vendredi 2 juillet 2021

Le lien entre la répartition du tissu adipeux et la stéatopathie non alcoolique chez le patient vivant avec un diabète de type 1

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Juin 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Parente EB, et al. The Relationship Between Body Fat Distribution and Nonalcoholic Fatty Liver in Adults With Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2021; 44:1-8. doi : 10.2337/dc20-3175

 

La stéatopathie hépatique non alcoolique (NAFLD), caractérisée par une accumulation excessive de triglycérides dans le foie sans consommation excessive d’alcool, est associée au diabète de type 2 (DT2), à l’obésité et à la résistance à l’insuline [1]. Les individus vivant avec un diabète de type 1 (DT1) sont devenus plus souvent obèses durant les dernières décennies et la NAFLD a également été décrite chez ces patients, avec des prévalences comprises entre 4,7 et 50%, selon les caractéristiques cliniques et les méthodes utilisées pour mesurer le contenu en lipides du foie. De plus, la NAFLD a été associée à certaines complications du diabète telles que la néphropathie diabétique [2] et la maladie cardiovasculaire dans le DT1 [3].

Au-delà de l’obésité et du DT2, le SNP (single nucleotide polymorphism, variant génétique) antisens rs738409 C>G du gène PNPLA3 est associé à l’accumulation de lipides dans le foie. Bien que les porteurs de ce variant ne montrent pas d’augmentation de l’insulinorésistance, la présence de cet allèle a été associée à la progression vers la stéato-hépatite et également l’hépatocarcinome [4]. Le variant rs58542926 du gène TM6SF2 est aussi associé à la NAFLD indépendamment du variant génétique rs738409 de PNPLA3 [5].

Le tissu adipeux viscéral a été associé aux maladies cardiovasculaires, à l’insulinorésistance et à la NAFLD chez les patients DT2 et dans la population générale. Néanmoins, les liens entre la répartition corporelle du tissu adipeux et la NAFLD chez les patients DT1 n’ont jamais été explorés. Dans cette étude, les auteurs ont donc cherché à savoir si les différents dépôts de tissu adipeux étaient associés à la NAFLD en utilisant des modèles de régression logistique ajustés sur des variables métaboliques et génétiques. De plus, ils ont étudié les associations entre le rapport tour de taille sur taille (WHtR), l’IMC et la NAFLD, afin de trouver un outil simple et accessible pour l’identification de la NAFLD dans cette population.

Tous les individus inclus dans cette étude étaient issus de l’étude sur la néphropathie diabétique finlandaise (FinnDiane) qui est une étude nationale, prospective, multicentrique (93 centres à travers la Finlande) et toujours en cours, visant à identifier les facteurs de risque de complications du DT1. Le DT1 a été défini comme un diabète évoluant à un âge inférieur à 40 ans et nécessitant un traitement par insuline permanent initié durant la première année suivant le diagnostic de DT1. Les participants bénéficiaient durant le suivi d’un examen clinique, d’un prélèvement d’urine et de sang et ils répondaient à plusieurs questionnaires. Entre 2011 et 2017, 131 individus ont été recrutés et se sont rendus au CHU de Helsinki pour faire une IRM hépatique et évaluer le contenu hépatique en lipides. Les patients qui rapportaient une consommation journalière d’alcool supérieure à 30g pour les hommes et à 20g pour les femmes ont été exclus de l’étude, tout comme ceux qui avaient déjà une NAFLD et des données manquantes sur la consommation d’alcool.

Au final, 121 individus ont été inclus dans l’analyse. Parmi ceux-ci, 95 ont été génotypés pour le SNP du gène PNPLA3 rs738409 et le variant de TM6SF2 rs58542926, 84 avaient des données de composition corporelle évaluée par DEXA dans le cadre de l’étude FinnDiane. Le contenu lipidique du foie a été mesuré grâce à une IRM 3.0 Tesla au CHU d’Helsinki. Trois régions d’intérêt de 2 cm² chacune ont été délimitées au même endroit sur le foie. La valeur moyenne de l’intensité des 3 signaux a été calculée et la fraction lipidique du foie en a été déduite. La NAFLD a été déterminée pour un seuil de fraction lipidique supérieur ou égal à 6%. La composition corporelle a été évaluée par DEXA (Lunar, GE healthcare). Le tour de taille et le tour de hanche ont été mesurés et le rapport tour de taille sur taille (WHtR) a été calculé en divisant le tour de taille par la taille. L’obésité centrale a été définie par un rapport supérieur ou égal à 0,5. Les SNP rs738409 et rs58542926 ont été directement génotypés sur la plateforme de génotypage et analysés en utilisant un modèle additif. Les associations entre la répartition du tissu adipeux, le WHtR, l’IMC et la NAFLD ont explorées par des régressions logistiques. Une courbe ROC a été utilisée pour les seuils de WHtR et d’IMC avec la plus grande sensibilité et spécificité pour détecter la NAFLD.

Parmi les 121 sujets inclus dans l’analyse, l’âge médian était de 38,5 ans (32,3-43,7), la durée du diabète était de 21,2 ans (17,9-28,4), 52,1% étaient des femmes, 50,4% présentaient une obésité abdominale (WHtR ≥ 0,5), et la prévalence de la NAFLD étaient de 11,6% (n= 14).

Concernant les variants génétiques de PNPLA3 rs738409 et de TM6SF2 rs58542926, sur les 95 patients analysés, 28 étaient soit homozygotes (GG, n= 7) soit hétérozygotes (CG, n= 21) pour l’allèle mineur G du variant PNPLA3 rs738409 et la fréquence de l’allèle mineur était de 32,1% parmi les cas (NAFLD) et 16,1% parmi les sujets témoins (non NAFLD). Concernant le variant TM6SF2 rs58542926, aucun des participants n’était homozygote (TT) pour l’allèle mineur T, 12 individus étaient hétérozygotes (TC) et aucun d’entre eux n’était atteint de NAFLD. Vue la faible fréquence de l’allèle T chez les participants, ce variant a été exclu des analyses.

Les individus présentant une NAFLD avaient une plus longue durée d’évolution du DT1, des taux plus élevés d’HbA1c et de triglycérides, une plus faible sensibilité à l’insuline (basée sur le calcul de l’eGDR, le taux de disposition du glucose estimé : 3,1 mg/kg/min vs. 7,6 mg/kg/min, p < 0,001) et des besoins en insuline plus élevés (0,76 UI/kg vs 0,52 UI/kg, p = 0,026), par rapport à ceux n’ayant pas de NAFLD. Dans le groupe NAFLD, 85,7% souffraient d’obésité abdominale vs 45,8% (p = 0,005) dans le groupe sans NAFLD. Le pourcentage de tissu adipeux gynoïde, appendiculaire et total était similaire entre les sujets avec NAFLD et ceux sans. Les sujets NAFLD présentaient des pourcentages de tissu adipeux androïde et viscéral plus élevés (respectivement, 3,47% vs 2.40%, p = 0,02 ; 1,83% vs 0,55%, p = 0,01) comparés aux patients sans NAFLD. Le volume et le pourcentage de tissu adipeux viscéral étaient positivement associés à la NAFLD dans le modèle non ajusté et aussi dans le modèle ajusté pour les covariables (âge, sexe, durée du diabète, HbA1c, triglycérides, variant rs738409 de PNPLA3). L’augmentation de WHtR était positivement associée à la NAFLD dans le modèle non ajusté (OR = 7,59, p < 0,001) et également dans le modèle ajusté (OR = 6,64, p < 0,001). L’IMC était également associé au risque de NAFLD dans le modèle non ajusté (OR = 1,21, p = 0,002) et dans le modèle ajusté (OR = 1,22, p = 0,004).  Les aires sous la courbe entre le WHtR et la NAFLD (0,823 (IC 95% 0,692 – 0,955)) étaient plus grandes qu’entre l’IMC et la NAFLD (0,720 (0,572 – 0,955)) (p = 0,04). Le seuil de 0,5 du WHtR pour prédire la NAFLD montrait la plus haute sensibilité de 86% et spécificité de 55%. L’IMC de 26,6 kg/m² était le meilleur seuil avec une sensibilité de 79% et une spécificité de 57%. L’IMC de 30 kg/m² montrait une sensibilité de 43% et une spécificité de 81%.

Les limites de cette étude sont l’absence de dosage sanguin des enzymes hépatiques et des plaquettes, qui aurait permis le calcul d’un score de fibrose, le manque de données diététiques et d’activité physique et le design transversal de l’étude ne permettant pas d’établir de causalité. Les forces de l’étude consistent en l’utilisation de méthodes de référence pour la composition corporelle (DEXA) et le contenu en lipides du foie (IRM), ainsi que le génotypage des variants pour 95 participants sur les 121 de l’étude.

En conclusion, cette étude montre que les patients vivant avec un DT1 ne sont pas exempts de NAFLD et que le tissu adipeux viscéral est associé au risque de NAFLD après ajustement sur les covariables, incluant le variant rs738409 du gène PNPLA3. De plus, le WHtR pourrait être utilisé comme outil de dépistage de la NAFLD dans cette population.

 

Références

[1] Yki-Järvinen H. Non-alcoholic fatty liver disease as a cause and a consequence of metabolic syndrome. Lancet Diabetes Endocrinol 2014; 2:901–910.
 
[2] Targher G, Mantovani A, Pichiri I, et al. Nonalcoholic fatty liver disease is independently associated with an increased incidence of chronic kidney disease in patients with type 1 diabetes. Diabetes Care 2014; 37:1729–1736.
 
[3] Targher G, Bertolini L, Padovani R, et al. Prevalence of non-alcoholic fatty liver disease and its association with cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. J Hepatol 2010; 53:713–718.
 
[4] Liu Y-L, Patman GL, Leathart JBS, et al. Carriage of the PNPLA3 rs738409 C>G polymorphism confers an increased risk of non-alcoholic fatty liver disease associated hepatocellular carcinoma. J Hepatol 2014; 61:75–81.
 
[5] Petäjä EM, Yki-Järvinen H. Definitions of normal liver fat and the association of insulin sensitivity with acquired and genetic NAFLD—a systematic review. Int JMol Sci 2016; 17:633.
 


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