lundi 23 décembre 2019

Bêtabloqueurs et hypoglycémies : tous les bêtabloqueurs ont-ils le même effet ?

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Décembre 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Dungan K et al. Effect of beta blocker use and type on hypoglycemia risk among hospitalized insulin requiring patients. Cardiovasc Diabetol 2019;18:163. doi: 10.1186/s12933-019-0967-1

 

Chez les patients atteints de diabète, hospitalisés hors réanimation, les hypoglycémies (<70 mg/dL) représentent jusqu’à 5% de toutes les glycémies mesurées, et sont d’autant plus fréquentes que les patients reçoivent une insulinothérapie [1]. Les autres paramètres majorant le risque hypoglycémique à l’hôpital sont l’âge avancé du patient, une forte dose quotidienne d’insuline, des horaires décalés d’injection d’insuline, un indice de masse corporel bas, une altération de la fonction rénale et une modification des habitudes alimentaires. La survenue d’hypoglycémies à l’hôpital est associée à un moins bon pronostic avec une augmentation de la durée et du coût du séjour [2]. Parmi les traitements concomitants utilisés chez les patients diabétiques hospitalisés, figurent fréquemment des bêtabloqueurs (BB) qui sont utilisés dans le cadre de la cardiopathie ischémique, mais également pour l’insuffisance cardiaque et l’hypertension artérielle. Les BB sont classiquement associés à un risque majoré d’hypoglycémies profondes et prolongées qui serait lié à un émoussement de la perception précoce des signes adrénergiques de contre-régulation mis en jeux dans cette situation. De plus, les BB non cardio-sélectifs pourraient en théorie favoriser une poussée hypertensive en cas d’hypoglycémie, le blocage des récepteurs bêta2-adrénergiques vasculaires laissant libre cours à un effet vasoconstricteur des catécholamines via les récepteurs alpha. En revanche, les BB cardio-sélectifs pourraient avoir des effets favorables en cas d’hypoglycémie, le blocage des récepteurs bêta1-adrénergiques cardiaques pouvant, en théorie, limiter le risque d’arythmie cardiaque potentiellement en cause dans la mortalité observée lors de cette situation. Cependant, ces notions plutôt théoriques n’avaient jamais vraiment été étayées par des preuves scientifiques robustes et c’est la raison pour laquelle, l’équipe américaine de Dungan et al. a conduit une étude afin de déterminer les liens entre le type de BB utilisé (cardio-sélectif ou non) et la survenue d’hypoglycémies et leurs potentielles conséquences mortelles, chez des patients hospitalisés.
Ainsi, grâce à une large base de données d’hospitalisation, ont été inclus dans cette étude rétrospective tous les patients adultes hospitalisés de janvier 2014 à décembre 2015, et qui avaient bénéficié au cours de leur séjour de contrôles de glycémies capillaires et d’injections sous-cutanée d’insuline (identifiant ainsi des patients diabétiques ou bien présentant une hyperglycémie de stress). Étaient exclus de l’analyse les femmes enceintes, les patients hospitalisés en unité de soins intensifs et ceux ayant reçus une insulinothérapie intraveineuse. Afin d’avoir des données homogènes et de limiter les biais potentiels, les patients chez lesquels un traitement BB était débuté ou modifié pendant le séjour hospitalier ont également été exclus. Seuls les patients non traités par BB ou traités antérieurement par le carvedilol (le bêtabloqueur non cardio-sélectif le plus utilisé dans cette population) ou par un BB cardio-sélectif (SBB - selective beta blocker) ont été inclus dans l’analyse. L’hypoglycémie, critère d’évaluation principal de cette étude, était analysée en sous catégories : hypoglycémie <70 mg/dL survenant dans les 24h suivant l’admission du patient (Hypo1day) ; hypoglycémie <70 mg/dL survenant à n’importe quel moment, au-delà des 24 premières heures, au cours de l’hospitalisation (HypoT – Hypo Throughout hospitalisation) et hypoglycémie sévère < 40 mg/dL (Hyposevere). Un modèle de régression logistique multivarié a été utilisé afin d’explorer les liens entre la survenue des hypoglycémies, l’utilisation ou non et le type de BB administré, et les autres paramètres cliniques d’ajustement.
Cette méthodologie a permis d’inclure 10 216 patients non traités par BB, 1020 patients traités par carvedilol et 886 patients traités par SBB, hospitalisés pendant la période définie et ayant nécessité une insulinothérapie sous cutanée. Comparativement aux patients sans BB, les patients traités par BB étaient plus âgés (65 vs 60 ans), moins souvent des hommes (40 vs 49%), plus souvent afro-américains (30 vs 22%), plus souvent hospitalisés en cardiologie (35 vs 13%) et avaient une dysfonction rénale plus marquée (créatininémie 190 vs 140 µmol/L). Leur durée de séjour était également plus longue (6 vs 4 jours) et leurs traitements associés incluaient plus souvent d’autres traitements du diabète dont des sulfamides ou glinides (3,5 vs 0,24%). La glycémie moyenne à l’admission était identique dans les différents groupes (175 mg/dL) de même que celle dans les 24 premières heures (167 mg/dL) et dans les 72 premières heures (164 mg/dL). En revanche, Hypo1day, HypoT et Hyposevere étaient plus fréquentes pour les patients BB que non-BB (15 vs 5%, 40 vs 12% et 5 vs 1%) (p<0,0001). De même, la variabilité glycémique, mesurée par le coefficient de variation (CV) était plus élevée pour les patients BB vs non-BB (29 vs 24%) (p<0,0001).
Après ajustement sur l’âge, le genre, l’ethnie, l’IMC, le service d’hospitalisation, la glycémie à l’admission, la créatininémie à l’admission, l’utilisation d’une insulinothérapie basale, l’insuffisance cardiaque, la durée de séjour et l’utilisation de médicaments cardiotropes (statine, aspirine, IEC/ARAII), les auteurs ont mis en évidence un sur-risque hypoglycémique chez les patients traités par carvedilol ou SBB comparativement aux patients sans BB. Les Odds ratio étaient respectivement de 1,45 et 1,78 pour Hypo1day, 2,56 et 2,61 pour HypoT et 1,68 et 1,70 pour Hyposevere (p<0,05). Cette relation n’était plus vérifiée chez les patients qui avaient antérieurement une insulinothérapie basale. Par ailleurs, il n’y avait pas de différence significative de risque hypoglycémique selon que les patients étaient traités par carvedilol ou SBB, sauf pour ceux qui n’avaient que de l’insuline rapide pendant le séjour hospitalier. Dans ce cas, l’utilisation de SBB était associée à un sur-risque de faire des hypoglycémies, comparativement à l’utilisation du carvedilol (OR 1,4 à 2 ; p<0,05). Concernant le risque de mortalité hospitalière, l’analyse multivariée a montré que les patients non traités par BB qui présentaient une Hypo1day, HypoT ou Hyposevere avaient un sur-risque de mortalité (OR 2,1, 1,8 ou 3,74 ; p<0,05). Ce sur-risque n’était pas mis en évidence chez les patients traités par carvedilol mais persistait chez les patients traités par SBB (HypoT OR 4,89 et Hyposevere OR 10,6 ; p<0,005).

Ainsi, il est possible de résumer les résultats de la façon suivante : les patients hospitalisés qui sont traités par insuline rapide au cours de leur séjour hospitalier présentent un sur-risque d’hypoglycémie lorsqu’ils sont traités au long cours par un bêtabloqueur, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un bêtabloqueur cardio-sélectif (SBB). De plus, dans cette population, la survenue d’hypoglycémies est associée à une mortalité intra-hospitalière majorée, pour ceux qui ne prennent pas de BB ou qui sont traités au long cours par SBB. En revanche, l’utilisation au long cours du carvedilol semble protéger les patients en effaçant la surmortalité associée aux hypoglycémies qui surviennent pourtant plus fréquemment avec ce traitement.
Bien qu’apportant des informations intéressantes sur une large population de patients hospitalisés, cette étude n’est pas définitive compte tenu des publications antérieures qui montrent des résultats hétérogènes, certaines ne retrouvant aucune association entre l’usage des bétabloquants et le risque hypoglycémique [3]. Concernant l’effet potentiellement favorable du carvedilol comparativement aux bêtabloqueurs cardio-sélectifs, il faut souligner que le carvedilol est un bêtabloqueur non cardio-sélectif très particulier dans la mesure où il exerce également une action alpha1-bloquante et peut ainsi avoir des propriétés différentes d’autres bêtabloqueurs non cardio-sélectifs comme le propranolol, ce dernier semblant au contraire plus souvent associé à des épisodes d’hypoglycémie sévère [4]. De plus, le blocage alpha1 du carvedilol pourrait également expliquer l’effet favorable sur la mortalité observée avec ce traitement, la vasoconstriction réactionnelle à l’hypoglycémie pouvant notamment être inhibée par ce traitement. Quant aux résultats particuliers observés chez les patients antérieurement traités par une insulinothérapie basale (pas de sur-risque hypoglycémique chez ces sujets, y-compris traités par BB), ils ne sont pas clairement expliqués par l’équipe investigatrice qui n’émet que quelques hypothèses spéculatives peu convaincantes.

Quoi qu’il en soit, même si cette étude soulève de nombreuses questions sans réponses, il apparaît que l’usage des BB n’est pas neutre sur le risque hypoglycémique des patients traités par insulinothérapie et que tous les BB n’ont pas le même effet sur ce paramètre avec un rôle possiblement protecteur du carvedilol sur les conséquences des hypoglycémies. Affaire à suivre…

 

Références

[1] Swanson C et al. Update on inpatient glycemic control in hospitals in the United States. Endocr Pract 2011;17:853–61.
 
[2] Curkendall S et al. Economic and clinical impact of inpatient diabetic hypoglycemia. Endocr Pract 2009;15:302–12.
 
[3] Cardona S et al. Clinical characteristics and outcomes of symptomatic and asymptomatic hypoglycemia in hospitalized patients with diabetes. BMJ Open Diabetes Res Care 2018;6:e000607.
 
[4] Shorr RI et al. Antihypertensives and the risk of serious hypoglycemia in older persons using insulin or sulfonylureas. JAMA 1997;278:40–3.
 


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jeudi 28 novembre 2019

Prébiotiques dans le diabète de type 1 : pourquoi pas ?

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Novembre 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Ho J et al. Effect of Prebiotic on Microbiota, Intestinal Permeability, and Glycemic Control in Children With Type 1 Diabetes. J Clin Endocrinol Metab. 2019;104:4427–4440. doi: 10.1210/jc.2019-00481

 

Depuis quelques années déjà, le microbiote intestinal (l’ensemble des organismes colonisant notre tube digestif) a émergé comme jouant un rôle important dans de nombreuses pathologies, particulièrement dans le diabète et l’obésité. C’est la dysbiose (altération de la composition normale du microbiote avec déséquilibre d’une espèce par rapport à une autre) qui participe à la survenue de ces pathologies via notamment une augmentation de la perméabilité intestinale favorisant une activation inflammatoire plus importante. Dans le diabète de type 1 (DT1), il a été montré qu’une dysbiose était présente chez les sujets diabétiques, même à un stade précoce (auto-immunité sans hyperglycémie) [1]. Si son rôle causal n’est pas évident, intervenir sur le microbiote est tentant surtout qu’il s’agit d’interventions simples et peu coûteuses. L’administration de prébiotiques, des substrats utilisés sélectivement par certains types bactériens et favorisant l’équilibre du microbiote, améliore ainsi les paramètres métaboliques dans le diabète de type 2 [2]. Ajouté au fait que la correction de la dysbiose chez la souris retarde l’apparition d’un DT1 et stimule la sécrétion des incrétines, il n’en fallait pas plus pour mettre en place un essai sur l’effet de prébiotiques chez des sujets DT1.
C’est ce qu’a réalisé cette équipe de l’université de Calgary, province de l’Alberta au Canada, chez 43 enfants DT1 (38 seulement ont fini l’étude) qui ont été traités pour moitié par 8 g par jour d’inuline et d’oligofructose (des fibres prébiotiques issues de la chicorée) et pour l’autre par placebo pendant 12 semaines. Les paramètres glycémiques, les taux de GIP, GLP-1 et GLP-2, la perméabilité intestinale et le profil du microbiote ont été recueillis à l’inclusion, à 3 mois puis à 6 mois (soit 3 mois après l’arrêt des traitements).
Les participants étaient donc des jeunes DT1 d’âge moyen 12-13 ans, diabétiques depuis 7 ans avec une HbA1C à 8% environ. De façon surprenante et non discutée, la répartition fille/garçon était déséquilibrée avec 5 filles sous prébiotiques contre 14 sous placebo.
Concernant l’équilibre glycémique, il n’y a pas eu d’effet spectaculaire des prébiotiques puisque l’HbA1c n’évoluait pas différemment entre les 2 groupes à 3 et 6 mois. Aucune différence n’était observée non plus sur les marqueurs d’inflammation (IL-6, IL-10, TNF- et IFN-) et le taux d’incrétines (GLP-1 et GLP-2, GIP). En revanche, le peptide-C augmentait après 3 mois de prébiotiques (+43,9 pg/ml) alors qu’il diminuait sous placebo (-56,4 pg/ml).
La perméabilité intestinale (mesurée par le ratio lactulose/mannitol urinaire après ingestion orale) était anormalement élevée à l’inclusion chez un tiers des sujets. Après 3 mois de traitement, il était observé une diminution de la perméabilité intestinale sous prébiotiques contre une augmentation sous placebo mais sans différence significative entre les groupes à 3 mois.
Enfin, la diversité du microbiote (nombre d'espèces coexistant dans un échantillon à un instant donné) était légèrement mais significativement diminuée après 3 mois de traitement par prébiotiques. L’abondance d’une espèce en particulier augmentait sous prébiotiques : Bifidobacterium longum. Cette augmentation d’abondance disparaissait 3 mois après l’arrêt des prébiotiques.
Cette étude de courte durée malgré ses résultats assez décevants sur des paramètres « durs » comme l’HbA1c montre tout de même une augmentation du peptide C sous prébiotiques suggérant une amélioration de la fonction cellulaire bêta qui pourrait supposer à plus long terme une amélioration du contrôle glycémique. La diminution de la perméabilité intestinale observée ici sous prébiotiques pourrait expliquer cette amélioration de la fonction bêta par diminution de l’exposition aux antigènes qui favorise la dysrégulation immunitaire du DT1. Ainsi, les auteurs mettent en évidence dans cette étude une corrélation positive entre l’HbA1c et le degré de perméabilité intestinale suggérant que cette dernière pourrait être une cible permettant d’améliorer le contrôle glycémique.
Cette étude ouvre donc la voie à des essais de plus grande ampleur sur un temps plus long pour tester l’effet de prébiotiques, un traitement simple, sans risque et peu coûteux, sur le contrôle glycémique. Affaire à suivre....

 

Références

[1] de Goffau MC, et al. Aberrant gut microbiota composition at the onset of type 1 diabetes in young children. Diabetologia 2014;57:1569–1577.
 
[2] Kellow NJ, et al. Metabolic benefits of dietary prebiotics in human subjects: a systematic review of randomized controlled trials. Br J Nutr 2014;111:1147–1161.
 


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mercredi 30 octobre 2019

DT1 lent : quel traitement pour préserver la fonction bêta-cellulaire ?

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Octobre 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Hals I et al. Investigating optimal β-cell-preserving treatment in latent autoimmune diabetes in adults: Results from a 21-month randomized trial. Diabetes Obes Metab 2019;21:2219-2227. doi: 10.1111/dom.13797

 

Le diabète de type 1 (DT1) lent, encore appelé LADA (Latent Autoimmune Diabetes in Adults), est défini par les critères suivants : (i) début du diabète après l’âge de 30 ans ; (ii) présence d’anticorps contre les cellules bêta (principalement anticorps anti GAD (glutamic acid decarboxylase) ; et (iii) pas de nécessité de recourir à l’insulinothérapie dans les six premiers mois suivants le diagnostic. Le LADA est fréquent en Europe, les études épidémiologiques récentes montrant que 10% de l’ensemble des sujets atteints de diabète présentent les caractéristiques diagnostiques du LADA [1]. La prise en charge thérapeutique de ce groupe de patients atteints de LADA est particulière compte tenu de la défaillance bêta-cellulaire qui s’installe plus rapidement que chez les patients atteints de diabète de type 2, compte tenu du processus auto-immun contre les îlots de Langerhans. La protection des cellules bêta est bien sûr un enjeu dans cette population, mais les données scientifiques actuelles ne permettent pas de conclure quant à la meilleure stratégie thérapeutique : traitement par anti-diabétiques oraux (ADO) comme dans le diabète de type 2 ou insulinothérapie précoce ?
Une étude prospective comparant l’utilisation des sulfamides versus insuline avait déjà tenté de répondre à cette question, montrant un bénéfice de l’insulinothérapie sur la fonction bêta-cellulaire [2]. Cependant, sa population exclusivement japonaise et l’utilisation des sulfamides comme comparateur actif à l’insulinothérapie ne permet  pas d’étendre ses conclusions aux populations européennes, maintenant plus fréquemment traitées par inhibiteur de la DPP4 (iDPP4), réputé moins délétère que les sulfamides sur la cellule bêta [3].
Une équipe scandinave a ainsi mené cette étude prospective comparant l’utilisation précoce d’une insulinothérapie et d’un traitement oral par sitagliptine dans une population de patients LADA. Les patients, âgés de 30 à 75 ans, devaient être positifs pour les Ac anti-GAD, avoir un diabète diagnostiqué depuis moins de 3 ans et être traités par mesures d’hygiène de vie et éventuellement, metformine en monothérapie. L’HbA1c ne devait pas être au dessus de 60% de la limite supérieure de l’objectif et le C-peptide plasmatique à jeun devait être ≥ 0,3 nmol/L. Les patients insuffisants rénaux (créatinine plasmatique > 150 µmol/L), atteints d’une rétinopathie proliférante, d’une cardiopathie ischémique instable et les femmes enceintes ou projetant de l’être ont été exclus de cette étude. Après une période de 3 mois de Run-in, pendant laquelle tous les patients recevaient de la metformine à la dose de 2000 mg/j (ou dose maximale tolérée), les sujets étaient randomisés pour recevoir pendant 21 mois de l’insuline semi-lente NPH le soir au coucher (groupe NPH) ou de la sitagliptine 100 mg/j (groupe SITA). L’équilibre glycémique était évalué régulièrement par mesure de la glycémie à jeun et de l’HbA1c, permettant d’intensifier la thérapeutique, le cas échéant, par ajout d’une insulinothérapie prandiale ou de repaglinide dans les groupes NPH et SITA, respectivement.
Sur un total de 64 patients inclus, 32 ont été randomisés dans chaque groupe. Les principales  caractéristiques initiales de cette population étaient les suivantes : âge médian 53 ans (IQR 45-60) ; IMC 26,8±5,1 kg/m2 ; C-peptide à jeun 0,6±0,4 mmol/L ; HbA1c 6,8±2,4 % ; titre des Ac anti-GAD faible/moyen/élevé : 16/27/21 patients. Au cours des 21 mois de suivi, 12/32 et 10/32 patients des groupes NPH et SITA ont nécessité une intensification par insuline prandiale et repaglinide, respectivement. Dans le groupe NPH, la dose moyenne d’insuline NPH à 21 mois était de 15±12,3 UI. Le poids corporel a augmenté de 1,9 kg dans le groupe NPH comparativement à une diminution de 3,4 kg dans le groupe SITA (p<0,001). L’insulinorésistance, évaluée par l’indice HOMA2-IR, était identique en début et en fin de traitement, dans les 2 groupes (après 21 mois de traitement : 1,77 et 1,58 dans les groupes NPH et SITA, respectivement). Le taux des Ac anti-GAD était stable pendant l’étude, sauf chez 13/64 patients, pour lesquels le taux s’est modifié de > 15%, sans différence entre les deux groupes de traitement. Concernant le contrôle métabolique, l’HbA1c en fin d’étude était de 7 et 6,5% dans les groupes NPH et SITA, respectivement (ns). De même, la glycémie à jeun n’était pas différente entre les 2 groupes : 164 vs 146 mg/dL (ns). Enfin, concernant le critère principal de l’insulinosécrétion, le C-peptide à jeun n’était pas différent entre les 2 groupes en fin d’étude (0,6±0,5 vs 0,6±0,4 nmol/L). L’insuline, la pro-insuline, le C-peptide stimulé ainsi que le ratio pro-insuline/C-peptide n’étaient pas non plus différents entre les 2 groupes, au début comme au terme de cette étude. De plus, la comparaison avant-après ne montrait pas de modification significative pour ces différents paramètres, dans aucun des 2 groupes. En revanche, chez les patients présentant un titre élevé d’Ac anti-GAD, quel que soit le groupe de traitement, les paramètres d’insulinosécrétion étaient significativement altérés à 21 mois comparativement aux patients dont le titre d’Ac était faible. Il faut souligner que les paramètres d’insulinosécrétion étaient évalués, à 21 mois, après une fenêtre des traitements du diabète de 48 heures, afin de s’affranchir d’un éventuel effet direct de l’insuline ou de la sitagliptine.
En conclusion, cette étude n’a pas montré d’effet différentiel de l’insuline ou de la sitagliptine, après 21 mois de traitement, sur la fonction bêta-cellulaire de patients atteints de LADA. Cette étude a par ailleurs confirmé que la dégradation de l’insulinosécrétion était moindre chez les patients dont les titres d’Ac anti-GAD étaient faibles [4]. Une différence entre les traitements auraient peut-être pu être observée si la population avait été exclusivement constituée de patients avec un titre élevé d’Ac anti-GAD, population présentant une dégradation plus rapide de la fonction bêta-cellulaire.
Les messages pratiques à retenir de cette étude sont (i) qu’il est possible d’utiliser un iDPP4 chez les patients LADA sans risquer une dégradation plus rapide de leur fonction bêta-cellulaire et (ii) que le clinicien doit être plus vigilant chez les patients présentant un titre élevé d’Ac anti-GAD, ces derniers étant susceptibles de dégrader plus rapidement leur insulinosécrétion, avec une insulinorequérance plus précoce.

 

Références

[1] Hawa MI et al. Adult-onset autoimmune diabetes in Europe is prevalent with a broad clinical phenotype: Action LADA 7. Diabetes Care 2013;36:908-913.
 
[2] Maruyama T et al. Insulin intervention in slowly progressive insulin-dependent (type 1) diabetes mellitus. J Clin Endocrinol Metab 2008;93:2115-2121.
 
[3] Alvarsson M et al. Effects of insulin versus sulphonylurea on beta-cell secretion in recently diagnosed type 2 diabetes patients: a 6-year follow-up study. Rev Diabet Stud 2010;7:225-232.
 
[4] Liu L et al. Latent autoimmune diabetes in adults with low-titer GAD antibodies: similar disease progression with type 2 diabetes: a nationwide, multicenter prospective study (LADA China Study 3). Diabetes Care 2015;38:16-21.
 


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jeudi 26 septembre 2019

Steno-2 : encore un bénéfice sur les AVC et la mortalité 21 ans après

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Septembre 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Gæde P et al. Beneficial impact of intensified multifactorial intervention on risk of stroke: outcome of 21 years of follow-up in the randomised Steno-2 Study. Diabetologia 2019;62 :1575-1580. doi: 10.1007/s00125-019-4920-3

 

Le risque de survenue d’un AVC au cours de la vie a été estimé à 24,9% dans la population, selon une étude menée en 2016 [1]. Les événements vasculaires cérébraux sont plus fréquents chez les patients diabétiques de type 2 (DT2) comparés à ceux indemnes de diabète. Bien que le risque d’AVC chez les patients DT2 ait diminué, la prévalence des AVC augmente due à l’inflation des cas de DT2 dans le monde [2]. L’importance d’une intervention intensifiée sur tous les facteurs de risque dans le traitement du DT2 a été mise en évidence dans l’étude Steno-2. Dans cette étude, une augmentation de la durée de vie médiane de 7,9 ans ainsi qu’une diminution significative du nombre d’évènements cardiovasculaires majeurs, d’insuffisance cardiaque et de complications microvasculaires ont été observées chez les patients bénéficiant d’un traitement intensifié de leurs facteurs de risque comparé au traitement conventionnel [3].

Dans cette analyse post-hoc, le but était de comparer le temps d’apparition du premier AVC entre le groupe ayant bénéficié d’un traitement intensifié des facteurs de risque et le groupe ayant reçu un traitement conventionnel dans l’étude Steno-2.

L’étude Steno-2 a été réalisé entre 1992 et 1993, et a inclus 160 patients diabétiques de type 2 et ayant une microalbuminurie. Ils ont été randomisés en 2 groupes : l’un recevant un traitement conventionnel et l’autre un traitement intensifié ciblant de façon concomitante les facteurs de risque cardiovasculaires (n=80 dans chaque groupe). La durée moyenne du traitement était de 7,8 années. Après ces 7,8 années, la partie randomisée de l’étude s’est terminée et tous les individus ont ensuite reçu un traitement intensifié, pour une période observationnelle additionnelle de 13,4 années. Le critère primaire d’analyse était le moment de survenue du premier AVC, les critères secondaires étaient un critère combiné du moment de survenue de décès par AVC ou évènement cardio-vasculaire ainsi qu’un second critère combiné de mort par AVC et toute autre cause de mortalité. Les cas d’accidents ischémiques transitoires (AIT) ont été ajoutés aux critères secondaires sus cités.

Durant la période de suivi de 21,2 années, 30 individus ont eu 39 AVC. Les patients du groupe traitement conventionnel avaient plus de risque d’avoir un AVC, avec au total 29 évènements se produisant chez 21 individus (26%), contre 10 AVC chez 9 individus (11%) dans le groupe traitement intensifié. Le risque d’AVC était significativement réduit dans le groupe traitement intensifié par rapport au groupe conventionnel (HR 0,31 (0,14 ; 0,69)). Le profil était similaire pour les AIT et le critère combiné AVC + AIT. Les auteurs ont également montré que les patients du groupe traitement intensifié avait un moindre risque de mortalité cardiovasculaire et par AVC (n = 55 ; HR 0,36 (0,20 ; 0,63)) ainsi que de mortalité par AVC et toute cause (n = 101 ; HR 0,46 (0,31 ; 0,69)). Le temps médian de survenue d’un AVC ou de décès était de 19,9 années dans le groupe intensif et de 11,4 ans dans le groupe conventionnel. Dans le groupe intensif, 4 (11%) des 35 participants victimes d’évènement cardiovasculaire ont eu leur premier évènement cardiovasculaire sous la forme d’un AVC, tandis que c’était le cas pour 14 des 51 individus (27%) dans le groupe traitement conventionnel. Sur les 39 AVC évalués dans l’étude, 35 étaient ischémiques et les 4 autres étaient hémorragiques ; parmi ceux-ci, 2 étaient le premier AVC chez un patient de chaque groupe, et les 2 autres étaient récurrents chez 2 individus du groupe conventionnel.

Cette étude montre une fois encore l’intérêt majeur d’une intervention multifacettes et intensifiée sur les facteurs de risque cardiovasculaires chez les patients DT2 et microalbuminuriques, en accord avec les recommandations EASD/ADA.

Les auteurs avaient déjà précédemment montré une nette diminution du risque de progression de la néphropathie diabétique dans le groupe intensifié de cette même étude Steno-2 [3]. Ici, ils font l’hypothèse que cette intervention préviendrait d’avantage les petits infarctus lacunaires associés à la microangiopathie cérébrale, alors que les AVC thromboemboliques avec des symptômes plus sévères et de pronostic sombre, seraient prévenus dans de moindres proportions. La force principale de cette étude est l’exhaustivité des données cliniques, les principales faiblesses en sont la relative petite taille des groupes et le fait que cette population soit à haut risque cardiovasculaire (DT2 et microalbuminurie). L’amplitude de la réduction du risque démontrée ici ne peut être applicable à une population ayant un risque cardiovasculaire inférieur. Les auteurs soulignent aussi que puisque tous les individus ont reçu un traitement intensif après la phase randomisée, les effets mesurés sont probablement une sous-estimation des vrais effets.

Cette étude démontre bien que l’AVC est une complication fréquente et potentiellement létale chez les individus DT2 et microalbuminuriques, et qu’une intervention thérapeutique « musclée » de tous les facteurs de risque cardiovasculaires permet une protection à long terme vis-à-vis du risque de survenue et de récurrence des évènements cérébraux-vasculaires.

 

Références

[1] The GBD 2016 Lifetime Risk of Stroke Collaborators Global, regional, and country-specific lifetime risks of stroke, 1990 and 2016. N Engl J Med 2018;379: 2429–2437.
 
[2] Gregg EW, Li Y, Wang J et al. Changes in diabetes-related complications in the United States, 1990–2010. N Engl J Med 2014;370: 1514–1523.
 
[3] Gæde P, Oellgaard J, Carstensen B et al. Years of life gained by multifactorial intervention in patients with type 2 diabetes mellitus and microalbuminuria: 21 years follow-up on the Steno-2 randomised trial. Diabetologia 2016;59: 2298–2307.
 


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vendredi 12 juillet 2019

Le diabète gestationnel, facteur de risque cardio-métabolique chez la descendance, plus que le surpoids ou l’obésité maternel préconceptionnels…

Auteur : 
Camille Vatier
Date Publication : 
Juin 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Kaseva N et al. Gestational Diabetes But Not Prepregnancy Overweight Predicts for Cardiometabolic Markers in Offspring Twenty Years Later. J Clin Endocrinol Metab 2019 July. doi: 10.1210/jc.2018-02743

 

Les femmes présentant un diabète gestationnel (DG), un surpoids (IMC  ≥ 25 kg/m2) ou une obésité (IMC ≥ 30 kg/m2) préconceptionnels ont fréquemment des anomalies métaboliques. Ces anomalies métaboliques survenant dans une période cruciale du développement fœtal pourraient avoir des effets à long terme, avec la notion de programmation fœtale [1] et de mémoire métabolique. S‘il est bien connu que l’exposition prénatale à un environnement hyperglycémique altère les mécanismes de régulation homéostatique, modifiant l’épigénétique de la descendance [2], il n’est que présagé que le surpoids ou l’obésité préconceptionnels modifient l’environnement utérin prénatal, et ainsi la programmation in utero. Ceci pourrait augmenter les risques de surpoids et d’obésité à la génération suivante, et conduire à un cycle d’obésité / insulino-résistance inter générationnel.
La descendance des femmes ayant eu un DG présente des marqueurs d’insulinorésistance et une prévalence plus élevée de syndrome métabolique et d’IMC plus élevé à l’adolescence [3], et elle est à risque de développer un surpoids et un syndrome métabolique [4] à l’âge adulte.
La descendance de femmes obèses pendant la grossesse a plus de risque d’obésité, d’anomalies métaboliques [5] et de composition corporelle défavorable dès l’enfance [6] et jusqu’à l’âge adulte [7]. Quoi qu’il en soit, ces associations ne sont pas des liens de causalité puisqu’il est difficile de dissocier facteurs génétiques, facteurs de mode de vie partagés par la famille, et facteurs de programmation fœtale. Il est également difficile de faire la part des choses entre l’exposition au DG et/ou au surpoids ou à l’obésité maternelle. Dans ce contexte, Kaseva et al. ont fait l’hypothèse que le DG et le surpoids ou l’obésité préconceptionnels pouvaient influencer différement le risque de développement de facteurs de risque cardiométabolique chez la descendance. Ils ont exploré l’effet de l’exposition au DG ou au surpoids ou à l’obésité préconceptionnels sur la santé cardiométabolique de la descendance.
Les participants de cette étude proviennent de deux cohortes prospectives de naissance : l’étude ESTER [7] et l’étude longitudinale Arvo Ylppö [8]. L’étude ESTER a inclus 1161 participants (nés prématurés, ou de mère avec DG, hypertension gravidique, prééclampsie ou sans pathologie liée à la grossesse) en Finlande. Les participants de l’étude Arvo Ylppö sont nés en Finlande entre 1985 et 1986. Pour chaque participant, les données périnatales ont été collectées à partir des rapports médicaux (durée de la grossesse, DG, hypertension gravidique ou chronique, pré éclampsie). Le DG était dépisté par une hyperglycémie provoquée par voie orale à 75 g de glucose entre la 26éme et la 28éme semaine de gestation en cas de glycosurie, d’antécédent de DG ou de macrosomie, de suspicion de macrosomie fœtale, d’IMC maternel préconceptionnel ≥ 25 kg/m², d’âge maternel ≥ 40 ans. Le diagnostic de DG était posé si au moins une glycémie était pathologique avec des seuils > 5,5 mmol/L à jeun, > 11 mmol/L à une heure et > 8 mmol/L à deux heures. La descendance des femmes ayant un diabète de type 1 ou de type 2 était exclue. Les descendants ayant une infirmité motrice cérébrale, un retard mental, un handicap physique sévère ou étant enceintes le jour du bilan biologique ont été exclus. Les 906 participants de ESTER et AYLS ayant eu les mesures biologiques ont été inclus dans l’étude et divisés en trois groupes: descendance de mère ayant eu un DG, quel que soit l’IMC maternel (groupe DDG, n=193), descendance de mères sans DG avec surpoids ou obésité préconceptionnels (DNO, n=157), et groupe contrôle (descendance des mères sans DG et sans surpoids ou obésité préconceptionnels, n=556). Les participants ont été mesurés, pesés (avec pour la majorité réalisation d’une impédancemétrie), examinés avec mesure de la pression artérielle et de la fréquence cardiaque. Ils ont rempli des questionnaires sur leur santé et sur celles de leurs parents. Le niveau scolaire des parents était classé en quatre catégories et utilisé comme reflet du niveau socio-économique. Les analyses biologiques comportaient : glycémie à jeun, insulinémie à jeun, cholestérol total, HDL-cholestérol, LDL-cholestérol, triglycérides, ASAT, ALAT, GGT, acide urique, SHBG, testostérone.
L’âge moyen des participants était de 24,1 ± 1,3 ans avec 51,3% de femmes. Les jumeaux ont été exclus de l’analyse (12 au total). En comparaison au groupe contrôle (IMC 21,2 ± 1,9 kg/m²), l’IMC maternel préconceptionnel était significativement différent dans le groupe DDG (24,9 ± 5,4 kg/m²) et dans le groupe DNO (28 ± 3); de même pour la prévalence de l’hypertension maternelle (contrôle 13,1% ; DDG 26,9% et DNO 33,8%), de l’âge gestationnel (respectivement 39,9 ± 1,4 SA; 39 ± 0,2 SA et 39,1 ± 2,9 SA), du poids de naissance (3,535 ± 0,465 kg ; 3,687 ± 0,626 kg et 3,458 ± 0,864 kg). Les descendants étaient plus jeunes lors du bilan clinico-biologique dans le groupe DDG par rapport au groupe contrôle (23,4 ± 1,3 ans versus 24,4 ±1,3 ans). La glycémie à jeun et l’insulinémie étaient en moyenne plus élevées dans le groupe DDG que dans le groupe contrôle (respectivement +1,6%, p=0,03 et + 12,7%, p=0,002) et dans le groupe DNO versus le groupe contrôle (+2,3%, p=0,01 et +8,7%, p=0,05) mais après ajustement sur les facteurs confondants de la descendance dont l‘IMC, les résultats n’étaient plus significatifs ni pour le groupe DNO ni pour le groupe DDG. La SHBG était significativement plus basse (-10,3%, p=0,001) dans le groupe DDG après ajustement sur les facteurs confondants (IMC…), et le HDL-cholestérol, le cholestérol total et l’ApoA1 étaient diminués (respectivement -5,4% , p=0,04 ; -3,9%, p=0,04 et -4,6%, p=0,01). La pression artérielle était elle aussi diminuée dans le groupe DDG avec -3,6% pour la pression systolique, p=0,001 et -2,2% pour la pression diastolique, p=0,006.
Après remplacement de l’IMC par le pourcentage de masse grasse, les résultats restaient identiques. Les analyses ont également été reprises pour comparer séparément la descendance des mères présentant une obésité préconceptionnelle (n=28) au groupe contrôle. Dans ce groupe, les résultats restaient identiques. Après ajustement, tous les résultats étaient similaires entre le groupe surpoids/obésité préconceptionnels et le groupe contrôle pour les marqueurs métaboliques.

Cette étude qui combine les résultats de deux grosses cohortes longitudinales, compare les marqueurs cardiométaboliques communs chez des adultes nés de mères présentant un DG, ou un surpoids/ une obésité préconceptionnels, ou ni l’un ni l’autre. Le groupe DDG présente une augmentation de l’insulinorésistance et un profil lipidique plus athérogène (diminution du HDL-cholestérol et de l’ApoA1) à l’âge adulte mais cette association est en partie liée aux facteurs confondants incluant l’adiposité de la descendance. Da façons surprenante, la pression artérielle était plus basse dans le groupe DDG que dans le groupe contrôle. Dans le groupe DNO, les conséquences cardiométaboliques ne sont pas aussi nettes, il existe une augmentation de la glycémie à jeun et de l’insulinémie à jeun par rapport au contrôle, expliquée quasi exclusivement par l’IMC ou le pourcentage de masse grasse à l’âge adulte puisque les résultats ne sont plus significatifs après ajustement sur les facteurs confondants. Pour arriver à mieux différencier les effets du diabète gestationnel ou ceux du surpoids/obésité maternelle sur les conséquences cardiométaboliques de la descendance, le groupe DDG a été divisé en deux groupes : IMC maternel préconceptionnel <25 kg/m² ou  ≥25kg/m². La combinaison du diabète gestationnel et de l’IMC préonceptionnel en surpoids ou en obésité montre un effet plus fort sur la glycémie à jeun et l’insulinémie chez la descendance par rapport à la descendance de femmes en surpoids ou obèses sans DG.
S‘il est traditionnellement admis que l’épidémie d’obésité s’explique par l’alimentation plus dense en énergie et la diminution de l’activité physique, il semble que d’autres facteurs existent incluant des facteurs génétiques ainsi que certaines caractéristiques du milieu de développent intra-utérin. Le DG est une cause fréquente de modification de ce milieu intra-utérin et pourrait expliquer des modifications épigénétiques. Dans des modèles de souris, la descendance de souris ayant eu un DG montre une altération du profil de méthylation dans le pancréas, concomitant d’une dyslipidémie, d’une insulinorésistance et d’une intolérance au glucose [2]. Les résultats de Kaseva et al. suggèrent que le DG et le surpoids/obésité préconceptionnels pourraient avoir des effets distincts sur la santé de la descendance. Les forces de ce travail sont le nombre de patients inclus et la durée de suivi. Par contre, il s’agit d’une population quasi exclusivement finlandaise ne permettant pas d’extrapoler ces résultats à d’autres populations. Depuis ce travail, le diagnostic de DG a changé, de même que sa prise en charge. De ce fait, le groupe DDG pourrait représenter ici un groupe plus sévère que le groupe de descendants de DG actuel. Quoi qu’il en soit, les descendants de mères ayant eu un DG semblent avoir un profil cardiométabolique plus à risque pour leur vie future, tandis que les descendants de mères en surpoids/obèses ont surtout un profil métabolique plus sévère à l’âge d’adultes jeunes, qui semble principalement lié à leur poids.

 

Références

[1] Baterson P et al. Developmental plasticity and human health. Nature 2004;430:419-421.
 
[2] Zhu Z et al. Gestational diabetes mellitus alters DNA methylation profiles in pancreas of the offspring mice. J Diabetes Complications 2019;33:15-22.
 
[3] Vääräsmäki M et al. Adolescent manifestations of metabolic syndrome among children born to women with gestational diabetes in a general-population birth cohort. Am J Epidemiol. 2009;169:1209-15.
 
[4] Clausen TD et al. Overweight and the metabolic syndrome in adult offspring of women with diet-treated gestational diabetes mellitus or type 1 diabetes. J Clin Endocrinol Metab 2009;94:2464-2470.
 
[5] Nicholas LM et al. The early origins of obesity and insulin resistance: timing, programming and mechanisms. Int J Obes 2016;40:229-238.
 
[6] Starling AP et al. Associations of maternal BMI and gestational weight gain with neonatal adiposity in the Healthy Start study. Am J Clin Nutr 2015;101:302-309.
 
[7] Eriksson JG et al. Maternal weight in pregnancy and offspring body composition in late adulthood: findings from the Helsinki Birth Cohort Study (HBCS). Ann Med 2015;47:94-99.
 
[8] Wolke D et al. An epidemiologic longitudinal study of sleeping problems and feeding experience of preterm and term children in southern Finland: comparison with a southern German population sample. J Pediatr 1998;133:224–231.
 
[9] Kaseva N et al. Prepregnancy overweight or obesity and gestational diabetes as predictors of body composition in offspring twenty years later: evidence from two birth cohort studie. Int J Obes 2018;42:872–879.
 


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mercredi 5 juin 2019

Les facteurs de risque cardiovasculaire se valent-ils tous chez les diabétiques de type 1 ?

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Mai 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Rawshani A, et al. Relative Prognostic Importance and Optimal Levels of Risk Factors for Mortality and Cardiovascular Outcomes in Type 1 Diabetes Mellitus. Circulation. 2019;139:1900–1912. doi: 10.1161/CIRCULATIONAHA.118.037454

 

Il est maintenant bien démontré que le risque cardiovasculaire des patients diabétiques de type 1 (DT1) est augmenté, et que cette augmentation est associée à une diminution importante de l’espérance de vie (plus de 10 ans pour un diabète débutant dans l’enfance) [1,2]. Cependant, même si le rôle de l’hyperglycémie est majeur dans ce sur-risque et que le DCCT a montré qu’un contrôle glycémique intensif permettait de réduire ce risque [3], le poids relatif des autres facteurs de risque cardiovasculaire (FDRCV) a été peu étudié. De même, les cibles optimales associées à un meilleur pronostic cardiovasculaire sont souvent dérivées des études chez le DT2 donc pas forcément adaptées à une population bien différente sur beaucoup d’aspects. Les auteurs de l’étude présentée ici (une équipe suédoise exploitant les données de leurs formidables registres nationaux) avaient déjà montré qu’un contrôle global des FDRCV était associé à un risque CV moins élevé [2]. Ici, ils ont élargi leur recherche en étudiant l’association de 17 FDRCV (ou plutôt marqueur du risque CV incluant des paramètres cliniques, biologiques mais aussi le niveau de revenus, d’éducation, d’activité physique) avec l’incidence de la mortalité et des événements cardiovasculaires au sein des registres nationaux suédois. De plus, le niveau optimal de certains de ces facteurs associés à un moindre risque a également été évalué.
Les données utilisées dans cette étude proviennent du registre Swedish National Diabetes Register qui inclut des informations sur les facteurs de risque, les traitements et les complications du diabète de plus de 95% des patients avec DT1 ou DT2 vivant en Suède. Ont été inclus les individus du registre avec un DT1 (entre 1998 et 2012) et sans antécédent cardiovasculaire, insuffisance rénale chronique ou amputation. Les critères de jugement étaient le décès, les infarctus du myocarde (IDM) et les accidents vasculaires cérébraux (AVC) fatals et non fatals, et les hospitalisations pour insuffisance cardiaque. Les analyses statistiques avaient pour objectifs d’évaluer la contribution et l’importance relative de chaque FDRCV dans la survenue d’évènements CV. Plusieurs modèles statistiques complexes ont été utilisés notamment l’utilisation de modèles de « machine learning » permettant d’améliorer l’efficacité et la fiabilité des corrélations. Enfin, l’association entre le niveau d’HbA1C, de LDL-c et de pression artérielle systolique (PAS) avec les événements CV a été analysée en prenant comme références les cibles recommandées pour chaque variable.
Au total 32 611 individus ont été inclus dont 9 465 avec des données pour l’ensemble des 17 FDRCV. L’âge moyen à l’entrée était de 33,1±13,1 ans, 46% étaient des femmes, la durée moyenne de diabète était de 18±13 ans, l’HbA1c de 8,2±3,6% et la grande majorité n’avait pas d’albuminurie (84%). Le suivi médian était de 10,4 ans durant lequel 1 809 décès (5,5%) ont été enregistrés. Les analyses montrent que l’âge est le facteur prédicteur le plus important du risque de mortalité mais également des autres types d’événements. De même, tous les FDRCV incluant un paramètre temporel (âge, durée de diabète, âge au diagnostic) avaient un importance relative forte dans la survenue des évènements. Au-delà de ces critères liés à l’âge, l’HbA1c surtout, mais aussi l’albuminurie étaient les plus importants prédicteurs du risque de mortalité. Ainsi, chaque augmentation de 3 points d’HbA1c était associée à un risque de décès augmenté de 22%. D’autres facteurs moins traditionnels ressortent de ces analyses. Ainsi, le niveau de rémunération et d’éducation est un facteur prédicteur important de mortalité, un peu moins pour les autres types d’événements. Pour les AVC, l’activité physique et surtout la PAS ressortaient en bonne place par rapport aux autres événements (risque augmenté de 16% pour une augmentation de 10 mmHg). De même, pour l’insuffisance cardiaque, les facteurs prédicteurs importants étaient principalement ceux liés à la néphropathie diabétique (albuminurie et débit de filtration glomérulaire (DFG)). Il est à noter que la part et le niveau de chaque facteur était variable selon le type d’analyse effectuée. Les auteurs ont donc moyenné la contribution de chaque facteur en prenant en compte chaque type d’analyse (en excluant l’âge). Il en ressort que pour la mortalité, les facteurs prédicteurs sont, par autre d’importance l’HbA1c, l’albuminurie et le DFG, le niveau de revenus, la durée du diabète et la PAS. Pour l’IDM, il s’agissait de la durée de diabète, le LDL-c, l’albuminurie/DFG, l’HbA1C et la PAS alors que pour l’insuffisance cardiaque, l’albuminurie/DFG arrivait en tête avec un hazard ratio (HR) à 3,63 suivi des autres facteurs (HbA1c, LDL-c, PAS et durée de diabète) dans des proportions beaucoup plus faibles de l’ordre de 1,1 de HR. La seconde partie de l’analyse évaluant le niveau optimal des facteurs montrait que les niveaux optimaux de LDL-c et de PAS étaient inférieurs à ceux des recommandations (moins de 120 mmHg pour la PAS et moins de 2 mmol/L de LDL-c). Pour l’HbA1c, une courbe en J était observée avec un point d’inflexion autour de 7,6% pour la mortalité. Il n’y avait pas de courbe en J en revanche dans l’insuffisance cardiaque avec une relation quasi linéaire pour les 3 facteurs.

En conclusion, cette étude, basée sur une large population et utilisant des méthodes statistiques complexes, montre qu’au-delà de l’âge, les facteurs prédicteurs majeurs de la mortalité et des événements CV chez les patients diabétiques de type 1 sont l’HbA1c, la fonction rénale, la durée du diabète, le LDL-c et la PAS. Elle fait apparaitre également qu’il existe un certain degré de variabilité de l’importance pronostique de chaque facteur pour chaque type d’événement suggérant des mécanismes sous-jacents différents. Ainsi, l’insuffisance cardiaque est très dépendante des paramètres rénaux et de l’HbA1c alors que les pathologies athérothrombotiques (IDM, AVC) sont plus liées aux FDRCV traditionnels comme l’HbA1c, le LDL-c et la PAS. Un autre enseignement important de cette étude est le fait que le niveau de LDL-c est un facteur prédicteur important de la mortalité et que les niveaux associés au risque le plus faible (pour tous types d’événement) sont au-dessous des seuils habituellement admis dans un population de patients DT1 jeunes. Attention toutefois, malgré des analyses statistiques robustes, à la pointe des connaissances statistiques actuelles, il faut garder à l’esprit que ce ne sont que des analyses d’association dont la causalité ne peut pas être affirmée formellement. Ainsi, si diminuer le LDL-c jusqu’à des seuils inférieurs à 2 mmol/l chez des DT1 jeunes réduit le risque CV futur ne peut pas être affirmé à partir de telles données.

 

Références

[1] Livingstone SJ, et al. Estimated life expectancy in a Scottish cohort with type 1 diabetes, 2008-2010. JAMA. 2015;313:37-44.
 
[2] Rawshani A, et al. Mortality and Cardiovascular Disease in Type 1 and Type 2 Diabetes. N Engl J Med. 2017;376:1407-1418.
 
[3] Diabetes Control and Complications Trial (DCCT)/Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications (EDIC) Study Research Group. Intensive Diabetes Treatment and Cardiovascular Outcomes in Type 1 Diabetes: The DCCT/EDIC Study 30-Year Follow-up. Diabetes Care. 2016;39:686-93.
 


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mardi 30 avril 2019

CGM et grossesse dans le diabète de type 1 en vraie vie : pas d’effet sur les complications fœto-obstétricales

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Avril 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Kristensen K et al. Continuous glucose monitoring in pregnant women with type 1 diabetes: an observational cohort study of 186 pregnancies. Diabetologia 2019 Mar 23.  doi: 10.1007/s00125-019-4850-0[Epub ahead of print].

 

Malgré l’utilisation, maintenant quasi systématique, de schémas d’insulinothérapie intensifiée chez les patientes diabétiques de type 1 (DT1) pendant la grossesse, l’incidence de la croissance fœtale accélérée (LGA – large for gestationnal age) reste très fréquente puisqu’elle concerne environ 50% de ces grossesses [1]. Les fœtus LGA de femmes DT1 présentent d’une part un sur-risque de complications néonatales à court terme (macrosomie, dystocie des épaules, hypoglycémie néonatale, admission en réanimation néonatale notamment) mais également un sur-risque cardiométabolique à plus long terme (obésité, diabéte, pathologies cardiovasculaires) [2,3]. Le principal déterminant de la croissance fœtale accélérée et des risques qui y sont associés est l’hyperglycémie maternelle, raison pour laquelle il est recommandé de viser la normoglycémie pendant la grossesse des femmes DT1. Dans cette situation, l’équilibre glycémique est le plus souvent évalué via la réalisation pluriquotidienne de glycémies capillaires et le dosage trimestriel de l’HbA1c. Dans les registres de vraie vie, le contrôle optimal de ces paramètres n’est obtenu que dans moins de 50% des grossesses DT1, reflétant la grande difficulté de l’ajustement des doses d’insuline et de la diététique pendant cette période [4]. De plus, les glycémies capillaires et l’HbA1c ne révèlent pas la grande variabilité intra et inter-journalière fréquemment observée dans le DT1 et que seule la mesure continue du glucose (CGM – continuous glucose monitoring) peut révéler [5]. Plusieurs études prospectives évaluant l’intérêt du CGM pendant la grossesse des femmes DT1 ont été réalisées, avec des résultats hétérogènes selon que ce système était utilisé par périodes intermittentes ou pendant toute la grossesse, cette dernière option étant associée à un meilleur contrôle glycémique et à une diminution de l’incidence des fœtus LGA et des hypoglycémies néonatales [6]. Cependant, l’association des mesures CGM maternelles aux évènements fœtaux n’a jamais été évaluée, en vraie vie, dans une large population de grossesses DT1. C’est l’objet de cette étude rétrospective menée en Suède, pays dans lequel le CGM est utilisé en routine clinique, depuis plusieurs années, pendant la grossesse des femmes DT1.

Les données de deux centres obstétricaux suédois ont ainsi été analysées rétrospectivement sur la période 2014-2017, à la recherche des grossesses de patientes DT1 de plus de 18 ans, ayant utilisé un CGM et le système de télésurveillance Diasend® qui permet de colliger à distance l’ensemble des données de glucose interstitiel. Les auteurs ont ensuite exclu les grossesses multiples et les grossesses aboutissant à une fausse couche. Après application de ces critères, 186 patientes DT1 ont été retenues pour être incluses dans cette étude. Parmi ces femmes, 84 étaient déjà utilisatrices d’un CGM avant le début de leur grossesse et pour les 102 autres patientes, le CGM a été mis en place dès la première visite de suivi de la grossesse. Il faut souligner que les patientes ont utilisé le CGM de façon permanente pendant toute la grossesse. Le système Dexcom®G4 (rtCGM – real time CGM) (n=92) et le système FreeStyle Libre® (iCGM – intermittent CGM) (n=94) ont été les deux dispositifs utilisés dans cette étude. Les données de ces deux systèmes étaient récupérées en temps réel par les centre obstétricaux via le système de télésurveillance Diasend®, et analysées de façon hebdomadaire par un médecin diabétologue ou une infirmière experte en diabétologie qui conseillaient en retour les patientes quant à l’adaptation des doses d’insuline, afin de viser des taux de glucose ≤ 110 mg/dL à jeun, ≤ 145 mg/dL en post-prandial et entre 110 et 145 mg/dL au coucher. Les paramètres CGM recommandés par le consensus international [7] ont été calculés pour l’ensemble de la grossesse ainsi que pour chaque trimestre (<13 ; 13-28 ; > 28 semaines de gestation). Quelques données CGM ont dû être exclues lorsqu’il y avait moins de 80 de données sur une période de 14 jours. Les critères d’évaluation fœtaux et obstétricaux étaient les suivants : incidence des fœtus LGA et un critère combiné d’événements néonataux comprenant une macrosomie (poids de naissance > 4500 g), une dystocie des épaules, une hypoglycémie néonatale et/ou une admission en réanimation néonatale pour une durée de plus de 24 heures.

Concernant les données au début de la grossesse, les deux groupes (rtCGM et iCGM) étaient comparables sauf pour le pourcentage de patientes sous pompe à insuline (42 vs 16% ; p<0,001) et pour l’ancienneté du diabète (17 vs 14 années ; p<0,05). Pour l’ensemble de la cohorte, le temps moyen dans la cible (TIR60-140 – time in range 60-140 mg/dL) augmentait au cours de la grossesse, passant d’environ 40-50% au premier trimestre à 60-70% au dernier trimestre. En miroir, le temps au dessus de 140 mg/dL diminuait pendant la grossesse, de 40-50% au premier trimestre à 25-35% au dernier trimestre. Enfin, le temps en dessous de 60 mg/dL augmentait pendant le premier trimestre pour être maximal au début du deuxième trimestre (6%) et diminuait ensuite jusqu’à la fin de la grossesse pour atteindre environ 4% à terme. Le auteurs ont donc observé une amélioration globale de l’équilibre glycémique entre le premier et le troisième trimestre (p<0,001). Les résultats pour le temps dans la cible et le temps au dessus de la cible n’étaient pas significativement différents entre les deux groupes rtCGM et iCGM. En revanche, le temps passé en hypoglycémie était significativement plus faible (de même que le LBGI -  low blood glucose index) dans le groupe rtCGM versus iCGM sur l’ensemble de la grossesse (p<0,05). Tous les autres paramètres CGM analysés étaient identiques dans les deux groupes (glycémie moyenne, déviation standard, coefficient de variation, MAGE (mean amplitude of glucose excursion), HBGI (high blood glucose index).
Les événements fœtaux et obstétricaux n’étaient pas non plus différents chez les femmes rtCGM ou iCGM : le terme médian était de 38 semaines avec un taux de césarienne de 47% ; le taux de LGA était de 53%. Les auteurs ont ensuite analysé les caractéristiques des femmes qui portaient un enfant LGA comparativement à celles qui portaient un enfant dont la croissance était normale (non LGA). Après ajustement sur l’âge, le statut tabagique, l’indice de masse corporelle, et le type de dispositif utilisé (rtCGM ou iCGM), Kristensen K et al. ont mis en évidence que le risque de LGA était significativement associé, au deuxième et au troisième trimestres, à un taux moyen de glucose et un temps au dessus de 140 mg/dL plus élevés, ainsi qu’un TIR60-140 et un temps en dessous de 60 mg/dL plus faibles. Par exemple, au 2ème trimestre, le glucose moyen était de 138 ± 18 vs 129 ± 24 mg/dL, le temps au dessus de 140 mg/dL de 41,9 ± 12,8 vs 34,0 ± 15,9%, le TIR60-140 de 51,8 ± 12,3 vs 57,9 ± 14,4% et le temps en dessous de 60 mg/dL de 6,4 ± 4,5 vs 8,0 ± 5,7% chez les femmes portant un enfant LGA versus non LGA (p<0,05). De plus, également au cours des deux derniers trimestres, le LBGI était plus bas en cas de LGA versus non LGA (p<0,01). Enfin, au cours du deuxième trimestre de grossesse, la déviation standard du glucose interstitiel était plus élevée en cas de LGA (53 ± 11 vs 49 ± 13 mg/dL ; p<0,05). Bien sûr, le risque de LGA était associé, à tous les trimestres, à une HbA1c plus élevée (par exemple, au deuxième trimestre 6,4 ± 0,7 vs 6,1 ± 0,8% ; p=0,02). Des résultats similaires ont été retrouvés pour le critère combiné des complications obstétricales et néonatales, la survenue de ces complications étant associée à une HbA1c, un glucose moyen, un temps au dessus de 140mg/dL plus élevés, et à un TIR60-140, un temps en dessous de 60mg/dL, un LBGI plus bas (p<0,05).

Cette publication rapporte pour la première fois en situation de vie réelle, l’évolution des paramètres CGM au cours de la grossesse des femmes DT1 ainsi que les associations observées entre ces paramètres CGM et la survenue des évènements fœtaux, obstétricaux et néo-nataux. De plus, cette étude suggère une non infériorité du iCGM comparativement au rtCGM, sur la survenue de ces évènements. Cette dernière information doit être prise avec précaution compte tenu du caractère observationnel de cette étude et des biais potentiellement associés. Cette étude nous montre également que malgré l’utilisation du CGM associée à une interaction hebdomadaire entre les centres experts et cette population de femmes DT1, les taux de LGA et de césarienne sont restés élevés (53 et 47%, respectivement), à un niveau comparable à ce qui a été retrouvé dans la plupart des études récentes dans lesquelles les femmes n’utilisaient pas le CGM. Cette constatation devrait nous inciter à renforcer encore la prise en charge des femmes DT1 équipées de CGM pendant la grossesse, par un suivi rapproché et des adaptations répétées des mesures thérapeutiques. On peut espérer que dans un avenir proche, les systèmes de boucle fermée puissent optimiser l’utilisation des données de glucose interstitiel et permettre une diminution des complications foeto-obstétricales.

 

Références

[1] Persson M et al. Birth size distribution in 3,705 infants born to mothers with type 1 diabetes: a population-based study. Diabetes Care 2011;34:1145-1149.
 
[2] Persson M et al. Disproportionate body composition and perinatal outcome in large-for-gestational-age infants to mothers with type 1 diabetes. BJOG 2012;119:565-572.
 
[3] Clausen TD et al. (2008) High prevalence of type 2 diabetes and pre-diabetes in adult offspring of women with gestational diabetes mellitus or type 1 diabetes: the role of intrauterine hyperglycemia. Diabetes Care 2018;31:340-346.
 
[4] Murphy HR et al. Improved pregnancy outcomes in women with type 1 and type 2 diabetes but substantial clinic-to-clinic variations: a prospective nationwide study. Diabetologia 2017;60:1668-1677.
 
[5] Monnier L et al. Toward Defining the Threshold Between Low and High Glucose Variability in Diabetes. Diabetes Care 2017;40:832-838.
 
[6] Feig DS et al. Continuous glucose monitoring in pregnant women with type 1 diabetes (CONCEPTT): a multicentre international randomised controlled trial. Lancet 2017;390:2347-2359.
 
[7] Danne T et al. International consensus on use of continuous glucose monitoring. Diabetes Care 2017;40:1631-1640.
 


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vendredi 5 avril 2019

Score calcique coronaire et prédiction du risque cardiovasculaire : ça marche aussi dans le diabète de type 1

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Mars 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Guo J et al. The role of coronary artery calcification testing in incident coronary artery disease risk prediction in type 1 diabetes. Diabetologia 2019;62:259-268. doi: 10.1007/s00125-018-4764-2

 

Le risque cardiovasculaire (CV) n’est pas toujours évalué et pris en compte à sa juste mesure chez les patients atteints de diabète de type 1 (DT1). La glycémie et les complications microvasculaires restent en général le principal focus de la prise en charge. Pourtant, il a récemment été montré que le risque CV était fortement augmenté chez le DT1 et entraînait une diminution de l’espérance de vie pouvant aller jusqu’à une quinzaine d’année lorsque le diabète débutait avant 10 ans [1]. Il faut cependant reconnaître que les stratégies d’évaluation du risque CV ne s’appliquent pas ou peu chez les patients DT1 : les modèles de prédiction existant sont dérivés de la population générale ou de patients atteints de diabète de type 2 (DT2). De plus, le dépistage myocardique chez des patients asymptomatiques a montré qu’il n’apportait pas de bénéfice et entraînait le patient dans un processus de surmédicalisation potentiellement délétère. Parmi les nombreux marqueurs intermédiaires du risque CV, le score calcique (CAC – Coronary Artery Calcification) semble tirer son épingle du jeu : c’est un examen simple, facile d’accès, non invasif et qui permet de prédire le risque CV à long terme. Cependant, cette prédiction n’est validée que dans la population générale et chez les DT2, mais pas chez les DT1. C’est l’objectif de cette étude observationnelle prospective.

La cohorte étudiée ici est la Pittsburgh Epidemiology of Diabetes Complications (EDC) study, cohorte historique de patients DT1, qui a inclus des DT1 diagnostiqués avant l’âge de 17 ans, dans l’année suivant la découverte, entre 1950 et 1980. Ici ont été étudié 292 participants sans antécédent CV ayant eu une mesure de CAC entre 1996 et 1998. Parmi eux, 181 ont eu un (ou plusieurs) nouveau(x) CAC entre 2000 et 2002 et/ou entre 2004 et 2006. Le CAC était quantifié conventionnellement par unité Agatston. Le statut CV était évalué 2 fois par an toute la durée du suivi. Un événement coronarien (critère de jugement principal) était défini par un angor, un infarctus du myocarde, une sténose coronaire ≥ 50%, une revascularisation coronaire ou un ECG avec signes d’ischémie. L’incidence des événements était évaluée selon le premier CAC de trois façons : 4 catégories de CAC (0, 1–99, 100–399 and ≥400), 2 catégories (<100 and ≥100), et le CAC en variable continue (après log-transformation). Plusieurs modèles d’ajustement ont été utilisés intégrant les facteurs de risque classique (sexe, durée de diabète, tabac, IMC, HbA1c, hypertension artérielle, albuminurie, HDL- et non-HDL cholestérol, statines). La progression du CAC était également analysée vis-à-vis du risque d’événement coronarien.

L’âge moyen à l’inclusion (premier CAC) était de 39,4 ans et la durée moyenne de diabète de 29,5 ans. Après une durée moyenne de suivi de 10,7 ans, un événement coronarien était survenu chez 76 participants (26%) dont 17% d’IDM fatals et 20% d’IDM non fatals. De façon non surprenante, les participants avec un CAC élevé étaient plus souvent fumeurs, avaient une durée de diabète plus longue et une albuminurie plus élevée. Les sujets ayant fait un événement coronarien avaient un CAC beaucoup plus élevé. Le niveau de CAC était fortement et significativement associé au risque d’événement coronarien avec un Hazard Ratio (95%CI) après ajustement de 3,1 (1,6-6,1), 4,4 (2,0-9,5) et 4,8 (1,9-12,0) respectivement pour les groupes CAC 1–99 (n=86), 100–399 (n=39) et ≥400 (n=19) en comparaison au groupe CAC 0 (n=148). Les résultats étaient similaires pour les autres catégorisations du CAC (binaire et continue) et lorsque qu’uniquement les IDM fatals et non fatals étaient pris en compte.
Chez les patients ayant eu des mesures répétées de CAC, la progression annuelle du CAC étaient également significativement associée au risque d’événements coronariens même après ajustement sur le CAC à l’inclusion. Ainsi, les patients au-dessus de la médiane avaient un HR ajusté de 2,8 (1,1-7,5), p=0,039 en comparaison à ceux en-dessous de la médiane.
Ces résultats montrent donc que le CAC peut être utilisé chez les DT1 comme intégrateur du risque CV afin de mieux évaluer le risque et mettre en place les stratégies de prévention adéquate. Ces résultats sont soutenus par une étude récente du DCCT/EDIC qui a analysé chez 1205 participants l’association entre le CAC (mesuré durant EDIC entre l’année 7 et 9) et le risque d’événements CV survenant pendant les 10 à 13 années suivantes [2]. Après ajustement sur de multiples facteurs, le risque d’événements CV majeurs (IDM non fatal, AVC non fatal, décès CV) était fortement augmenté chez les participants avec CAC entre 100 et 300 (HR 6,05 (2,56-14,30), p<0,0001) et > 300 (HR 5,57 (2,33-13,35) p=0,0001) en comparaison à ceux avec CAC à 0. Reste à savoir si la réalisation du CAC s’accompagnera d’une diminution du taux de survenue d’événements CV chez les patients DT1 (également chez les patients DT2 puisqu’aucune étude randomisée n’a pour l’instant évalué l’impact du CAC sur le risque CV). En attendant, le CAC peut aider le clinicien à mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires au moment opportun, ce qui n’est pas toujours évident à déterminer dans cette population.

 

Références

[1] TRawshani A, et al. Excess mortality and cardiovascular disease in young adults with type 1 diabetes in relation to age at onset: a nationwide, register-based cohort study. Lancet 2018;392:477-486.
 
[2] Budoff M et al. The Association of Coronary Artery Calcification With Subsequent Incidence of Cardiovascular Disease in Type 1 Diabetes: The DCCT/EDIC Trials. JACC Cardiovasc Imaging 2019 Mar 8. pii: S1936-878X(19)30143-3.
 


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jeudi 28 février 2019

Anticorps anti-cœur :  vers un nouveau biomarqueur du risque cardiovasculaire dans le diabète de type 1 ?

Auteur : 
Michael Joubert
Date Publication : 
Février 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Campbell-Thompson ML et al. Relative Pancreas Volume Is Reduced in First-Degree Relatives of Patients With Type 1 Diabetes. Diabetes Care 2018. doi: 10.2337/dc18-1512

 

Malgré les progrès concernant la prise en charge thérapeutique des patients atteints de diabète de type 1 (DT1), le risque cardiovasculaire reste largement augmenté dans cette population, d’autant plus lorsque l’équilibre glycémique est mauvais, ce qui concerne jusqu’à un tiers de ces patients [1]. Dans cette population, l’hyperglycémie tient un rôle prépondérant dans la survenue des événements cardiovasculaires, comparativement aux patients atteints de diabète de type 2 (DT2) pour lesquels d’autres facteurs de risque cardiovasculaire sont plus souvent intriqués. Une autre particularité du DT1 est qu’il s’agit d’une pathologie auto-immune qui peut être interprétée comme une réponse immunitaire inadaptée en réaction à des lésions cellulaires des îlots de Langerhans. Bien que cette réaction dysimmunitaire soit principalement médiée par la mise en jeu de l’immunité cellulaire (lymphocytes T), la présence d’auto-anticorps spécifiques des îlots est un marqueur biologique prédictif robuste de survenue du DT1 [2]. Probablement à l’instar de ce qui se passe pour les îlots, une autoimmunité cellulaire cardiaque, ainsi que la présence d’auto-anticorps anti chaine-alpha de la myosine ont été mises en évidence sur des modèles animaux et humains de DT1 en post-infarctus du myocarde, alors qu’une telle réponse immunitaire ne semble pas exister dans les modèles de DT2 avec lésion cardiaque [3]. L’hyperglycémie du DT1 étant à l’origine de lésions des cardiomyocytes, une équipe du prestigieux Joslin Diabetes Center de Boston a émis une hypothèse originale : l’hyperglycémie chronique pourrait induire une auto-immunité cardiaque chez les patients DT1, et cette dysfonction immunitaire et l’état inflammatoire qui y est associé pourraient majorer le risque cardiovasculaire de ces patients.

Afin de tester cette hypothèse, cette équipe a pu accéder à la base de données du DCCT (Diabetes Control and Complications Trial), étude qui a permis d’évaluer notamment la survenue d’évènements cardiovasculaires sur une large cohorte de patients DT1 dont le niveau de contrôle glycémique était variable selon qu’ils avaient été randomisés dans le groupe « conventionnel » ou « intensif ». De plus, les données à long terme de l’étude observationnel post-DCCT EDIC (Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications) ont également pu être analysées dans ce travail. Il faut rappeler que la cohorte de l’étude DCCT a été constituée en 1983 et comportait 1441 patients DT1 initialement indemnes de pathologie cardiovasculaire, d’hypertension et d’hypercholestérolémie. Durant les 10 années de suivi, les traitements « conventionnel » et « intensif » ont permis d’obtenir une HbA1c moyenne de 9,1 et 7,2%, respectivement. Après les 10 années d’intervention, les patients ont continué d’être suivi annuellement, de 1994 jusqu’à actuellement, avec une HbA1c moyenne de 8% pour l’ensemble de la cohorte. Parmi les patients de cette cohorte, les auteurs ont sélectionné des sujets qui présentaient, pendant la phase interventionnelle DCCT, une HbA1c inférieure à 7% dans le groupe « intensif », ainsi que des sujets appariés sur l’âge, le sexe et l’ancienneté de diabète qui présentaient une HbA1c supérieure à 9% dans le groupe « conventionnel ». Les patients qui, pendant la phase DCCT, avaient présenté un événement cardiovasculaire (infarctus ou AVC non fatal, décès cardiovasculaire, syndrome coronarien aigu, insuffisance cardiaque ou revascularisation coronaire) ou développé une atteinte rénale (albuminurie ≥ 300 mg/24h et/ou débit de filtration glomérulaire ≤ 60 mL/min), ont été exclus de l’analyse. Pour chacun des patients sélectionnés, les auteurs ont eu accès à au moins trois échantillons de sérum, prélevés longitudinalement pendant l’étude DCCT, sur lesquels la recherche d’auto-anticorps cardiaque a pu être réalisée. Ainsi, 166 patients de l’étude DCCT ont pu être analysés, 83 avec HbA1c ≤ 7% et 83 avec HbA1c ≥ 9%, ainsi que les 266 et 234 échantillons biologiques associés à ces deux groupes de patients, respectivement.

En complément de DCCT/EDIC, trois autres bases de données et biobanques ont été utilisées, afin de servir de contrôle : (i) une cohorte de patients DT2 sans atteinte cardiovasculaire clinique, avec un sous-groupe de 140 sujets avec HbA1c ≤ 7% et un sous-groupe de 70 sujets avec HbA1c ≥ 9% ; (ii) une cohorte de 51 patients atteints de cardiomyopathie chronique de Chagas (Fraction d’éjection moyenne 32%) ; (iii) une cohorte de 115 sujets contrôles en bonne santé. Ce n’est pas un seul auto-anticorps mais un panel d’auto-anticorps cardiaques qui ont été recherchés par immuno-précipitation en phase liquide sur les échantillons disponibles pour l’ensemble de ces patients : anticorps anti chaîne lourde de la myosine, anti sous-unité béta, anti troponine I, anti fragment S1 et anti fragment S2 de la myosine. Les événements cardiovasculaires ont été définis selon un critère composite regroupant les infarctus non fatals, les accidents vasculaires cérébraux non fatals, les décès cardiovasculaire, l’insuffisance cardiaque et les revascularisations coronaires qui sont survenus entre le début de l’étude DCCT et la 20ème année du suivi EDIC. De plus, le score calcique coronaire mesuré entre la 7ème et la 9ème année de la phase EDIC a également été pris en compte.

Les caractéristiques de départ des deux sous-groupes de patients DT1 issus de l’étude DCCT/EDIC étaient globalement comparables, mis à part l’âge des patients qui était de 28±6 et 26±7 ans dans les sous-groupes d’HbA1c ≤ 7 et ≥ 9%, respectivement (p=0,03). Il faut souligner que les profils HLA et la présence d’Ac anti GAD et IA2 étaient similaires entre ces deux sous-groupes.

Au moins 1 auto-anticorps cardiaque était positif pour 46% des patients DT1 avec HbA1c ≥ 9%, 2% des patients DT1 avec HbA1c ≤ 7%, 51% des patients atteints de cardiopathie de Chagas, 7 et 8% des patients DT2 avec HbA1c ≥ 9 et ≤ 7%, respectivement, et 4% des sujets contrôles. L’auto-anticorps cardiaque le plus souvent détecté pour les patients DT1 avec HbA1c ≥ 9% était l’anti-fragment S1, retrouvé pour 27% des sujets de ce sous-groupe, une prévalence similaire aux 31% de patients présentant ce même anticorps dans la cohorte de cardiomyopathie de Chagas. En comparaison, cet anticorps n’était détecté pour aucun des patients DT1 avec HbA1c ≤ 7%. Par ailleurs, les auto-anticorps cardiaques ont été mesurés à des taux significativement plus élevés chez les patients DT1 avec HbA1c ≥ 9%, comparativement aux patients DT1 avec HbA1c ≤ 7%. De plus, la cinétique temporelle des taux d’auto-anticorps était différente dans ces deux sous-groupes, les taux tendant à augmenter chez les DT1 mal équilibrés (HbA1c ≥ 9%) et inversement à diminuer chez les DT1 bien équilibrés (HbA1c ≤ 7%). L’analyse des évènements cardiovasculaires lors du suivi EDIC a montré que la présence d’au moins deux auto-anticorps cardiaques conférait un sur-risque cardiovasculaire majeur (HR 16,1 ; p=0,001). De même, le risque que le score calcique coronaire soit pathologique était également très augmenté chez les patients DT1 porteurs d’au moins deux auto-anticorps (OR 26,7 ; p<0,001). Ce résultat restait identique après ajustements multiples sur le sexe, le statut tabagique et l’hypertension artérielle. Enfin, les patients avec ≥ 2 auto-anticorps cardiaques présentaient un taux plus élevé de CRPus comparativement à ceux avec ≤ 1 auto-anticorps cardiaque (6 vs 1,4 mg/L ; p=0,003).

En résumé, cette analyse montre que chez les patients DT1 sans pathologie cardiovasculaire ou rénale préexistante, le mauvais contrôle glycémique est associé au développement d’une auto-immunité cardiaque. De plus, cette auto-immunité cardiaque est associée à un sur-risque de maladie athéromateuse et d’évènements cardiovasculaires. Enfin, la présence de ces auto-anticorps est également associée à un état inflammatoire qui pourrait faire le lien entre la présence de ces anticorps et la pathologie athéromateuse. Le mécanisme initial du développement de cette auto-immunité cardiaque serait médié par la survenue de lésions myocardiques infracliniques secondaires à l’hyperglycémie. Ces lésions « exposeraient » des protéines musculaires cardiaques qui seraient alors les antigènes responsables de la réponse auto-immune favorisant l’état pro-inflammatoire responsable de l’augmentation du risque vasculaire. La présence similaire d’auto-anticorps cardiaques chez les patients atteints de cardiomyopathie de Chagas renforce cette hypothèse. Le traitement intensif du diabète semble diminuer cette réponse auto-immune cardiaque en réduisant les lésions myocardiques et ainsi l’exposition des antigènes.

Même si ces résultats nécessitent d’être confirmés dans d’autres études, l’auto-immunité cardiaque semble intéressante et pourrait représenter un biomarqueur précoce du risque cardiovasculaire chez les patients DT1. Il faudrait alors que soient développés des kits de dosage de ces anticorps qui ne sont actuellement pas mesurables en dehors de ce type de recherche clinique...

 

Références

[1] Lind M et al. Glycemic control and excess mortality in type 1 diabetes. N Engl J Med 2014;371:1972-1982.
 
[2] Pietropaolo M et al. Humoral autoimmunity in type 1 diabetes: prediction, significance, and detection of distinct disease subtypes. Cold Spring Harb Perspect Med 2012;2:a012831.
 
[3] Lv H et al. Impaired thymic tolerance to α-myosin directs autoimmunity to the heart in mice and humans. J Clin Invest 2011;121:1561-1573.
 


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