lundi 26 février 2018

Metformine et insuffisance rénale : nouvelles données pharmacocinétiques

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Février 2018
 
Article du mois en accès libre
 
Lalau JD et al. Metformin Treatment in Patients With Type 2 Diabetes and Chronic Kidney Disease Stages 3A, 3B, or 4. Diabetes Care 2018 Jan 5. pii: dc172231. 10.2337/dc17-2231. [Epub ahead of print].

 

Dans toutes les recommandations et prises de position d’experts, la metformine (MET) reste le traitement de première intention dans le diabète de type 2 (DT2). Les données de pharmacocinétique concernant la MET montrent que cette molécule n’est pas métabolisée, qu’elle ne se lie pas aux protéines, et qu’elle est rapidement éliminée par le rein. L’élimination rénale de la MET fait appel à un mécanisme de filtration glomérulaire passive et à un mécanisme de sécrétion tubulaire active qui est limité et ne peut compenser la perte de filtration glomérulaire lorsque le DFG s’abaisse [1]. C’est la raison pour laquelle il est recommandé de ne pas utiliser la MET en cas d’insuffisance rénale modérée à sévère, cette situation pouvant aboutir, en théorie, à une accumulation de la molécule et à un risque majoré d’acidose lactique, complication rare mais grave chez les patients utilisateurs de ce traitement. Du fait d’une probable surestimation de ce risque, les autorités de santé américaines et européennes ont assoupli les modalités de prescription de la MET, levant la contre-indication de ce traitement pour les patients présentant une insuffisance rénale modérée (stade 3A, débit de filtration glomérulaire DFG entre 45 et 59 mL/mn et stade 3B, DFG entre 30 et 44 mL/min), sous couvert d’une réduction posologique [2,3]. Cette décision n’était pas étayée par des données pharmacocinétiques jusqu’à ce qu’une équipe française décide de répondre à cette question.

Jean-Daniel Lalau et al. ont réalisé une étude à plusieurs volets chez des patients DT2 sans (stade 1, DFG 90-120 mL/min) ou avec insuffisance rénale de stade 2, 3A, 3B, 4, ou 5 (DFG 60-89, 45-59, 30-44, 15-29 et <15 mL/min) comportant : (i) une étude pharmacocinétique après une dose unique de 500 mg de MET (ii) une évaluation de la concentration plasmatique et érythrocytaire après une semaine de MET et (iii) une étude d’exposition à la metformine sur 4 mois. Pour ces trois volets, le principal critère d’évaluation était la concentration plasmatique de MET, considérée comme modérément élevée pour des valeurs de 2,5-5 mg/L et élevée pour des valeurs > 5 mg/L, seuil de sécurité à ne pas dépasser d’après la FDA [4]. Les patients inclus dans cette étude étaient atteints de DT2, avec une HbA1c > 6,5%, un taux de lactate de base < 2,5 mmol/L et une fonction rénale allant du stade 1 au stade 5. Leur fonction rénale devait en outre être stable (< 30% de variation du DFG sur les 3 mois précédant l’étude) et ils étaient exclus s’ils changeaient de plus de 2 stades d’insuffisance rénale pendant l’étude. Les différentes explorations ont été analysées par sous-groupes de patients, selon leur fonction rénale (groupe 1, 2, 3A, 3B, 4 et 5). L’insuffisance hépatique sévère, la grossesse et l’allaitement étaient des critères de non inclusion dans cette étude.

Pour l’étude de pharmacocinétique, cinq patients des groupes 3A, 3B et 4, traités depuis au moins un mois par MET, recevaient une dose unique de 500 mg de MET à 08h30 le jour de l’exploration, avec dosages de MET plasmatique et érythrocytaire avant la prise et à 0,5, 1, 2, 4, 6, 8, 12 et 24 heures après la prise. Pour tous les paramètres pharmacocinétiques étudiés (AUC, Tmax, T1/2, Cmax, Cavss (average steady state concentration)), aucune différence n’a été mise en évidence entre les trois groupes 3A, 3B et 4.

Concernant l’étude d’exposition pendant une semaine, 78 patients répartis dans les groupes 1, 2, 3A, 3B, 4 et 5 recevaient trois séquences d’une semaine de traitement par MET à 500, 1000 ou 2000 mg/j, avec une semaine de wash-out entre chaque séquence. Les dosages de MET plasmatique étaient réalisés 12 heures après la dernière prise de MET à chaque semaine de traitement. A la dose de 500 mg/j, seul un patient (dans le groupe 4) a présenté une MET plasmatique entre 2,5 et 5 mg/L. A la dose de 1000 mg/j, 5 patients ont présenté une MET plasmatique entre 2,5 et 5 mg/L, et un patient une valeur de MET > 5 mg/L (tous dans les groupes 4 et 5). A la dose de 2000 mg/j, 17 patients ont présenté une MET plasmatique entre 2,5 et 5 et deux patients > 5 mg/L (dans les groupes 3A, 3B, 4 et 5). Pour toutes les doses testées de MET, les auteurs ont mis en évidence une relation inverse entre le DFG et la concentration plasmatique de MET, 12 heures après la dernière prise de la séquence de traitement d’une semaine. Pour cette étude d’exposition d’une semaine, aucun patient n’a présenté d’hyperlactatémie > 5 mmol/L. Seul un patient a présenté une élévation modérée des lactates entre 2,5 et 3 mmol/L, sans corrélation avec son taux plasmatique de MET qui était bas. Au terme de cette étude d’exposition d’une semaine, les auteurs ont choisi d’utiliser une dose de MET de 1500, 1000 et 500 mg/j pour les patients des groupes 3A, 3B et 4, respectivement, pour l’étude d’exposition de 4 mois.

Pour cette étude d’exposition de 4 mois, dernier volet de l’exploration, 46 patients des groupes 3A, 3B et 4 ont reçu 1500, 1000 et 500 mg/j de MET pendant 4 mois. La concentration de MET plasmatique ainsi que la lactatémie étaient mesurées chaque mois, 12 heures après la dernière prise de MET (ou 24 h pour les patients du groupe 4 ne prenant que 500 mg/j le matin). La concentration plasmatique de MET est restée stable tout au long de l’étude, pour les patients des trois groupes, avec seulement quelques valeurs de MET plasmatique entre 2,5 et 5 mg/L mais aucune valeur > 5 mg/L. Quant à la lactatémie, seulement 6 patients ont présenté des valeurs > 2,5 mmol/L dont un seul patient > 5 mmol/L dans un contexte d’infarctus. La MET a dû être interrompue chez seulement 2 patients. Aucune corrélation n’a été mise en évidence entre la concentration plasmatique de MET et la lactatémie.

Ces données robustes constituent le premier rapport exposant clairement la pharmacocinétique de la metformine chez les patients DT2 en insuffisance rénale modérée ou sévère. A la lumière de ces résultats, il apparaît que la dose de 500 mg/j de MET n’a pas entraîné d’élévation de la concentration plasmatique de ce médicament au dessus du seuil de sécurité de 5 mg/L, quelque soit le DFG considéré. En revanche, la dose de 2000 mg/j de MET était clairement trop élevée pour les patients DT2 avec une insuffisance rénale stade 3, 4 ou 5. La dose intermédiaire de 1000 mg/j était responsable d’une élévation de la concentration plasmatique de MET > 2,5 mg/L chez quelques patients.

Ainsi, ces données suggèrent que les doses de MET à ne pas dépasser chez les sujets DT2 avec une insuffisance rénale stade 3A (DFG 45-59 mL/min) et stade 3B (DFG 30-44 mL/min) sont respectivement de 1500 et 1000 mg/j. De plus, cette étude ouvre la voie à une réflexion d’utilisation de MET pour des patients DT2 présentant une insuffisance rénale stade 4 (DFG 15-29 mL/min), avec une posologie adaptée de ce médicament. Il faut cependant souligner que le MET reste encore à ce jour contre-indiquée en cas de DFG < 30 mL/min. Concernant la sécurité d’utilisation, le dosage de MET plasmatique étant coûteux et sa concentration n’étant pas corrélée à la lactatémie, il semble plus pragmatique de proposer un dosage de lactate pour les patients DT2 insuffisants rénaux fragiles, notamment lors d’un événement intercurrent, afin de décider de la poursuite ou non de ce traitement. En effet, une lactatémie à deux reprises entre 2,5 et 5 mmol/L ou une seule fois > 5 mmol/L doit faire arrêter la MET, afin de ne pas exposer le patient à l’acidose lactique, complication rare mais grave de ce traitement.

 

Références

[1] Smith HW et al. The renal clearances of substituted hippuric acid derivatives and other aromatic acids in dog and man. J Clin Invest 1945;24:388-404.
 
[2] The EuropeanMedicines Agency (EMA). Use of metformin to treat diabetes now expanded to patients with moderately reduced kidney function: recommendations for patients with kidney impairment updated in product information [Internet], 2016. Available from (Accessed 7 March 2017) :
 
[3] The U.S. Food and Drug Administration (FDA). Drug Safety Communication : FDA revises warnings regarding use of the diabetes medicine metformin in certain patients with reduced kidney function [Internet], 2016. Available from (Accessed 7 March 2017) :
 
[4] The U.S. Food and Drug Administration (FDA). FDA label approved (revised) on 07/19/2013 for Metformin Hydrochloride, ANDA no. 091664 [Internet], 2013. Available from (Accessed 7 March 2017) :
 


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mardi 6 février 2018

Février 2018, de grosses nouveautés pour FreeStyle LibreLink

2 nouveautés intéressantes au menu de ce début février 2018 !   Commençons par les diabétiques utilisateurs de l’application LibreLink sur leurs smartphones Android. L’application LibreLink, disponible sur Android depuis maintenant plus d’un an et demi pour les utilisateurs Français, connaît une grosse mise à jour technique. En effet, depuis ce Mardi 6 février 2018, […]

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