rôle de marqueur de la formation osseuse, elle est également une hormone active impliquée dans la régulation du métabolisme glucidique et lipidique. Elle circule sous deux formes : carboxylée ou décarboxylée. Seules cinq études de cohortes prospectives ont rapporté une association entre le niveau de base d’OC totale et le risque de diabète : un taux plus faible d’OC étant associé à un risque plus élevé de diabète. Notons qu’une diminution des taux d’OC est possible dans les conditions d’obésité, d’insulinorésistance et d’hyperglycémie. La néphropathie diabétique est, quant à elle, associée à un plus haut risque de mortalité cardiovasculaire mais aussi de mortalité toutes causes confondues. De ce fait, détecter des marqueurs de risque/d’association précoces entre néphropathie diabétique et évènements négatifs est nécessaire. Aucune étude prospective préalable n'a examiné l'OC en tant que prédicteur de l'incidence de néphropathie diabétique. L’objectif des auteurs était de définir si la relation entre l'OC et la néphropathie diabétique était similaire à celle entre l'OC et le risque de diabète incident.

Cette étude découle d'une cohorte prospective communautaire avec un suivi moyen de 4,6 ans. Dans la région de Nicheng à Shanghai, 17 212 individus âgés de 45 à 70 ans ont été recrutés entre 2013 et 2014, et parmi eux, 10 075 personnes âgées de 55 à 70 ans ont été invitées à participer à l'enquête de suivi en 2018. Finalement, 7 069 personnes ont participé à cette étude. Les participants ont été divisés en deux groupes en fonction de la présence ou non de diabète. Le groupe des non-diabétiques (n=5396) a permis l'analyse de l'association entre l’OC et diabète incident, et le groupe des diabétiques (n= 1174) a permis l'analyse de l'association entre l’OC et survenue de néphropathie diabétique. Des échantillons sanguins et urinaires ont été prélevés lors d'une visite matinale après un jeûne d'au moins 10 heures. Un dosage immunologique par électro-chimioluminescence a été utilisé pour détecter le  taux d’OC total sérique, comprenant à la fois la molécule intacte et les fragments de la région N-terminale/médiane.

Les participants développant un diabète ou une néphropathie diabétique comportaient une proportion plus élevée de consommateurs d’alcool occasionnels, avaient un niveau d’OC plus faible et présentaient des profils métaboliques défavorables (niveaux plus élevés d’indice masse corporelle (IMC), de pression artérielle systolique, d’index HOMA-IR, de glycémie à jeun, d’HbA1c et de triglycérides mais niveaux plus faibles de HDL-C). Des corrélations négatives significatives ont été trouvées entre l'OC et l'IMC, l'HOMA-IR, la glycémie à jeun et l'HbA1c après ajustement pour l'âge et le sexe (tous les p < 0,001). Il y avait une association linéaire inverse entre l’OC et le risque de diabète incident (p pour la tendance < 0,05) ; le risque relatif (RR) de diabète incident était de 0,51 (IC 95 % 0,35-0,76) par augmentation d'une unité d’OC transformée en log-e. Dans le modèle multivarié, les participants présentant le quartile le plus élevé d’OC avaient un risque de diabète incident inférieur de 35 % (RR 0,65 [IC à 95 % 0,44-0,95]) par rapport à ceux présentant le quartile le plus bas d’OC. Les modèles de régression multivariée ont montré une association linéaire entre les concentrations d’OC de base et le risque de survenue de néphropathie diabétique (RR de néphropathie diabétique  par augmentation d'une unité d’OC transformée en log-e de 0,49 [IC à 95 % 0,33-0,74]). Des concentrations initiales plus élevées d’OC étaient associées de manière significative à une diminution du risque de survenue de néphropathie (p pour la tendance linéaire < 0,05) ; par rapport aux participants du quartile le plus bas, le RR néphropathie diabétique pour les participants du quartile le plus élevé d’OC était de 0,56 (IC à 95 % : 0,38-0,83).

Cette étude est la plus grande étude de cohorte prospective à s’intéresser à l'association entre taux d’OC et survenue d’un diabète d’une part et taux d’OC et survenue d’une néphropathie diabétique d’autre part. Des concentrations sériques plus élevées d’OC totale sont associées à une réduction du risque de diabète incident et de néphropathie diabétique. Deux études longitudinales, l'une incluant 1 870 patients hospitalisés en Chine [1] et l'autre incluant 1 691 femmes japonaises ménopausées [2], ont retrouvé des résultats similaires. Cependant, des résultats contradictoires existent. Premièrement, dans une étude portant sur 1 455 femmes âgées (moyenne d’âge à 74 ± 5 ans) aux États-Unis, les auteurs ont observé que des taux d’OC plus faibles étaient associés à des risques accrus de diabète incident [3]. Deux études n'ont pas trouvé d'association significative entre le taux d’OC et le risque de diabète incident : l'une sur un petit échantillon de 307 personnes [4], et l'autre uniquement sur des hommes [5]. Par ailleurs, au travers de cette étude, les auteurs ont également démontré qu’il existait une association inverse, indépendante et robuste entre taux d’OC et survenue d’une néphropathie diabétique, même après ajustement sur les niveaux de filtration glomérulaire.

Concernant les hypothèses physiopathologiques, les auteurs précisent que des études ultérieures ont démontré que les souris sans OC pouvaient accumuler des quantités anormales de graisse viscérale et ainsi présenter une diminution de la prolifération β-cellulaire, une hyperglycémie, une diminution de la sécrétion d'insuline et une résistance à l'insuline. Dans cette étude, les concentrations d’OC étaient inversement associées à l'IMC, à l’HOMA-IR et à la glycémie initiale, ce qui leur permet de faire un parallèle avec leurs résultats. Le rôle de l’adiponectine pourrait être central puisque nous savons que l’OC peut favoriser la sensibilité à l'insuline en augmentant l'expression de l’adiponectine dans les adipocytes. Spécifiquement pour la néphropathie diabétique, les auteurs évoquent un lien entre l’OC et la dysfonction endothéliale, l’OC pouvant augmenter les niveaux de synthèse d’oxyde nitrique endothéliale en activant la voie AKT/oxyde nitrique synthase endothéliale.

Cette étude présente plusieurs points forts : 1) la taille de l’échantillon utilisé ; 2) la collecte de données complètes permettant d'évaluer les facteurs de confusion communs. Plusieurs limites doivent également être prises en compte : 1) le manque de données sur les marqueurs du renouvellement osseux ; 2) le recueil d’un seul échantillon d'urine le matin, pouvant être affecté par la variabilité journalière du débit de filtration glomérulaire chez les individus ; 3) la population était d'âge moyen avancé (médiane à 61,6 ans), rendant les résultats inapplicables aux groupes d'âge plus jeunes ; 4) l’absence de vérification du type de diabète pouvant induire des biais; 5) la possibilité d’avoir méconnu des cas d’ostéoporose bien que les auteurs aient exclu l'ostéoporose par l'utilisation de médicaments anti-ostéoporotiques ou un diagnostic sous-jacent.

En conclusion, le taux d’OC circulant pourrait potentiellement servir de biomarqueur pour la détection des sujets à risque de diabète et de survenue de néphropathie diabétique. Ces résultats restent cependant préliminaires mais permettent de générer des hypothèses, notamment concernant le lien avec l’adiponectine ou la dysfonction endothéliale, méritant  d'autres études prospectives observationnelles et interventionnelles afin de clarifier les mécanismes  physiopathologiques sous-jacents.

 

Références

[1] Shu H, & al. Significant inverse association between serum osteocalcin and incident type 2 diabetes in a middle-aged cohort. Diabetes Metab Res Rev. 2016;32(8):867-874.
 
[2] Urano T, & al. Low serum osteocalcin concentration is associated with incident type 2 diabetes mellitus in Japanese women. J Bone Miner Metab. 2018;36(4):470-477.
 
[3] Massera D, & al. Biochemical Markers of Bone Turnover and Risk of Incident Diabetes in Older Women: The Cardiovascular Health Study. Diabetes Care. 2018;41(9):1901-1908.
 
[4] Liatis S, & al. Baseline osteocalcin levels and incident diabetes in a 3-year prospective study of high-risk individuals. Diabetes Metab. 2014;40(3):198-203.
 
[5] Hwang YC, & al. Circulating osteocalcin level is not associated with incident type 2 diabetes in middle-aged male subjects: mean 8.4-year retrospective follow-up study. Diabetes Care. 2012;35(9):1919-24.
 


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lundi 4 avril 2022

Répartition du gras au sein du pancréas et insulinorésistance

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Mars 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Skudder-Hill L et al. Fat Distribution Within the Pancreas According to Diabetes Status and Insulin Traits. Diabetes 2022; 2:db210976. doi : 10.2337/db21-0976

 

Un pancréas chargé de lipides est la maladie du pancréas la plus commune et concerne environ une personne sur 5 dans la population générale [1]. Une étude transversale de 2014 a observé que les personnes avec un pancréas gras avaient une insulinorésistance significativement augmentée [2] et une méta-analyse de 2017 des auteurs du présent article ont rapporté un risque de diabète de type 2 (DT2) multiplié par 2 chez les individus porteurs d’un pancréas gras [3]. Il est à noter que dans cette dernière méta-analyse, les études incluses utilisaient des méthodes différentes de mesure du contenu lipidique intra-pancréatique (échographie par voie trans-abdominale ou endoscopique, IRM, TDM, spectroscopie de masse) ce qui a pu induire une grande variabilité dans les résultats. Parmi elle, l’IRM a émergé comme la méthode non-invasive de référence de quantification des lipides intra-pancréatiques [1].  La technique standardisée de « MR-opsie » a récemment été proposée pour la mesure de la graisse intra-pancréatique en plaçant la région d’intérêt au niveau de la tête, du corps et de la queue du pancréas [2]. Il a été montré que cette technique offrait une meilleure précision et une plus grande reproductibilité comparée aux autres techniques (dessin manuel des contours) qui sont souvent prises en défaut car elles peuvent prendre en compte les organes environnants : duodénum, veine splanchnique, veine cave inférieure, tissu adipeux viscéral. Ces structures anatomiques peuvent rendre difficile la mesure précise du contenu lipidique pancréatique et résulter en une surestimation de la quantification. Ce manque de consistance dans les résultats peut également ne pas rendre compte de la distribution inégale des lipides entre la tête, la queue et le corps du pancréas. Initialement, la répartition inégale de la graisse au sein des différentes parties du pancréas a été suggérée dans une étude de 1995 analysant les données de 80 scanners de plusieurs hôpitaux [3]. Cette question est à ce jour non résolue en l’absence de grandes études utilisant des techniques de quantification modernes prenant en compte les facteurs de confusion potentiels .

En étudiant une cohorte prospective basée sur la population ajustée sur des covariables clés (l’âge, le sexe, l’ethnie, l’IMC et le contenu hépatique en lipides), et utilisant la technique de « MR-opsie » pour quantifier le gras intra-pancréatique, cette étude avait pour but de déterminer les différences de distribution des dépôts lipidiques entre la tête, le corps et la queue du pancréas, en relation avec les différences de statut insulinique et diabétique.

Un total de 368 adultes (au moins 18 ans), issus de la population générale, ont été inclus dans cette étude transversale qui s’est déroulée à l’Université d’Auckland en Nouvelle-Zélande. Les critères d’exclusion étaient : un antécédent de cancer pancréatique ou de tout autre cancer, de chirurgie bariatrique ou de chirurgie du pancréas, de pancréatite chronique ou d’autres pathologies du pancréas détectées par imagerie, de diabète de type 1 ou de pathologie chronique du foie. Les sujets qui participent à un programme de perte de poids ou qui ont reçu des conseils diététiques n’ont pas non plus été inclus, tout comme ceux porteurs d’un pacemaker ou suivant une corticothérapie. Les participants ont donné leur accord pour bénéficier d’une IRM 3T MAGNETOM Skyra scanner VE 11A (Siemens, Erlangen, Germany) quantifiant la graisse intra-pancréatique. Le même protocole d’imagerie a été utilisé pour tous les participants. De plus, une spectroscopie de résonnance magnétique a été employée pour quantifier le contenu hépatique en lipides. Le contenu pancréatique en lipides et leur répartition au sein du pancréas ont été déterminés par la méthode « MR-opsie » modifiée : deux coupes au centre du pancréas ont été sélectionnées à partir des images de l’IRM. Le logiciel ImageJ (National Institutes of Health, Bethesda, MD, USA) a ensuite été utilisé pour positionner les régions d’intérêt sur la tête, le corps et la queue du pancréas. Le diamètre de la tête du pancréas correspondait au diamètre antéropostérieur aligné sur le point le plus à droite de la confluence des veines mésentérique supérieure et splénique. Le diamètre du corps pancréatique était le plus grand diamètre antéropostérieur du pancréas aligné sur le bord latéral gauche de la vertèbre lombaire adjacente. Le diamètre de la queue du pancréas était une ligne perpendiculaire à la ligne médiane de l’organe, à un point situé à 20 mm du point le plus distal du pancréas sur la coupe. Une attention particulière était portée afin d’éviter l’inclusion des structures adjacentes non pertinentes. Le logiciel ImageJ était ensuite utilisé pour quantifier la graisse intrapancréatique selon l’intensité du signal. Le même processus était appliqué pour les 2 coupes et la moyenne des deux valeurs était calculée. Deux techniciens indépendants ont mesuré le contenu lipidique du pancréas de chaque participant manuellement et la moyenne du résultat des deux mesures était calculée. La concordance des mesures entre les deux techniciens a été évaluée en calculant des coefficients de corrélation intra-classe (ICC). L’HbA1c, la glycémie à jeun, l’insulinémie à jeun ont été mesurés. L’index HOMA-IR a été calculé, ainsi que le HOMA-β. Les individus étaient ensuite divisés en tertiles selon les niveaux de HOMA-IR et HOMA-β et ceux qui avaient les tertiles les plus élevés avaient une insulinorésistance et une insulinopénie, respectivement.

Les modèles statistiques étaient ajustés pour l’âge, le sexe, l’ethnie, l’indice de masse corporelle (IMC) et le contenu hépatique en lipides.

Sur les 368 individus inclus, 159 étaient des hommes (43,2%). Cent vingt et un étaient des Européens Caucasiens (32,9%), 179 étaient asiatiques (48,6%), and 68 étaient d’autres ethnies (18,5%). Il y avait 208 participants normoglycémiques (56,5%), 117 participants avec un prédiabète (31,8%) et 43 avec un DT2 (11,7%) (17 sous antidiabétiques oraux et 14 sous insuline). Aucun participant n’avait un IMC < 18 kg/m² et 88 (23,9%) avaient un IMC ≥ 30 kg/m².

Au niveau de la tête du pancréas, le minimum de pourcentage de graisse était de 2,4% et le maximum était de 14,5%. Pour le corps, le minimum et le maximum étaient de 2,3% et de 14,4%, respectivement, et pour la région de la queue, le minimum et le maximum étaient de 2,4% et de 14,7%, respectivement. Les quantités de lipides dans la tête le corps et la queue du pancréas ne différaient pas significativement dans les modèles ajustés, dans la cohorte entière et également au sein des trois sous-groupes définis selon le statut diabétique (normoglycémiques, prédiabétiques et diabétiques). L’indice HOMA-IR et l’insulinémie à jeun étaient significativement associés au contenu lipidique de la queue et du corps du pancréas, mais pas au niveau de la tête. L’index HOMA-IR expliquait 7,4% de la variabilité de contenu lipidique du corps du pancréas et 6,7 % de la variabilité de la queue du pancréas. Il n’y avait pas d’association significative entre le contenu lipidique dans chaque partie du pancréas et l’indice HOMA-β.

Le principal point fort de l’étude est qu’il s’agit de la plus large étude portant spécifiquement sur le contenu lipidique intra-pancréatique utilisant l’IRM et également la plus large investiguant les associations entre la graisse dans les différentes régions du pancréas et les paramètres insuliniques et le statut diabétique, grâce à des analyses ajustées sur 5 covariables.

Les points faibles de l’étude étaient : le design transversal de l’étude qui ne permet pas d’établir de lien de causalité entre le gras pancréatique et les paramètres étudiés, la présence d’autres facteurs de confusion potentiels, l’absence de prise en compte des facteurs génétiques connus pour être associés à la répartition corporelle du tissu adipeux mais les auteurs admettent qu’il n’y a pas de facteurs génétiques connus pour prédisposer à l’augmentation du gras intra pancréatique. Les autres points négatifs étaient l’absence de certaines ethnies dans la population d’étude, l’absence d’indication sur le niveau d’activité physique et le profil diététique des participants et l’utilisation d’index HOMA-IR et HOMA-β reflétant plutôt l’insulinorésistance hépatique et l’insulinosécrétion basale, respectivement. Le clamp euglycémique hyperinsulinémique n’a pas pu être utilisé dans cette étude.

L’association positive entre le contenu lipidique de la queue et du corps du pancréas avec l’insulinorésistance pourrait aider à l’identification précoce des patients à risque de développer une insulinorésistance et donc un diabète de type 2.

 

Références

[1] Petrov MS, Taylor R. Intra-pancreatic fat deposition: bringing hidden fat to the fore. Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2022; 19 :153-168.
 
[2] Wong VW, Wong GL, Yeung DK, Abrigo JM, Kong AP, Chan RS, Chim AM, Shen J, Ho CS, Woo J, Chu WC, Chan HL. Fatty pancreas, insulin resistance, and β-cell function: a population study using fat-water magnetic resonance imaging. Am J Gastroenterol. 2014; 109:589-97.
 
[3] Taylor R, Al-Mrabeh A, Zhyzhneuskaya S, Peters C, Barnes AC, Aribisala BS, Hollingsworth KG, Mathers JC, Sattar N, Lean MEJ. Remission of Human Type 2 Diabetes Requires Decrease in Liver and Pancreas Fat Content but Is Dependent upon Capacity for β Cell Recovery. Cell Metab. 2018; 28:547-556.e3.
 
[4] Singh RG, Yoon HD, Wu LM, Lu J, Plank LD, Petrov MS. Ectopic fat accumulation in the pancreas and its clinical relevance: A systematic review, meta-analysis, and meta-regression. Metabolism. 2017; 69: 1-13.
 
[5] Matsumoto S, Mori H, Miyake H, Takaki H, Maeda T, Yamada Y, Oga M. Uneven fatty replacement of the pancreas: evaluation with CT. Radiology. 1995; 194 :453-8.
 


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jeudi 3 mars 2022

Différencier la céto-acidose diabétique de la cétose hyperglycémique due à l’hyperémèse du syndrome cannabinoïde chez les adultes présentant un diabète de type 1

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Février 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Halis Kaan Akturk, et al. Differentiating Diabetic Ketoacidosis and Hyperglycemic Ketosis Due to Cannabis Hyperemesis Syndrome in Adults With Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2022; 45: 481–483. doi : 10.2337/dc21-1730

 

La consommation de cannabis n’est pas rare chez les sujets présentant un diabète de type 1 (DT1) et ce d’autant plus dans les pays où la législation a été assouplie. Au Colorado, depuis la légalisation du cannabis, le nombre de consultations en urgence pour hyperglycémie ou cétose du sujet diabétique, consommateur de cannabis, a doublé. Effectivement, dans une étude antérieure, un risque 2 à 3 fois supérieur de situations à risque (hyperglycémie ou cétose) avait été rapporté en lien avec le syndrome d’hyperémèse cannabinoïde [1,2]. Dans les faits, les nausées, parfois sévères, précédent les vomissements qui sont à l’origine d’une cétose puis d’une hyperglycémie; à l’opposé donc de la physiopathologie classique de la céto-acidose diabétique. De plus, une étude australienne a montré la présence d’une alcalose (non pas d’une acidose) dans ces situations précises de consommations cannabinoïdes [3].

L’objectif des auteurs était ici de différencier, chez les sujets DT1, la céto-acidose diabétique dite « typique », de la céto-acidose « atypique » définie comme cétose hyperglycémique due au syndrome d’hyperémèse cannabinoïde, en étudiant les paramètres acido-basiques de ceux qui se sont présentés aux urgences.

Pour ce faire, une analyse rétrospective des dossiers médicaux relatifs aux consultations en urgence du Barbara Davis Center for Diabetes (Colorado) pour céto-acidose, selon la classification ICD-10, entre 2016 et 2021 a été réalisée. Ont été inclus les événements qui répondaient aux critères suivants (basés sur les critères de diagnostic de l'American Diabetes Association) : glycémie veineuse > 250 mg/dL, trou anionique > 10, cétones déterminées par le taux sérique de B-hydroxybutyrate (BHB) > 0,6 mmol/L, et test de dépistage toxicologique urinaire disponible à l'admission. Les valeurs moyennes de pH veineux, des taux de bicarbonates sériques (HCO3), du trou anionique et des taux de BHB ont été comparées entre les consommateurs et les non-consommateurs de cannabis atteints de DT1.

Parmi les 295 patients DT1 reçus au cours de cette période, 68 patients avec 172 événements de céto-acidose, ont été inclus. Tous les patients présentaient un taux de BHB élevé (respectivement pour les non-consommateurs et les consommateurs, 15,3 ± 2,1 mmol/L vs 13,7 ± 2,4 mmol/L (p= ns)). En régression linéaire mixte, ajustée sur l'âge et le sexe, la moyenne du pH veineux était de 7,09 ± 0,02 vs 7,42 ± 0,01 (P < 0,0001), le trou anionique sérique était de 23,90 ± 0,71 vs 20,94 ± 0,60 mmol/L (P = 0,01), et le taux de bicarbonate sérique était de 9,1 ± 0,71 vs 19,20 ± 0,61 mmol/L (P < 0,0001) chez les patients qui ne consommaient pas de cannabis vs ceux qui en consommaient. Sur les 74 événements survenus chez les consommateurs de cannabis, 72 (96 %) avaient un pH veineux de 7,4 et un taux de bicarbonate sérique de 15 mmol/L au moment de l’arrivée aux urgences.

Sur la base de ces constatations, les auteurs ont proposé de définir la cétose hyperglycémique due au syndrome d’hyperémèse cannabinoïde, comme l’association d’une glycémie veineuse > 250 mg/dL, d’un trou anionique > 10, et d’un taux de BHB sérique > 0,6 mmol/L, si le pH veineux était ≥ 7,4 et le taux de bicarbonate sérique était au moins de 15 mmol/L au moment de la visite aux urgences. Lorsque ce seuil de pH veineux et de bicarbonate a été utilisé, l'aire sous la courbe ROC du test urinaire positif au cannabis prédisant une cétose hyperglycémique due à l’hyperémèse du syndrome cannabinoïde, était de 98 % avec une sensibilité de 97 % et une spécificité de 95 %.

Chez le diabétique, le diagnostic de céto-acidose est basé sur un glucose plasmatique > 250 mg/dL, un trou anionique préservé, une acidose métabolique, des corps cétoniques sériques positifs, et des changements significatifs du pH et du taux de bicarbonate de sérique dans un contexte de symptômes cliniques. Ces paramètres sont utilisés pour orienter l’admission intra-hospitalière des patients. Cette étude suggère donc que se fier uniquement au pH et au taux d’HCO3- peut s’avérer trompeur chez les consommateurs de cannabis atteints de DT1.

Dans cette étude, les DT1 consommateurs de cannabis présentaient une alcalose métabolique malgré une cétose à trou anionique élevé. Cette étude est concordante avec les conclusions de la série Australienne sus-citée [3]. Il s'agit de la première étude à analyser les seuils de pH et de bicarbonates pour différencier la céto-acidose diabétique et la cétose hyperglycémique due au syndrome cannabinoïde. Cette étude permet de suggérer le dépistage de toxiques urinaires (à la recherche de cannabis) chez les adultes DT1 qui se présentent aux urgences avec une glycémie > 250 mg/dL, un taux de BHB de 0,6 mmol/L ou plus, et un pH ≥ 7,4 (plus élevé qu’attendu) avec un taux de bicarbonates sériques ≥ 15 mmol/L. Ce seuil permettrait de prédire 98 % des événements de cétose hyperglycémique due au syndrome cannabinoïde.

Les niveaux de pH et de bicarbonates chez les consommateurs de cannabis doivent donc être interprétés avec grande prudence pour classer la gravité de la situation aiguë. Concernant la prise en charge, la priorité est à la réduction du trou anionique et à la diminution du taux de BHB grâce au remplissage vasculaire et à une insulinothérapie intensive.

La grande taille de l'échantillon, l'examen méticuleux des dossiers médicaux par deux médecins et la définition de la cétose hyperglycémique due aux vomissements du syndrome cannabinoïde sont les principales forces de cette étude. Cependant, la conception monocentrique, rétrospective et le nombre limité de patients avec un résultat de toxicologie urinaire disponible sont les principales limites de ce travail. Une mauvaise classification des épisodes de céto-acidose due à l'utilisation des codes de la CIM-10 ne peut être exclue. En outre, les auteurs n'ont pu vérifier la séquence des symptômes (céto-acidose précédant les vomissements ou vomissements précédant la cétose) à partir des dossiers médicaux. De futures études prospectives semblent donc nécessaires pour confirmer les résultats.

En conclusion, chez les adultes DT1 se présentant aux urgences pour hyperglycémie, la cétose hyperglycémique due à l’hyperémèse du syndrome cannabinoïde doit être envisagée chez ceux dont le pH est ≥ 7,4 et le taux de bicarbonates ≥ 15 mmol/L en présence d'une cétose.

 

Références

[1] Kim HS & Monte AA. Colorado cannabis legalization and its effect on emergency care. Ann EmergMed 2016; 68:71–75.
 
[2] Kinney GL, & al. Cannabis use is associated with increased risk for diabetic ketoacidosis in adults with type 1 diabetes: findings from the T1D Exchange Clinic Registry. Diabetes Care 2020; 43:247–249.
 
[3] Akturk HK, & al. Association between cannabis use and risk for diabetic ketoacidosis in adults with type 1 diabetes. JAMA Intern Med 2019; 179:115–118.
 
[4] Hennessy A. Cannabis masks diabetic ketoacidosis. BMJ Case Rep 2011; 2011: bcr0220102716.
 


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jeudi 3 février 2022

Mesure continue du glucose et diabète de type 2 traité par insuline basale sans bolus

Auteur : 
Sopio Tatulashvili
Date Publication : 
Janvier 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Aleppo, et al. The Effect of Discontinuing Continuous Glucose Monitoring in Adults With Type 2 Diabetes Treated With Basal Insulin. Diabetes Care 2021; 44:2729–37. doi : 10.2337/dc21-1304

 

Le bénéfice clinique de la mesure en continu du glucose (CGM, Continuous Glucose Monitoring) a déjà été démontré pour les patients atteints de diabète de type 1 (DT1) ou 2 (DT2) traités par insulinothérapie intensive (injections d’insuline pluriquotidiennes) ou pompe à insuline. Son utilisation permet une diminution de l’HbA1c, une augmentation du temps passé dans la cible (TIR) et une diminution des hypoglycémies [1–3]. En revanche, l’utilisation de CGM pour les patients vivant avec un DT2 sans insulinothérapie intensive n’a pas encore été étudiée. L’équipe d’Aleppa et al. a analysé l’effet de CGM chez les patients vivant avec un DT2 traités par insuline basale. Les effets de la mise sous CGM (phase 1) puis de l’arrêt de CGM (phase 2) ont été évalués dans cette étude multicentrique (15 centres), randomisée d’une durée de 14 mois.

Les participants de l’étude avaient 30 ans ou plus, traités par insuline basale et d’autres médicaments antidiabétiques à l’exception de l’insuline rapide, avec une HbA1c entre 7,8% et 11,5% à l’inclusion. Au cours d’une première phase d’une durée de 8 mois, les 175 participants ont été randomisés en deux groupes : 116 participants ont eu une pose de CGM Dexcom G6 (groupe CGM) et 59 participants ont poursuivi leur surveillance traditionnelle de glycémie par automesures capillaires (groupe BGM, Blood Glucose Monitoring).
Au cours de la phase 2, d’une durée de 6 mois, dont cette publication est l’objet, le groupe BGM a poursuivi la surveillance capillaire à l’identique. Le groupe CGM a été divisé en deux groupes : la moitié des participants ont continué à utiliser le CGM et l’autre moitié a arrêté le CGM et a repris la surveillance par glycémies capillaires. L’objectif principal de cette phase était l’évaluation de l’arrêt du CGM via le TIR après 8 mois d’utilisation.
Tous les participants ont porté un CGM Dexcom G6 Pro (en aveugle) pendant 10 jours avant la randomisation initiale pour obtenir les données CGM de base.
Au cours de la phase 1 qui a fait l’objet d’une étude préliminaire [4], l’HbA1c était passée de 9,1 à 8,0% dans le groupe CGM. Dans le groupe BGM, l’HbA1c était passée de 9,0 à 8,4%. La diminution d’HbA1c était plus importante dans le groupe CGM (différentiel ajusté -0,4% 95% IC -0,8, -0,1, p = 0,02). Le TIR (70-180mg/dl) à 8 mois dans le groupe CGM était de 59% vs 43% dans le groupe BGM (p < 0,001).
Au cours de la phase 2, dans le groupe qui a arrêté l’utilisation du CGM, le TIR qui s’était amélioré lors du port du CGM en phase 1 jusqu’à 62%, a baissé à 50% après 6 mois d’arrêt de CGM (changement moyen de 8 à 14 mois : -12% 95% IC -21, 3, p = 0,01). Le glucose moyen a augmenté de 173 à 196 mg/dl (p = 0,01). Le temps passé au-delà de 250 mg/dl a augmenté de 9 à 20% (p = 0,005). L’HbA1c a aussi augmenté de 7,9% à 8,2% (p = 0,06).
Dans le groupe qui a continué à utiliser le CGM, le TIR qui s’était également amélioré en phase 1, est resté stable passant de 56% à 57% (changement moyen de 8 à 14 mois : 1% 95% IC -11,12, p = 0,89). L’HbA1c et les autres paramètres de MCG comme le glucose moyen et le temps passé au-delà de 250 mg/dl sont resté stables.
Dans le groupe BGM, le TIR qui s’était très légèrement amélioré en phase 1 est également resté stable passant de 43% à 45% (changement moyen de 8 à 14 mois de 3% 95% IC -9,-14, p = 0,70). L’HbA1c et les autres paramètres de CGM comme le glucose moyen et le temps passé au-dessus de 250mg/dl sont restés stables.
Les hypoglycémies étaient rares tout au long de l’étude avec ou sans CGM.

L’étude montre un bénéfice de l’utilisation du CGM chez des patients vivant avec un DT2 traités par insuline basale sans insuline rapide avec une nette amélioration de l’HbA1c et du TIR.  Ce bénéfice en termes de TIR est perdu après l’arrêt de CGM. La diminution du TIR après arrêt du CGM est importante en pratique puisque l’association entre le TIR et les complications de diabète a déjà été démontrée. Dans l’analyse de données du DCCT il a été démontré que le TIR (évalué à partir de sept glycémies capillaires par jour, une journée tous les trois mois) présentait une forte association avec le risque de développement et/ou de progression de la rétinopathie et de la microalbuminurie. A chaque diminution du TIR de 10%, le taux de survenue ou d’aggravation était augmentée de 64% pour la rétinopathie et de 40% pour la microalbuminurie [5].
Le point fort de cette étude est l’inclusion de profils de patients variés du point de vue ethnique et socioéconomique. Ceci peut faciliter l’extrapolation des résultats pour tous les patients vivant avec un DT2. La limite de l’étude est le faible effectif, notamment dans le groupe qui a poursuivi l’utilisation de CGM en phase 2.

En conclusion, le bénéfice de l’utilisation de CGM chez des patients vivants avec un DT2 traités par insuline basale et d’autres thérapeutiques anti-hyperglycémiantes à l’exception de l’insuline rapide a été maintenu sur une durée de 14 mois. Une utilisation du CGM au long cours pourrait ainsi diminuer le risque de complications chroniques chez les patients DT2 uniquement sous insuline basale.

 

Références

[1] Beck RW, et al. Continuous Glucose Monitoring Versus Usual Care in Patients With Type 2 Diabetes Receiving Multiple Daily Insulin Injections: A Randomized Trial. Ann Intern Med 2017; 167:365–74.
 
[2] Beck RW, et al. Effect of Continuous Glucose Monitoring on Glycemic Control in Adults With Type 1 Diabetes Using Insulin Injections: The DIAMOND Randomized Clinical Trial. JAMA 2017; 317:371–8.
 
[3] Pratley RE, et al. Effect of Continuous Glucose Monitoring on Hypoglycemia in Older Adults With Type 1 Diabetes: A Randomized Clinical Trial. JAMA 2020; 323:2397–406.
 
[4] Martens T, et al. Effect of Continuous Glucose Monitoring on Glycemic Control in Patients With Type 2 Diabetes Treated With Basal Insulin: A Randomized Clinical Trial. JAMA 2021; 325:2262–72.
 
[5] Beck RW, et al. Validation of Time in Range as an Outcome Measure for Diabetes Clinical Trials. Diabetes Care 2019; 42:400–5.
 


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