samedi 1 octobre 2016

L’utilisation de FreeStyle Libre® diminue le risque d’hypoglycémie chez les patients diabétiques de type 1 bien contrôlés

Auteur : 
Kamel Mohammedi
Date Publication : 
Septembre 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Bolinder J et al.  Novel glucose-sensing technology and hypoglycaemia in type 1 diabetes: a multicentre, non-masked, randomised controlled trial. Lancet 2016 (ahead of print). doi: 10.1016/S0140-6736(16)31535-5
 

 

Le contrôle strict de la glycémie est indispensable pour prévenir les complications micro- et macrovasculaires liées au diabète [1, 2], mais une majorité de patients diabétiques n’arrive pas à atteindre l’objectif glycémique recommandé. De plus, un contrôle glycémique satisfaisant est souvent associé à un risque élevé d’hypoglycémie [3]. Des études observationnelles antérieures ont montré que 30 à 40 % des patients diabétiques de type 1 (DT1) étaient victimes de 1 à 3 malaises hypoglycémiques chaque année [4].

L’utilisation des dispositifs de contrôle continu du glucose (CGM) a émergé ces dernières années, particulièrement chez les patients DT1. Le FreeStyle Libre® (Abbott Diabetes Care, Witney, Oxon, UK) est le premier dispositif CGM avec un système flash, sans besoin de calibrage. Le patient peut consulter son taux de glucose (sans ponction cutanée) en scannant, à tout moment, le capteur à l’aide d’un moniteur. Le patient (ou le personnel soignant) peut ainsi consulter en temps réel les données immédiates ainsi que les 8 dernières heures de données de glucose interstitiel qui sont en mémoire dans le transmetteur.

L’objectif de la présente étude a été de comparer l’utilisation de FreeStyle Libre® à l’auto-surveillance de la glycémie capillaire, dans la prévention des hypoglycémies chez des adultes DT1 bien contrôlés. Cette étude randomisée, ouverte, multicentrique européenne (Suède, Autriche, Allemagne, Pays-Bas, et Espagne) a inclus des patients DT1 âgés de plus de 18 ans, diagnostiqués depuis au moins 5 ans, traités par insuline (protocole inchangé depuis au moins les 3 mois précédents l’étude), avec une HbA1C ≤ 7,5 %, pratiquant une auto-surveillance glycémique régulière (≥ 3 par jour pendant au moins les 2 mois précédents l’étude), et capables de manier le FreeStyle Libre®. Les principaux critères d’exclusion ont été le diagnostic lors des 6 derniers mois d’une hypoglycémie sévère avec perte de connaissance, d’une acidocétose diabétique, ou d’un infarctus du myocarde, l’allergie aux pansements adhésifs, l’utilisation d’un dispositif CGM les 4 derniers mois ou d’une pompe à insuline couplée à un capteur CGM, la grossesse, et la corticothérapie par voie orale.

Tous les participants pré-sélectionnés ont porté le FreeStyle Libre® pendant une période de 14 jours sans accès aux données (ni pour les patients ni pour les investigateurs), et seulement ceux avec au moins 50 % de données exploitables ont été randomisés dans l’un des 2 groupes : FreeStyle Libre® versus auto-surveillance glycémique standard utilisant un lecteur de glycémie capillaire de type FreeStyle Lite meter®. Après la randomisation, les participants du groupe actif avaient l’accès libre et total aux données du capteur pendant les 6 mois de l’étude. Les patients randomisés dans le groupe contrôle ont été équipés d’un FreeStyle Libre® pendant 2 périodes de 14 jours à la fin du 3ème et 6ème mois de l’étude sans accès aux données du capteur, tout en continuant à gérer leur diabète sur la base de glycémies capillaires.

Le critère de jugement principal a été le temps passé en hypoglycémie (< 3,9 mmol/L [<0,70 g/L] sur la base des données du capteur dans les 2 groupes)pendant les 14 derniers jours précédents la fin de l’étude. Parmi les nombreux critères de jugement secondaires étudiés on peut citer la glycémie dérivée du CGM au 194ème-208ème jour, HbA1C au 208ème jour, le changement de doses quotidiennes d’insuline (du premier au 208ème jour), l’utilisation du dispositif (du 15ème au 208ème), et la fréquence quotidienne de scans du FreeStyle Libre®, ou d’autocontrôles de la glycémie capillaire.

Entre septembre 2014 et février 2015, 241 patients ont été randomisés dans cette étude. Le temps passé en hypoglycémie a diminué de 38 % dans le groupe actif comparé au contrôle (-1,24 ± 0,24 h/jour, p<0.0001) : de 3,38 à 2,03 h/jour (groupe actif) et de 3,44 à 3,27 h/jour (groupe contrôle). Cette différence a été observée quel que soit le seuil d’hypoglycémie retenue (<3,1 mmol/l, 2,5 mmol/L, ou 2,2 mmol/l). Les utilisateurs de FreeStyle Libre® ont passé également moins de temps en hyperglycémie (>13,3 mmol/L), et ils avaient moins de variabilité glycémique. En revanche, la variation du taux d’HbA1c pendant l’étude a été comparable entre les 2 groupes.

Les patients randomisés dans le groupe actif ont réduit le nombre de contrôles de glycémie capillaire de 5,5 à 0,7 par jour. Le nombre moyen de scans par 24 heures a été estimé à 15,1 ± 6,9. La fréquence d’utilisation du dispositif dans le groupe actif (92,8 %), et celle de l’autocontrôle glycémique dans le groupe contrôle (5,8 ± 1,7 par jour à l’inclusion et 5,6 ± 2,2 à la fin de l’étude) ont été optimales tout au long de l’étude. L’adaptation des doses d’insuline était comparable entre les 2 groupes. Les patients du groupe actif semblaient plus satisfaits de leur traitement en comparaison aux contrôles, mais la qualité de vie, les craintes liées à l’hypoglycémie, et la pression engendrée par le diabète étaient comparables entre les 2 groupes.

Sept hypoglycémies sévères (nécessitant une hospitalisation ou l’intervention d’une tierce personne) ont été rapportées chez 6 participants : 2 dans le groupe actif, et 4 dans le groupe contrôle (différence non significative). Aucun cas d’acidocétose diabétique n’a été signalé pendant cette étude. Parmi les effets secondaires, 248 ont été liés à l’insertion (douleur, saignement, œdème, ecchymoses, ou induration), ou au port du capteur (érythèmes, démangeaison, ou rash), responsables de 7 sorties de l’étude dans le groupe actif.

L’utilisation de FreeStyle Libre® a permis de diminuer le temps passé en hypoglycémie de façon similaire pendant le jour ou la nuit, ce qui est particulièrement intéressant, car les hypoglycémies nocturnes sont redoutables et sévères dans 50 % des cas [5]. La diminution du temps passé en hypoglycémie, et de sa fréquence, a été observée immédiatement après le début de l’étude témoignant de la bonne acceptabilité et du délai rapide d’adaptation des patients à ce nouveau dispositif, même si la qualité de vie et d’autres paramètres psycho-comportementaux concernant le diabète et les hypoglycémies n’ont pas été différents entre les 2 groupes. On peut imaginer qu’une période de 6 mois est trop courte pour changer le vécu d’un patient. L’utilisation de FreeStyle Libre® a été également associée à une diminution du temps passé en hyperglycémie, et à une moindre variabilité glycémique. En revanche, il faut encore déterminer pourquoi ces résultats ne se sont pas traduits pas une amélioration du taux d’HbA1c. Il est probable que la baisse des hypoglycémies dans le bras actif ait masqué une éventuelle différence entre les 2 groupes en terme d’HbA1c. Il est important de noter que ces résultats encourageants sont en partie liés à l’excellente adhérence au dispositif (>90 % d’utilisation).

La principale limite de cette étude est l’inclusion réduite aux patients DT1 bien contrôlés, qui avaient certainement une prise en charge satisfaisante de leur diabète, et une meilleure motivation. De ce fait, ces résultats ne peuvent pas être généralisés à d’autres populations de patients DT1 mal contrôlés avec un risque élevé d’hypoglycémie sévère (critère d’exclusion dans cette étude), et ceux qui n’ont pas suffisamment de motivation ou d’habileté technique pour utiliser ce dispositif.

Au total, l’utilisation du FreeStyle Libre® a permis la réduction de l’incidence et du temps passé en hypoglycémie chez les patients DT1 bien contrôlés. Ce nouveau dispositif innovant en matière d’auto-surveillance du diabète est bien toléré et correctement accepté par les patients DT1.

 

Références

[1] The Diabetes Control and Complications Trial Research Group. The effect of intensive treatment of diabetes on the development and progression of long-term complications in insulin-dependent diabetes mellitus.N Engl J Med. 1993 Sep 30;329(14):977-86.
 
[2] Nathan DM et al. Intensive diabetes treatment and cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. N Engl J Med. 353 (2005), pp. 2643–2653.
 
[3] The Diabetes Control and Complications Research Group. Hypoglycaemia in the diabetes, control and complications trial. Diabetes. 46 (1997), pp. 272–286.
 
[4] UK Hypoglycaemia Study Group. Risk of hypoglycaemia in types 1 and 2 diabetes: effects of treatment modalities and their duration. Diabetalogia. 50 (2007), pp. 1140–1147.
 
[5] Choudhary P et al. Hypoglycaemia: current management and controversies. Postgrad Med J, 87 (2011), pp. 298–306.
 


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