Le diabète de type 2 (DT2) est un facteur de risque majeur d’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique aigu mineur ou d’accident ischémique transitoire (AIT) à haut risque [1], qui sont associés à un risque élevé de récidive (jusqu’à 13% dans les 90 jours) [2]. Bien qu’il soit établi que les analogues du glucagon like peptide-1 (aGLP-1) réduisent l’incidence des évènements cardiovasculaires majeurs chez les patients vivant avec un DT2 présentant un risque cardiovasculaire élevé, il n’existe pas d’essai clinique randomisé évaluant spécifiquement leur effet pour la prévention de la récidive de l’AVC d’origine ischémique [3].
L’objectif de l’étude LAMP (Liraglutide in Acute Minor ischemic stroke or high-risk transient ischemic attack Patients with type 2 diabetes) était d’évaluer la sécurité et l’efficacité du liraglutide à prévenir la récidive d’un AVC chez les patients vivant avec un DT2 et ayant présenté un AVC aigu mineur ou un AIT à haut risque.
L’essai LAMP (NCT03948347) est un essai multicentrique (27 hôpitaux chinois), prospectif, randomisé, contrôlé, ouvert mais évalué en aveugle. Il a été mené du 25 juin 2019 au 27 décembre 2023. Il est à noter que le recrutement a été stoppé avant le verrouillage de la base de données et sans levée de l'anonymat, en raison d'un recrutement inférieur aux prévisions et de contraintes financières. Pour être éligibles, les participants devaient être âgés de 50 ans ou plus, présenter un AVC mineur avec un score ≤ 3 sur l'échelle NIHSS (National Institutes of Health Stroke Scale) (échelle de 0 à 42 ; les scores plus élevés indiquant un AVC plus grave) ou un AIT à haut risque tel que déterminé par un score ABCD2 (âge, élévation de la pression artérielle lors de la première évaluation après l'AIT, faiblesse unilatérale, troubles de la parole, durée des symptômes et diabète) ≥ 4 (fourchette de 0 à 7 ; les scores plus élevés indiquant un risque plus élevé), être dans les 24 heures suivant l'apparition des symptômes, et vivre avec un DT2 (connu ou nouvellement diagnostiqué). Les critères d'exclusion comprenaient le diagnostic d'hémorragie intracrânienne au scanner, un AVC iatrogène ou cardiogénique, une thrombolyse ou un traitement endovasculaire, ou un traitement par aGLP-1 au cours des 3 mois précédant l’inclusion. Pour les patients ayant présenté un AVC antérieurement, aucune séquelle ne devait être présente. Les patients éligibles étaient ensuite randomisés suivant un rapport 1:1 par blocs (taille des blocs : 4) dans les 24 heures suivant l'apparition des symptômes neurologiques, dans le groupe liraglutide (1x/j, avec une titration par 0,6 mg la 1ère semaine, puis 1,2 mg la 2ème et enfin 1,8 mg jusqu'au 90ème jour, adaptée à la tolérance) et le groupe contrôle. Seules les personnes chargées d'évaluer les résultats et les statisticiens ignoraient la répartition. Les deux groupes recevaient un traitement standard conforme aux recommandations pour l’AVC ou l’AIT [4]. Il est à noter que les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type-2 étaient prohibés et que l’objectif glycémique était 140-180 mg/dL. Le critère d'évaluation principal était la récidive d’AVC (ischémique ou hémorragique) après 90 jours, défini respectivement comme : (1) nouveaux déficits neurologiques focaux non attribuables à des causes non ischémiques d'une durée inférieure à 24h avec preuve par neuro-imagerie d'un nouvel infarctus cérébral, ou d'une durée ≥ 24 heures, avec ou sans preuve d’imagerie ; et (2) symptômes de dysfonctionnement neurologique évoluant rapidement, causés par l'accumulation de sang dans le parenchyme cérébral non traumatique, le système ventriculaire ou l'espace sous-arachnoïdien. Les critères d'évaluation secondaires comprenaient le pourcentage de nouveaux événements vasculaires cliniques (par exemple, AVC ischémique ou hémorragique, AIT, infarctus du myocarde et décès vasculaire) et les excellents résultats fonctionnels définis par un score sur l’échelle de Rankin modifiée (mRS) mesurant l’invalidité globale chez les patients après un AVC ≤ 1 (fourchette de 0 à 6 ; les scores plus élevés indiquant un handicap plus élevé), à J90. Les critères d'évaluation de la sécurité comprenaient l'hémorragie intracrânienne symptomatique, l'hypoglycémie, les troubles gastro-intestinaux, la pancréatite et la mortalité toutes causes confondues dans les 90 jours. En outre, l’efficacité et la sécurité ont été analysées en intention de traiter. Lorsque plusieurs événements se sont produits, le délai avant le 1er événement a été pris en compte. Les patients sans survenue du résultat primaire ont été censurés au moment du décès, du dernier contact ou à 90 jours, selon l’éventualité survenant en premier.
Parmi 928 patients éligibles, 636 patients ont été randomisés (âge médian [IQR], 63,5 [57,8-70,0] ans ; dont 231 femmes [36,3%]). Trois-cents dix-sept d’entre eux (49,8%) ont reçu le traitement standard associé au liraglutide, et 319 (50,2%) le traitement standard seul, 32 patients du groupe liraglutide (10,1%) n'ont pas respecté l'utilisation prescrite du liraglutide (définie comme l'arrêt du traitement pendant plus de 20% de la durée de l'étude). Dans les 90 jours, 25 patients (7,9%) du groupe liraglutide et 44 (13,8%) du groupe témoin ont présenté une récidive d'AVC (Hazard Ratio (HR) 0,56 ; IC à 95 %, 0,34-0,91 ; P = 0,02). En analyse de sous-groupes, les effets du liraglutide étaient plus prononcés chez les fumeurs et les participants de sexe masculin, ce qui suggère que le tabagisme et le sexe ont influencé l’effet du liraglutide. En ce qui concerne les résultats secondaires, de nouveaux événements vasculaires cliniques sont survenus dans les 90 jours chez 27 patients (8,5%) du groupe liraglutide et chez 50 (15,7%) du groupe témoin (HR, 0,53 ; IC à 95%, 0,33-0,84 ; P = 0,01). En outre, une proportion significativement plus élevée de patients (mRS ≤ 1) dans le groupe liraglutide (274 [87,3%]) que dans le groupe témoin (246 [77,8%]) ont obtenu d'excellents résultats fonctionnels (OR, 1,95 ; IC à 95%, 1,28-3,00 ; P = 0,002). Des troubles gastro-intestinaux ont été signalés chez 60 patients (18,9%) ayant reçu du liraglutide et chez 13 patients (4,1%) dans le groupe témoin (HR, 4,81 ; IC à 95%, 2,64-8,78 ; P < 0,001). Concernant les autres événements indésirables, ils étaient faibles et similaires entre les deux groupes : 1 cas d’hémorragie intracrânienne symptomatique a été observé chez 1 patient (0,3%) du groupe liraglutide, contre 2 patients (0,6%) dans le groupe témoin (HR, 0,48 ; IC à 95%, 0,04-5,27 ; P = 0,5), et aucune différence significative n'a été observée en termes d'incidence de pancréatite, d’hypoglycémie, ou de mortalité toutes causes confondues.
Les résultats de cet essai clinique randomisé multicentrique suggèrent que, chez les patients chinois vivant avec un DT2 et venant de présenter un AVC mineur ou un AIT à haut risque, le traitement par liraglutide introduit dans les 24 heures suivant l’apparition des symptômes pourrait réduire la récidive d'événement neuro-vasculaire (HR 0,56) et améliorer le pronostic à 90 jours, sans augmentation de l’incidence des hémorragies intracrâniennes symptomatiques ou de la mortalité. Une méta-analyse à grande échelle avait préalablement suggéré le rôle des aGLP-1 dans la prévention primaire des AVC [5]. En outre, dans les analyses de sous-groupes, les effets du liraglutide semblaient plus prononcés chez les fumeurs et les participants de sexe masculin. Cependant, la taille de l’échantillon n'a pas atteint l'objectif initial, ce qui pourrait entraîner une puissance insuffisante pour détecter de manière fiable les effets d'interaction. Les forces de cette étude sont (1) son caractère multicentrique, (2) le fait qu’il s’agisse de la première étude randomisée de phase 3 évaluant l’efficacité du liraglutide dans cette indication. Parmi les limites principales de cette étude, nous pouvons relever : (1) son arrêt prématuré entraine une incertitude concernant la validité externe de ses résultats et leur généralisation, (2) le caractère ouvert de l’étude (traitement attribué connu des participants et des médecins) peut être responsable d’un biais malgré une évaluation et une analyse statistique en aveugle, (3) les centres uniquement chinois ne permettent pas une généralisation des résultats à l’échelle mondiale, (4) l’absence de collecte de données concernant l’HbA1C ou l’indice de masse corporelle à 90 jours ne permet pas d’évaluer si l’amélioration du contrôle glycémique ou de la perte de poids pourrait contribuer aux effets bénéfiques neurovasculaires observés, (5) le nombre relativement faible d’événements du critère d’évaluation principal survenus (n = 69) expliquent que ces résultats doivent être interprétés avec prudence, nécessitant une validation par des essais cliniques réalisés à plus grande échelle.
Les résultats de cet essai clinique randomisé suggèrent que le liraglutide, versus un traitement standard seul, pourrait réduire le risque de récidive des AVC chez les patients atteints de DT2 en post AVC ischémique aigu mineur ou AIT à haut risque lorsque celui-ci est introduit précocement. Toutefois, compte tenu de l'arrêt prématuré de l'essai, de la petite taille de l'échantillon et du nombre limité d'événements, la possibilité que ces résultats soient dus au hasard ne peut être exclue. Ainsi, des études plus vastes et plus puissantes sont nécessaires pour confirmer les effets observés.
Références
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