mardi 12 décembre 2023

CopenFast : Essai ouvert, monocentrique, contrôlé et randomisé comparant l’insuline asparte ultra-rapide versus insuline asparte dans le traitement du diabète de type 1 ou de type 2 durant la grossesse et le post-partum

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Novembre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Norgaard SK, et al. Faster-acting insulin aspart versus insulin aspart in the treatment of type 1 or type 2 diabetes during pregnancy and post-delivery (CopenFast): an open-label, single-centre, randomised controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2023;11(11) 811-821. doi : 10.1016/S2213-8587(23)00236-X

 

Malgré la diminution des complications materno-fœtales au cours des grossesses marquées par un diabète préexistant, environ 50% des nouveau-nés présentent, encore de nos jours, un poids de naissance considéré comme excessif [1]. Considérant l’association entre le contrôle glycémique et la croissance fœtale, il semble indispensable de gérer au mieux les excursions glycémiques postprandiales afin de réduire ce risque. De par leur effet hypoglycémiant plus précoce, les insulines ultra-rapides semblent être une option intéressante, d’autant qu’elles sont considérées actuellement comme sans risque au cours de la grossesse et de l’allaitement. Pourtant, elles n’ont pas été évaluées dans cette population. L’objectif des auteurs était d’évaluer l’effet de l’insuline asparte ultra-rapide (AUR) sur la croissance fœtale chez les femmes présentant un diabète de type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2) au cours de la grossesse et du post-partum.

Il s’agit d’un essai de supériorité, ouvert, monocentrique, contrôlé et randomisé conduit au Risgh Hôpital à Copenhague. Les participantes étaient âgées de plus de 18 ans, DT1 ou DT2, enceintes d’un singleton, stratifiées en fonction du type de diabète et du traitement (injections sous-cutanées vs. pompe ambulatoire). Une randomisation 1:1 a été effectuée au hasard entre 8 semaines d’aménorrhée (SA) et 13 SA +6 jours entre AUR 100 UI/mL et insuline asparte 100 UI/mL. Tous les antidiabétiques oraux ont été suspendus chez les DT2. Les femmes ont été suivies jusqu’à 3 mois du post-partum. La dissimulation de l'attribution a été assurée par des enveloppes opaques et scellées, numérotées séquentiellement. Le critère de jugement principal était le z-score du poids de naissance (DS : déviation standard). Les critères de jugement secondaires comprenaient l’HbA1c, les complications materno-fœtales de la grossesse : fausse-couche, décès périnatal, pré-éclampsie, séjour en soins intensifs néonataux, hypoglycémies néonatales, ictère, détresse respiratoire, décès néonatal et anomalie congénitale.

Une étude multicentrique (2 hôpitaux universitaires danois), contrôlée, en grappes a été constituée. 170 enfants et adolescents présentant un DT1, âgés de 2 à 20 ans, ont été inclus lors de l’installation d’un nouveau dispositif cutané (pompe, capteur de glucose ou les 2). Le seul critère d'exclusion était les difficultés linguistiques pour répondre aux questions de l'enquête. Les directives comprenaient : i) insertion et retrait en douceur du dispositif, ii) absence de désinfection, iii) application quotidienne de crème lipidique Decubal© 70% sur tous les sites non occupés par les dispositifs. Les participants devaient contacter l’équipe de recherche clinique en cas d’effet indésirable cutané. Une évaluation trimestrielle était réalisée l’année suivant la mise en place du dispositif, comportant un examen clinique (mesure de la démangeaison, de la perte d’eau transdermique, de l’hydratation) et un entretien.

Entre le 1/11/2019 et le 10/05/2022, 109 participantes ont été incluses dans le groupe AUR et 109 dans le groupe asparte. Aucune participante n’a abandonné le traitement pendant l’essai. Le z-score correspondant au poids moyen de naissance était de 1,0 (DS 1,4) dans le groupe AUR vs. 1,2 (DS 1,3) dans le groupe asparte, soit une différence non significative estimée de -0,22 [-0,58 -0,14] ; p=0,23. À 33 SA, l’HbA1c moyenne était de 6,0% dans le groupe AUR vs. 6,1% dans le groupe asparte, soit une différence non significative estimée de -1,01 [-2,86-0,83] ; p=0,28. Les doses d'insuline étaient similaires entre les deux groupes. Les surveillances glycémiques (sept mesures quotidiennes pendant les sept jours précédant les réévaluations à 21 et 33 SA) ont montré une tendance similaire entre les 2 groupes. Cependant, le nombre d'hypoglycémies légères était plus faible dans le groupe AUR (OR -0,90 [IC95% -1,71 à -0,09], p=0,030). De la randomisation à l'accouchement, une participante du groupe AUR (<1%) et sept (7%) du groupe insuline asparte (dont une avec DT2) ont rapporté au moins une hypoglycémie sévère (OR 0,13 [IC95% 0,02 -1,11], p=0,062). Après l'accouchement, deux participantes du groupe AUR ont rapporté une hypoglycémie sévère vs. trois participantes du groupe insuline asparte. Trois de ces événements se sont produits pendant l'allaitement. Par ailleurs, il n’y avait aucune différence entre les différents groupes concernant les complications materno-fœtales de la grossesse.

Sur la base des effets prometteurs de l’AUR sur la réduction des excursions glycémiques postprandiales dans des populations non enceintes de femmes avec DT1 et DT2 [2], les auteurs ont émis l'hypothèse que le traitement par AUR entraînerait moins de croissance excessive fœtale, sans problème de sécurité supplémentaire, en comparaison à l’insuline asparte. Le poids du nourrisson à la naissance était plus faible dans cet essai, mais la différence n’était pas statistiquement significative, dans le groupe AUR en comparaison au groupe insuline asparte. Cependant, l'IC à 95 % allait de -0-58 à 0-14, se rapprochant ainsi de la réduction estimée attendue, à défaut en l’absence de littérature antérieure, de 0,60 DS du poids du nourrisson. Par ailleurs, l’absence de différence entre les HbA1c est interprétée par les auteurs comme un défaut de sensibilité de ce marqueur pour détecter la variabilité glycémique. L’étude des mesures CGM semblerait plus judicieuse, mais malheureusement non incluse dans le protocole car proposée uniquement aux DT1 ou DT2 avec insuline avant grossesse. Même si les résultats de l’étude sont rassurants, rappelons que les propriétés physiologiques de l’asparte, et donc de l’AUR, notamment en termes d’absorption au cours de la grossesse sont peu connues [3].

Les points forts de ce travail sont : sa conception randomisée, sa grande population d’étude, l’absence d’abandon de traitement par les patientes, un faible nombre de données manquantes. Le point faible principal est représenté par la difficulté d’analyse des surveillances glycémiques car elles n’étaient disponibles que dans 64% des cas. De plus, concernant les critères de jugement secondaires, aucun ajustement n’a été réalisé, augmentant le risque d’erreur de type I.

En conclusion, le traitement par AUR a entraîné une croissance fœtale et une HbA1c similaires, par rapport à l'insuline asparte, chez les femmes DT1/DT2 au cours de la grossesse. Ces résultats nous confortent dans l’idée que l’AUR peut être utilisée chez les femmes DT1/DT2 pendant la grossesse et après l'accouchement sans problème de sécurité supplémentaire. De futures études portant sur des cohortes plus importantes de femmes souffrant de diabète préexistant pendant la grossesse et après l'accouchement sont nécessaires pour fournir des preuves supplémentaires.

 

Références

[1] Ringholm L, Nørgaard SK, Rytter A, & al. Dietary advice to support glycaemic control and weight management in women with type 1 diabetes during pregnancy and breastfeeding. Nutrients 2022; 14: 4867.
 
[2] Heise T, Pieber TR, Danne T, & al. A pooled analysis of clinical pharmacology trials investigating the pharmacokinetic and pharmacodynamic characteristics of fastacting insulin aspart in adults with type 1 diabetes. Clin Pharmacokinet 2017; 56: 551–59.
 
[3] Murphy HR, Elleri D, Allen JM, et al. Pathophysiology of postprandial hyperglycaemia in women with type 1 diabetes during pregnancy. Diabetologia 2012; 55: 282–93.
 


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lundi 6 novembre 2023

Pléconaril et ribavirine dans la prise en charge du diabète de type 1 récemment diagnostiqué : essai randomisé de phase 2

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Octobre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Krogvold L & al., Pleconaril and ribavirin in new-onset type 1 diabetes: a phase 2 randomized trial. Nat Med. 2023 Oct 4. doi : 10.1038/s41591-023-02576-1

 

Le diabète de type 1 (DT1) se caractérise par une perte progressive de la fonction ß cellulaire pancréatique conduisant à la nécessité d’une insulinothérapie au long cours. La pathologie résulte d’une interaction complexe entre prédisposition génétique, système immunitaire et facteurs environnementaux [1]. Parmi les causes environnementales évoquées, les infections virales par entérovirus, fréquentes dans l’enfance et de présentation variable, ont fait l’objet d’une attention particulière. Plusieurs méta-analyses ont en effet retrouvé une association significative entre infection à entérovirus et apparition d’auto-anticorps (DT1 stade 1 et 2) ou diabète clinique (DT1 stade 3) [2,3]. Dans la Diabetes Virus Detection study (DiViD), collectant du tissu pancréatique chez 6 patients nouvellement diagnostiqués pour un DT1, une infection de bas grade par entérovirus ainsi que la présence même du virus au sein du tissu pancréatique étaient retrouvées chez les 6 patients [4]. S’il existe un lien entre infection à entérovirus et DT1, la question de savoir si cette infection initie la réponse auto-immune, participe à l’évolution de la maladie ou les 2 reste en suspens. Ainsi, l’éradication de cette infection de bas grade pourrait permettre d’améliorer la capacité sécrétoire insulinique du pancréas après la survenue des premiers symptômes et le diagnostic de DT1. Le pléconaril est un traitement antiviral ciblant les entérovirus, permettant de réduire la mortalité néonatale secondaire à ces infections. La ribavirine est une molécule présentant une activité antivirale à large spectre et pourrait contribuer à une immuno-modulation par stimulation de la réponse interféron gamma selon des données in vitro.

Ainsi, l’objectif de cet essai était d’étudier l’effet d’un traitement antiviral sur la production endogène d’insuline, reflétée par le C-peptide, chez des enfants et adolescents récemment diagnostiqués pour un DT1.

Dans cet essai clinique randomisé de phase 2, en aveugle, contre placebo (DiVid Intervention), mené en groupes parallèles sur 2 sites (Oslo et Copenhague), des enfants et adolescents âgés de 6 à 15 ans et récemment diagnostiqués pour un DT1 (stade 3) ont été randomisés soit dans le groupe Pleconaril/Ribavirine soit dans le groupe placebo (ratio 1 :1). L’essai comprenait une période de screening de 3 semaines, une période d’intervention de 26 semaines à laquelle a succédé une période de suivi de 26 semaines. Une extension de 2 ans du suivi est également en cours (non rapportée dans cette publication). Le diagnostic de DT1 et la première injection d’insuline devaient avoir été réalisés dans les 3 semaines précédant l’inclusion. Pléconaril et ribavirine étaient administrés à domicile par voie orale sous la forme de solutions buvables de manière séparée pendant 26 semaines à raison de 2 prises par jour. Les traitements placebo étaient administrés selon les mêmes modalités afin de maintenir le double aveugle. Le critère primaire de jugement était la production endogène d’insuline à 12 mois évaluée par le calcul de l’aire sous la courbe (ASC) du C-peptide après un repas test. Les critères secondaires étaient la persistance d’un C-peptide supérieur à 0,2 pmol/mL au cours du repas test, l’HbA1c, les doses d’insuline et les évènements hypoglycémiques. Des repas test étaient réalisés à chaque visite (0, 3, 6 et 12 mois) en milieu hospitalier le matin à jeun avec prise de sang à T0 puis à 15, 30, 60, 90 et 120 minutes après ingestion du repas test. La recherche d’entérovirus était réalisée par RT-PCR dans différents échantillons biologiques (sang, salive, aspiration nasopharyngée...).

Quatre-vingt-seize participants ont été inclus dans cet essai dont 47 (19 filles et 28 garçons) randomisés dans le groupe pléconaril/ribavirine et 49 (21 filles et 28 garçons) dans le groupe placebo. Les participants étaient en moyenne (écart-type) âgés de 11,1 (2,4) ans, avaient un indice de masse corporelle de 17,9 (2,7) kg/m2 et une HbA1c au diagnostic de 11,8 (4,3) % sans différence entre les 2 groupes. Une acido-cétose diabétique était survenue chez 12,5 % des participants au diagnostic. La présence d’entérovirus n’a été retrouvée chez aucun des participants. À 12 mois, l’ASC du C-peptide en réponse à un repas test était significativement supérieure dans le groupe pléconaril/ribavirine par rapport au groupe placebo (p=0,037). Pendant les 12 mois de suivi, la diminution de l’ASC du C-peptide en réponse à un repas test était de 11 % dans le groupe pléconaril/ribavirine contre 24 % dans le groupe placebo. Au début de l’étude, l’ensemble des participants présentaient un pic de C-peptide supérieur à 0,2 pmol/mL au cours du repas test. À 12 mois, 86 % et 67 % des participants du groupe pléconaril/ribavirine et du groupe placebo, respectivement, avait un taux de C-peptide supérieur à ce seuil soit une différence significative entre les groupes (p=0,04). L’HbA1c était significativement différente entre les 2 groupes à 3 et 6 mois (plus basse dans le groupe pléconaril/ribavirine) mais cette différence ne persistait pas à 12 mois. Aucune différence en termes de doses d’insuline (rapportée au poids) n’était retrouvée entre les 2 groupes. Deux hypoglycémies sévères sont survenues dans le groupe placebo, aucune dans le groupe pléconaril/ribavirine. Enfin, la survenue d’effets indésirables était rapportée chez 93,6% des participants du groupe pléconaril/ribavirine et 95,9% pour ceux du groupe pléconaril/ribavirine sans effets indésirables graves.

Ainsi, l’utilisation combinée du pléconaril et de la ribavirine pendant 6 mois chez des enfants et adolescents nouvellement diagnostiqués pour un DT1 permet de maintenir une meilleure production endogène d’insuline à 12 mois comparativement à un placebo. Les résultats de l’étude montrent également la sécurité d’emploi et la tolérance du traitement. L’amélioration de la sécrétion endogène d’insuline par le traitement antiviral pourrait avoir des implications cliniques en termes de contrôle métabolique, de limitation du risque hypoglycémique ou de la survenue de complications chroniques. On notera néanmoins l’absence de différence d’HbA1c entre les groupes à 12 mois. Certaines limites sont également à prendre en compte. L’essai ne permet pas de distinguer les effets propres de chacune des molécules. Le faible effectif et l’inclusion dans 2 centres représentent également des limites. Enfin, l’absence d’infection à entérovirus chez les participants de l’étude ne permet pas de corréler l’efficacité du traitement à la présence de l’infection.

Dans cette étude de phase 2, la combinaison de 2 traitements antiviraux, pléconaril et ribavirine, chez des enfants et adolescents nouvellement diagnostiqués pour un DT1 a conduit à un maintien de l’insulino-sécrétion résiduelle par rapport au placebo. Ces premiers résultats pourraient ouvrir des perspectives intéressantes pour de futures études évaluant l’efficacité d’un traitement antiviral dans la prévention et le traitement du DT1.

 

Références

[1] Atkinson, M.A. & al. Current Concepts on the Pathogenesis of Type 1 Diabetes--Considerations for Attempts to Prevent and Reverse the Disease. Diabetes Care 2015, 38, 979–988.
 
[2] Isaacs, S.R. & al. Enteroviruses and Risk of Islet Autoimmunity or Type 1 Diabetes: Systematic Review and Meta-Analysis of Controlled Observational Studies Detecting Viral Nucleic Acids and Proteins. Lancet Diabetes Endocrinol 2023, 11, 578–592.
 
[3] Faulkner, C.L. & al. The Virome in Early Life and Childhood and Development of Islet Autoimmunity and Type 1 Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis of Observational Studies. Rev Med Virol 2021, 31, 1–14.
 
[4] Krogvold, L. & al. Live Enteroviruses, but Not Other Viruses, Detected in Human Pancreas at the Onset of Type 1 Diabetes in the DiViD Study. Diabetologia 2022, 65, 2108–2120.
 


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mardi 10 octobre 2023

Variabilité glycémique et besoins en insuline au cours du cycle menstruel : étude qualitative sur les femmes vivant avec un diabète de type 1 utilisant un système automatisé en open source de délivrance de l’insuline

Auteur : 
Sopio Tatulashvili
Date Publication : 
Septembre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Mewes D, et al. Variability of Glycemic Outcomes and Insulin Requirements Throughout the Menstrual Cycle: A Qualitative Study on Women With Type 1 Diabetes Using an Open-Source Automated Insulin Delivery System. J Diabetes Sci Technol 2023; 17: 1304–1316. doi : 10.1177/19322968221080199

 

Le diabète est l'une des affections chroniques les plus courantes chez les femmes, avec une incidence mondiale croissante du diabète de type 1 (DT1) et du diabète de type 2 (DT2). Des avancées thérapeutiques et technologiques récentes, telles que les systèmes de mesure continue du glucose (CGM) et les systèmes d'infusion sous-cutanée continue d'insuline (CSII), ont facilité le développement de systèmes d'administration d'insuline automatisés (AID), aussi appelés "boucles fermées (hybrides)" ou "pancréas artificiels". Ces systèmes automatisent la délivrance de l'insuline en fonction des niveaux glycémiques et d'autres facteurs. Les études ont montré leur efficacité pour améliorer équilibre glycémique et qualité de vie. Avant l'existence des AID commerciaux, la communauté #WeAreNotWaiting a développé des algorithmes AID open source, permettant à des milliers de personnes atteintes de diabète, dont 44% sont des femmes, de les utiliser en toute sécurité.

Pour les femmes atteintes de DT1, la gestion du diabète est particulièrement difficile à différentes étapes de la vie. Les hormones sexuelles influencent la sensibilité à l'insuline, mais les études sont contradictoires. Certaines montrent une résistance à l'insuline accrue pendant la phase lutéale, tandis que d'autres ne trouvent pas de différence significative. Les recherches concernant l'influence des hormones sexuelles sur la variabilité glycémique chez les femmes sont limitées. Les premières observations suggérant une association entre  la variabilité glycémique et cycle menstruel ont été faites dès le début de l'histoire de l’insulinothérapie dans les années 1940, où des variations cycliques des concentrations de glucose sanguin ont été observées chez sept filles atteintes de DT1 avant leur ménarche [1]. La sensibilité à l'insuline par rapport au cycle menstruel a été étudiée pour la première fois par des études de clamp hyperglycémique hyperinsulinémique dans les années 1990 montrant une sensibilité à l'insuline réduite pendant la phase lutéale chez certaines participantes [2]. Une étude basée sur une population 124 femmes atteintes de DT1 a mis en évidence des modifications autodéclarées des niveaux glycémiques autour des menstruations chez 61% des participantes [3]. Des données sur plusieurs cycles menstruels complets ont été évaluées pour la première fois en 2004 par une étude pilote portant sur quatre femmes vivant avec un DT1 utilisant un CGM, où différentes tendances individuelles de de la variabilité glycémique ont été trouvées ; cependant, ces tendances étaient cohérentes sur plusieurs cycles pour la même personne [4]. Une étude observationnelle portant sur 12 femmes utilisant une CSII et un CGM combinés retrouvait une hyperglycémie plus fréquente autour de l'ovulation et au début de la phase lutéale par rapport au début de la phase folliculaire [5]. A contrario, une étude récente portant sur 20 femmes atteintes de DT1 utilisant un CGM a mis en évidence une glycémie moyenne et une variabilité glycémique plus élevées pendant la phase folliculaire par rapport à la phase lutéale [6].

Les AID, en particulier les systèmes open source, pourraient aider à étudier les besoins en insuline et les tendances glycémiques liées au cycle menstruel, contribuant ainsi à une meilleure compréhension dans ce domaine peu abordé jusque lors. La présente étude explore les expériences des utilisatrices de systèmes open source en relation avec leur cycle menstruel pour enrichir les preuves et améliorer ces systèmes. Le questionnaire et les interviews semi-structurées ont été créés pour recueillir des informations sur les participants utilisant des systèmes AID open source pour le DT1. Les critères d'inclusion exigeaient que les participants soient des femmes de plus de 18 ans vivant avec le DT1 et utilisant un système AID open source depuis au moins six mois. Le recrutement a été effectué via les réseaux sociaux, et les entretiens ont été menés en ligne en allemand ou en anglais. Les participantes ont été invitées à partager leurs expériences liées au diabète à différentes étapes de la vie et du cycle menstruel, ainsi que leurs stratégies pour faire face à ces défis.

Sur les 28 femmes qui ont exprimé leur intérêt pour participer, 12 participantes basées dans quatre pays différents ont été recrutées. Les participantes avaient entre 24 et 56 ans (médiane 39 ans) et une expérience médiane de l'utilisation d'un système AID open source (OpenAPS, Loop ou AndroidAPS) de 21 mois, allant de 12 à 48 mois. Trois participantes étaient ménopausées, 2 n’utilisaient pas de méthode contraceptive et 7 utilisaient différents types de contraception hormonale et non hormonale. Toutes les participantes ont exprimé une grande satisfaction à l'égard de l'AID open source comme option de traitement de leur choix.

Toutes les participantes ont signalé avoir éprouvé des variations des niveaux de glycémie et des besoins en insuline associées aux différentes phases de leur cycle menstruel, ce qui a nécessité des ajustements de leur traitement pour la plupart d'entre elles (n = 10). La phase folliculaire tardive, jusqu'au jour présumé de l'ovulation, était considérée comme la plus "stable" et la plus "facile à gérer" en ce qui concerne les niveaux de glucose sanguin. Les besoins en insuline au cours de cette phase étaient considérés comme "normaux" ou "moyens". Autour de l'ovulation (entre le jour 13 et le jour 21 du cycle), trois participantes ont signalé une augmentation soudaine de leurs besoins en insuline le jour de l'ovulation et un à deux jours suivants, tandis qu'une femme a expliqué avoir des besoins en insuline réduits. Pendant la phase lutéale, après l'ovulation, les besoins en insuline ont été signalés comme augmentant jusqu'à 35% jusqu'au cycle suivant. Les participantes ont adopté plusieurs stratégies d'ajustement thérapeutique différentes : deux des trois femmes ayant des besoins en insuline plus élevés pendant l'ovulation ont maintenu leurs paramètres plus agressifs jusqu'à la fin du cycle. Une participante a temporairement réduit son insuline à "normal" (100 %) après l'ovulation, puis a augmenté sa dose d'insuline à nouveau pour la dernière semaine du cycle. Une femme a signalé une légère diminution de ses besoins en insuline pour les derniers jours du cycle, tandis qu'une autre a expliqué être en mesure de maintenir ses paramètres à "par défaut" (100%) tout au long de l'ovulation et jusqu'au cycle suivant. Sur les cinq femmes qui n'ont pas régulièrement modifié leurs paramètres pendant l'ovulation, quatre ont signalé une augmentation constante de leurs besoins en insuline jusqu'au cycle suivant. Une femme a signalé être légèrement plus sensible à l'insuline pendant cette période et a donc réduit sa prise à 80 %. Au cours de la phase folliculaire, qui débute avec le début des règles et dure deux à trois jours, certaines femmes (n = 5) ont signalé une diminution soudaine de leurs besoins en insuline, les obligeant ainsi à réduire leur délivrance d'insuline de 10% à 30%. Cependant, d'autres femmes (n = 4) ont eu besoin d'augmenter leur dose de 10% à 20%. La transition vers la ménopause a été associée à une diminution globale des besoins en insuline. Enfin, le soutien et la sensibilisation à la santé des femmes et au diabète de la part des endocrinologues et des obstétriciens/gynécologues ont été perçus comme limités par toutes les participantes.

Dans l'ensemble, les preuves sur les effets du cycle menstruel sur la glycémie chez les femmes atteintes de diabète sont limitées, et les résultats sont contradictoires. Les variations des taux hormonaux au cours du cycle menstruel peuvent influencer la sensibilité à l'insuline et le métabolisme du glucose chez certaines femmes atteintes de diabète, mais il n'y a pas de tendance claire et uniforme qui s'applique à toutes les femmes. La gestion du diabète chez les femmes atteintes de DT1 pendant le cycle menstruel peut être complexe et exige des ajustements individuels du traitement.

 

Références

[1] Cramer HI. The Influence of Menstruation on Carbohydrate Tolerance in Diabetes Mellitus. Can Med Assoc J 1942;47:51–5.
 
[2] Widom B, Diamond MP, Simonson DC. Alterations in glucose metabolism during menstrual cycle in women with IDDM. Diabetes Care 1992;15:213–20.
 
[3] Lunt H, Brown LJ. Self-reported changes in capillary glucose and insulin requirements during the menstrual cycle. Diabet Med 1996;13:525–30.
 
[4] Goldner WS, Kraus VL, Sivitz WI, Hunter SK, Dillon JS. Cyclic changes in glycemia assessed by continuous glucose monitoring system during multiple complete menstrual cycles in women with type 1 diabetes. Diabetes Technol Ther 2004;6:473–80.
 
[5] Brown SA, Jiang B, McElwee-Malloy M, Wakeman C, Breton MD. Fluctuations of Hyperglycemia and Insulin Sensitivity Are Linked to Menstrual Cycle Phases in Women With T1D. J Diabetes Sci Technol 2015;9:1192–9.
 
[6] Momeni Z, Yardley J. Early Follicular Phase of the Menstrual Cycle May Be Associated With More Post-Exercise Hyperglycemia in Female Participants With Type 1 Diabetes. Canadian Journal of Diabetes 2021;45:S16.
 


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jeudi 6 juillet 2023

Essai croisé randomisé comparant comptage des glucides versus estimation qualitative simplifiée de la taille des repas chez le patient diabétique de type 1 en boucle fermée

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Juin 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Haidar A & al., A Randomized Crossover Trial to Compare Automated Insulin Delivery (the Artificial Pancreas) With Carbohydrate Counting or Simplified Qualitative Meal-Size Estimation in Type 1 Diabetes. Diabetes Care. 2023 46(7):1–7. doi : 10.2337/dc22-2297

 

Les systèmes automatisés de délivrance de l’insuline ou système de boucle fermée (BF) représentent aujourd’hui un tournant technologique dans la prise en charge des patients diabétiques de type 1 (DT1). Basés sur un algorithme mathématique intégrant les données de mesure continue du glucose (MCG) d’un capteur pour titrer la délivrance d’insuline via une pompe à insuline externe, la BF améliore le contrôle glycémique par rapport à un traitement par pompe externe couplée ou non à un système de MCG [1,2]. Néanmoins, si l’on utilise en pratique courant le terme de BF, les algorithmes actuels requièrent encore l’action du patient au moment des repas par l’annonce préalable du contenu en glucides du repas à venir. Les patients doivent donc avoir été formés à la pratique de l’insulinothérapie fonctionnelle (ITF), prérequis à toute mise en place de BF. Pour autant, le calcul des glucides n’est pas si aisé, conduisant à une estimation erronée de l’ordre de 20% [3,4]. Il représente également une charge mentale pour les patients et peut conduire certains d’entre eux à privilégier la consommation de produits industriels dont la composition est disponible sur l’emballage [5]. Ainsi, proposer une stratégie alternative basée sur la simple annonce des repas ou une évaluation qualitative plutôt que quantitative pourrait s’avérer intéressant. Des systèmes de BF utilisant de telles stratégies ont déjà été évalués [6,7]. Pour autant, à ce jour, aucune étude n’a comparé ces stratégies alternatives par rapport à la méthode de référence du comptage des glucides en BF.

Ainsi, l’objectif de cette étude était de comparer de manière croisée comptage des glucides de manière conventionnelle et estimation qualitative des glucides dans le cadre d’un traitement par BF pendant 3 semaines chez des patients vivant avec un DT1.

Pour ce faire, les auteurs ont mené un essai bicentrique, randomisé, croisé, de non-infériorité, de 3 semaines en BF pour chacun des bras, en utilisant soit un comptage des glucides soit une estimation qualitative de la taille des repas chez des adultes présentant un DT1. Concernant l’évaluation qualitative, quatre catégories ont été définies comme suit : contenu en glucides faible, moyen, élevé ou très élevé correspondant à <30 g, 30-60 g, 60-90 g et >90 g de glucides, respectivement. Les doses prandiales en insuline ont alors été calculées selon le ration insuline/glucides de chaque patient multiplié par respectivement 15, 35, 65 et 95, selon la catégorie. Les algorithmes de BF étaient identiques dans les deux bras. Le critère de jugement principal était le temps compris entre 3,9 et 10,0 mmol/L soit 70-180 mg/dL (Time in Range [TIR]), avec une marge de non-infériorité prédéfinie de 4 %. Les objectifs secondaires incluaient le temps passé en-dessous et au-dessus de la cible, la glycémie à jeun à 6h00 et la variabilité glycémique.

Au total, 30 participants ont complété les 2 interventions et ont été inclus dans l’analyse. Parmi ces 30 participants, 20 étaient des femmes, l’âge moyen (± écart-type) était de 44 (±17) ans, l’indice de masse corporelle moyen était de 28 (±6) kg/m2, l’HbA1c moyenne était de 7,4% (±0,7) avec une durée de diabète de 28 (±14) années et une dose totale d’insuline quotidienne de 0,67 (±0,22) UI/kg. Concernant le critère primaire de jugement, le temps passé dans la cible (TIR) soit entre 3,9 et 10,0 mmol/L (70-180 mg/dL) était de 74,1% (±10,0%) avec le compte des glucides et 70,5% (±11,2%) avec l’évaluation qualitative de la taille des repas. La différence entre les 2 stratégies était de -3,6% (±8,3%, p=0,0018) avec une non-infériorité n’atteignant pas la significativité (p non-infériorité = 0,78). Onze participants (37%) présentaient une différence de TIR <4% entre les 2 stratégies, 15 participants (50%) présentaient un TIR plus élevée (> 4%) avec le comptage des glucides alors que seuls 4 participants (13%) présentaient un meilleur TIR (> 4%) avec l’évaluation qualitative. La fréquence des hypoglycémies étaient faibles dans les 2 bras avec un temps passé <3,9 mmol/L (70mg/dL) de 1,4% [0,6-2,9] vs. 1,6% [0,6-2,8] et un temps passé <3,0 mmol/L (54 mg/dL) de 0,2% [0,0-0,7] vs 0,1% [0,0-0,5], respectivement pour le comptage des glucides vs l’évaluation qualitative. La quantité d’insuline délivrée en période prandiale était similaire entre les 2 bras (en moyenne, 21UI/jour). En revanche, la dose d’insuline basale délivrée par le système était significativement supérieure dans le bras « évaluation qualitative ».

Cette étude visait à comparer, dans un essai croisé randomisé, deux stratégies d’évaluation des glucides (comptage des glucides vs. évaluation qualitative de la taille des repas) dans le cadre de la BF chez des patients DT1. Si l'estimation qualitative de la taille des repas a conduit à un TIR élevé et une faible occurrence des hypoglycémies, le TIR était néanmoins moindre de 3,6% par rapport à la stratégie de comptage des glucides et la non-infériorité (avec une marge prédéfinie de 4%) n'a pas été confirmée. Néanmoins, on notera que la moitié des participants ont eu un TIR meilleur ou non inférieur (différence <4 %) avec l'estimation qualitative de la taille des repas, suggérant que cette stratégie pourrait être appropriée pour certains patients. L’utilisation d’une catégorisation des repas identiques entre les participants tout comme une catégorisation similaire entre les repas pourraient avoir limité les observations. Une meilleure individualisation de l’évaluation qualitative pourrait permettre d’obtenir de meilleurs résultats. De même, dans l’évaluation qualitative, seule la quantité de glucides a été considérée. Ainsi, la prise en compte des autres nutriments (protéines et lipides) pourrait également être une perspective d’amélioration pour cette stratégie.

Cette étude montre que la stratégie d’évaluation qualitative de la taille des repas en termes de contenu en glucides permet d’obtenir des résultats glycémiques satisfaisants dans le cadre d’un traitement par BF comparativement à la technique de référence de comptage des glucides. Si cette dernière semble néanmoins supérieure, certains patients, pour lesquels l’acquisition et/ou la pratique de l’ITF sont difficiles, pourraient bénéficier de cette stratégie alternative. Des études complémentaires sont nécessaires afin de valider ces résultats et d’apporter des améliorations à cette stratégie.

 

Références

[1] Thabit, H. & al. Home Use of an Artificial Beta Cell in Type 1 Diabetes. N Engl J Med 2015, 373, 2129–2140.
 
[2] Brown, S.A. & al. Six-Month Randomized, Multicenter Trial of Closed-Loop Control in Type 1 Diabetes. N Engl J Med 2019, 381, 1707–1717.
 
[3] Mehta, S.N. & al. Impact of Carbohydrate Counting on Glycemic Control in Children with Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2009, 32, 1014–1016.
 
[4] Brazeau, A.S. & al. Carbohydrate Counting Accuracy and Blood Glucose Variability in Adults with Type 1 Diabetes. Diabetes Res Clin Pract 2013, 99, 19–23.
 
[5] Mehta, S.N. & al. Emphasis on Carbohydrates May Negatively Influence Dietary Patterns in Youth with Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2009, 32, 2174–2176.
 
[6] Weinzimer, S.A. & al. Fully Automated Closed-Loop Insulin Delivery versus Semiautomated Hybrid Control in Pediatric Patients with Type 1 Diabetes Using an Artificial Pancreas. Diabetes Care 2008, 31, 934–939.
 
[7] Russell, W.R. & al. Impact of Diet Composition on Blood Glucose Regulation. Critical Reviews in Food Science and Nutrition 2016, 56, 541–590.
 


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mardi 6 juin 2023

Prévalence et description au sein d’une population adulte des réactions cutanées associées aux dispositifs adhésifs des nouvelles technologies du diabète : Résultats de l’étude CUTADIAB

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Mai 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Forlenza GP, et al. Effect of Verapamil on Pancreatic Beta Cell Function in Newly Diagnosed Pediatric Type 1 Diabetes: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 28 mars 2023;329(12):990-90. doi : 10.1089/dia.2022.0513

 

De nos jours, les pompes à diffusion sous-cutanée d’insuline (CSII) sont le gold standard pour obtenir un équilibre métabolique satisfaisant chez les sujets vivant avec un diabète de type 1 (DT1). Leur utilisation concomitante de dispositifs de mesure continue du glucose (CGM) permet d’affiner les prises en charge par l’adaptation des doses d’insulines et de fait, de réduire les niveaux d’HbA1c. Cependant, l’utilisation des CGM ainsi que des CSII peut conduire à diverses réactions cutanées : érythème, desquamation, prurit, douleur ou encore infection. Actuellement, il n’existe aucune description séméiologique précise et aucune prévalence évaluée en large population concernant ces réactions. Également, le taux d’arrêt des dispositifs secondaires à ces réactions n’était pas connu. L’objectif des auteurs était ainsi de répondre à ces interrogations au travers d’une étude longitudinale, multicentrique, rétrospective réalisée dans une large population (CUTADIAB- NCT04853810).

Il s’agit d’une étude transversale, multicentrique, incluant tous les patients diabétiques adultes, reçus en consultation sur une période de 7 mois (Mai à Juin 2021) au sein de 4 hôpitaux de l’APHP (Assistance Publique des Hôpitaux de Paris, France), qui bénéficient et/ou ont bénéficié de l’un de ces systèmes dans les dix dernières années.  Après inclusion, les patients ont rempli un questionnaire à 50 items concernant les informations démographiques, les caractéristiques du diabète, l'utilisation des dispositifs CSII filaires ou de type patch et CGM, les antécédents de manifestations atopiques (asthme, eczéma et allergies alimentaires), ainsi que la description et les conséquences des potentielles réactions cutanées. Le critère d'évaluation principal était la prévalence des réactions cutanées, calculée par le rapport entre le nombre de patients présentant une réaction cutanée et le nombre total de patients inclus dans l'étude pour chaque catégorie indépendamment. Les critères d'évaluation secondaires étaient la description sémiologique de ces réactions cutanées, leurs caractéristiques cliniques et les conséquences sur l’utilisation des dispositifs, c'est-à-dire les stratégies d'évitement, le changement de dispositifs et, éventuellement, l'arrêt définitif.

Au total, 851 patients ont été inclus : 833 avec un CGM et 374 avec une CSII. Les réactions cutanées ont été rapportées dans 28% des cas avec les CGM et dans 29% des cas avec les CSII. Les réactions étaient rapportées plus fréquemment par les femmes, en cas de diabète de type 1 que de diabète de type 2 (uniquement par les CGM), et lors d’antécédents d’eczéma (association indépendante en analyse multivariée – p< 0.05). Les réactions, qui ne différaient pas entre les 2 systèmes, étaient représentées dans environ 75 % des cas par un érythème, 69% pour un prurit, 20-25 % des cas par une douleur, et dans 12-15 % des cas par une desquamation. Une lésion permanente (tache sombre, cicatrice ou macule hypochrome) est apparue chez 4,8 % des patients ayant eu des réactions cutanées au CGM et chez 0,9 % des patients ayant eu des réactions au CSII. Parmi les 364 patients utilisant à la fois le CGM et le CSII, les patients ayant une réaction au CGM étaient plus susceptibles d'avoir une réaction au CSII que les patients n'ayant pas de réaction au CGM (risque relatif [RR] = 2,4 ; IC à 95 % 1,8-3,3). De la même manière, les patients ayant des réactions au CSII avaient plus de réactions au CGM (RR 2,5, IC à 95 % 1,8-3,4).

Dans 22 à 24% des cas, les réactions surviennent dans les 1ères 24 heures d’utilisation mais dans 38 % à 47% des cas, elles ne sont apparues que 6 mois ou plus après initiation. L'utilisation du CGM et du CSII est restée inchangée chez 82 % et 80 % des patients présentant des réactions cutanées, respectivement. Parmi les 231 patients présentant des réactions cutanées au CGM, 39 personnes ont changé l'emplacement de l'appareil, ce qui a suffi à diminuer les manifestations pour 14 d'entre eux. Cinquante-sept patients ont utilisé une interface entre leur peau et le dispositif (25%). Parmi les 180 patients ayant présenté des réactions cutanées au CSII, 26 ont changé d'emplacement, avec une diminution des manifestations pour 14 d'entre eux, et 34 ont utilisé une interface (31%). Le système a été stoppé dans 12% des cas s’il s’agissait d’un CGM (3.2% de l’ensemble des utilisateurs de CGM) et dans 7% des cas s’il s’agissait d’une CSII (2.1% des utilisateurs de CSII). Dans les autres cas, les utilisateurs ont diminué leur fréquence d’utilisation du système ou changé de système. L'arrêt de l'utilisation de l'appareil ne différait pas selon le moment de l'apparition de la première manifestation.

Les auteurs rapportent donc au travers de cette grande cohorte multicentrique, une prévalence élevée d’environ 25 % de réactions cutanées associées au CSII ou au CGM, similaires entre les 2 dispositifs, et représentées principalement par la rougeur et le prurit. Ces données sont d’intérêt car la fréquence des réactions cutanées augmente à mesure que la prescription de ces dispositifs évolue, notamment avec l’avènement de la boucle semi-fermée. Peu de données sont disponibles dans la littérature mais une étude pédiatrique récente avait fait état d’une prévalence encore plus élevée de 43% mais celle-ci portait seulement sur 54 patients [1].

Cependant, le taux d'interruption du dispositif reste faible (environ 2 à 3 %). Effectivement, au sein du groupe présentant des réactions cutanées, le taux d'abandon était de 12 % pour le CGM et de 7 % pour le CSII, suggérant que le risque d'abandon, en particulier du CGM, est élevé (plus d'une 1/10 présentant des réactions cutanées cessera d'utiliser le CGM ou réduira son utilisation du CGM). Or, la physiopathologie exacte de ces réactions n’est pas connue. Pourtant, les réactions semblent être plus irritatives qu’allergiques car la réaction ne dépasse pas la zone d’adhésion cutanée et ne réapparait pas à chaque utilisation. Par ailleurs, la prévalence de ces réactions causée par l'acrylate d'isobornyle (IBOA, l'une des principales molécules allergiques des adhésifs) était de 3,8 % dans une étude précédente, proche du taux d'abandon de notre étude [2]. Il est intéressant de noter que la seule caractéristique associée à l'arrêt du traitement dans cette étude était la durée de la manifestation pour le CGM, la probabilité d'arrêt augmentant avec la durée de la manifestation.

Une limite dans la compréhension de ces phénomènes concerne la composition de la colle, qui reste non connue car protégée par le secret industriel. Seules des analyses ciblées avec des tests cutanés, incluant des molécules sélectionnées, peuvent être réalisées. En par- ticulier, l'IBOA a été identifié comme un allergène principal pour le FreeStyle Libre (non détecté dans les FSL2), mais également présent dans la pompe patch Omnipod et dans le capteur Enlite de Medtronic, à la fois dans le boîtier du capteur lui-même et dans le patch cutané. En revanche, l'IBOA n'a pas encore été détecté dans le patch ou le capteur des DexCom G5 et G6. Certains rapportent que le colophonium est l'allergène sensibilisant le plus fréquemment isolé (41,1 % des cas) [3]. Sa présence dans l'adhésif des kits d'insuline et des capteurs de glucose a été confirmée par les fabricants de plusieurs dispositifs, en particulier dans Enlite en combinaison avec la pompe Medtronic. A contrario, il n'est pas inclus dans FreeStyle Libre et DexCom. Il est donc essentiel que les fabricants assurent une transparence maximale en ce qui concerne la composition du patch et de l'adhésif et qu'ils communiquent les changements de composants.

Outre cette limite, l’étude CUTADIAB présente d’autres points faibles comme l’utilisation d’auto-questionnaires sans expertise dermatologique, et un caractère rétrospectif avec un possible biais de mémorisation des patients.

En conclusion, cet article met en lumière l’aspect finalement très commun de ces réactions cutanées mais précise également la similarité séméiologique de celles-ci entre les CGM et les CSII. Une augmentation de la transparence concernant la composition de ces dispositifs mais également une prise en compte plus importante de ces réactions par les fabricants est nécessaire. Cependant, ces manifestations cutanées ne se soldent que rarement par un arrêt définitif du système, ce qui est rassurant au vu de l’avènement des systèmes de boucles fermées.

 

Références

[1] Binder E, Lange O, Edlinger M, et al. Frequency of dermatological side effects of continuous subcutaneous insulin infusion in children and adolescents with type 1 diabetes. Exp Clin Endocrinol Diabetes 2015;123(4):260–264.
 
[2] Pyl J, Dendooven E, Van Eekelen I, et al. Prevalence and prevention of contact dermatitis caused by FreeStyle Libre: A monocentric experience. Diabetes Care 2020;43(4):918– 920.
 
[3] Lombardo F, Passanisi S, Caminiti L, et al. High prevalence of skin reactions among pediatric patients with type 1 diabetes using new technologies: The alarming role of co- lophonium. Diabetes Technol Ther 2020;22(1):53–56.
 


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jeudi 4 mai 2023

Effet du vérapamil sur le fonctionnement des cellules bêta pancréatiques des enfants vivant avec un diabète de type 1 nouvellement diagnostiqué

Auteur : 
Sopio Tatulashvili
Date Publication : 
Avril 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Forlenza GP, et al. Effect of Verapamil on Pancreatic Beta Cell Function in Newly Diagnosed Pediatric Type 1 Diabetes: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 28 mars 2023;329(12):990-90.

 

La surexpression de la protéine TRXIP (protéine d’interaction avec la thiorédoxine) chez les souris induit l’apoptose des cellules bêta et est impliquée dans la mort de ces dernières via un mécanisme de glucotoxicité [1]. Le vérapamil, inhibiteur calcique, diminue l’expression de TRXIP et l’apoptose des cellules bêta du pancréas [2,3] et pourrait être bénéfique pour la préservation de ces dernières après le diagnostic d’un diabète de type 1 (DT1).

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité et la sécurité du vérapamil concernant la préservation des cellules bêta fonctionnelles à 12 mois du diagnostic de DT1 chez les enfants et adolescents âgés de 7 à 17 ans.

Cette étude contrôlée, multicentrique (six centres), randomisée, en double aveugle a été conduite de juillet 2020 à septembre 2022 aux États-Unis. Les critères d’inclusion étaient : DT1 diagnostiqué depuis moins de 31 jours au moment de la randomisation, présence d’au moins un anticorps positif, poids minimal de 30kg, absence de contre-indication au vérapamil. Les participants étaient randomisés en deux groupes : groupe vérapamil (n=47) et groupe placebo (n=41). Le vérapamil était introduit avec des doses progressivement croissantes, adaptées au poids, en une prise journalière. Le critère principal était l’aire sous la courbe (AUC) de peptide C stimulé par un repas (représentant la fonction des cellules bêta du pancréas) à 52 semaines du diagnostic de DT1.

L'âge moyen des 88 participants était de 12,7 (Déviation Standard [DS] 2,4 ans) ans, 47% étaient de sexe féminin, le temps moyen entre le diagnostic du diabète et la randomisation était de 24 (DS + 4 jours) jours. Dans le groupe Vérapamil, l’AUC moyen était de 0,66pmol/mL à l’inclusion et de 0,65 pmol/mL à 52 semaines, comparée à 0,60pmol/mL à l’inclusion et 0,44pmol/mL à 52 semaines pour le groupe placebo. La différence ajustée entre les groupes était de 0,14 pmol/mL [IC95%, 0,01 – 0,27 pmol/mL], p = 0,04, signifiant que la concentration sanguine de peptide C est plus élevée de 30% dans le groupe vérapamil à 52 semaines comparé au groupe placebo. L’HbA1c était de 6,6% dans le groupe Vérapamil comparée à 6,9% dans le groupe placebo à 52 semaines. La différence ajustée entre les groupes était de −0.3% [IC95%, −1,0% - 0,4%]. Un cas d’hypoglycémie sévère est survenu dans chaque groupe. Un cas d’acidocétose est survenu dans le groupe placebo. Au total, 8 participants (17%) du groupe vérapamil et 8 participants (20%) du groupe placebo ont présenté des effets indésirables non significatifs attribués au traitement.

Des résultats similaires ont été démontrés dans une étude de Ovalle et al. chez les adultes. Dans le groupe vérapamil la concentration plasmatique de peptide C était plus élevée à la fin de l’étude avec la différence ajustée entre les groupes (vérapamil n=11 vs. placebo n=14) de l’AUC de peptide C de 35% à 12 mois de traitement [4]. D’autres études de plus longue durée et sur un plus grand nombre de participants sont nécessaire afin de s’assurer de la sécurité et de l’efficacité à long terme du vérapamil dans cette situation.

Pour conclure, le vérapamil a permis de préserver partiellement la sécrétion de peptide C dans une population pédiatrique atteinte de DT1 nouvellement diagnostiqué. Ces résultats, s’ils sont confirmés, ouvrent de nouvelles perspectives dans la prise en charge des DT1 nouvellement diagnostiqués.

 

Références

[1] Chen J, Saxena G, Mungrue IN, Lusis AJ, Shalev A. Thioredoxin-interacting protein: a critical link between glucose toxicity and beta-cell apoptosis. Diabetes. 2008 Apr;57(4):938–44.
 
[2] Xu G, Chen J, Jing G, Shalev A. Preventing β-cell loss and diabetes with calcium channel blockers. Diabetes. 2012 Apr;61(4):848–56.
 
[3] Borowiec AM, Właszczuk A, Olakowska E, Lewin-Kowalik J. TXNIP inhibition in the treatment of diabetes. Verapamil as a novel therapeutic modality in diabetic patients. Med Pharm Rep. 2022 Jul;95(3):243–50.
 
[4] Ovalle F, Grimes T, Xu G, Patel AJ, Grayson TB, Thielen LA, et al. Verapamil and beta cell function in adults with recent-onset type 1 diabetes. Nat Med. 2018 Aug;24(8):1108–12.
 


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jeudi 6 avril 2023

Résultats de l’exposition in utero à la metformine chez les enfants nés de femmes diabétiques de type 2 (MiTy Kids) : suivi à 24 mois de l’essai contrôlé randomisé MiTy

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Mars 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Feig DS. & al., Outcomes in children of women with type 2 diabetes exposed to metformin versus placebo during pregnancy (MiTy Kids): a 24-month follow-up of the MiTy randomized controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol. 2023 Mars. doi : 10.1016/S2213-8587(23)00004-9

 

Les recommandations actuelles ne positionnent pas la metformine comme une option thérapeutique de première intention chez les femmes enceintes diabétiques de type 2 (DT2) [1]. Si l’innocuité pendant la grossesse semble avoir été démontrée tant chez la mère que chez l’enfant en termes de prise pondérale, de survenue d’une hypertension gravidique, de macrosomie ou encore d’hypoglycémies néonatales [2], les effets à long terme chez l’enfant font l’objet de données contradictoires dans la littérature. De par son passage transplacentaire et son action via l’AMP kinase, il a été évoqué des effets délétères à long terme chez les enfants exposés in utero conduisant à une augmentation du risque d’obésité et de syndrome métabolique [3]. Ces hypothèses se sont d’ailleurs vérifiées dans des populations de femmes présentant un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou un diabète gestationnel (DG) [4–6]. Pour autant, aucune étude ne s’est intéressée aux populations de femmes enceintes DT2 alors que la prise en charge d’un DT2 pendant la grossesse est une situation de plus en plus fréquente, exposant à une augmentation de la morbi-mortalité périnatale. C’est dans ce contexte que la présente étude « MiTy Kids » a été réalisée.

Ainsi, l’objectif de l’étude « MiTy Kids » était de déterminer les effets sur l’adiposité de l’exposition in utero à la metformine parmi une cohorte d’enfants suivis jusqu’à l’âge de 2 ans, nés de femmes DT2 traitées par metformine ou placebo pendant la grossesse.

« MiTy Kids » est une étude longitudinale de suivi des enfants nés de femmes ayant participé à l’essai « MiTy ». En résumé, cet essai contrôlé, randomisé, en double aveugle et multicentrique, incluaient 502 femmes enceintes DT2 traitées par insuline. Après randomisation, un traitement par Metformine (1000 mg par voie orale deux fois par jour) ou placebo était ajouté en sus de l’insuline. À l’issue de la grossesse, les femmes ayant participé à l’essai « MiTy » pouvaient accepter d’inclure leurs enfants dans l’étude « MiTy Kids ». Parmi les enfants inclus dans « MiTy Kids », les données anthropométriques (taille, poids, indice de masse corporelle [IMC], mesure des plis cutanés) ont été recueillies à 3 et 6 mois puis tous les 6 mois jusqu’à l’âge de 24 mois. Le critère de jugement principal comportait 2 mesures d’adiposité à 24 mois : l’IMC, exprimé en Z-score, et la mesure des plis cutanés (moyenne de la somme des mesures). La somme des plis cutanés était calculée en ajoutant les mesures des plis tricipital, bicipital, sous-scapulaire et supra-iliaque. Certains marqueurs métaboliques comme la glycémie, l’insulinémie, le profil lipidique, la leptine ou encore l’adiponectine ont été dosés chez 14 enfants du groupe metformine et 17 du groupe placebo. Une comparaison par test de Student a été effectuée entre les groupes puis une régression linéaire a été appliquée avec ajustement sur différents facteurs de confusion.

Parmi les 465 enfants éligibles à « MiTy Kids », 283 (61%) ont participé à l’étude dont 135 nés de mères traitées par Metformine. À 24 mois, aucune différence significative d’adiposité n’était retrouvée tant en termes d’IMC (différence moyenne de Z-score entre les 2 groupes : 0,07 [IC95% -0,31 à 0,45], p=0,72) que de somme des plis cutanés (différence moyenne entre les 2 groupes : 0,8 mm [IC95% -0,7 à 2,3], p=0,31). La dynamique de progression de l’IMC était globalement similaire entre les groupes. Néanmoins, une augmentation plus rapide de l’IMC entre 6 et 12 mois a été observée chez les enfants de sexe masculin dans le groupe metformine par rapport au groupe placebo. Pour autant, les courbes d’IMC se rejoignaient à 24 mois. Après régression linéaire, la metformine n’était pas un facteur prédictif de l’IMC à 24 mois contrairement à l’IMC pré-gestationnel, à un bas niveau socio-économique ou à un moindre temps de sommeil chez la mère. Réalisés sur une faible partie de la cohorte, les dosages des paramètres métaboliques ne retrouvaient, entre les 2 groupes, qu’une différence pour la glycémie à jeun, plus élevée dans le groupe metformine par rapport au groupe placebo (respectivement, 85,5±13,1 mg/dL vs 74,6±7,6 mg/dL, p=0,009). Enfin, le poids des enfants nés de mère DT2 dans cette cohorte était plus important de 1 déviation standard par rapport à la population de référence (courbes de référence de l’OMS).

Ainsi, aucune différence n’est retrouvée à l’âge de 2 ans entre les enfants du groupe metformine et ceux du groupe placebo sur les données anthropométriques étudiées. En outre, cette étude est la première à évaluer les effets à long terme de l’exposition in utero à la metformine chez des enfants nés de mères DT2. Ces résultats sont en contradiction avec d’autres études précédentes menées dans des populations de femmes avec SOPK ou DG. En effet, dans l’essai contrôlé randomisé PedMet, les enfants exposés à la metformine in utero nés de mères présentant un SOPK avaient un IMC plus élevé à 4 ans et entre 5 et 11 ans par rapport aux contrôles [4]. De même, dans l’étude MiGTOFU (Metformine in Gestational Diabetes : The Offspring Follow-Up), les enfants nés de mères traitées par metformine présentaient un IMC et un rapport tour de taille/tour de hanche plus élevés par rapport aux enfants nés de mères traitées par insuline à l’âge de 9 ans alors qu’il n’y avait pas de différence à 7 ans [5]. De même, chez les nouveau-nés dont les mères ont été traitées par metformine pendant la grossesse, une méta-analyse retrouve un plus petit poids à la naissance ainsi qu’une accélération de la courbe pondérale se traduisant par un IMC plus élevé pendant l’enfance comparativement aux enfants nés de mères traitées par insuline [6]. Ainsi, les résultats de la présente étude pourraient être la conséquence d’effets différents de la metformine sur les paramètres anthropométriques selon la population de mères exposées (SOPK, DG ou DT2) ou être liés à une observation à 2 ans, encore trop précoce pour mettre en évidence des différences et nécessitant un suivi à un âge plus tardif.

Cette étude apporte donc des résultats rassurants quant à l’exposition in utero à la metformine en termes d’effets à long terme chez des enfants nés de mères DT2. Néanmoins, des travaux complémentaires sont nécessaires d’une part, pour déterminer la persistance de ces observations au-delà de l’âge de 2 ans et d’autre part, pour valider ces observations dans d’autres cohortes.

 

Références

[1] ElSayed, N.A. & al. 15. Management of Diabetes in Pregnancy: Standards of Care in Diabetes-2023. Diabetes Care 2023, 46, S254–S266.
 
[2] Farrar, D. & al. Treatments for Gestational Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis. BMJ Open 2017, 7, e015557.
 
[3] Nguyen, L. & al. Metformin from Mother to Unborn Child - Are There Unwarranted Effects? EBioMedicine 2018, 35, 394–404.
 
[4] Hanem, L.G.E. & al. Intrauterine Metformin Exposure and Offspring Cardiometabolic Risk Factors (PedMet Study): A 5-10 Year Follow-up of the PregMet Randomised Controlled Trial. Lancet Child Adolesc Health 2019, 3, 166–174.
 
[5] Rowan, J.A. & al. Metformin in Gestational Diabetes: The Offspring Follow-up (MiG TOFU): Body Composition and Metabolic Outcomes at 7-9 Years of Age. BMJ Open Diabetes Res Care 2018, 6, e000456.
 
[6] Tarry-Adkins, J.L & al. Neonatal, Infant, and Childhood Growth Following Metformin versus Insulin Treatment for Gestational Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis. PLoS Med 2019, 16, e1002848.
 


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mercredi 1 mars 2023

Marqueurs de variabilité de l’HbA1c comme facteurs prédictifs du score calcique coronaire et des événements cardiovasculaires dans le diabète de type 1 : résultats de l’étude CACTI

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Février 2023
 
Article du mois en accès libre
 
William B. Horton and Janet K. Snell-Bergeon, Hemoglobin A1c Variability Metrics Predict Coronary Artery Calcium and Cardiovascular Events in Type 1 Diabetes: The CACTI Study. J Clin Endocrinol Metab. 2023 Jan 13;dgad019. doi : 10.1210/clinem/dgad019

 

Les données épidémiologiques montrent que les personnes atteintes de diabète de type 1 (DT1) présentent leur premier événement cardiovasculaire (CV) en moyenne 10 ans plus tôt que la population générale et ont une espérance de vie plus courte de 11 à 13 ans [1]. Cet excès de mortalité CV est notamment dû à une athérosclérose précoce, qui peut être objectivée par une mesure du score calcique coronaire (CAC-score). Malgré une réduction des complications micro- et macro-vasculaires constatée lors des interventions menées pour diminuer l’hémoglobine glyquée (HbA1c), il persiste une différence concernant le risque CV entre les patients DT1 et la population générale [2]. Cette inégalité suggère donc que des facteurs indépendants de la normalisation de l’HbA1c entrent en jeu dans la survenue des maladies CV chez le DT1. La variabilité de l’HbA1c, facteur de risque de complications micro-vasculaires, n’a été envisagé comme facteur de risque de maladie CV chez le DT1 que dans la Finnish Diabetic Nephropathy Study [3]. Devant l’absence d’étude s’intéressant à ce paramètre dans la survenue d’événements CV chez le DT1, les auteurs ont analysé les données de l’étude CACTI (« Coronary Artery Calcification in Type 1 Diabetes ») pour déterminer si la variabilité de l’HbA1c était un facteur prédictif du CAC-score, du volume du tissu adipeux péricardique (TAP) et/ou des événements CV chez les patients DT1.

Les participants à l’étude CACTI avaient entre 19 et 56 ans dont 652 DT1 et 764 contrôles appariés sur l’âge et le sexe. Les participants étaient tous asymptomatiques sur le plan CV et en prévention primaire. Tous les DT1 étaient diagnostiqués depuis au moins 4 ans. Les informations sur les paramètres CV, les maladies CV et le CAC-score ont été recueillies de façon prospective. Chaque participant a bénéficié d’un examen initial et de visites de suivi à 3, 6 et 12 ans. A chaque visite étaient effectués un scanner pour mesurer le CAC-score et le TAP, un examen clinique et biologique des facteurs de risque cardiovasculaire et un questionnaire médical concernant les antécédents du patient et son diabète. Les événements CV recueillis étaient la survenue d’un infarctus du myocarde, d’un accident vasculaire cérébral, d’un pontage coronaire, d’une angioplastie coronaire ou d’un angor instable. Les analyses statistiques multivariées ont été réalisées par régression linéaire, incluaient l’HbA1c à l’inclusion, l’HbA1c moyenne et la variabilité de l’HbA1c (définie comme un changement de 1 écart-type d’HbA1c chez un même participant) et étaient également ajustées pour l’âge, le sexe et la durée du DT1.

Au total, 597 patients DT1 ont été inclus, dont 54 % de femmes, avec un âge moyen de 37 ans, une durée moyenne de diabète de 23 ans, et une HbA1c moyenne à 7,9 %. En analyse par régression linéaire ajustée sur l’âge, le sexe et la durée du DT1, l’HbA1c à l’inclusion (b=0,3998, p=0,0236), l’HbA1c moyenne (b=0,5385, P=0,0109) et la variabilité de l’HbA1c (b=1,1521, P=0,0068) étaient associées à la racine carrée du volume du CAC-score. À l’inverse, seule l’HbA1c moyenne était associée au volume du TAP (b=1,659, P=0,0048). En analyse de survie multivariée ajustée sur l’âge, le sexe et la durée du diabète, l’HbA1c à l’inclusion (Hazard Ratio [HR] 1,47 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95%] 1,24-1,82), l’HbA1c moyenne (HR 1,85 ; IC95% 1,51-2,26), la variabilité de l’HbA1c (HR 1,67 ; IC95% 1,02-2,71) et le la variabilité dans le temps de l’HbA1c (HR 1,5 IC95% 1,24-1,82) étaient des facteurs prédictifs indépendants de la survenue d’un événement CV. Une analyse de sensibilité prenant en compte les facteurs de risque CV atténuait légèrement l’effet de ces associations, qui restaient néanmoins significatives à l’exception de la variabilité de l’HbA1c (HR 1,31, IC95% 0,75-2,29).

Ces résultats suggèrent donc que, outre la valeur d’HbA1c en elle-même (par le biais de l’hyperglycémie chronique), sa variabilité influence la survenue d’événements CV chez le DT1. En effet, une analyse récente de la cohorte DCCT/EDIC a montré qu’un CAC-score > 100 chez le DT1 était significativement associé à une augmentation du risque d’événements CV [4]. Cette étude est la première à évaluer la relation entre variabilité de l’HbA1c, volume du TAP, CAC-score et survenue d’événements CV dans une même cohorte prospective de patients DT1.

Le large échantillon de patients DT1, permettant d’extrapoler ces résultats à la population des DT1, le suivi prospectif sur un long terme de la cohorte, l’étude de la relation entre variabilité de l’HbA1c avec des paramètres CV anatomiques tels que le CAC-score et le TAP sont autant de points forts de cette étude. Les limites principales sont : le design observationnel de l’étude, ne permettant pas d’établir de relation de causalité, le faible nombre d’HbA1c disponibles par patients (quatre), le manque d’informations sur les glycémies capillaires et/ou la fréquence des hypoglycémies et le manque de données de glycémies mesurées en continu qui aurait été utile pour déterminer la relation entre variabilité glycémique et critères de jugement principaux.

En conclusion, l’HbA1c à l’inclusion, l’HbA1c moyenne et sa variabilité sont corrélées de façon indépendante aux événements CV et à la racine carrée du volume du CAC. Ces données suggèrent que travailler sur la variabilité de l’HbA1c, i.e. maintenir une HbA1c à l’objectif et stable dans le temps, pourrait donc représenter une stratégie appropriée de prise en charge du DT1.

 

Références

[1] de Ferranti SD, et al. Type 1 diabetes mellitus and cardiovascular disease: a scientific statement from the American Heart Association and American Diabetes Association. Diabetes Care. 2014;37(10):2843-2863.
 
[2] Lind M, et al. Glycemic control and excess mortality in type 1 diabetes. N Engl J Med. 2014;371(21): 1972-1982.
 
[3] Waden J, et al. A1c variability predicts incident cardiovascular events, microalbuminuria, and overt diabetic nephropathy in patients with type 1 diabetes. Diabetes. 2009; 58(11):2649-2655.
 
[4] Budoff M, et al. The association of coronary artery calcification with subsequent incidence of cardiovascular disease in type 1 diabetes: the DCCT/EDIC trials. JACC Cardiovasc Imaging. 2019;12(7 Pt 2):1341-1349.
 


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mercredi 1 février 2023

Vers un nouveau biomarqueur de la polyneuropathie sensitivomotrice diabétique précoce : apport du taux sérique de la chaîne légère de monofilament (NFL)

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Janvier 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Maalmi H & al., Serum neurofilament light chain: a novel biomarker for early diabetic sensorimotor polyneuropathy. Diabetologia. 2022 Dec 6. doi : 10.1007/s00125-022-05846-8. Online ahead of print.

 

La polyneuropathie sensitivomotrice diabétique (PNSD) est caractérisée par une démyélinisation et une perte axonale des nerfs périphériques sensitifs et moteurs [1]. Cette complication micro-angiopathique diabétique représente, pour tout clinicien, un défi tant diagnostique que thérapeutique. Dans le cadre d’essais thérapeutiques, son évaluation objective est complexe. Constat ainsi fait, la recherche d’un test de réalisation simple, peu onéreux et de mise en œuvre aisée apparaît nécessaire que ce soit pour le diagnostic, le suivi ou la recherche clinique. La chaîne légère de monofilament (en anglais, Neurofilament Light Chain [NFL]), composante du cytosquelette des neurones matures, pourrait être un élément de réponse. Déjà utilisée comme biomarqueur dans la sclérose en plaques [2], une récente étude mettait en évidence une corrélation inverse entre le taux sérique de NFL et les mesures de fonctionnalité nerveuse chez des patients diabétiques de type 2 (DT2) depuis 3 ans ou moins [3]. Pour autant, l’association entre taux sérique de NFL et prévalence de la PNSD chez des patients diabétiques de type 1 (DT1) et DT2 reste à déterminer.

Ainsi, l’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’association entre taux sériques de NFL et prévalence de la PNSD chez des patients DT1 et DT2, récemment diagnostiqués. Un second objectif visait à déterminer d’autres cibles protéiques comme d’éventuels biomarqueurs.

À partir des données de la cohorte observationnelle prospective « German Diabetes Study », une analyse transversale a été menée sur 423 adultes DT1 ou DT2 dont la durée de diabète n’excédait pas un an. Le dosage de la NFL a été réalisé sur des échantillons de sérum prélevés à jeun par une approche multiplex utilisant la technologie de « proximity extension assay ». Cette méthode repose sur la reconnaissance par deux anticorps, chacun couplé à un oligonucléotide complémentaire, d’une protéine dans un échantillon de sérum. L’approche multiplex permet, en outre, de doser jusqu’à 92 biomarqueurs potentiels sur un faible volume de sérum. Les taux sériques de NFL étaient exprimés en valeur relative, et non en valeur absolue, après normalisation de l’expression protéique (NPX). La PNSD a été évaluée chez chaque participant par un examen neurologique, des études de conduction nerveuse et des tests sensoriels quantitatifs. Les stades de la PNSD ont été définis selon les critères du consensus de Toronto comme subclinique, asymptomatique et symptomatique [4]. L’association entre taux sérique de NFL et PNSD a été déterminée à l’aide d’une régression de Poisson. Des analyses exploratoires ont été menées pour évaluer le potentiel d’autres protéines du panel comme biomarqueur de la PNSD.

Parmi les 423 participants de l’étude, une PNSD était retrouvée chez 66 d’entre eux (16% de la population de l’étude) de stade subclinique, asymptomatique ou symptomatique respectivement chez 41, 11 et 14 participants. Les patients avec PNSD étaient plus souvent de sexe masculin, plus âgés, plus grands et avec un tour de taille plus important que les participants sans PNSD. Après ajustement pour l’âge, une corrélation positive était retrouvée entre le taux sérique de NFL et l’âge au diagnostic (r=0.61, p<0.0001) mais pas avec d’autres facteurs tels que l’indice de masse corporelle (IMC), le tour de taille ou l’HbA1c. Après ajustement pour différents facteurs de confusion (modèle « fully adjusted »), des concentrations sériques plus élevées de NFL étaient positivement associées à la PNSD (risque relatif [RR] pour chaque augmentation de 1 d’expression protéique normalisée = 1,92 ; intervalle de confiance de 95% [IC95 %] (1,50-2,45), p<0,0001) ainsi qu’à des vitesses de conduction nerveuse motrice et sensorielle significativement plus lentes. Aucune interaction n’était retrouvée avec le type de diabète. En revanche, aucune autre protéine testée dans le panel n’a montré un potentiel de biomarqueur.

Une association entre taux sériques de NFL plus élevés et prévalence de la PNSD est donc bien retrouvée dans cette étude chez des patients DT1 et DT2 récemment diagnostiqués. Le caractère indépendant de cette association vis-à-vis de l’âge ou d’autres covariables valide l’hypothèse que la NFL sérique représente un biomarqueur prometteur de la présence d’une dysfonction nerveuse précoce. Ces résultats sont en accord avec ceux de l’étude de Morgenstern et al. [3]. Néanmoins, cette dernière ne rapportait que des éléments de corrélations entre NFL sérique et PNSD et n’incluait que des patients DT2 d’âge avancé avec une durée de diabète (plus de 3 ans) bien supérieure à celle de la présente étude. De même, celle-ci retrouvait, à l’inverse de la présente étude, une différence de taux sériques de NFL entre les patients diabétiques avec neuropathie et une population contrôle non diabétique mais aucunement entre patients diabétiques avec ou sans neuropathie. En outre, des taux sériques élevés de NFL n’étant pas spécifiques de la PNSD, la NFL sérique ne peut s’envisager comme un outil diagnostique de la PNSD. En revanche, il pourrait s’avérer un biomarqueur précieux de suivi tant en pratique clinique courante qu’en recherche thérapeutique.

Néanmoins, certaines limites sont à prendre en compte : (1) le design de l’étude ne permettant pas de déterminer une valeur prédictive de la NFL sérique; (2) l’inclusion de participants avec un bon équilibre glycémique pour lequel l’étendue des lésions nerveuses était moindre que celui de personnes atteintes de diabète moins contrôlé; (3) la prédominance de PNSD subclinique limitant la possibilité de conclure entre taux sérique de NFL et stade de PNSD et enfin (4) la population strictement germanique limitant la généralisation de ces résultats à d’autres populations.

Pour autant, cette étude indique que des taux sériques plus élevés de NFL sont associés à la prévalence de la PNSD et au dysfonctionnement nerveux chez des patients diabétiques récemment diagnostiqués, faisant de la NFL sérique un nouveau biomarqueur de suivi de la PNSD. L’apport potentiel de ce biomarqueur dans la surveillance des patients en pratique clinique courante tout comme son utilité dans les essais cliniques requiert cependant des études complémentaires.

 

Références

[1] Ziegler D, et al. Current concepts in the management of diabetic polyneuropathy. J Diabetes Investig. 2021;12:464–75.
 
[2] Ferreira-Atuesta C, et al. The Evolution of Neurofilament Light Chain in Multiple Sclerosis. Front Neurosci. 2021;15:642384.
 
[3] Morgenstern J, et al. Neuron-specific biomarkers predict hypo- and hyperalgesia in individuals with diabetic peripheral neuropathy. Diabetologia. 2021;64:2843–55.
 
[4] Dyck PJ, et al. Diabetic polyneuropathies: update on research definition, diagnostic criteria and estimation of severity: Diabetic Polyneuropathies. Diabetes Metab Res Rev. 2011;27:620–8.
 


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lundi 2 janvier 2023

Métabolisme glucidique à la suite d’une duodéno-pancreatéctomie : une étude prospective sur trois ans

Auteur : 
Sopio Tatulashvili
Date Publication : 
Décembre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Niwano F, et al. Three-Year Observation of Glucose Metabolism After Pancreaticoduodenectomy: A Single-Center Prospective Study in Japan. J Clin Endocrinol Metab. 25 nov 2022; 107(12):3362‑9. doi : 10.1210/clinem/dgac529

 

Le cancer du pancréas est connu pour son mauvais pronostic vital. Cependant, les progrès technologiques, notamment l’arrivée de l’écho-endoscopie, permettent un diagnostic de plus en plus précoce des pathologies duodéno-pancréatiques. Traités par duodéno-pancréatectomie (DP), plus ou moins chimiothérapie adjuvante, les patients voient leur espérance de vie se prolonger significativement. Dans ce contexte, après une résection partielle de pancréas, se pose la question de la modification du métabolisme glucidique à long terme. L’objectif de ce projet mono-centrique mené au Japon était d’étudier le métabolisme glucidique en termes de diabètes incidents de façon prospective chez les patients ayant subi une DP partielle et d’identifier les facteurs de risques pré-chirurgicaux.

Les participants avaient vingt ans ou plus, n’avaient pas de diabète ni de pancréatite chronique préexistant à la chirurgie. Ont été incluses uniquement les personnes programmées pour une DP partielle réséquant environ 50% du pancréas, dont la tête et le duodénum en entier ainsi que la vésicule biliaire. Les personnes programmées pour tout autre type de chirurgie pancréatique ont été exclues (pancréatectomie totale, longitudinale, distale, etc.). Un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO avec glycémie à 0, 30, 60, 90, 120, 150 et 180 minutes) avec 75g de glucose et le dosage de l’HbA1c a été réalisés un mois avant, un mois après la chirurgie et tous les six mois pendant trois ans. Le diabète était diagnostiqué selon les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS) (glycémie à jeun ³7mmol/l ou glycémie ³11,1mmol/L à 2 heures de l’HGPO ou HbA1c ³6,5%). L’insuline et le peptide C ont été dosés lors de l’HGPO. Certains index ont été calculés à la recherche de facteurs de risque de diabète incident. L’index insulinique, soit la réponse précoce de l’insuline à la glycémie, a été calculé par la division du delta de l’insuline 0-30min par le delta de la glycémie 0-30min lors de l’HGPO. Un test de la stimulation par glucagon (1mg) a été mené pour calculer le delta du peptide C (0 – 5 minutes).

L’âge moyen des 96 participants (55% d’hommes) était de 66,3±1,1 ans, l’indice de masse corporelle (IMC) de 22,3±0,32 kg/m2, 68% avaient une lésion maligne du pancréas. Pendant le suivi, 33 participants ont développé un diabète (‘progresseurs’) versus 63 ‘non-progresseurs’. L’incidence cumulée du diabète était de 7,3%, 22,1%, 29,0%, 37,9%, 47,1%, 50,2%, et 53,8% à 1, 6, 12, 18, 24, 30, et 36 mois après la chirurgie. Il est à noter qu’avant la chirurgie, certaines caractéristiques du métabolisme glucidique étaient significativement défavorables chez les progresseurs comparés aux non-progresseurs. C’était le cas de l’HbA1c (5,92±0,06 vs 5,64±0,06%, p<0,001), de la glycémie à jeun (5,19±0,10 vs 4,97±0,06 mmol/L, p=0,048), de l’index insulinique (7,96±0,92 vs 21,6± 3,2 mUI/mmol, p<0,001), du delta du peptide C lors du test au glucagon (1,05±0,09 vs 1,33±0,08, p=0,025) et de l’aire sous la courbe (AUC) du glucose post-HGPO (1509,5±40,0 vs 1386,6± 27,1 mmol/L/min, p=0,013). Pour identifier les facteurs de risque de diabète post-DP, des analyses de la régression de Cox uni et multivariée ont été réalisées. En analyse univariée, l’HbA1c (HR 1,097 [IC95% 1,019-1,181], p=0,014), la glycémie à jeun (HR 2,104 [IC95% 1,026-4,311], p=0,042), l’index insulinique (HR 0,919 [IC95% 0,871-0,971], p=0,002) et l’AUC du glucose post-HGPO (HR 1,002 [IC95% 1,001-1,004], p=0,004) étaient associés au diabète incident. Mais suite à l’analyse multivariée, seul l’index insulinique a gardé une association significative (HR=0,932 [0,871-0,997], p=0,04).

L’extrapolation de ces résultats est limitée du fait que la sécrétion de l’insuline basale dans la population japonaise est plus faible comparée aux européens [1], cela pourrait en partie expliquer la différence en incidence cumulée du diabète entre cette étude et la littérature montrant une plus faible incidence [2]. Une autre explication de cette différence pourrait être un assouplissement des critères diagnostiques du diabète comme décrit au-dessus ainsi que la durée de cette étude plus longue, responsable résultant d’une incidence cumulée du diabète plus élevée.

Pour conclure, l’incidence du diabète post-DP n’étant pas négligeable, l’index insulinique pré-chirurgical, comme facteur de risque pourrait être d’une grande aide pour améliorer le diagnostic et la prise en charge du diabète post-DP. D’autres techniques de chirurgie pancréatique restent à étudier en termes de diabètes incidents et de facteurs de risque.

 

Références

[1] Iwahashi H, et al. Insulin-secretion capacity in normal glucose tolerance, impaired glucose tolerance, and diabetes in obese and non-obese Japanese patients. J Diabetes Investig. 2012; 3(3):271–5.
 
[2] Maxwell DW, et al. Development of Diabetes after Pancreaticoduodenectomy: Results of a 10-Year Series Using Prospective Endocrine Evaluation. J Am Coll Surg. 2019;228(4):400-412.e2.
 


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