mercredi 30 octobre 2019

DT1 lent : quel traitement pour préserver la fonction bêta-cellulaire ?

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Octobre 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Hals I et al. Investigating optimal β-cell-preserving treatment in latent autoimmune diabetes in adults: Results from a 21-month randomized trial. Diabetes Obes Metab 2019;21:2219-2227. doi: 10.1111/dom.13797

 

Le diabète de type 1 (DT1) lent, encore appelé LADA (Latent Autoimmune Diabetes in Adults), est défini par les critères suivants : (i) début du diabète après l’âge de 30 ans ; (ii) présence d’anticorps contre les cellules bêta (principalement anticorps anti GAD (glutamic acid decarboxylase) ; et (iii) pas de nécessité de recourir à l’insulinothérapie dans les six premiers mois suivants le diagnostic. Le LADA est fréquent en Europe, les études épidémiologiques récentes montrant que 10% de l’ensemble des sujets atteints de diabète présentent les caractéristiques diagnostiques du LADA [1]. La prise en charge thérapeutique de ce groupe de patients atteints de LADA est particulière compte tenu de la défaillance bêta-cellulaire qui s’installe plus rapidement que chez les patients atteints de diabète de type 2, compte tenu du processus auto-immun contre les îlots de Langerhans. La protection des cellules bêta est bien sûr un enjeu dans cette population, mais les données scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure quant à la meilleure stratégie thérapeutique : traitement par anti-diabétiques oraux (ADO) comme dans le diabète de type 2 ou insulinothérapie précoce ?
Une étude prospective comparant l’utilisation des sulfamides versus insuline avait déjà tenté de répondre à cette question, montrant un bénéfice de l’insulinothérapie sur la fonction bêta-cellulaire [2]. Cependant, sa population exclusivement japonaise et l’utilisation des sulfamides comme comparateur actif à l’insulinothérapie ne permet  pas d’étendre ses conclusions aux populations européennes, maintenant plus fréquemment traitées par inhibiteur de la DPP4 (iDPP4), réputé moins délétère que les sulfamides sur la cellule bêta [3].
Une équipe scandinave a ainsi mené cette étude prospective comparant l’utilisation précoce d’une insulinothérapie et d’un traitement oral par sitagliptine dans une population de patients LADA. Les patients, âgés de 30 à 75 ans, devaient être positifs pour les Ac anti-GAD, avoir un diabète diagnostiqué depuis moins de 3 ans et être traités par mesures d’hygiène de vie et éventuellement, metformine en monothérapie. L’HbA1c ne devait pas être au dessus de 60% de la limite supérieure de l’objectif et le C-peptide plasmatique à jeun devait être ≥ 0,3 nmol/L. Les patients insuffisants rénaux (créatinine plasmatique > 150 µmol/L), atteints d’une rétinopathie proliférante, d’une cardiopathie ischémique instable et les femmes enceintes ou projetant de l’être ont été exclus de cette étude. Après une période de 3 mois de Run-in, pendant laquelle tous les patients recevaient de la metformine à la dose de 2000 mg/j (ou dose maximale tolérée), les sujets étaient randomisés pour recevoir pendant 21 mois de l’insuline semi-lente NPH le soir au coucher (groupe NPH) ou de la sitagliptine 100 mg/j (groupe SITA). L’équilibre glycémique était évalué régulièrement par mesure de la glycémie à jeun et de l’HbA1c, permettant d’intensifier la thérapeutique, le cas échéant, par ajout d’une insulinothérapie prandiale ou de repaglinide dans les groupes NPH et SITA, respectivement.
Sur un total de 64 patients inclus, 32 ont été randomisés dans chaque groupe. Les principales  caractéristiques initiales de cette population étaient les suivantes : âge médian 53 ans (IQR 45-60) ; IMC 26,8±5,1 kg/m2 ; C-peptide à jeun 0,6±0,4 mmol/L ; HbA1c 6,8±2,4 % ; titre des Ac anti-GAD faible/moyen/élevé : 16/27/21 patients. Au cours des 21 mois de suivi, 12/32 et 10/32 patients des groupes NPH et SITA ont nécessité une intensification par insuline prandiale et repaglinide, respectivement. Dans le groupe NPH, la dose moyenne d’insuline NPH à 21 mois était de 15±12,3 UI. Le poids corporel a augmenté de 1,9 kg dans le groupe NPH comparativement à une diminution de 3,4 kg dans le groupe SITA (p<0,001). L’insulinorésistance, évaluée par l’indice HOMA2-IR, était identique en début et en fin de traitement, dans les 2 groupes (après 21 mois de traitement : 1,77 et 1,58 dans les groupes NPH et SITA, respectivement). Le taux des Ac anti-GAD était stable pendant l’étude, sauf chez 13/64 patients, pour lesquels le taux s’est modifié de > 15%, sans différence entre les deux groupes de traitement. Concernant le contrôle métabolique, l’HbA1c en fin d’étude était de 7 et 6,5% dans les groupes NPH et SITA, respectivement (ns). De même, la glycémie à jeun n’était pas différente entre les 2 groupes : 164 vs 146 mg/dL (ns). Enfin, concernant le critère principal de l’insulinosécrétion, le C-peptide à jeun n’était pas différent entre les 2 groupes en fin d’étude (0,6±0,5 vs 0,6±0,4 nmol/L). L’insuline, la pro-insuline, le C-peptide stimulé ainsi que le ratio pro-insuline/C-peptide n’étaient pas non plus différents entre les 2 groupes, au début comme au terme de cette étude. De plus, la comparaison avant-après ne montrait pas de modification significative pour ces différents paramètres, dans aucun des 2 groupes. En revanche, chez les patients présentant un titre élevé d’Ac anti-GAD, quel que soit le groupe de traitement, les paramètres d’insulinosécrétion étaient significativement altérés à 21 mois comparativement aux patients dont le titre d’Ac était faible. Il faut souligner que les paramètres d’insulinosécrétion étaient évalués, à 21 mois, après une fenêtre des traitements du diabète de 48 heures, afin de s’affranchir d’un éventuel effet direct de l’insuline ou de la sitagliptine.
En conclusion, cette étude n’a pas montré d’effet différentiel de l’insuline ou de la sitagliptine, après 21 mois de traitement, sur la fonction bêta-cellulaire de patients atteints de LADA. Cette étude a par ailleurs confirmé que la dégradation de l’insulinosécrétion était moindre chez les patients dont les titres d’Ac anti-GAD étaient faibles [4]. Une différence entre les traitements auraient peut-être pu être observée si la population avait été exclusivement constituée de patients avec un titre élevé d’Ac anti-GAD, population présentant une dégradation plus rapide de la fonction bêta-cellulaire.
Les messages pratiques à retenir de cette étude sont (i) qu’il est possible d’utiliser un iDPP4 chez les patients LADA sans risquer une dégradation plus rapide de leur fonction bêta-cellulaire et (ii) que le clinicien doit être plus vigilant chez les patients présentant un titre élevé d’Ac anti-GAD, ces derniers étant susceptibles de dégrader plus rapidement leur insulinosécrétion, avec une insulinorequérance plus précoce.

 

Références

[1] Hawa MI et al. Adult-onset autoimmune diabetes in Europe is prevalent with a broad clinical phenotype: Action LADA 7. Diabetes Care 2013;36:908-913.
 
[2] Maruyama T et al. Insulin intervention in slowly progressive insulin-dependent (type 1) diabetes mellitus. J Clin Endocrinol Metab 2008;93:2115-2121.
 
[3] Alvarsson M et al. Effects of insulin versus sulphonylurea on beta-cell secretion in recently diagnosed type 2 diabetes patients: a 6-year follow-up study. Rev Diabet Stud 2010;7:225-232.
 
[4] Liu L et al. Latent autoimmune diabetes in adults with low-titer GAD antibodies: similar disease progression with type 2 diabetes: a nationwide, multicenter prospective study (LADA China Study 3). Diabetes Care 2015;38:16-21.
 


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