mercredi 10 décembre 2025

Liraglutide en post accident vasculaire cérébral ischémique mineur ou accident ischémique transitoire à haut risque chez les patients vivant avec un diabète de type 2 : un essai clinique randomisé

Auteur : 
Ninon Foussard
Date Publication : 
Novembre 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Huili Zhu & al. Liraglutide in Acute Minor Ischemic Stroke or High-Risk Transient Ischemic Attack With Type 2 Diabetes : The LAMP Randomized Clinical Trial. JAMA Intern Med. Published Online: November 3, 2025. doi : 10.1001/jamainternmed.2025.5684

 

Le diabète de type 2 (DT2) est un facteur de risque majeur d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique aigu mineur ou d’accident ischémique transitoire (AIT) à haut risque [1], qui sont associés à un risque élevé de récidive (jusqu’à 13% dans les 90 jours) [2]. Bien qu’il soit établi que les analogues du glucagon like peptide-1 (aGLP-1) réduisent l’incidence des évènements cardiovasculaires majeurs chez les patients vivant avec un DT2 présentant un risque cardiovasculaire élevé, il n’existe pas d’essai clinique randomisé évaluant spécifiquement leur effet pour la prévention de la récidive de l’AVC d’origine ischémique [3].

L’objectif de l’étude LAMP (Liraglutide in Acute Minor ischemic stroke or high-risk transient ischemic attack Patients with type 2 diabetes) était d’évaluer la sécurité et l’efficacité du liraglutide à prévenir la récidive d’un AVC chez les patients vivant avec un DT2 et ayant présenté un AVC aigu mineur ou un AIT à haut risque.

L’essai LAMP (NCT03948347) est un essai multicentrique (27 hôpitaux chinois), prospectif, randomisé, contrôlé, ouvert mais évalué en aveugle. Il a été mené du 25 juin 2019 au 27 décembre 2023. Il est à noter que le recrutement a été stoppé avant le verrouillage de la base de données et sans levée de l'anonymat, en raison d'un recrutement inférieur aux prévisions et de contraintes financières. Pour être éligibles, les participants devaient être âgés de 50 ans ou plus, présenter un AVC mineur avec un score ≤ 3  sur l'échelle NIHSS (National Institutes of Health Stroke Scale) (échelle de 0 à 42 ; les scores plus élevés indiquant un AVC plus grave) ou un AIT à haut risque tel que déterminé par un score ABCD2 (âge, élévation de la pression artérielle lors de la première évaluation après l'AIT, faiblesse unilatérale, troubles de la parole, durée des symptômes et diabète) ≥ 4 (fourchette de 0 à 7 ; les scores plus élevés indiquant un risque plus élevé), être dans les 24 heures suivant l'apparition des symptômes, et vivre avec un DT2 (connu ou nouvellement diagnostiqué). Les critères d'exclusion comprenaient le diagnostic d'hémorragie intracrânienne au scanner, un AVC iatrogène ou cardiogénique, une thrombolyse ou un traitement endovasculaire, ou un traitement par aGLP-1 au cours des 3 mois précédant l’inclusion. Pour les patients ayant présenté un AVC antérieurement, aucune séquelle ne devait être présente. Les patients éligibles étaient ensuite randomisés suivant un rapport 1:1 par blocs (taille des blocs : 4) dans les 24 heures suivant l'apparition des symptômes neurologiques, dans le groupe liraglutide (1x/j, avec une titration par 0,6 mg la 1ère semaine, puis 1,2 mg la 2ème et enfin 1,8 mg jusqu'au 90ème jour, adaptée à la tolérance) et le groupe contrôle. Seules les personnes chargées d'évaluer les résultats et les statisticiens ignoraient la répartition. Les deux groupes recevaient un traitement standard conforme aux recommandations pour l’AVC ou l’AIT [4]. Il est à noter que les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type-2 étaient prohibés et que l’objectif glycémique était 140-180 mg/dL. Le critère d'évaluation principal était la récidive d’AVC (ischémique ou hémorragique) après 90 jours, défini respectivement comme : (1) nouveaux déficits neurologiques focaux non  attribuables à des causes non ischémiques d'une durée inférieure à 24h avec preuve par neuro-imagerie d'un nouvel infarctus cérébral, ou d'une durée ≥ 24 heures, avec ou sans preuve d’imagerie ; et (2) symptômes de dysfonctionnement neurologique évoluant rapidement, causés par l'accumulation de sang dans le parenchyme cérébral non traumatique, le système ventriculaire ou l'espace sous-arachnoïdien. Les critères d'évaluation secondaires comprenaient le pourcentage de nouveaux événements vasculaires cliniques (par exemple, AVC ischémique ou hémorragique, AIT, infarctus du myocarde et décès vasculaire) et les excellents résultats fonctionnels définis par un score sur l’échelle de Rankin modifiée (mRS) mesurant l’invalidité globale chez les patients après un AVC ≤ 1 (fourchette de 0 à 6 ; les scores plus élevés indiquant un handicap plus élevé), à J90. Les critères d'évaluation de la sécurité comprenaient l'hémorragie intracrânienne symptomatique, l'hypoglycémie, les troubles gastro-intestinaux, la pancréatite et la mortalité toutes causes confondues dans les 90 jours.  En outre, l’efficacité et la sécurité ont été analysées en intention de traiter. Lorsque plusieurs événements se sont produits, le délai avant le 1er événement a été pris en compte. Les patients sans survenue du résultat primaire ont été censurés au moment du décès, du dernier contact ou à 90 jours, selon l’éventualité survenant en premier.

Parmi 928 patients éligibles, 636 patients ont été randomisés (âge médian [IQR], 63,5 [57,8-70,0] ans ; dont 231 femmes [36,3%]). Trois-cents dix-sept d’entre eux (49,8%) ont reçu le traitement standard associé au liraglutide, et 319 (50,2%) le traitement standard seul, 32 patients du groupe liraglutide (10,1%) n'ont pas respecté l'utilisation prescrite du liraglutide (définie comme l'arrêt du traitement pendant plus de 20% de la durée de l'étude). Dans les 90 jours, 25 patients (7,9%) du groupe liraglutide et 44 (13,8%) du groupe témoin ont présenté une récidive d'AVC (Hazard Ratio (HR) 0,56 ; IC à 95 %, 0,34-0,91 ; P = 0,02). En analyse de sous-groupes, les effets du liraglutide étaient plus prononcés chez les fumeurs et les participants de sexe masculin, ce qui suggère que le tabagisme et le sexe ont influencé l’effet du liraglutide. En ce qui concerne les résultats secondaires, de nouveaux événements vasculaires cliniques sont survenus dans les 90 jours chez 27 patients (8,5%) du groupe liraglutide et chez 50 (15,7%) du groupe témoin (HR, 0,53 ; IC à 95%, 0,33-0,84 ; P = 0,01).  En outre, une proportion significativement plus élevée de patients (mRS ≤ 1) dans le groupe liraglutide (274 [87,3%]) que dans le groupe témoin (246 [77,8%]) ont obtenu d'excellents résultats fonctionnels (OR, 1,95 ; IC à 95%, 1,28-3,00 ; P = 0,002). Des troubles gastro-intestinaux ont été signalés chez 60 patients (18,9%) ayant reçu du liraglutide et chez 13 patients (4,1%) dans le groupe témoin (HR, 4,81 ; IC à 95%, 2,64-8,78 ; P < 0,001). Concernant les autres événements indésirables, ils étaient faibles et similaires entre les deux groupes : 1 cas d’hémorragie intracrânienne symptomatique a été observé chez 1 patient (0,3%) du groupe liraglutide, contre 2 patients (0,6%) dans le groupe témoin (HR, 0,48 ; IC à 95%, 0,04-5,27 ; P = 0,5), et aucune différence significative n'a été observée en termes d'incidence de pancréatite, d’hypoglycémie, ou de mortalité toutes causes confondues.

Les résultats de cet essai clinique randomisé multicentrique suggèrent que, chez les patients chinois vivant avec un DT2 et venant de présenter un AVC mineur ou un AIT à haut risque, le traitement par liraglutide introduit dans les 24 heures suivant l’apparition des symptômes pourrait réduire la récidive d'événement neuro-vasculaire (HR 0,56) et améliorer le pronostic à 90 jours, sans augmentation de l’incidence des hémorragies intracrâniennes symptomatiques ou de la mortalité. Une méta-analyse à grande échelle avait préalablement suggéré le rôle des aGLP-1 dans la prévention primaire des AVC [5]. En outre, dans les analyses de sous-groupes, les effets du liraglutide semblaient plus prononcés chez les fumeurs et les participants de sexe masculin. Cependant, la taille de l’échantillon n'a pas atteint l'objectif initial, ce qui pourrait entraîner une puissance insuffisante pour détecter de manière fiable les effets d'interaction. Les forces de cette étude sont (1) son caractère multicentrique, (2) le fait qu’il s’agisse de la première étude randomisée de phase 3 évaluant l’efficacité du liraglutide dans cette indication. Parmi les limites principales de cette étude, nous pouvons relever : (1) son arrêt prématuré entraine une incertitude concernant la validité externe de ses résultats et leur généralisation, (2) le caractère ouvert de l’étude (traitement attribué connu des participants et des médecins) peut être responsable d’un biais malgré une évaluation et une analyse statistique en aveugle, (3) les centres uniquement chinois ne permettent pas une généralisation des résultats à l’échelle mondiale, (4) l’absence de collecte de données concernant l’HbA1C ou l’indice de masse corporelle à 90 jours ne permet pas d’évaluer si l’amélioration du contrôle glycémique ou de la perte de poids pourrait contribuer aux effets bénéfiques neurovasculaires observés, (5) le nombre relativement faible d’événements du critère d’évaluation principal survenus (n = 69) expliquent que ces résultats doivent être interprétés avec prudence, nécessitant une validation par des essais cliniques réalisés à plus grande échelle.

Les résultats de cet essai clinique randomisé suggèrent que le liraglutide, versus un traitement standard seul, pourrait réduire le risque de récidive des AVC chez les patients atteints de DT2 en post AVC ischémique aigu mineur ou AIT à haut risque lorsque celui-ci est introduit précocement. Toutefois, compte tenu de l'arrêt prématuré de l'essai, de la petite taille de l'échantillon et du nombre limité d'événements, la possibilité que ces résultats soient dus au hasard ne peut être exclue. Ainsi, des études plus vastes et plus puissantes sont nécessaires pour confirmer les effets observés.

 

Références

[1] Sarwar N, Gao P, Seshasai SR, & al. Emerging Risk Factors Collaboration. Diabetes mellitus, fasting blood glucose concentration, and risk of vascular disease: a collaborative meta-analysis of 102 prospective studies. Lancet. 2010;375(9733):2215-2222.
 
[2] Pan Y, Jing J, Li H, & al. Abnormal glucose regulation increases stroke risk in minor ischemic stroke or TIA. Neurology. 2016;87(15):1551-1556.
 
[3] Sattar N, Lee  MMY, Kristensen SL, & al. Cardiovascular, mortality, and kidney outcomes with GLP-1 receptor agonists in patients with type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis of randomised trials. Lancet Diabetes Endocrinol. 2021;9(10):653-662.
 
[4] Powers WJ, Rabinstein AA, Ackerson T, & al. American Heart Association Stroke Council.  2018 Guidelines for the early management of patients with acute ischemic stroke: a guideline for healthcare professionals from the American Heart Association/American Stroke Association. Stroke. 2018;49(3):e46-e110..
 
[5] Giugliano D, Scappaticcio L, Longo M, & al. GLP-1 receptor agonists and cardiorenal outcomes in type 2 diabetes: an updated meta-analysis of eight CVOTs. Cardiovasc Diabetol. 2021;20(1):189.
 


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jeudi 6 novembre 2025

Ne considérer que le temps passé en hypoglycémie pour identifier le risque d’hypoglycémie sévère est insuffisant !

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Octobre 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Canha D. & al., Time below range alone is insufficient to identify severe hypoglycaemia risk in type 1 diabetes—the critical role of hypoglycaemia awareness: results from the SFDT1 study. Diabetologia. 2025 Sep 9. doi : 10.1007/s00125-025-06536-x

 

Les hypoglycémies sévères (HS) sont définies comme des évènements hypoglycémiques nécessitant l’aide d’une tierce personne pour la prise en charge [1]. Malgré les avancées technologiques de ces dernières années, la prévalence de ces évènements reste élevée [2]. Pour apprécier le risque d’HS, les cliniciens utilisent principalement les données de la mesure continue du glucose (MCG) et notamment le temps passé en dessous de la cible (Time Below Range, TBR), avec un objectif de temps passé en dessous de 70mg/dL (TBR70) < 4% et en dessous de 54mg/dL (TBR54) < 1% [3]. Si des études retrouvent qu’un temps prolongé en dessous de la cible est associé à un risque accru d’HS, d’autres études suggèrent une absence de corrélation entre TBR et HS ou du moins, une précision limitée dans l’évaluation du risque [4,5]. Il est bien établi que la récurrence des hypoglycémies participe à une altération de la mise en jeu des hormones de contre-régulation diminuant ainsi la capacité à reconnaître les hypoglycémies (Impaired Awareness of Hypoglycemia, IAH) [6]. Des études récentes suggèrent que la combinaison du TBR et de l’IAH pourrait améliorer la prédiction des HS [4]. Néanmoins, la façon dont l’IAH impacte la relation entre TBR et risque d’HS n’a pas été explorée à ce jour.

L’objectif de cette étude était d’évaluer d’une part, si le TBR à lui seul était suffisant pour identifier le risque d’HS et d’autre part, d’explorer l’effet de l’IAH dans la relation entre TBR et HS.

Les auteurs ont utilisé les données des participants de la cohorte SFDT1, cohorte française de personnes vivant avec un diabète de type 1 (DT1), inclus entre Décembre 2020 et Janvier 2025. Ont été inclus dans la présente analyse les participants utilisant la MCG, ayant répondu au questionnaire de Gold, évaluant l’IAH, à l’inclusion et ayant rapporté la survenue ou non d’HS dans les 12 mois suivant l’inclusion. Cette dernière était auto-déclarée par le patient sur la base de questionnaires. Dans le cadre de l’étude SFDT1, différentes variables étaient recueillies concernant les caractéristiques des participants, l’histoire du diabète, le traitement, l’équilibre ou encore les complications chroniques. L’IAH était évaluée par le questionnaire de Gold : un score < 3 reflétait l’absence d’IAH, un score à 3, une IAH indéterminé et un score > 3, la présence d’une IAH. D’autres questionnaires ont été utilisés évaluant la peur des hypoglycémies ou d’autres aspects psycho-sociaux. L’association entre TBR et HS a été analysée en utilisant un modèle de régression logistique ajusté pour l’âge, le sexe, la vulnérabilité sociale et le traitement à l’insuline.

Au total, 848 participants adultes de SFDT1 ont été inclus dans cette analyse. Leurs principales caractéristiques étaient les suivantes : âge moyen (écart-type) de 41,6 (13,3) ans, 53,8% de femmes (n=456), durée moyenne de diabète de 23,8 (13,7) ans, HbA1c moyenne 7,4% (1%). Parmi eux, 69,7% (n=591) utilisaient une pompe à insuline externe dont 25,7% (n=152) avec système de délivrance automatisée d’insuline. L’objectif de TBR70 < 4% était atteint pour 59,1% (n=501) d’entre eux et l’objectif de TBR54 < 1% pour 68,9% (n=584). La prévalence de l’IAH était de 23,5%. Sur les 848 participants, 88,3% (n=749) ne rapportait aucune HS dans l’année suivant l’inclusion et 11,7% (n=99) rapportait au moins 1 épisode d’HS. À l’inclusion, les individus du groupe HS présentait une plus grande vulnérabilité sociale et une plus grande charge mentale. Les caractéristiques initiales de la MCG étaient similaires entre les 2 groupes. La prévalence d’HS était similaire dans toutes les catégories de TBR70 : 12,1% si TBR70 1%, 10,2% si TBR70 entre 1,1-3,9%, 10,6% si TBR70 entre 4‑6%, et 14,6% si TBR70 > 6%. La prévalence d’HS était de 11,0% et 13,3% pour un TBR54 <1% et 1%, respectivement. En revanche, la prévalence d’HS variait selon l’IAH : 8,9% chez les individus sans IAH, 13,3% chez ceux avec un statut indéterminé et 17,6% dans le groupe IAH. Les participants avec IAH présentaient un risque significativement accru d’HS par rapport à ceux sans IAH (Odds Ratio [OR] 2,04 [IC à 95% 1,24-3,35], p<0,01). Les modèles de régression logistique démontrent que le TBR70 seul n’était pas un facteur prédicteur fort d’HS. En revanche, si l’on prend en compte l’IAH, les individus ayant un TBR70 avec à la fois TBR70 > 6% et une IAH avaient un risque significativement accru d’HS comparés à ceux avec un TBR70 1% et pas d’IAH (OR 3,32 [IC à 95% 1,40-7,82], p<0,01). De même, les participants avec TBR54 1% et IAH avaient un risque significativement plus élevé d’HS comparés à ceux avec TBR54 <1% et sans IAH (OR 2,99 [IC à 95% 1,46-5,92], p<0,01). Chez les individus sans IAH, la prédiction du risque d’HS restait relativement faible (10%) et stable selon la valeur de TBR70. En revanche, pour ceux avec IAH, la probabilité d’HS n’était pas linéaire selon la valeur de TBR70 avec une augmentation notable dès lors que le TBR70 dépassait 6%.

Cette étude met en évidence que TBR70 et TBR54 seuls sont insuffisants pour identifier les personnes à haut risque d’HS. Cependant, ces métriques offrent une meilleure stratification du risque lorsqu’elles sont combinées à l’IAH. Spécifiquement, un TBR70 > 6% et un TBR54 1% étaient associés à un risque significativement augmenté d’HS chez les individus avec IAH. La prévalence d’HS et d’IAH dans la présente étude est plus élevée que dans d’autres cohortes publiées récemment [4]. Ces différences peuvent résulter de la méthodologie utilisée quant au moment du recueil de l’information ou de la méthode d’évaluation. Le risque d’HS contribue au fardeau psychologique du diabète. Ainsi, les participants avec HS présentaient à l’inclusion une peur plus importante de l’hypoglycémie et une plus grande détresse liée au diabète (p<0,001 pour chacune des 2 dimensions). Ces données soulignent la nécessité d’interventions psychoéducatives parallèlement à la gestion de la glycémie. Enfin, la vulnérabilité sociale est aussi à prendre en compte. Les HS survenaient préférentiellement parmi les participants socialement vulnérables dans cette cohorte (p<0,01). Ces résultats mettent en évidence le rôle des facteurs socio-économiques dans le risque d’HS, soulignant la nécessité d’intégrer les déterminants psychosociaux dans la gestion du diabète. Les forces de cette étude sont un large effectif et la temporalité d’évaluation à 1 an de la survenue d’HS. Les principales limites sont : 1) risque de biais de sélection du fait de l’inclusion uniquement des participants ayant répondu aux questionnaires, 2) évaluation du TBR à l’inclusion et de la survenue d’HS à 1an sans évaluation de la variation du TBR dans l’intervalle.

Ces données de la cohorte française SFDT1 mettent en lumière que le TBR seul n’est pas discriminant pour identifier les patients à haut risque d’HS. En revanche, la combinaison du TBR et de l’IAH permet de mieux apprécier ce risque. Ainsi, évaluer régulièrement la sensibilité aux hypoglycémies chez les patients apparait alors comme un enjeu majeur de la prise en charge. Des études futures sont nécessaires pour mieux étudier la relation entre TBR, IAH et HS.

 

Références

[1] Ratner, R.E. Hypoglycemia: New Definitions and Regulatory Implications. Diabetes Technol Ther 2018, 20, S250–S253.
 
[2] Sherr, J.L.; Laffel, L.M.; Liu, J.; Wolf, W.; Bispham, J.; Chapman, K.S.; Finan, D.; Titievsky, L.; Liu, T.; Hagan, K.; et al. Severe Hypoglycemia and Impaired Awareness of Hypoglycemia Persist in People With Type 1 Diabetes Despite Use of Diabetes Technology: Results From a Cross-Sectional Survey. Diabetes Care 2024, 47, 941–947.
 
[3] Battelino, T.; Danne, T.; Bergenstal, R.M.; Amiel, S.A.; Beck, R.; Biester, T.; Bosi, E.; Buckingham, B.A.; Cefalu, W.T.; Close, K.L.; et al. Clinical Targets for Continuous Glucose Monitoring Data Interpretation: Recommendations From the International Consensus on Time in Range. Diabetes Care 2019, 42, 1593–1603.
 
[4] Deshmukh, H.; Wilmot, E.G.; Choudhary, P.; Ssemmondo, E.; Barnes, D.; Walker, N.; Walton, C.; Ryder, R.E.J.; Sathyapalan, T. Time Below Range and Its Influence on Hypoglycemia Awareness and Severe Hypoglycemia: Insights From the Association of British Clinical Diabetologists Study. Diabetes Care 2025, 48, 437–443.
 
[5] Hill, H.; Klaar, P.; Espes, D. Real-Life Data of Hypoglycemic Events in Children and Adolescents with Type 1 Diabetes. BMJ Open Diabetes Res Care 2023, 11, e003485.
 
[6] Sherr, J.L.; Heinemann, L.; Fleming, G.A.; Bergenstal, R.M.; Bruttomesso, D.; Hanaire, H.; Holl, R.W.; Petrie, J.R.; Peters, A.L.; Evans, M. Automated Insulin Delivery: Benefits, Challenges, and Recommendations. A Consensus Report of the Joint Diabetes Technology Working Group of the European Association for the Study of Diabetes and the American Diabetes Association. Diabetologia 2023, 66, 3–22.
 


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mercredi 8 octobre 2025

Association entre le contrôle de multiples facteurs de risque de maladies hépatiques et la survenue de celles-ci chez des patients vivant avec un diabète de type 2 : une étude de cohorte prospective

Auteur : 
Ninon Foussard
Date Publication : 
Septembre 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Rui Chen et al. Association between multifactorial control and excess risk of liver diseases in type 2 diabetes: a prospective cohort study. BMJ Open Diabetes Res Care. 2025 Sep 8;13(5):e005336. doi : 10.1136/bmjdrc-2025-005336

 

Deux tiers des patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2) présentent une stéatose hépatique associée à un dysfonctionnement métabolique (MASLD) [1]. Sans intervention efficace, celle-ci peut évoluer progressivement vers une fibrose hépatique, une cirrhose voire un carcinome hépatocellulaire [2]. Si certaines études ont examiné l'association entre les facteurs de risque individuels (tels que le bon contrôle de l’HbA1c, du LDL-cholestérol, de l’indice de masse corporelle, etc) et le risque de maladie hépatique chez les patients vivant avec un DT2 [3,4], peu d'entre elles ont pris en compte l'effet de multiples facteurs de risque modifiables.

Ainsi, cette étude de cohorte prospective avait pour objectif d’examiner les associations entre le nombre de facteurs de risque contrôlés d’après les recommandations [5], et le risque de survenue de maladies hépatiques (MASLD et effets indésirables hépatiques majeurs (MALO)) chez les patients vivant avec un DT2, par rapport aux participants sans diabète de la UK Biobank.

Les participants vivant avec un diabète à l'inclusion (DT2, diabète de type 1 (DT1) et diabète gestationnel (DG)) ont été identifiés selon l'algorithme développé par la UK Biobank. Ont été exclus par la suite les participants présentant à l'inclusion un diagnostic de DT1, de DG, de maladie hépatique ou de troubles liés à la consommation d'alcool ou de drogues, ainsi que ceux pour lesquels des valeurs étaient manquantes concernant les variables d'exposition. Les participants vivant avec un DT2 à l'inclusion ont ensuite été classés en fonction du nombre de facteurs de risque se situant dans les fourchettes recommandées par les recommandations (i.e. contrôlés) : alimentation, tabagisme, consommation d'alcool, activité physique, sédentarité, indice de masse corporelle, HbA1C, pression artérielle et LDL-cholestérol. La durée du suivi pour chaque participant a été calculée à partir de la date d’inclusion jusqu'à la date du diagnostic de MASLD ou de MALO, ou de la date du décès, ou de la perte de vue ou de la fin du suivi (30 septembre 2021). Les auteurs ont également réalisé une analyse de sensibilité en pondérant les différents facteurs de risque en fonction de leur poids estimé dans la survenue d’une MASLD ou d’un MALO.

Ont été inclus 13 380 participants vivant avec un DT2 et 294 308 sans diabète (âge médian (IQR) initial : 57,0 (50,0-63,0) ans ; 52,4% de femmes). Parmi eux, 519 (3,9%) participants vivant avec un DT2 et 2 718 (0,9%) participants sans diabète ont développé une MASLD au cours d'un suivi médian de 12,5 (11,8-13,2) ans. Le risque de MASLD chez les patients vivant avec un DT2 était 4 fois plus élevé que chez les participants sans diabète (HR 3,93 [IC95%, 3,56 à 4,33]). Chez ces patients, l'excès de risque de MASLD diminuait progressivement avec l'augmentation du nombre de facteurs de risque contrôlés : après ajustement, pour 0 à 2 facteurs de risque contrôlés (hazard ratio (HR) 5,44 [IC95%, 4,09 à 7,25]), 3 facteurs (HR 4,47 [3,59 à 5,57]), 4 (HR 4,16 [3,49 à 4,96]), 5 (HR 3,91 [3,28 à 4,66]), 6 (HR 3,50 [2,80 à 4,38]), et 7 à 9 (HR 2,61 [1,92 à 3,56]) ; p pour la tendance < 0,001. Afin d'étudier la proportion de patients atteints de MASLD parmi les participants vivant avec un DT2 qui pourrait théoriquement être évitée en contrôlant de 7 à 9 facteurs de risque, la fraction attribuable à la population (PAF) a été calculée en supposant une relation causale : cette estimation était de 33,3 % (IC95 % : 11,9% à 54,6%). Concernant le risque de MALO, 423 (3,2%) participants vivant avec un DT2 et 2 758 (0,9%) participants sans diabète ont développé un MALO. Les patients vivant avec un DT2 présentaient un risque 2,71 fois plus élevé de développer un MALO que les participants sans diabète (HR 2,71 [IC95%, 2,44 à 3,01]). De la même façon que pour le risque de MASLD, l'excès de risque de MALO chez les participants vivant avec un DT2 diminuait progressivement à mesure que le nombre de facteurs de risque contrôlés augmentait, par exemple : d’un HR de 4,56 (3,39 à 6,12) en cas d’un facteur de risque à un HR de 1,92 (1,39 à 2,66) pour 7 à 9 ; p pour la tendance < 0,001. L'estimation de la PAF de le MALO était de 27,6% (IC95%, 3,2% à 52,1%) pour les patients vivant avec un DT2 et présentant 7 à 9 facteurs contrôlés. En outre, des résultats cohérents ont été observés dans les analyses stratifiées selon l'âge, le sexe, le niveau d'éducation, la durée du diabète et l'utilisation de médicaments antidiabétiques.

Ainsi, dans cette vaste étude de cohorte portant sur 307 688 participants issus de la UK Biobank, il a été constaté que le risque excessif de MASLD et de MALO chez les patients vivant avec un DT2, versus sans diabète, diminuait progressivement avec l'augmentation du nombre de facteurs de risque contrôlés. Les patients vivant avec un DT2 et présentant 0 à 2 facteurs de risque contrôlés avaient un risque 5,4 fois plus élevé de MASLD et 4,6 fois plus élevé de MALO par rapport aux participants sans diabète, tandis que ceux qui atteignaient un contrôle de 7 à 9 facteurs présentaient des risques nettement inférieurs (x2,6 fois pour la MASLD et x1,9 fois pour le MALO). Les points forts de cette étude sont les suivants : (1) il s'agit de la première étude à examiner le lien entre le contrôle multifactoriel et le risque accru de MASLD et de MALO chez les patients vivant avec un DT2 ; (2) cette étude est menée auprès d'un large échantillon de participants. Concernant les limites : (1) les participants à la UK Biobank étaient principalement caucasiens, ce qui limite la généralisation de ces résultats à d'autres groupes ethniques ; (2) les facteurs liés au mode de vie étaient  auto-déclarés, pouvant induire des biais ; (3) les facteurs de risque ont été recueillis à l’inclusion, et les changements survenus pendant le suivi n'ont pas pu être pris en compte ; (4) attribuer le même poids à chaque facteur de risque peut ignorer les différents degrés d'association entre chaque facteur et la survenue d'une MASLD et d'un MALO, mais l'application de scores pondérés dans l'analyse de sensibilité a cependant donné des résultats similaires ; (5) la nature observationnelle de l’étude empêche d’établir avec certitude des associations causales.

En résumé, chez les patients vivant avec un DT2, plus les facteurs de risque étaient contrôlés et plus le risque excédentaire de MASLD et de MALO lié à la présence d’un DT2, versus son absence, diminuait progressivement. Des interventions globales ciblant plusieurs facteurs de risque pourraient être associées à une réduction des lésions hépatiques chez les patients vivant avec un DT2, mais des études supplémentaires restent néanmoins nécessaires.

 

Références

[1] En Li Cho E, Ang CZ, Quek J, et al. Global prevalence of non-alcoholic fatty liver disease in type 2 diabetes mellitus: an updated systematic review and meta-analysis. Gut 2023; 72:2138–48.
 
[2] Powell EE, Wong VW-S, Rinella M, et al. Non-alcoholic fatty liver disease. Lancet 2021; 397:2212–24.
 
[3] Rawshani A, Rawshani A, Franzén S, et al. Risk Factors, Mortality, and Cardiovascular Outcomes in Patients with Type 2 Diabetes. N Engl J Med 2018; 379:633–44.
 
[4] Mallet V, Parlati L, Martinino A, et al. Burden of liver disease progression in hospitalized patients with type 2 diabetes mellitus. J Hepatol 2022; 76:265–74.
 
[5] Tacke, Frank et al. EASL EASD EASO Clinical Practice Guidelines on the management of metabolic dysfunction-associated steatotic liver disease (MASLD). Journal of Hepatology 2024 ;  81(3):492-542.
 


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jeudi 10 juillet 2025

Association entre hémoglobine A1c et complications chez des patients vivant avec un diabète et une insuffisance rénale chronique sévère

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Juin 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Dea H. Kofod et al. The Association Between Hemoglobin A1c and Complications Among Individuals With Diabetes and Severe Chronic Kidney Disease. Diabetes Care 2025;48(8):1–10. doi : 10.2337/dc25-0339

 

L’association entre diabète et insuffisance rénale chronique (IRC) augmente le risque de complications à court et à long terme, ainsi que la mortalité [1]. Cependant, l’objectif glycémique optimal pour améliorer ces complications n’est pas bien défini, particulièrement pour les individus avec une IRC sévère. Les recommandations actuelles conseillent un équilibre glycémique moins strict avec le déclin de la fonction rénale [2], du fait d’une augmentation du risque d’hypoglycémie et de la réduction de l’espérance de vie de cette population. L’association entre HbA1c et survenue des complications du diabète est bien connue, notamment grâce aux études ayant montré l’impact d’un traitement intensif de la glycémie sur la réduction des complications micro- et macrovasculaires et la mortalité [3,4]. Cependant, ces essais n’ont pas inclus les individus avec une IRC sévère, soit avec un débit de filtration glomérulaire (DFG) < 30 mL/mn/1,73m². De plus, la fiabilité de l’HbA1c dans cette population pose question du fait de changements dans le métabolisme avec, d’une part, une augmentation des paramètres inflammatoires et d’acidose métabolique (qui vont augmenter la glycation de l’hémoglobine) et, d’autre part, une réduction de la durée de vie des globules rouges et l’utilisation d’EPO ou de fer (qui diminuent l’HbA1c). Les auteurs ont donc investigué l’association entre HbA1c et événements cardiovasculaires majeurs (MACE), complications microvasculaires et hospitalisations pour hypoglycémie, dans une population d’individus vivant avec un diabète et une IRC sévère.

Pour cette étude, les auteurs ont investigué les données des registres nationaux de santé du Danemark, enregistrant les hospitalisations et les diagnostics associés, les délivrances de traitements et les données de laboratoire. Etaient inclus les individus cumulant un diabète et une IRC sévère entre le 1er janvier 2010 et le 31 décembre 2022. L’IRC sévère était définie par 2 mesures de DFG < 30 mL/mn/1,73m² à plus de 90 jours d’intervalle et la 2ème mesure correspondait à la date d’inclusion dans l’étude. Les personnes vivant avec un diabète étaient identifiées sur la base d’au moins une délivrance de traitement anti-diabétique dans les 5 dernières années. Ont été exclus les patients n’ayant pas de mesure d’HbA1c entre 4,9% et 13,1% dans l’année suivant l’inclusion, les mineurs et ceux ayant un antécédent de dialyse ou de greffe rénale. Chaque individu cumulant un diabète et une IRC sévère a été apparié d’après l’âge et le sexe à 3 patients avec un diabète et une IRC modérée (DFG entre 30 et 59 mL/mn/1,73m²) et 3 autres avec un diabète et une fonction rénale normale ou faiblement diminuée (DFG ≥ 60 mL/mn/1,73m²). Les critères de jugement principaux étaient la survenue d’un élément du MACE (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral ou décès toute cause), d’une complication microvasculaire (rétinopathie, amputation d’une partie de membre inférieur, IRC terminale ou dialyse) et d’une hospitalisation pour une hypoglycémie. La période de suivi allait de l’inclusion jusqu’à la survenue d’un de ces critères ou jusqu’au 31 décembre 2022, selon ce qui survenait en premier. Les auteurs ont utilisé l’estimateur de Kaplan-Meier pour calculer le suivi médian. L’association entre l’HbA1c et le critère de jugement a été réalisée selon 11 strates d’HbA1c allant de 4,9-5,3% jusqu’à 10,4-13,1%. Les données ont ensuite été analysées via des modèles de Cox ajustés sur le niveau d’hémoglobine et les maladies cardiovasculaires en plus de l’appariement sur l’âge et le sexe, et prenaient en compte le décès comme risque compétitif.

Au total, les auteurs ont pu inclure 27 113 individus cumulant un diabète et une IRC sévère, appariés à 80 131 individus avec un diabète et une IRC faible à modérée et à 80 797 individus avec un diabète et un DFG ≥ 60 mL/mn/1.73m², avec une durée de suivi médiane entre 5,2 et 5,4 ans selon les groupes. L’âge médian des patients inclus était de 77 ans (intervalle interquartile [IQR] 70 – 83 ans) dans les 3 groupes. L’HbA1c était de 7,0% (6,3 – 8,0) dans le groupe IRC sévère, 6,9% (6,3 – 7,7) dans le groupe IRC modérée et 6,8% (6,3 – 7,6) dans le groupe IRC faible ou absente. La proportion de patients avec un diabète de type 1 augmentait lorsque l’IRC était plus sévère : 30,5% dans le groupe IRC sévère, 24,7% dans le groupe IRC modérée et 18,8% dans le groupe IRC faible ou absente. Les individus du groupe IRC sévère étaient généralement plus sévères que les autres groupes, avec un diabète de durée plus longue (40% avec un diabète depuis plus de 14 ans, contre 37 et 33%), un traitement comprenant plus souvent de l’insuline et plus de comorbidités (antécédents cardiovasculaires, hypertension, obésité ou complication du diabète). Chez les individus avec IRC sévère, le risque de MACE augmentait significativement pour des niveaux d’HbA1c < 5,8% et ≥ 7,2% comparé à la tranche d’HbA1c 6,3-6,6%. Plus précisément, concernant le MACE et comparativement aux individus avec une HbA1c entre 6,3 et 6,6%, ceux avec une HbA1c entre 5,4 et 5,7% présentaient un HR à 1,24 (IC 95% 1,16 – 1,32) et ceux avec une HbA1c entre 4,9 et 5,3% un HR à 1,41 (IC 95% 1,26 – 1,57). De l’autre côté du spectre de l’HbA1c, le risque de MACE devenait statistiquement significatif pour une HbA1c entre 7,2 et 7,5% (HR 1,08, IC 95% 1,02 – 1,14) et augmentait progressivement jusqu’à 1,48 (IC 95% 1,37 – 1,61) dans le groupe avec une HbA1c entre 10,4 et 13,1%. Concernant les complications microvasculaires, les auteurs retrouvaient une augmentation du risque à partir d’une HbA1c entre 7,2 et 7,5% (HR 1,32, IC 95% 1,19 – 1,47), progressive jusqu’au dernier groupe d’HbA1c avec un HR à 1,68 (IC 95% 1,43 – 1,96) pour une HbA1c entre 10,4 et 13,1%. Les groupes d’HbA1c en dessous de 6,3 – 6,6% ne présentaient pas de surrisque de complication microvasculaire. Enfin, le risque d’hospitalisation pour hypoglycémie augmentait lui aussi avec l’HbA1c : 1,44 (IC 95% 1,17 – 1,77) pour le groupe d’HbA1c entre 6,7 et 7,1%, jusqu’à 4,48 (IC 95% 3,56 – 5,63) pour le groupe d’HbA1c entre 10,4 et 13,1%. Là encore, pas de surrisque d’hospitalisation pour hypoglycémie chez ceux ayant une HbA1c plus faible, avec même une diminution de ce risque dans le groupe d’HbA1c 5,8 – 6,2%, avec un HR à 0,72 (IC 95% 0,56 – 0,93). Bien que tous les groupes ne présentent pas exactement les mêmes résultats, ces tendances étaient similaires dans les autres groupes d’IRC. Ces associations restaient présentes lorsque les analyses étaient également stratifiées en fonction du sexe, de l’âge et du type de diabète.

Les auteurs retrouvent donc dans cette étude de cohorte nationale, une association entre HbA1c et complications du diabète chez des individus avec une IRC sévère, avec une courbe en U (avec un nadir entre 6,3 et 6,6% d’HbA1c) pour les événements du MACE et une augmentation du risque de complications microvasculaires lorsque l’HbA1c dépasse 7,2% et une augmentation du risque d’hospitalisation pour hypoglycémie lorsque l’HbA1c dépasse 6,3%. Cependant, bien que comportant une population importante, le caractère observationnel de cette étude ne permet pas de tirer de conclusion causale à cette association. Des facteurs confondants tels que l’IMC, le mode de vie ou encore l’ethnie n’étaient pas disponibles pour les auteurs. De même, seule l’HbA1c à l’inclusion est prise en compte et pas les mesures répétées qui ont pu avoir lieu ensuite pouvant également occasionner des biais. Enfin, les auteurs n’avaient accès qu’aux données concernant les hospitalisations pour hypoglycémie et n’avaient pas d’information sur les hypoglycémies ne débouchant pas sur un passage à l’hôpital.

Pour conclure, dans cette étude, l’HbA1c était un facteur important dans la survenue de complications du diabète, y compris chez les participants avec une IRC sévère. La tranche d’HbA1c entre 6,7 et 7,1% semble être la plus favorable pour réduire le risque de complications et de mortalité à long terme.

 

Références

[1] Palsson R, Patel UD. Cardiovascular complications of diabetic kidney disease. Adv Chronic Kidney Dis 2014;21:273–280.
 
[2] Battelino T, Danne T, Bergenstal RM, et al. Clinical targets for continuous glucose monitoring data interpretation: recommendations from the international consensus on time in range. Diabetes Care 2019;42:1593–1603.
 
[3] UK Prospective Diabetes Study (UKPDS) Group. Intensive blood-glucose control with sulphonylureas or insulin compared with conventional treatment and risk of complications in patients with type 2 diabetes (UKPDS 33). Lancet 1998;352:837–853.
 
[4] Nathan DM, Cleary PA, Backlund J-YC, et al.; Diabetes Control and Complications Trial/Epidemiology of Diabetes Interventions and Complications (DCCT/EDIC) Study Research Group. Intensive diabetes treatment and cardiovascular disease in patients with type 1 diabetes. N Engl J Med 2005;353:2643–2653.
 


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vendredi 13 juin 2025

Impact de la transplantation d’îlots pancréatiques sur les complications du diabète et la mortalité chez des patients vivant avec un diabète de type 1

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Mai 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Perrier Q. & al., Impact of Islet Transplantation on Diabetes Complications and Mortality in Patients Living With Type 1 Diabetes. Diabetes Care. 2025 Jun 1;48(6):1007-1015. doi : 10.2337/dc25-0059

 

La transplantation d’îlots pancréatiques (TI) a pour objectifs d’améliorer le contrôle glycémique, de prévenir les hypoglycémies sévères, d’améliorer la qualité de vie et d’atteindre l’indépendance à l’insuline, variable selon l’expérience des centres et la stratégie de transplantation [1,2]. Ainsi, la TI est aujourd’hui considérée comme une option thérapeutique pour la prise en charge des personnes vivant avec un diabète de type 1 (DT1) instable (islet transplantation alone, ITA) ou avec un DT1 et greffon rénal fonctionnel (islet after kidney transplantation, IAK), notamment en Europe [3]. Si les bénéfices à long terme de la TI en termes de mortalité, de bénéfices sur les complications ou sur le retour en dialyse en cas de transplantation rénale associée sont aujourd’hui bien décrits, des informations comparatives par rapport à des patients n’ayant pas bénéficié de la TI manquent. Récemment, une étude américaine incluant 49 patients avec TI a montré que cette dernière n’augmentait pas le risque de mortalité en lien avec les immunosuppresseurs comparativement à des personnes vivant avec un DT1 [4]. Néanmoins, ces résultats sont basés sur des données épidémiologiques issues de registres sans appariement entre les patients.

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’impact de la TI sur les complications du diabète telles que la mortalité, la dialyse, les amputations, l’infarctus du myocarde (IDM), les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les évènements ischémiques transitoires (AIT), le retour à la dialyse après greffe rénale (si IAK) et les complications secondaires aux immunosuppresseurs comme le cancer.

Dans cette étude de cohorte rétrospective et multicentrique, ont été inclus des patients issus de 3 essais précédemment publiés sur la TI (études GRAGIL, GRAGIL2 et TRIMECO) constituant le groupe expérimental et des patients issus du Système National des Données de Santé (SNDS) constituant le groupe contrôle. Le groupe intervention était composé de 2 sous-groupes : les receveurs de TI après greffe rénale (cohorte IAK) et les patients avec TI seule (cohorte ITA). Le groupe témoin correspondait à un groupe contrôle synthétique identifié à partir du SNDS comme suit : 1) identification des patients vivant avec un DT1 traités depuis au moins 5 ans par insulinothérapie, sans remboursement de traitement oral anti-diabétique et avec un suivi jusqu’à 10 ans, 2) patients âgés de plus de 18 ans à l’inclusion, 3) identification de patients sans greffe rénale et d’autres avec greffe rénale, 4) exclusion des patients avec moins de deux hospitalisations liées au diabète ou à ses complications dans l’année précédant l’inclusion (critère approchant la sévérité du diabète) pour le groupe sans greffe rénale, et exclusion des patients avec greffe rénale de moins de 3 ans par rapport à l’inclusion pour le groupe avec greffe rénale, 5) afin de s’assurer que les patients inclus dans le groupe contrôle ne fassent pas parti du groupe expérimental, ont été exclus tous les patients de même sexe, de même mois et année de naissance au 31 Décembre 2022. Pour chacune des cohortes (ITA et IAK), chaque patient du groupe expérimental a été apparié sur la base de score de propension selon un ratio 1:10 pour la cohorte ITA (i.e. 1 patient du groupe expérimental apparié à 10 patients du groupe contrôle) et 1:1 pour la cohorte IAK (i.e. 1 patient du groupe expérimental apparié à 1 patient du groupe contrôle). Le critère de jugement principal a été défini comme la première occurrence d’un critère composite associant : mortalité, dialyse, amputation, AVC non fatal, IDM non fatal ou AIT. Le critère de jugement secondaire a été défini comme la première occurrence de cancer : cancer du sein, cancer colorectal, cancer broncho-pulmonaire, cancer de la prostate ou autre cancer (par exemple, cancer de la peau).

Au total, le groupe expérimental était composé de deux populations distinctes : 1) une cohorte ITA de 61 patients avec une durée médiane de DT1 de 31,6 (IQR 25-75 : 24,5-39,3) ans et une médiane de suivi après TI de 10,4 (8,7-13,6) ans, 2) une cohorte IAK de 45 patients avec une durée médiane de DT1 de 32,6 (26,9-40,9) ans, une médiane de suivi après TI de 13,4 (8,2-17,4) ans et un délai médian entre les 2 greffes de 3,9 (2,6-6,4) ans. Les 61 patients de la cohorte ITA ont été appariés à 610 patients contrôles avec un niveau satisfaisant de concordance globale (différence moyenne standardisée [DMS] <10%) sauf concernant les antécédents d’AVC (DMS à 11,4%) en défaveur du groupe contrôle (i.e., un plus grand nombre de patients avaient un antécédent d’AVC dans le groupe contrôle par rapport au groupe expérimental). Les 45 patients de la cohorte IAK ont été appariés à 45 patients contrôles avec une moins bonne concordance que pour la cohorte ITA (3 DMS > 10% concernant les AIT, l’âge et l’IDM [10,8%, 30,2% et 26,2% respectivement]) en défaveur du groupe IAK. Comparativement aux patients du groupe contrôle, les patients des cohortes ITA et IAK ont présenté un risque significativement moindre de survenue du critère de jugement principal (respectivement, HR 0,39 [95% IC 0,21-0,71 ; p = 0,002] et 0,52 [0,30-0,88 ; p = 0,014]). Dans la cohorte ITA, cette différence était principalement liée à une réduction significative de la mortalité chez les patients avec TI (0,22 [0,09-0,54 ; p <0,001]). Dans la cohorte IAK, cette différence était principalement liée à une réduction significative de la dialyse chez les patients IAK (0,19 [0,07-0,50 ; p < 0,001]). En revanche, dans cette population, a été observée une plus grande occurrence d’IDM par rapport aux patients avec transplantation rénale seule (4.24 [1,18-15,2 ; p = 0,016]). Dans les deux cohortes (ITA et IAK), aucun changement significatif concernant le risque de cancer n’a été mis en évidence (HR 1, 00 [0,54-1,87 ; p = 1] et 0,88 [0,32-2,41 ; p = 0,80], respectivement).

Les résultats de cette étude mettent en lumière l’impact à long terme de la TI (ITA ou IAK) chez les patients vivant avec un DT1 instable et ceux avec DT1 et greffe rénale. Cette étude apporte également des éléments concernant les bénéfices à long terme (>10 ans) et les risques potentiels associés à l’ITA et à l’IAK. Il est important de noter que ces résultats positifs concernant la TI ont été obtenus en l’absence d’indépendance à long terme de l’insuline. En effet, dans l’étude GRAGIL, moins de 5% des patients n’avaient plus recours à l’insuline à 10 ans de la TI malgré un greffon fonctionnel dans 50% des cas [2]. Dans l’étude TRIMECO, 59% des patients restaient sans insuline à 1 an de la TI (85% de greffon fonctionnel) [5]. Cette étude est l’une des premières à mettre en évidence une réduction significative de la survenue d’un critère composite associant différents évènements liés au diabète parmi les patients ayant bénéficié d’une TI par rapport à ceux sans TI. Dans la cohorte IAK, les données suggèrent une augmentation du risque d’IDM par rapport aux patients avec DT1 et greffe rénale seule, contrastant avec les données de la littérature. Néanmoins, la faible qualité de l’appariement entre les patients avec IAK et ceux du groupe contrôle sur 2 facteurs de risque d’IDM (âge et antécédent d’IDM) pourrait avoir participé à ce résultat défavorable pour l’IAK. Enfin, cette étude ne retrouve aucune augmentation significative du risque de cancer suite à la TI et aux immunosuppresseurs, fournissant des preuves rassurantes quant au profil de sécurité de la TI. Il convient néanmoins de noter que la période de suivi médiane de cette cohorte (>10 ans) pourrait ne pas être suffisante pour détecter certains cancers survenant plus à distance d’une transplantation. Des limites sont néanmoins à prendre en considération : 1) des dates d’inclusion et de suivi différentes entre les 2 groupes (à partir de 1999 pour le groupe expérimental et de 2006 pour le groupe contrôle), 2) un nombre de patients limité (<100) dans le groupe expérimental, ne permettant pas d’exclure un manque de puissance pour certaines observations, 3) une absence d’appariement sur les antécédents de cancer en raison du manque de données disponibles.

Ainsi, cette étude suggère un bénéfice à long terme de la TI, tant seule qu’après greffe rénale, sur un critère composite associant décès, complications cardiovasculaires ou dialyse, sans augmentation significative du risque de cancer malgré un traitement immunosuppresseur au long cours. Ces résultats soulignent un rapport risque-bénéfice favorable à la TI dans la prise en charge des personnes vivant avec un DT1 instable.

 

Références

[1] Brennan, D.C. & al. Long-Term Follow-Up of the Edmonton Protocol of Islet Transplantation in the United States. Am J Transplant 2016, 16, 509–517.
 
[2] Lablanche, S. & al. Ten-Year Outcomes of Islet Transplantation in Patients with Type 1 Diabetes: Data from the Swiss-French GRAGIL Network. Am J Transplant 2021, 21, 3725–3733.
 
[3] Wojtusciszyn, A. & al. Indications for Islet or Pancreatic Transplantation: Statement of the TREPID Working Group on Behalf of the Société Francophone Du Diabète (SFD), Société Francaise d’endocrinologie (SFE), Société Francophone de Transplantation (SFT) and Société Française de Néphrologie - Dialyse - Transplantation (SFNDT). Diabetes Metab 2019, 45, 224–237.
 
[4] Lemos, J.R.N. & al. Survival After Islet Transplantation in Subjects With Type 1 Diabetes: Twenty-Year Follow-Up. Diabetes Care 2021, 44, e67–e68.
 
[5] Lablanche, S. & al. Islet Transplantation versus Insulin Therapy in Patients with Type 1 Diabetes with Severe Hypoglycaemia or Poorly Controlled Glycaemia after Kidney Transplantation (TRIMECO): A Multicentre, Randomised Controlled Trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2018, 6, 527–537.
 


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lundi 12 mai 2025

Traitements anti-hyperglycémiants à effet cardioprotecteur et risque de démence : Revue systématique et méta-analyse

Auteur : 
Ninon Foussard
Date Publication : 
Avril 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Seminer et al. Cardioprotective Glucose-Lowering Agents and Dementia Risk: A Systematic Review and Meta-Analysis. JAMA Neurol. Published online April 7, 2025. doi : 10.1007/s00125-025-06363-0

 

Le diabète est un facteur de risque de démence [1]. L’utilisation des inhibiteurs du sodium-glucose cotransporteur-2 (iSGLT2) et des agonistes du récepteur du glucagon-like peptide 1 (aGLP1) est recommandée chez les patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2) atteints de maladie cardiovasculaire ou à haut risque cardiovasculaire, sur la base d’essais cliniques randomisés de phase III démontrant une réduction des événements cardiovasculaires [2] et de données d’observation suggérant qu’ils pourraient présenter un effet neuroprotecteur [3]. Cependant, il n'existe pas encore de preuves solides concernant l'efficacité de ces traitements quant à la réduction du risque de démence.

L'objectif de cette méta-analyse d’essais cliniques randomisés était donc de déterminer si les traitements anti-hyperglycémiants cardioprotecteurs, comparés aux traitements témoins, étaient associés à une réduction du risque de démence ou de troubles cognitifs.

Une revue systématique et une méta-analyse ont été réalisées à partir des bases de données PubMed et Embase, consultées pour les études publiées depuis la création de la base de données jusqu'au 11 juillet 2024. Les études considérées comme éligibles devaient être des essais cliniques randomisés incluant des patients de plus de 18 ans et comparant un traitement anti-hyperglycémiant à effet cardioprotecteur démontré (iSGLT2 ou aGLP1) [4,5] ou suggéré (metformine ou pioglitazone) [6], à un traitement témoin (placebo ou absence de traitement antidiabétique), sur le risque de survenue d’une démence, d’une déficience cognitive ou d'une modification des scores cognitifs lors d’un suivi de plus de 6 mois. Les études concernant les inhibiteurs de la dipeptidyl peptidase-4, les sulfonylurées, et l'insuline, ou concernant les patients ayant déjà un diagnostic de troubles cognitifs, ont été exclues. Le critère de jugement principal de cette méta-analyse était la démence ou les troubles cognitifs au cours du suivi. Les critères de jugement secondaires comprenaient les sous-types de démence (démence vasculaire, démence d'Alzheimer, démence à corps de Lewy et démence fronto-temporale) et le changement dans le score cognitif. Les effets pondérés des traitements groupés ont été calculés globalement et individuellement pour les différentes classes de médicaments, en utilisant des modèles de méta-analyse à effets aléatoires.

Cette méta-analyse a inclus un total de 26 essais (N = 164 531 participants), publiés entre 2015 et 2024 : 23 études (N = 160 191), rapportant l'incidence d'un critère composite de démence ou de troubles cognitifs au cours du suivi, ont été incluses dans la méta-analyse primaire, et 3 ont été incluses uniquement pour le résultat secondaire d’évolution du score cognitif. Toutes étaient contrôlées versus placebo. L’âge moyen (SD) était de 64,4 (3,5) ans, et 34,9% des participants étaient des femmes. La durée moyenne du suivi était de 31,4 (10,1-73,2) mois.
Parmi les 23 essais de l’analyse principale, 12 ont évalué les iSGLT2, 10 les aGLP1 et 1 la pioglitazone (aucun essai sur la metformine n'a été identifié). La démence ou les troubles cognitifs ont été diagnostiqués au cours du suivi chez 93 participants du groupe traitement et 119 du groupe témoin. Le traitement anti-hyperglycémiant en général vs témoin n’était pas associé significativement à une réduction des troubles cognitifs ou de la démence (0,12% contre 0,14% sur un suivi moyen de 31,8 mois ; OR 0,83 [IC 95%, 0,60-1,14] ; réduction du risque absolu, 0,02% [IC 95%, -1,00% à 0,09%] ; I² = 6,6%). En revanche, le traitement par aGLP1 (OR, 0,55 [IC 95%, 0,35-0,86]) était associé à une réduction des troubles cognitifs ou de la démence (valeur P pour l'hétérogénéité = 0,04), contrairement au traitement par iSGLT2 (OR, 1,20 [IC 95%, 0,67-2,17]).
Concernant l’analyse secondaire : 10 essais ont rapporté la survenue de démence vasculaire lors du suivi (94 648 participants), et celle-ci a été diagnostiquée chez 6 participants du groupe traitement et 16 du groupe témoin. Le traitement anti-hyperglycémiant en général vs témoin n’était pas significativement associé à une réduction de la démence vasculaire (0,01% vs 0,03% sur un suivi moyen de 35,7 mois ; OR, 0,45 [IC 95%, 0,19-1,07] ; I² = 0,0%). Ces résultats étaient cohérents pour toutes les classes de médicaments (iSGLT2 OR, 0,35 [95% CI, 0,09-1,36] ; aGLP1 OR, 0,38 [95% CI, 0,18-1,61] ; valeur P pour l'hétérogénéité = 0,93). Douze essais ont rapporté la survenue d’une démence d'Alzheimer (115 840 participants), diagnostiquée au cours du suivi chez 56 participants du groupe traitement et 51 du groupe témoin. Le traitement anti-hyperglycémiant en général vs témoin n’était pas associé à une réduction significative de la démence de type Alzheimer (0,09% contre 0,09% sur un suivi moyen de 37,1 mois ; OR, 1,20 [IC à 95%, 0,82-1,77] ; I² = 0,0%). Ces résultats étaient également cohérents pour toutes les classes de médicaments. De la même façon, aucune différence significative n’était observée pour les 4 essais s’intéressant à la démence à corps de Lewy, mais la survenue de celle-ci ne concernait qu’un seul patient dans le groupe traitement et 3 dans le groupe témoin. Seul un essai étudiait la démence fronto-temporale. En outre, sur 3 essais faisant état d'une évolution du score cognitif, aucune différence significative n’a été rapportée concernant l’exénatide vs placebo et la pioglitazone vs placebo.

En résumé, cette méta-analyse incluant 23 essais avec 160 191 participants pour l'analyse du résultat principal, n'a pas rapporté de réduction significative de la démence ou des troubles cognitifs lorsque toutes les classes de médicaments étaient prises en compte. Cependant, le traitement par aGLP1 était associé à une survenue significativement plus faible de démence ou de troubles cognitifs, par rapport au groupe témoin. Plus spécifiquement, le traitement anti-hyperglycémiant n'a pas été associé à une réduction significative du risque de démence vasculaire ou de démence de type Alzheimer. La différence entre iSGLT2 et aGLP1 dans cette étude, concernant la démence toutes causes confondues, pourrait s'expliquer en partie par les différences dans les populations recrutées : avec un taux d'événements de démence plus élevé dans le groupe témoin des essais sur les aGLP1, que dans les essais sur les iSGLT2 (0,14% contre 0,05%), ce qui peut augmenter la puissance statistique pour détecter les associations. En outre, un faible taux d’événements pourrait être expliqué par le fait que la majorité des essais cliniques n'ont pas systématiquement évalué la démence chez les participants, mais aussi par l'âge moyen des participants modéré et la durée relativement courte du suivi. Ainsi, la réduction du risque absolu rapportée est très probablement sous-estimée.
Concernant les limites de cette étude, les résultats concernant l’apparition d’une démence n'ont pas été vérifiés en tant que résultat d'intérêt mais ils ont plutôt été rapportés en tant qu'événement indésirable et n’ont pas été évalué systématiquement chez tous les participants, ce qui réduit le pouvoir de détection des différences dans l'effet du traitement. Il s'agit d'une limite importante, et des recherches supplémentaires évaluant l'efficacité des thérapies anti-hyperglycémiantes pour réduire le risque de démence dans le cadre d'essais bien conçus (c'est-à-dire avec une bonne évaluation, mais aussi une longue durée de suivi et une population comprenant des adultes au milieu et à la fin de leur vie) sont nécessaires. Une autre limite est que cette méta-analyse n'a pas rapporté d'estimation au sein des sous-groupes des populations étudiées (par exemple, par sexe), en raison d’un manque de disponibilité des données.

En conclusion, bien que les traitements anti-hyperglycémiants cardioprotecteurs n'aient pas été associés à une réduction globale de la démence toutes causes confondues, cette méta-analyse d'essais cliniques randomisés a révélé que l’utilisation des aGLP1 était associée à une réduction de la démence toutes causes confondues. D’autres recherches restent nécessaires, notamment des essais cliniques randomisés évaluant spécifiquement l'effet du traitement anti-hyperglycémiant sur la démence incidente et les résultats cognitifs, avec une durée de suivi suffisante.

 

Références

[1] Livingston  G, Huntley  J, Sommerlad  A,  et al.  Dementia prevention, intervention, and care: 2020 report of the Lancet Commission. Lancet. 2020;396(10248):413-446.
 
[2] Marx  N, Federici  M, Schütt  K, et al; ESC Scientific Document Group.  2023 ESC guidelines for the management of cardiovascular disease in patients with diabetes. Eur Heart J. 2023;44(39):4043-4140.
 
[3] Tang  H, Shao  H, Shaaban  CE, et al. Newer glucose-lowering drugs and risk of dementia: a systematic review and meta-analysis of observational studies. J Am Geriatr Soc. 2023;71(7):2096-2106.
 
[4] McGuire  DK, Shih  WJ, Cosentino  F, et al. Association of SGLT2 inhibitors with cardiovascular and kidney outcomes in patients with type 2 diabetes: a meta-analysis. JAMA Cardiol. 2021;6(2):148-158.
 
[5] Sattar  N, Lee  MMY, Kristensen  SL, et al.  Cardiovascular, mortality, and kidney outcomes with GLP-1 receptor agonists in patients with type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis of randomised trials. Lancet Diabetes Endocrinol. 2021;9(10):653-662.
 
[6] Holman  RR, Paul  SK, Bethel  MA, Matthews  DR, Neil  HAW.  10-Year follow-up of intensive glucose control in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2008;359(15):1577-1589.
 


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lundi 14 avril 2025

Agonistes du récepteur du GLP-1, inhibiteurs du SGLT2 et prévention de la cirrhose chez les patients vivant avec un diabète de type 2

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Mars 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Richeek Pradhan et al, Glucagon-Like Peptide 1 Receptor Agonists and Sodium–Glucose Cotransporter 2 Inhibitors and the Prevention of Cirrhosis Among Patients With Type 2 Diabetes, Diabetes Care 2025;48(3):444–454. doi : 10.2337/dc24-1903

 

Les agonistes du récepteur du GLP-1 (AR-GLP1) et les inhibiteurs du sodium-glucose co-transporteur 2 (i-SGLT2) ont des effets favorables sur le poids et l’inflammation [1], ce qui pourrait suggérer un effet bénéfique dans la prévention des hépatopathies métaboliques (MASLD, pour Metabolic dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease) et de leurs complications. Des essais randomisés contrôlés réalisés chez des patients atteints de MASLD ont montré que les AR-GLP1 et les i-SGLT2 réduisaient la graisse intra-hépatique [2,3]. Cependant, il n’est pas clairement établi si ces médicaments réduisent ou non l’incidence des autres événements hépatiques. A l’heure actuelle, les études observationnelles ont montré un degré de protection variable (entre 9 et 83%) des AR-GLP1 concernant les événements hépatiques sévères. De plus, les essais randomisés n’ont pas montré de réversibilité de la fibrose hépatique avec le liraglutide ou le sémaglutide 1 mg [4]. Les i-SGLT2 ont été associés à un plus faible risque d’événements hépatiques dans des études sud-coréennes mais la généralisation de ces résultats reste discutable. De plus, aucune des études évaluant l’impact des AR-GLP1 ne prend en compte l’utilisation d’un i-SGLT2 pendant le suivi et vice-versa. Les auteurs ont donc réalisé cette étude pour déterminer si l’utilisation des AR-GLP1 et des i-SGLT2, séparément, était associée à une réduction du risque de cirrhose (critère de jugement principal), de carcinome hépato-cellulaire, de cirrhose décompensée et de mortalité d’origine hépatique (critère de jugement secondaire), en comparaison à l’utilisation d’inhibiteurs de DPP-4 (i-DPP-4), chez des patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2).

Les auteurs ont réalisé cette étude de cohorte à partir des données du UK Clinical Practice Research Datalink (CPRD), regroupant des données d’environ 60 millions de patients et liées aux bases de données hospitalières et nationales. Deux cohortes, avec 2 groupes comparateurs, ont été constituées. La première incluait les patients ayant débuté un traitement par AR-GLP1 ou i-DPP-4 entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2020. La 2ème cohorte incluait les patients ayant débuté un traitement par i-SGLT2 ou i-DPP-4 entre le 1er janvier 2013 et le 31 mars 2020. Les critères d’inclusion dans les cohortes étaient un âge d’au moins 18 ans, un diagnostic de DT2 et au moins un an d’informations médicales dans la base de données. Les patients bénéficiant des 2 classes thérapeutiques étudiées ou qui avaient bénéficié d’une des classes thérapeutiques avant l’entrée dans l’étude ont été exclus, de même que les patients ayant une maladie hépatique préexistante à l’étude. Les patients ont été suivis de l’entrée dans la cohorte jusqu’à la survenue d’un événement d’intérêt, 6 mois après l’arrêt ou le changement de traitement, d’un décès, d’une sortie de la base de données ou la fin de l’étude, selon la condition survenant en premier. Les événements d’intérêts survenant dans les 6 premiers mois de l’étude ont été censurés. Les auteurs ont pris en compte plusieurs facteurs confondants potentiels tels que l’âge, le sexe, l’ethnie, l’indice de masse corporelle (IMC) et le statut tabagique. La sévérité du DT2 (via la mesure de l’HbA1c), la durée du diabète, les complications et la prise d’autres traitements anti diabétiques ou non ont été prises en compte, ainsi que la présence d’autres comorbidités fréquentes et le nombre d’hospitalisations dans l’année précédant l’entrée dans l’étude. Sur le plan statistique, le poids de chaque patient des groupes i-DPP-4 a été ajusté en fonction d’un score de propension, afin de rendre les groupes comparables, avec un objectif de différence standardisée < 0,10. Les auteurs ont utilisé la méthode de Kaplan-Meier pour calculer l’incidence cumulée de chaque événement et pour calculer le nombre de sujets à traiter après 5 et 10 ans de traitement. Enfin, ils ont utilisé des modèles de Cox pour estimer les Hazard Ratio (HR) pour chaque critère de jugement, comparant les classes thérapeutiques d’intérêt aux i-DPP-4. Pour les analyses secondaires, les auteurs ont voulu déterminer si l’association variait en fonction de la durée de traitement (< 1 an, 1 à 3 ans, > 3 ans), en fonction de la molécule utilisée au sein des deux classes thérapeutiques et en fonction de différentes caractéristiques clinico-biologiques telles que l’âge, le sexe, l’ethnie, l’IMC, la durée du DT2 ou l’HbA1c.

La 1ère cohorte incluait 25 516 utilisateurs d’AR-GLP1 et 186 752 utilisateurs d’i-DPP-4, avec un suivi médian de 1,5 (intervalle inter quartile [IQR] 0,6 – 3,3) et 1,7 (IQR 0,5 – 3,6) ans respectivement. Durant cette période, 707 cirrhoses ont été diagnostiquées, correspondant à un taux d’incidence de 1,4 (intervalle de confiance à 95% 1,3 – 1,5) pour 1 000 personnes-années (p-a). Avant le score de propension, les utilisateurs d’AR-GLP1 étaient plus jeunes, plus enclins à l’obésité, avaient une HbA1c plus élevée et plus de complications micro-vasculaires que les utilisateurs d’i-DPP-4. L’utilisation d’AR-GLP1 n’était pas associée à une modification du risque de cirrhose comparativement à l’utilisation d’i-DPP-4 avec un HR à 0,90 (IC 95% 0,68 – 1,19). Les analyses secondaires n’ont pas mis en évidence de différence en fonction de la durée d’utilisation, de la molécule ou des caractéristiques clinico-biologiques. Concernant le critère de jugement secondaire, 920 décompensations de cirrhose sont survenues (taux d’incidence 1,8 [1,7 – 1,9] pour 1000 p-a), ainsi que 184 carcinomes hépato-cellulaires (0,4 [0,3 – 0,4] pour 1000 p-a) et 158 décès d’origine hépatique (0,3 [0,3 – 0,4] pour 1000 p-a). Les HR pour le carcinome hépato-cellulaire (0,71, IC 95% 0,38 – 1,31) et la mortalité d’origine hépatique (0,49, IC 95% 0,23 – 1,06) étaient en dessous de 1 mais n’atteignait pas la significativité statistique.

La 2ème cohorte comprenait 33 161 utilisateurs d’i-SGLT2 et 124 431 utilisateurs d’i-DPP-4, avec un suivi médian de 1,1 (0,5 – 2,3) et 1,5 (0,5 – 3,1) ans respectivement, pendant lesquels sont survenues 414 cirrhoses, correspondant à un taux d’incidence de 1,4 (IC 95% 1,2 – 1,5) pour 1000 p-a. Les utilisateurs d’i-SGLT2 étaient plus jeunes, moins sujets à l’obésité, avaient une HbA1c plus haute, une durée de diabète plus courte et moins de complications micro- ou macrovasculaires. L’utilisation d’i-SGLT2 était associée à un plus faible risque de cirrhose, avec un HR à 0,64 (IC 95% 0,46 – 0,90). Le nombre de sujets à traiter pour éviter une cirrhose après 5 et 10 ans étaient de 376 et 163, respectivement. Concernant le critère de jugement secondaire, 521 décompensations de cirrhose ont été observées, 101 carcinomes hépato-cellulaires et 98 décès d’origine hépatique. L’utilisation d’i-SGLT2 était associée à un plus faible risque de décompensation de cirrhose : HR 0, 74 (IC 95% 0,54 – 1,00), tandis que les HR concernant les carcinomes hépato-cellulaires et les décès étaient également en dessous de 1 mais n’atteignaient pas la significativité statistique.

En résumé, dans cette étude de cohorte anglaise, l’utilisation d’AR-GLP1 n’était pas associée à une réduction du risque d’événements hépatiques sévères, contrairement à l’utilisation d’i-SGLT2 qui était associée à une réduction de 36% du risque de cirrhose et de 26% du risque de décompensation cirrhotique comparativement aux iDPP4. Ces résultats concernant les i-SGLT2 sont cohérents avec les résultats d’études observationnelles précédentes, et pourraient être expliqués par une réduction de l’accumulation de graisse intra-hépatique via la perte de poids et la diminution de l’inflammation, ou encore par une participation de l’effet diurétique qui pourrait notamment réduire les événements aigus tels que les décompensations cirrhotiques.

Les forces de cette étude sont la prise en compte de nombreux facteurs de confusion potentiels, l’utilisation d’un comparateur actif et la prise en compte des nouveaux utilisateurs de chaque classe thérapeutique uniquement, afin de limiter les biais ainsi que le design de l’étude, qui excluait notamment la survenue d’événements dans les premiers mois de l’étude. Les limites étaient les erreurs potentielles de classification des patients dans chaque groupe, du fait de la nature de la base de données qui n’est pas directement liée aux prescriptions des spécialistes ou de potentielles erreurs de classifications des événements hépatiques. Enfin, il n’est pas clair si les effets observés passent par une réduction du poids, une baisse de l’HbA1c ou par d’autres mécanismes, ou encore s’ils sont en lien avec une réduction de la graisse intra-hépatique.

En conclusion, dans cette large étude populationnelle anglaise, l’utilisation d’i-SGLT2 était associée à un risque plus faible de cirrhose et de décompensation cirrhotique comparativement à l’utilisation d’i-DPP-4, mais pas à un plus faible risque de carcinome hépato-cellulaire ou de décès d’origine hépatique, chez les patients vivant avec un DT2. Ces associations n’ont pas été retrouvées avec les AR-GLP1. D’autres études avec une durée de suivi plus longue restent cependant nécessaires afin de corroborer ces conclusions.

 

Références

[1] American Diabetes Association. 9. Pharmacologic approaches to glycemic treatment: Standards of Medical Care in Diabetes—2021. Diabetes Care 2021;44:S111–S124.
 
[2] Mantovani A, Petracca G, Beatrice G, et al. Glucagon-like peptide-1 receptor agonists for treatment of nonalcoholic fatty liver disease and nonalcoholic steatohepatitis: an updated meta-analysis of randomized controlled trials. Metabolites 2021;11:73.
 
[3] Mantovani A, Petracca G, Csermely A, et al. Sodium-glucose cotransporter-2 inhibitors for treatment of nonalcoholic fatty liver disease: a meta-analysis of randomized controlled trials. Metabolites 2020;11:22.
 
[4] Newsome PN, Ambery P. Incretins (GLP-1 receptor agonists and dual/triple agonists) and the liver. J Hepatol 2023;79:1557–1565.
 


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