Deux tiers des patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2) présentent une stéatose hépatique associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD) [1]. Sans intervention efficace, celle-ci peut évoluer progressivement vers une fibrose hépatique, une cirrhose voire un carcinome hépatocellulaire [2]. Si certaines études ont examiné l'association entre les facteurs de risque individuels (tels que le bon contrôle de l’HbA1c, du LDL-cholestérol, de l’indice de masse corporelle, etc) et le risque de maladie hépatique chez les patients vivant avec un DT2 [3,4], peu d'entre elles ont pris en compte l'effet de multiples facteurs de risque modifiables.
Ainsi, cette étude de cohorte prospective avait pour objectif d’examiner les associations entre le nombre de facteurs de risque contrôlés d’après les recommandations [5], et le risque de survenue de maladies hépatiques (MASLD et effets indésirables hépatiques majeurs (MALO)) chez les patients vivant avec un DT2, par rapport aux participants sans diabète de la UK Biobank.
Les participants vivant avec un diabète à l'inclusion (DT2, diabète de type 1 (DT1) et diabète gestationnel (DG)) ont été identifiés selon l'algorithme développé par la UK Biobank. Ont été exclus par la suite les participants présentant à l'inclusion un diagnostic de DT1, de DG, de maladie hépatique ou de troubles liés à la consommation d'alcool ou de drogues, ainsi que ceux pour lesquels des valeurs étaient manquantes concernant les variables d'exposition. Les participants vivant avec un DT2 à l'inclusion ont ensuite été classés en fonction du nombre de facteurs de risque se situant dans les fourchettes recommandées par les recommandations (i.e. contrôlés) : alimentation, tabagisme, consommation d'alcool, activité physique, sédentarité, indice de masse corporelle, HbA1C, pression artérielle et LDL-cholestérol. La durée du suivi pour chaque participant a été calculée à partir de la date d’inclusion jusqu'à la date du diagnostic de MASLD ou de MALO, ou de la date du décès, ou de la perte de vue ou de la fin du suivi (30 septembre 2021). Les auteurs ont également réalisé une analyse de sensibilité en pondérant les différents facteurs de risque en fonction de leur poids estimé dans la survenue d’une MASLD ou d’un MALO.
Ont été inclus 13 380 participants vivant avec un DT2 et 294 308 sans diabète (âge médian (IQR) initial : 57,0 (50,0-63,0) ans ; 52,4% de femmes). Parmi eux, 519 (3,9%) participants vivant avec un DT2 et 2 718 (0,9%) participants sans diabète ont développé une MASLD au cours d'un suivi médian de 12,5 (11,8-13,2) ans. Le risque de MASLD chez les patients vivant avec un DT2 était 4 fois plus élevé que chez les participants sans diabète (HR 3,93 [IC95%, 3,56 à 4,33]). Chez ces patients, l'excès de risque de MASLD diminuait progressivement avec l'augmentation du nombre de facteurs de risque contrôlés : après ajustement, pour 0 à 2 facteurs de risque contrôlés (hazard ratio (HR) 5,44 [IC95%, 4,09 à 7,25]), 3 facteurs (HR 4,47 [3,59 à 5,57]), 4 (HR 4,16 [3,49 à 4,96]), 5 (HR 3,91 [3,28 à 4,66]), 6 (HR 3,50 [2,80 à 4,38]), et 7 à 9 (HR 2,61 [1,92 à 3,56]) ; p pour la tendance < 0,001. Afin d'étudier la proportion de patients atteints de MASLD parmi les participants vivant avec un DT2 qui pourrait théoriquement être évitée en contrôlant de 7 à 9 facteurs de risque, la fraction attribuable à la population (PAF) a été calculée en supposant une relation causale : cette estimation était de 33,3 % (IC95 % : 11,9% à 54,6%). Concernant le risque de MALO, 423 (3,2%) participants vivant avec un DT2 et 2 758 (0,9%) participants sans diabète ont développé un MALO. Les patients vivant avec un DT2 présentaient un risque 2,71 fois plus élevé de développer un MALO que les participants sans diabète (HR 2,71 [IC95%, 2,44 à 3,01]). De la même façon que pour le risque de MASLD, l'excès de risque de MALO chez les participants vivant avec un DT2 diminuait progressivement à mesure que le nombre de facteurs de risque contrôlés augmentait, par exemple : d’un HR de 4,56 (3,39 à 6,12) en cas d’un facteur de risque à un HR de 1,92 (1,39 à 2,66) pour 7 à 9 ; p pour la tendance < 0,001. L'estimation de la PAF de le MALO était de 27,6% (IC95%, 3,2% à 52,1%) pour les patients vivant avec un DT2 et présentant 7 à 9 facteurs contrôlés. En outre, des résultats cohérents ont été observés dans les analyses stratifiées selon l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, la durée du diabète et l'utilisation de médicaments antidiabétiques.
Ainsi, dans cette vaste étude de cohorte portant sur 307 688 participants issus de la UK Biobank, il a été constaté que le risque excessif de MASLD et de MALO chez les patients vivant avec un DT2, versus sans diabète, diminuait progressivement avec l'augmentation du nombre de facteurs de risque contrôlés. Les patients vivant avec un DT2 et présentant 0 à 2 facteurs de risque contrôlés avaient un risque 5,4 fois plus élevé de MASLD et 4,6 fois plus élevé de MALO par rapport aux participants sans diabète, tandis que ceux qui atteignaient un contrôle de 7 à 9 facteurs présentaient des risques nettement inférieurs (x2,6 fois pour la MASLD et x1,9 fois pour le MALO). Les points forts de cette étude sont les suivants : (1) il s'agit de la première étude à examiner le lien entre le contrôle multifactoriel et le risque accru de MASLD et de MALO chez les patients vivant avec un DT2 ; (2) cette étude est menée auprès d'un large échantillon de participants. Concernant les limites : (1) les participants à la UK Biobank étaient principalement caucasiens, ce qui limite la généralisation de ces résultats à d'autres groupes ethniques ; (2) les facteurs liés au mode de vie étaient auto-déclarés, pouvant induire des biais ; (3) les facteurs de risque ont été recueillis à l’inclusion, et les changements survenus pendant le suivi n'ont pas pu être pris en compte ; (4) attribuer le même poids à chaque facteur de risque peut ignorer les différents degrés d'association entre chaque facteur et la survenue d'une MASLD et d'un MALO, mais l'application de scores pondérés dans l'analyse de sensibilité a cependant donné des résultats similaires ; (5) la nature observationnelle de l’étude empêche d’établir avec certitude des associations causales.
En résumé, chez les patients vivant avec un DT2, plus les facteurs de risque étaient contrôlés et plus le risque excédentaire de MASLD et de MALO lié à la présence d’un DT2, versus son absence, diminuait progressivement. Des interventions globales ciblant plusieurs facteurs de risque pourraient être associées à une réduction des lésions hépatiques chez les patients vivant avec un DT2, mais des études supplémentaires restent néanmoins nécessaires.
Références
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