jeudi 28 novembre 2019

Prébiotiques dans le diabète de type 1 : pourquoi pas ?

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Novembre 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Ho J et al. Effect of Prebiotic on Microbiota, Intestinal Permeability, and Glycemic Control in Children With Type 1 Diabetes. J Clin Endocrinol Metab. 2019;104:4427–4440. doi: 10.1210/jc.2019-00481

 

Depuis quelques années déjà, le microbiote intestinal (l’ensemble des organismes colonisant notre tube digestif) a émergé comme jouant un rôle important dans de nombreuses pathologies, particulièrement dans le diabète et l’obésité. C’est la dysbiose (altération de la composition normale du microbiote avec déséquilibre d’une espèce par rapport à une autre) qui participe à la survenue de ces pathologies via notamment une augmentation de la perméabilité intestinale favorisant une activation inflammatoire plus importante. Dans le diabète de type 1 (DT1), il a été montré qu’une dysbiose était présente chez les sujets diabétiques, même à un stade précoce (auto-immunité sans hyperglycémie) [1]. Si son rôle causal n’est pas évident, intervenir sur le microbiote est tentant surtout qu’il s’agit d’interventions simples et peu coûteuses. L’administration de prébiotiques, des substrats utilisés sélectivement par certains types bactériens et favorisant l’équilibre du microbiote, améliore ainsi les paramètres métaboliques dans le diabète de type 2 [2]. Ajouté au fait que la correction de la dysbiose chez la souris retarde l’apparition d’un DT1 et stimule la sécrétion des incrétines, il n’en fallait pas plus pour mettre en place un essai sur l’effet de prébiotiques chez des sujets DT1.
C’est ce qu’a réalisé cette équipe de l’université de Calgary, province de l’Alberta au Canada, chez 43 enfants DT1 (38 seulement ont fini l’étude) qui ont été traités pour moitié par 8 g par jour d’inuline et d’oligofructose (des fibres prébiotiques issues de la chicorée) et pour l’autre par placebo pendant 12 semaines. Les paramètres glycémiques, les taux de GIP, GLP-1 et GLP-2, la perméabilité intestinale et le profil du microbiote ont été recueillis à l’inclusion, à 3 mois puis à 6 mois (soit 3 mois après l’arrêt des traitements).
Les participants étaient donc des jeunes DT1 d’âge moyen 12-13 ans, diabétiques depuis 7 ans avec une HbA1C à 8% environ. De façon surprenante et non discutée, la répartition fille/garçon était déséquilibrée avec 5 filles sous prébiotiques contre 14 sous placebo.
Concernant l’équilibre glycémique, il n’y a pas eu d’effet spectaculaire des prébiotiques puisque l’HbA1c n’évoluait pas différemment entre les 2 groupes à 3 et 6 mois. Aucune différence n’était observée non plus sur les marqueurs d’inflammation (IL-6, IL-10, TNF- et IFN-) et le taux d’incrétines (GLP-1 et GLP-2, GIP). En revanche, le peptide-C augmentait après 3 mois de prébiotiques (+43,9 pg/ml) alors qu’il diminuait sous placebo (-56,4 pg/ml).
La perméabilité intestinale (mesurée par le ratio lactulose/mannitol urinaire après ingestion orale) était anormalement élevée à l’inclusion chez un tiers des sujets. Après 3 mois de traitement, il était observé une diminution de la perméabilité intestinale sous prébiotiques contre une augmentation sous placebo mais sans différence significative entre les groupes à 3 mois.
Enfin, la diversité du microbiote (nombre d'espèces coexistant dans un échantillon à un instant donné) était légèrement mais significativement diminuée après 3 mois de traitement par prébiotiques. L’abondance d’une espèce en particulier augmentait sous prébiotiques : Bifidobacterium longum. Cette augmentation d’abondance disparaissait 3 mois après l’arrêt des prébiotiques.
Cette étude de courte durée malgré ses résultats assez décevants sur des paramètres « durs » comme l’HbA1c montre tout de même une augmentation du peptide C sous prébiotiques suggérant une amélioration de la fonction cellulaire bêta qui pourrait supposer à plus long terme une amélioration du contrôle glycémique. La diminution de la perméabilité intestinale observée ici sous prébiotiques pourrait expliquer cette amélioration de la fonction bêta par diminution de l’exposition aux antigènes qui favorise la dysrégulation immunitaire du DT1. Ainsi, les auteurs mettent en évidence dans cette étude une corrélation positive entre l’HbA1c et le degré de perméabilité intestinale suggérant que cette dernière pourrait être une cible permettant d’améliorer le contrôle glycémique.
Cette étude ouvre donc la voie à des essais de plus grande ampleur sur un temps plus long pour tester l’effet de prébiotiques, un traitement simple, sans risque et peu coûteux, sur le contrôle glycémique. Affaire à suivre....

 

Références

[1] de Goffau MC, et al. Aberrant gut microbiota composition at the onset of type 1 diabetes in young children. Diabetologia 2014;57:1569–1577.
 
[2] Kellow NJ, et al. Metabolic benefits of dietary prebiotics in human subjects: a systematic review of randomized controlled trials. Br J Nutr 2014;111:1147–1161.
 


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