mardi 12 décembre 2023

CopenFast : Essai ouvert, monocentrique, contrôlé et randomisé comparant l’insuline asparte ultra-rapide versus insuline asparte dans le traitement du diabète de type 1 ou de type 2 durant la grossesse et le post-partum

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Novembre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Norgaard SK, et al. Faster-acting insulin aspart versus insulin aspart in the treatment of type 1 or type 2 diabetes during pregnancy and post-delivery (CopenFast): an open-label, single-centre, randomised controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2023;11(11) 811-821. doi : 10.1016/S2213-8587(23)00236-X

 

Malgré la diminution des complications materno-fœtales au cours des grossesses marquées par un diabète préexistant, environ 50% des nouveau-nés présentent, encore de nos jours, un poids de naissance considéré comme excessif [1]. Considérant l’association entre le contrôle glycémique et la croissance fœtale, il semble indispensable de gérer au mieux les excursions glycémiques postprandiales afin de réduire ce risque. De par leur effet hypoglycémiant plus précoce, les insulines ultra-rapides semblent être une option intéressante, d’autant qu’elles sont considérées actuellement comme sans risque au cours de la grossesse et de l’allaitement. Pourtant, elles n’ont pas été évaluées dans cette population. L’objectif des auteurs était d’évaluer l’effet de l’insuline asparte ultra-rapide (AUR) sur la croissance fœtale chez les femmes présentant un diabète de type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2) au cours de la grossesse et du post-partum.

Il s’agit d’un essai de supériorité, ouvert, monocentrique, contrôlé et randomisé conduit au Risgh Hôpital à Copenhague. Les participantes étaient âgées de plus de 18 ans, DT1 ou DT2, enceintes d’un singleton, stratifiées en fonction du type de diabète et du traitement (injections sous-cutanées vs. pompe ambulatoire). Une randomisation 1:1 a été effectuée au hasard entre 8 semaines d’aménorrhée (SA) et 13 SA +6 jours entre AUR 100 UI/mL et insuline asparte 100 UI/mL. Tous les antidiabétiques oraux ont été suspendus chez les DT2. Les femmes ont été suivies jusqu’à 3 mois du post-partum. La dissimulation de l'attribution a été assurée par des enveloppes opaques et scellées, numérotées séquentiellement. Le critère de jugement principal était le z-score du poids de naissance (DS : déviation standard). Les critères de jugement secondaires comprenaient l’HbA1c, les complications materno-fœtales de la grossesse : fausse-couche, décès périnatal, pré-éclampsie, séjour en soins intensifs néonataux, hypoglycémies néonatales, ictère, détresse respiratoire, décès néonatal et anomalie congénitale.

Une étude multicentrique (2 hôpitaux universitaires danois), contrôlée, en grappes a été constituée. 170 enfants et adolescents présentant un DT1, âgés de 2 à 20 ans, ont été inclus lors de l’installation d’un nouveau dispositif cutané (pompe, capteur de glucose ou les 2). Le seul critère d'exclusion était les difficultés linguistiques pour répondre aux questions de l'enquête. Les directives comprenaient : i) insertion et retrait en douceur du dispositif, ii) absence de désinfection, iii) application quotidienne de crème lipidique Decubal© 70% sur tous les sites non occupés par les dispositifs. Les participants devaient contacter l’équipe de recherche clinique en cas d’effet indésirable cutané. Une évaluation trimestrielle était réalisée l’année suivant la mise en place du dispositif, comportant un examen clinique (mesure de la démangeaison, de la perte d’eau transdermique, de l’hydratation) et un entretien.

Entre le 1/11/2019 et le 10/05/2022, 109 participantes ont été incluses dans le groupe AUR et 109 dans le groupe asparte. Aucune participante n’a abandonné le traitement pendant l’essai. Le z-score correspondant au poids moyen de naissance était de 1,0 (DS 1,4) dans le groupe AUR vs. 1,2 (DS 1,3) dans le groupe asparte, soit une différence non significative estimée de -0,22 [-0,58 -0,14] ; p=0,23. À 33 SA, l’HbA1c moyenne était de 6,0% dans le groupe AUR vs. 6,1% dans le groupe asparte, soit une différence non significative estimée de -1,01 [-2,86-0,83] ; p=0,28. Les doses d'insuline étaient similaires entre les deux groupes. Les surveillances glycémiques (sept mesures quotidiennes pendant les sept jours précédant les réévaluations à 21 et 33 SA) ont montré une tendance similaire entre les 2 groupes. Cependant, le nombre d'hypoglycémies légères était plus faible dans le groupe AUR (OR -0,90 [IC95% -1,71 à -0,09], p=0,030). De la randomisation à l'accouchement, une participante du groupe AUR (<1%) et sept (7%) du groupe insuline asparte (dont une avec DT2) ont rapporté au moins une hypoglycémie sévère (OR 0,13 [IC95% 0,02 -1,11], p=0,062). Après l'accouchement, deux participantes du groupe AUR ont rapporté une hypoglycémie sévère vs. trois participantes du groupe insuline asparte. Trois de ces événements se sont produits pendant l'allaitement. Par ailleurs, il n’y avait aucune différence entre les différents groupes concernant les complications materno-fœtales de la grossesse.

Sur la base des effets prometteurs de l’AUR sur la réduction des excursions glycémiques postprandiales dans des populations non enceintes de femmes avec DT1 et DT2 [2], les auteurs ont émis l'hypothèse que le traitement par AUR entraînerait moins de croissance excessive fœtale, sans problème de sécurité supplémentaire, en comparaison à l’insuline asparte. Le poids du nourrisson à la naissance était plus faible dans cet essai, mais la différence n’était pas statistiquement significative, dans le groupe AUR en comparaison au groupe insuline asparte. Cependant, l'IC à 95 % allait de -0-58 à 0-14, se rapprochant ainsi de la réduction estimée attendue, à défaut en l’absence de littérature antérieure, de 0,60 DS du poids du nourrisson. Par ailleurs, l’absence de différence entre les HbA1c est interprétée par les auteurs comme un défaut de sensibilité de ce marqueur pour détecter la variabilité glycémique. L’étude des mesures CGM semblerait plus judicieuse, mais malheureusement non incluse dans le protocole car proposée uniquement aux DT1 ou DT2 avec insuline avant grossesse. Même si les résultats de l’étude sont rassurants, rappelons que les propriétés physiologiques de l’asparte, et donc de l’AUR, notamment en termes d’absorption au cours de la grossesse sont peu connues [3].

Les points forts de ce travail sont : sa conception randomisée, sa grande population d’étude, l’absence d’abandon de traitement par les patientes, un faible nombre de données manquantes. Le point faible principal est représenté par la difficulté d’analyse des surveillances glycémiques car elles n’étaient disponibles que dans 64% des cas. De plus, concernant les critères de jugement secondaires, aucun ajustement n’a été réalisé, augmentant le risque d’erreur de type I.

En conclusion, le traitement par AUR a entraîné une croissance fœtale et une HbA1c similaires, par rapport à l'insuline asparte, chez les femmes DT1/DT2 au cours de la grossesse. Ces résultats nous confortent dans l’idée que l’AUR peut être utilisée chez les femmes DT1/DT2 pendant la grossesse et après l'accouchement sans problème de sécurité supplémentaire. De futures études portant sur des cohortes plus importantes de femmes souffrant de diabète préexistant pendant la grossesse et après l'accouchement sont nécessaires pour fournir des preuves supplémentaires.

 

Références

[1] Ringholm L, Nørgaard SK, Rytter A, & al. Dietary advice to support glycaemic control and weight management in women with type 1 diabetes during pregnancy and breastfeeding. Nutrients 2022; 14: 4867.
 
[2] Heise T, Pieber TR, Danne T, & al. A pooled analysis of clinical pharmacology trials investigating the pharmacokinetic and pharmacodynamic characteristics of fastacting insulin aspart in adults with type 1 diabetes. Clin Pharmacokinet 2017; 56: 551–59.
 
[3] Murphy HR, Elleri D, Allen JM, et al. Pathophysiology of postprandial hyperglycaemia in women with type 1 diabetes during pregnancy. Diabetologia 2012; 55: 282–93.
 


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