mardi 30 mai 2017

Triagoniste : un, dos, tres : un pasito pa’lante obesidad ¡

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Mai 2017
 
Article du mois en accès libre
 
Jall S, et al. Monomeric GLP-1/GIP/glucagon triagonism corrects obesity, hepatosteatosis, and dyslipidemia in female mice. Mol Metab. 2017 Mar;6(5):440-6. doi: 10.1016/j.molmet.2017.02.002

 

La lutte contre l’obésité, et ses conséquences morbides tel que le diabète de type 2, constitue une urgence sanitaire au niveau planétaire. Dans le champ thérapeutique de l’obésité, la chirurgie bariatrique reste la solution la plus efficace pour permettre une perte de poids efficace et pérenne. De plus chez les patients sévèrement obèses atteints de diabète de type 2, la chirurgie bariatrique permet souvent la rémission du diabète, avec des taux atteignant 80% à court terme et restant significatifs à long terme. Les alternatives pharmacologiques à la chirurgie sont rares. Les molécules développées jusqu’alors ont affiché une efficacité insuffisante ou une sécurité inacceptable lors de leur utilisation chronique en raison d’effets secondaires importants et parfois tragiques. Pourtant tout espoir n’est pas perdu d’avoir un jour à notre disposition une solution médicamenteuse efficace, et dont l’utilisation ne serait pas entravée par des effets indésirables sévères.

Imaginez une molécule capable de moduler, simultanément et de façon synergique, différents récepteurs clefs dans la régulation du métabolisme énergétique, lipidique et glucidique. C’est justement la piste de recherche suivie depuis plusieurs années par cette équipe [1]. Après avoir développé une molécule reconnue à la fois par le récepteur au glucagon et au GLP-1 (biagoniste) [2], et une molécule qui possède une action d’agoniste mixte des récepteurs au GIP et au GLP-1 [3], les auteurs ont conçu un peptide monomèrique hybride assurant une modulation équilibrée et simultanée des récepteurs au glucagon, au GLP-1 et au GIP : un triagoniste !!

Le principe de la molécule triagoniste est de tirer profit de l'action anorexigène de l'agoniste du récepteur GLP-1 couplée avec l’augmentation de la dépense énergétique induite par le glucagon, entraînant une perte nette de poids corporel supérieure. L'action hypoglycémiante combinée du triagoniste sur le récepteur au GLP-1 et le récepteur au GIP freine l'effet hyperglycémiant du glucagon et améliore la sensibilité à l'insuline. Dans les études publiées par cette équipe, les doubles incrétinomimétiques se sont montrés plus efficace que les mono-agonistes  chez des souris mâles présentant une obésité induite par le régime (DIO – diet induced obesity) [2,3]. De même l'efficacité de ce GLP-1/GIP/glucagon triagoniste pour corriger le syndrome métabolique a été démontrée chez les souris mâles [3]. Par contre, ses effets métaboliques sur les souris femelles restent inconnus. En conséquence, l'objectif de cette étude était d'évaluer comparativement l'efficacité métabolique de ce triple agoniste chez les souris DIO femelles et mâles.

Le modèle animal de cette étude correspond à des souris C57BL/6J mâles et femelles avec DIO du fait d’une alimentation à forte teneur en matières grasses (HFD – high fat diet). Etant donné que la progression de l'obésité diffère entre les deux sexes, les souris mâles gagnant plus de masse grasse par rapport aux souris femelles [4], dans une première série d’expériences les auteurs ont souhaité déterminer les effets du triagoniste chez les souris mâles et femelles présentant des niveaux de masse grasse comparables. Pour cela, des souris C57BL/6J femelles et mâles de huit semaines ont reçu un régime alimentaire HFD. Une autre cohorte de souris mâles C57BL/6J a été exposée à ce régime HFD à l'âge de 30 semaines. À l'âge de 38 semaines, les souris DIO femelles et mâles ont été randomisées selon le niveau de masse grasse corporelle. Elles ont reçu quotidiennement pendant 27 jours des injections sous-cutanées soit d’un placebo soit du triagoniste aux doses de 5 ou 10 nmol/kg.

En premier lieu, le traitement avec le triagoniste a entraîné une diminution dose-dépendante du poids corporel, avec une perte de poids identique dans les deux sexes.

La perte de poids (environ 30%) induite par le triagoniste s'accompagnait d'une diminution dose-dépendante de l'apport alimentaire et de la masse grasse corporelle (50-60%), sans différence entre les sexes aux deux doses testées. En accord avec la réduction marquée du poids et de la masse grasse, les taux plasmatiques de leptine ont diminué de manière dépendante de la dose dans les deux sexes : femelles 13,88±1,96 vs 4,75±1,42 vs 3,76±1,20 ng/ml et mâles 12,78±2,26 vs 7,23±2,03 vs 3,55±0,53 ng/ml, sous placebo, 5 nmol/kg et 10 nmol/kg respectivement.

Cette étude retrouve une amélioration dose-dépendante du métabolisme du glucose, en particulier chez les souris mâles, représentée par une diminution de la glycémie, des taux d'insuline à jeun, avec une amélioration de la tolérance au glucose (Hyperglycémie provoquée par voie intra-péritonéale) et de la sensibilité à l'insuline (HOMA-IR). Le traitement par triagoniste n'a pas modifié la tolérance au glucose déjà normale des souris femelles. Toutefois dans ce modèle animal, bien que les souris femelles apparaissent largement protégées contre le développement d’une intolérance au glucose et d’une résistance à l'insuline induite par le régime HFD, les auteurs ont observé chez les femelles DIO une légère amélioration sous triagoniste de l'hyper-insulinémie induite par le régime HFD.

Autres résultats intéressants, le traitement avec le triagoniste améliore l'hypercholestérolémie induite par le régime HFD dans les deux sexes, avec un effet prononcé sur la stéato-hepatite de la souris femelle. Sur le plan lipidique, chez les femelles, le taux de cholestérol plasmatique n'a été significativement réduit que chez les souris traitées par le triagoniste à forte dose (p<0,05). Chez les mâles, les deux doses réduisent significativement le taux de cholestérol plasmatique (p<0,001). Cette diminution du cholestérol plasmatique est attribuée à une réduction marquée du LDL et à une légère réduction du HDL. L'analyse histologique du foie retrouve une stéato-hépatite chez 88,9% des femelles et 62,5% des mâles dans le bras placebo. Pour réaliser cette analyse, les caractéristiques morphologiques des coupes tissulaires hépatiques (stéatose, inflammation lobulaire et ballonisation hépatocytaire) ont permis d’établir une notation histologique de la stéato-hépatite sur la base du score utilisé pour le diagnostic de la stéato-hépatite chez les patients atteints d'une stéatose hépatique non alcoolique [5]. Ainsi, le score varie de 0 à 8 : absence de stéato-hépatite pour un score < 2 ; possible stéato-hépatite pour les scores 3 et 4 ; le score 5 témoignant d’une stéatohépatite avérée. Le traitement par le triagoniste améliore de manière dose dépendante la stéato-hépatite. La majorité des souris qui ont été traitées avec 10 nmol/kg de triagoniste présente une disparition complète de la stéato-hépatite (chez les femelles) ou une possible stéato-hepatite (chez les mâles) en fin de traitement. Les auteurs décrivent un effet prononcé sur l'abaissement de la teneur en lipides hépatiques et la ballonisation hépatocytaire chez les femelles traitées avec la dose la plus élevée du triagoniste. Ces améliorations histologiques s’accompagnent d’une réduction significative des taux plasmatiques d'ALAT dans les deux sexes : femelles 31,61±9,08 vs 12,21±3,92 vs 11,56±3,65 U/l  et mâles 18,61±4,56 vs 9,50±2,51 vs 5,43±0,99 U/l, sous placebo, 5 nmol/kg et 10 nmol/kg respectivement. Les niveaux d'ASAT sont restés inchangés sous triagoniste.

Après cette comparaison à un moment où la masse grasse était similaire entre les souris mâles et femelles, les auteurs ont procédé à une seconde série d’analyses pour évaluer si la durée de l'exposition au régime HFD pouvait affecter l'efficacité du triagoniste. Pour cela ils ont testé le triagoniste dans des cohortes de souris femelles et mâles exposées pendant des périodes égales (30 semaines) à une alimentation HFD. Chez ces souris, le traitement avec le triagoniste à la dose de 10 nmol/kg a normalisé le poids corporel dans les deux sexes avec une réduction du poids plus élevée dans le groupe de souris mâles (42,82±1,56% vs 29,64±1,29%, p<0,001). En accord avec la différence de sensibilité au régime HFD, ces souris C57BL/6J mâles avaient pris nettement plus de masse grasse au moment de la randomisation que les souris C57BL/6J femelles DIO. Les souris mâles pesaient 54,20±0,59g et avaient 22,44±0,53g de graisse corporelle, alors que les souris femelles pesaient 39,63±0,92 g et avaient 16,05±0,79g de masse grasse. De plus, les souris mâles DIO ont perdu beaucoup plus de graisse corporelle que les souris mâles appariées aux femelles par le niveau de masse grasse dans la précédente phase de l’étude. Cette perte plus importante de masse grasse dans cette seconde partie d’étude a eu lieu alors que l'apport alimentaire pour les deux cohortes de souris mâles n’était pas différent. Cela suggère fortement chez la souris une action directe du triagoniste GLP-1/GIP/glucagon au niveau de la masse grasse. Il est important de noter que le traitement avec le triagoniste diminue la masse grasse jusqu'à des valeurs normales et qu’aucune perte excessive de masse grasse n'a été observée chez les souris traitées.

En conclusion, cette étude montre que le traitement prolongé des souris DIO avec le triagoniste GLP-1/GIP/glucagon améliore les anomalies métaboliques avec une efficacité comparable chez les souris femelles et mâles présentant des niveaux de masse grasse comparables avant traitement. Les auteurs précisent que la perte de poids observée chez les souris exposées avec des doses élevées de triagoniste est comparable à celles publiées à 4 semaines après une chirurgie bariatrique chez des souris mâles et femelles obèses: réduction d’environ 30% du poids [6,7]. Le traitement avec le triagoniste pourrait donc constituer une option thérapeutique efficace pour l'obésité sévère.

Ces résultats seront-ils un jour transposable à l’humain ? Tout porte à le croire ! En effet, cette équipe a déjà publié des résultats prometteurs chez l’homme avec leur biagoniste GIP/GLP [8]. Pour cela, ils ont initialement évalué chez des sujets sains non diabétiques (n=18) l’impact d’une injection sous-cutanée de doses croissantes du biagoniste PEGylé sur la glycémie et la sécrétion d’insuline lors d'une hyperglycémie provoquée par voie intra-veineuse. Le traitement a permis de réduire le taux de glycémie en potentialisant la sécrétion d'insuline stimulée par le glucose. Les auteurs ont montré que cet effet du biagoniste n’était été associé à une diminution de la vidange gastrique. Cette absence d'effet sur la motilité gastrique couplée à un effet glycémique puissant démontre que les deux actions ne sont pas liées sur le plan pharmacologique.

Par la suite, ils ont réalisé une étude contrôlée et randomisée contre placebo chez 53 patients (18 - 70 ans) présentant un diabète de type 2 depuis moins de 10 ans. Cette étude avait pour but d’évaluer la sécurité, l'efficacité et les propriétés pharmacodynamiques du biagoniste PEGylé utilisé en injection sous-cutanée hebdomadaire durant 6 semaines. Les taux d'HbA1c à l’inclusion variaient de 7,36 à 7,88%. Durant les 6 semaines de traitement, il y a eu une diminution dose-dépendante de l'HbA1c avec -0,53% pour ceux recevant 4 mg et jusqu’à -1,11% pour le groupe recevant 30 mg de biagoniste, comparativement à une diminution de 0,16% dans le groupe placebo. Le traitement jusqu'à 30 mg hebdomadaire pendant 6 semaines était généralement bien toléré. Tous les événements indésirables ont été considérés comme ayant une intensité légère ou modérée. Au cours de l'étude, aucun patient n'a présenté de vomissement (peut-être en lien avec l’absence d’impact sur la motricité gastrique). Des nausées ont été observées chez 1 des 9 sujets du groupe placebo et chez 2 des 12 sujets dans le groupe 30 mg, mais aucunes dans les autres groupes de dose (4, 8 et 16 mg). Des diarrhées ont été observées chez 2 sujets du groupe traité avec 30 mg de biagoniste. Les diminutions rapides et significatives de l'HbA1c sans vomissement ni autres effets indésirables gastro-intestinaux significatifs suggèrent que cet incrétinomimétique biagoniste pourrait être dosé de manière encore plus forte pour obtenir des résultats encore supérieurs.

Alors quel sera le futur développement à visée thérapeutique de ce triagoniste chez l’homme ?  Nous n’avons pas encore de réponse à cette question mais nous attendons avec impatience d’éventuelles publications sur le sujet.

 

Références

[1] Tschöp MH et al. Unimolecular polypharmacy for treatment of diabetes and obesity. Cell Metab. 2016 Jul 12;24(1):51-62.
 
[2] Day JW, et al. A new glucagon and GLP-1 coagonist eliminates obesity in rodents. Nat Chem Biol. 2009 Oct;5(10):749-57.
 
[3] Finan B, et al. A rationally designed monomeric peptide triagonist corrects obesity and diabetes in rodents. Nat Med. 2015 Jan;21(1):27-36.
 
[4] Yang Y, et al. Variations in body weight, food intake and body composition after long-term high-fat diet feeding in C57BL/6J mice. Obesity (Silver Spring). 2014 Oct;22(10):2147-55.
 
[5] Kleiner DE, et al. Nonalcoholic Steatohepatitis Clinical Research Network. Design and validation of a histological scoring system for nonalcoholic fatty liver disease. Hepatology. 2005 Jun;41(6):1313-21.
 
[6] Yin DP, et al. Assessment of different bariatric surgeries in the treatment of obesity and insulin resistance in mice. Ann Surg. 2011 Jul;254(1):73-82.
 
[7] Frank AP, et al. Gastric Bypass Surgery but not Caloric Restriction Improves Reproductive Function in Obese Mice. Obes Surg. 2016 Feb;26(2):467-73.
 
[8] Finan B, et al. Unimolecular dual incretins maximize metabolic benefits in rodents, monkeys, and humans. Sci Transl Med. 2013 Oct 30;5(209):209ra151.
 


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