lundi 14 avril 2025

Agonistes du récepteur du GLP-1, inhibiteurs du SGLT2 et prévention de la cirrhose chez les patients vivant avec un diabète de type 2

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Mars 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Richeek Pradhan et al, Glucagon-Like Peptide 1 Receptor Agonists and Sodium–Glucose Cotransporter 2 Inhibitors and the Prevention of Cirrhosis Among Patients With Type 2 Diabetes, Diabetes Care 2025;48(3):444–454. doi : 10.2337/dc24-1903

 

Les agonistes du récepteur du GLP-1 (AR-GLP1) et les inhibiteurs du sodium-glucose co-transporteur 2 (i-SGLT2) ont des effets favorables sur le poids et l’inflammation [1], ce qui pourrait suggérer un effet bénéfique dans la prévention des hépatopathies métaboliques (MASLD, pour Metabolic dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease) et de leurs complications. Des essais randomisés contrôlés réalisés chez des patients atteints de MASLD ont montré que les AR-GLP1 et les i-SGLT2 réduisaient la graisse intra-hépatique [2,3]. Cependant, il n’est pas clairement établi si ces médicaments réduisent ou non l’incidence des autres événements hépatiques. A l’heure actuelle, les études observationnelles ont montré un degré de protection variable (entre 9 et 83%) des AR-GLP1 concernant les événements hépatiques sévères. De plus, les essais randomisés n’ont pas montré de réversibilité de la fibrose hépatique avec le liraglutide ou le sémaglutide 1 mg [4]. Les i-SGLT2 ont été associés à un plus faible risque d’événements hépatiques dans des études sud-coréennes mais la généralisation de ces résultats reste discutable. De plus, aucune des études évaluant l’impact des AR-GLP1 ne prend en compte l’utilisation d’un i-SGLT2 pendant le suivi et vice-versa. Les auteurs ont donc réalisé cette étude pour déterminer si l’utilisation des AR-GLP1 et des i-SGLT2, séparément, était associée à une réduction du risque de cirrhose (critère de jugement principal), de carcinome hépato-cellulaire, de cirrhose décompensée et de mortalité d’origine hépatique (critère de jugement secondaire), en comparaison à l’utilisation d’inhibiteurs de DPP-4 (i-DPP-4), chez des patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2).

Les auteurs ont réalisé cette étude de cohorte à partir des données du UK Clinical Practice Research Datalink (CPRD), regroupant des données d’environ 60 millions de patients et liées aux bases de données hospitalières et nationales. Deux cohortes, avec 2 groupes comparateurs, ont été constituées. La première incluait les patients ayant débuté un traitement par AR-GLP1 ou i-DPP-4 entre le 1er janvier 2007 et le 31 mars 2020. La 2ème cohorte incluait les patients ayant débuté un traitement par i-SGLT2 ou i-DPP-4 entre le 1er janvier 2013 et le 31 mars 2020. Les critères d’inclusion dans les cohortes étaient un âge d’au moins 18 ans, un diagnostic de DT2 et au moins un an d’informations médicales dans la base de données. Les patients bénéficiant des 2 classes thérapeutiques étudiées ou qui avaient bénéficié d’une des classes thérapeutiques avant l’entrée dans l’étude ont été exclus, de même que les patients ayant une maladie hépatique préexistante à l’étude. Les patients ont été suivis de l’entrée dans la cohorte jusqu’à la survenue d’un événement d’intérêt, 6 mois après l’arrêt ou le changement de traitement, d’un décès, d’une sortie de la base de données ou la fin de l’étude, selon la condition survenant en premier. Les événements d’intérêts survenant dans les 6 premiers mois de l’étude ont été censurés. Les auteurs ont pris en compte plusieurs facteurs confondants potentiels tels que l’âge, le sexe, l’ethnie, l’indice de masse corporelle (IMC) et le statut tabagique. La sévérité du DT2 (via la mesure de l’HbA1c), la durée du diabète, les complications et la prise d’autres traitements anti diabétiques ou non ont été prises en compte, ainsi que la présence d’autres comorbidités fréquentes et le nombre d’hospitalisations dans l’année précédant l’entrée dans l’étude. Sur le plan statistique, le poids de chaque patient des groupes i-DPP-4 a été ajusté en fonction d’un score de propension, afin de rendre les groupes comparables, avec un objectif de différence standardisée < 0,10. Les auteurs ont utilisé la méthode de Kaplan-Meier pour calculer l’incidence cumulée de chaque événement et pour calculer le nombre de sujets à traiter après 5 et 10 ans de traitement. Enfin, ils ont utilisé des modèles de Cox pour estimer les Hazard Ratio (HR) pour chaque critère de jugement, comparant les classes thérapeutiques d’intérêt aux i-DPP-4. Pour les analyses secondaires, les auteurs ont voulu déterminer si l’association variait en fonction de la durée de traitement (< 1 an, 1 à 3 ans, > 3 ans), en fonction de la molécule utilisée au sein des deux classes thérapeutiques et en fonction de différentes caractéristiques clinico-biologiques telles que l’âge, le sexe, l’ethnie, l’IMC, la durée du DT2 ou l’HbA1c.

La 1ère cohorte incluait 25 516 utilisateurs d’AR-GLP1 et 186 752 utilisateurs d’i-DPP-4, avec un suivi médian de 1,5 (intervalle inter quartile [IQR] 0,6 – 3,3) et 1,7 (IQR 0,5 – 3,6) ans respectivement. Durant cette période, 707 cirrhoses ont été diagnostiquées, correspondant à un taux d’incidence de 1,4 (intervalle de confiance à 95% 1,3 – 1,5) pour 1 000 personnes-années (p-a). Avant le score de propension, les utilisateurs d’AR-GLP1 étaient plus jeunes, plus enclins à l’obésité, avaient une HbA1c plus élevée et plus de complications micro-vasculaires que les utilisateurs d’i-DPP-4. L’utilisation d’AR-GLP1 n’était pas associée à une modification du risque de cirrhose comparativement à l’utilisation d’i-DPP-4 avec un HR à 0,90 (IC 95% 0,68 – 1,19). Les analyses secondaires n’ont pas mis en évidence de différence en fonction de la durée d’utilisation, de la molécule ou des caractéristiques clinico-biologiques. Concernant le critère de jugement secondaire, 920 décompensations de cirrhose sont survenues (taux d’incidence 1,8 [1,7 – 1,9] pour 1000 p-a), ainsi que 184 carcinomes hépato-cellulaires (0,4 [0,3 – 0,4] pour 1000 p-a) et 158 décès d’origine hépatique (0,3 [0,3 – 0,4] pour 1000 p-a). Les HR pour le carcinome hépato-cellulaire (0,71, IC 95% 0,38 – 1,31) et la mortalité d’origine hépatique (0,49, IC 95% 0,23 – 1,06) étaient en dessous de 1 mais n’atteignait pas la significativité statistique.

La 2ème cohorte comprenait 33 161 utilisateurs d’i-SGLT2 et 124 431 utilisateurs d’i-DPP-4, avec un suivi médian de 1,1 (0,5 – 2,3) et 1,5 (0,5 – 3,1) ans respectivement, pendant lesquels sont survenues 414 cirrhoses, correspondant à un taux d’incidence de 1,4 (IC 95% 1,2 – 1,5) pour 1000 p-a. Les utilisateurs d’i-SGLT2 étaient plus jeunes, moins sujets à l’obésité, avaient une HbA1c plus haute, une durée de diabète plus courte et moins de complications micro- ou macrovasculaires. L’utilisation d’i-SGLT2 était associée à un plus faible risque de cirrhose, avec un HR à 0,64 (IC 95% 0,46 – 0,90). Le nombre de sujets à traiter pour éviter une cirrhose après 5 et 10 ans étaient de 376 et 163, respectivement. Concernant le critère de jugement secondaire, 521 décompensations de cirrhose ont été observées, 101 carcinomes hépato-cellulaires et 98 décès d’origine hépatique. L’utilisation d’i-SGLT2 était associée à un plus faible risque de décompensation de cirrhose : HR 0, 74 (IC 95% 0,54 – 1,00), tandis que les HR concernant les carcinomes hépato-cellulaires et les décès étaient également en dessous de 1 mais n’atteignaient pas la significativité statistique.

En résumé, dans cette étude de cohorte anglaise, l’utilisation d’AR-GLP1 n’était pas associée à une réduction du risque d’événements hépatiques sévères, contrairement à l’utilisation d’i-SGLT2 qui était associée à une réduction de 36% du risque de cirrhose et de 26% du risque de décompensation cirrhotique comparativement aux iDPP4. Ces résultats concernant les i-SGLT2 sont cohérents avec les résultats d’études observationnelles précédentes, et pourraient être expliqués par une réduction de l’accumulation de graisse intra-hépatique via la perte de poids et la diminution de l’inflammation, ou encore par une participation de l’effet diurétique qui pourrait notamment réduire les événements aigus tels que les décompensations cirrhotiques.

Les forces de cette étude sont la prise en compte de nombreux facteurs de confusion potentiels, l’utilisation d’un comparateur actif et la prise en compte des nouveaux utilisateurs de chaque classe thérapeutique uniquement, afin de limiter les biais ainsi que le design de l’étude, qui excluait notamment la survenue d’événements dans les premiers mois de l’étude. Les limites étaient les erreurs potentielles de classification des patients dans chaque groupe, du fait de la nature de la base de données qui n’est pas directement liée aux prescriptions des spécialistes ou de potentielles erreurs de classifications des événements hépatiques. Enfin, il n’est pas clair si les effets observés passent par une réduction du poids, une baisse de l’HbA1c ou par d’autres mécanismes, ou encore s’ils sont en lien avec une réduction de la graisse intra-hépatique.

En conclusion, dans cette large étude populationnelle anglaise, l’utilisation d’i-SGLT2 était associée à un risque plus faible de cirrhose et de décompensation cirrhotique comparativement à l’utilisation d’i-DPP-4, mais pas à un plus faible risque de carcinome hépato-cellulaire ou de décès d’origine hépatique, chez les patients vivant avec un DT2. Ces associations n’ont pas été retrouvées avec les AR-GLP1. D’autres études avec une durée de suivi plus longue restent cependant nécessaires afin de corroborer ces conclusions.

 

Références

[1] American Diabetes Association. 9. Pharmacologic approaches to glycemic treatment: Standards of Medical Care in Diabetes—2021. Diabetes Care 2021;44:S111–S124.
 
[2] Mantovani A, Petracca G, Beatrice G, et al. Glucagon-like peptide-1 receptor agonists for treatment of nonalcoholic fatty liver disease and nonalcoholic steatohepatitis: an updated meta-analysis of randomized controlled trials. Metabolites 2021;11:73.
 
[3] Mantovani A, Petracca G, Csermely A, et al. Sodium-glucose cotransporter-2 inhibitors for treatment of nonalcoholic fatty liver disease: a meta-analysis of randomized controlled trials. Metabolites 2020;11:22.
 
[4] Newsome PN, Ambery P. Incretins (GLP-1 receptor agonists and dual/triple agonists) and the liver. J Hepatol 2023;79:1557–1565.
 


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mardi 11 mars 2025

Dépistage de la fibrose avancée associée aux hépatopathies métaboliques en Diabétologie : résultats d’une étude prospective multicentrique

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Février 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Caussy C & al., Screening for Metabolic Dysfunction–Associated Steatotic Liver Disease Related Advanced Fibrosis in Diabetology: A Prospective Multicenter Study. Diabetes Care. 2025 Jan 31: dc 242075. doi : 10.2337/dc24-2075

 

Les hépatopathies métaboliques (ou, en anglais, MASLD pour Metabolic dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease) sont fortement prévalentes parmi les patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2) et/ou une obésité [1]. En outre, dans cette population, le risque d’évolution vers des formes plus avancées de la pathologie (stéatohépatite [Metabolic dysfunction-Associated Steatohepatitis, MASH] ou fibrose avancée [Advanced Fibrosis, AF]) est plus important [2]. La présence d’une AF est très péjorative car associée à un risque accru de complications hépatiques et de mortalité toute cause [3]. Dans ce contexte, les recommandations actuelles plaident pour un dépistage systématique des formes avancées de fibrose dans ces populations. Ces recommandations proposent une stratégie en 2 temps, incluant le score Fibrosis-4 (FIB-4) comme premier test, suivi, si FIB-4 ≥ 1,30, d’une mesure de l'élasticité du foie (LSM [Liver Stiffness Measurement]) par élastographie impulsionnelle à vibration contrôlée (VCTE, plus connue sous le terme FibroScan®) ou de la réalisation du test ELF (Enhanced Liver Fibrosis). Néanmoins, la question de réaliser la LSM avant de référer à un hépatologue à tous les patients avec un FIB-4 ≥ 1,30 ou seulement à ceux ayant un FIB-4 entre 1,30 et 2,66 n’est pas tranchée. De plus, pour les patients de plus de 65 ans, certaines recommandations proposent un FIB-4 < 2,0 pour éliminer une AF [4]. Ces recommandations et l’évaluation des tests non invasifs (Non Invasive Test, NITs) sont issues d’études portant sur des patients ayant bénéficié d’une biopsie hépatique pour le diagnostic de MASLD, recrutés dans les services d’hépatologie, soit une population sélectionnée [5]. Il apparait donc crucial d’évaluer la performance diagnostique des NITs au sein des populations visées par ces recommandations. Enfin, peu d’études à ce jour ont comparé face-à-face les différentes stratégies en 2 étapes (FIB-4+VCTE ou FIB-4+ELF test) ou l’utilisation du seuil de FIB-4 adapté à l’âge dans le dépistage systématique de l’AF.

Ainsi, les principaux objectifs de cette étude étaient : 1) d’évaluer la faisabilité et la performance diagnostique des tests non invasifs disponibles pour le dépistage de l’AF dans une population à haut risque dans des services de Diabétologie et Nutrition, 2) de comparer la performance diagnostique des différents algorithmes en vigueur pour l’adressage auprès d’un hépatologue des patients à risque intermédiaire ou élevé d’AF.

Cette étude est une analyse intermédiaire pré-spécifiée des premiers participants recrutés de manière prospective dans 4 services universitaires français de Diabétologie et Nutrition (Lyon Sud, Lyon Est, Nantes et Dijon) entre Octobre 2020 et Novembre 2023 dans l’étude NAFLD-Care (Screening for NAFLD-related Advanced Fibrosis in high risk popuLation: optimization of the Diabetology/endoCrinology pAthway Referral using combinations of non-invasive biological and Elastography parameters). Ont été inclus des patients âgées de 40 à 80 ans, avec DT2 ou obésité (IMC ≥ 30 kg/m2), diagnostiqués pour une stéatose hépatique à l’échographie abdominale. Les principaux critères d’exclusion étaient les suivants : 1) autre cause évidente d’hépatopathie chronique, 2) consommation régulière et/ou excessive d’alcool (définie par > 30g/jour pour un homme et >20g par jour pour une femme) sur une période de plus de 2 ans dans les 10 dernières années, 3) cirrhose connue, 4) diabète de type 1, 5) IMC ≥ 40 kg/m2. Différents NITs sanguins pour évaluer la fibrose ont été réalisés pour chaque participant parmi lesquels score FIB-4, NAFLD fibrosis score, MAF-5 (tests de première ligne) et ELF test, Fibrotest, Fibromètre (tests de seconde ligne). Pour le score FIB-4, les seuils 1,30/2,67 ont été retenus pour déterminer la faible ou forte probabilité d’AF, respectivement. Le seuil de 2,0 a été utilisé pour les personnes de plus de 65 ans. Pour le ELF test, les seuils 7,7/9,8, recommandés par le fabricant, ou les seuils 9,8/11,3, récemment proposés dans la littérature, ont été retenus pour déterminer la faible ou forte probabilité d’AF, respectivement. Chaque participant a également bénéficié d’une LSM par VCTE, d’une élastographie ultrasonore impulsionnelle 2D en mode shear wave elastography (2D-SWE) et d’une évaluation par résonance magnétique (MRE) (uniquement pour certains participants). Des biopsies hépatiques ont été réalisées si indication après NITs selon un algorithme spécifié dans le protocole et commun à tous les centres. La stratification du risque d’AF (faible/intermédiaire/élevé) a été déterminée par un critère composite hiérarchisé selon les résultats de la biopsie hépatique, de l’élastographie par résonance magnétique et de la VCTE en fonction de la disponibilité de ces analyses. Autrement dit, était utilisée pour stratifier le risque de manière hiérarchique : 1) la biopsie hépatique (n=52), 2) la résonance magnétique, si biopsie non réalisée (n=86), 3) la VCTE, si les 2 premières techniques non disponibles (n=516). Le critère principal de jugement était la présence d’un risque élevé d’AF selon la stratification du risque pour l’évaluation de la performance diagnostique des NITs. Le critère secondaire de jugement était le recours à l’hépatologue définie par la présence d’un risque intermédiaire ou élevé d’AF selon la stratification hiérarchique du risque.

Au total, 654 adultes avec MASLD ont été inclus dans l’étude parmi lesquels 87,2% avaient un DT2 et 73,7% avaient une obésité de grade I/II. Les principales caractéristiques étaient les suivantes : 56% d’hommes, âge médian 60 ans (IQR 52-67), IMC médian 32,7 kg/m2 (IQR 29,8-35,6), enzymes hépatiques normales dans 50,8% des cas. Après stratification du risque d’AF, 17,6% (n=115) présentaient un risque intermédiaire ou élevé - 9,3% (n=61) un risque élevé - et 82,4% (n=539) un faible risque. Les participants à haut risque d’AF étaient significativement plus âgés, avec une prévalence plus élevée de DT2 comparativement à ceux à faible risque (98,4% vs 85,3%, respectivement). L’IMC n’était pas significativement associé à un risque élevé. L’aire sous la courbe ROC (AUROC) pour chacun des NITs pour la détection d’un risque élevé d’AF était la suivante : 0,78 (IC95% 0,72‐0,84) pour le score FIB-4 ; 0,82 (0,76-0,87) pour le ELF test ; 0,74 (0,66-0,83) pour le Fibromètre ; 0,78 (0,72‐0,85) pour le Fibrotest ; et 0,84 (0,78-0,89) pour le 2D-SWE. Ainsi, parmi les tests sanguins de première ligne, le FIB-4 était celui qui présentait la meilleure AUROC. Au seuil < 1,30, le FIB-4 écartait le risque d’AF chez 54,1% des participants, avec une valeur prédictive négative (VPN) élevée de 97,2% et peu de faux négatifs (2,5%). À la valeur ≥ 2,67, le FIB-4 avait une valeur prédictive positive (VPP) de 35,7%. Parmi les tests sanguins de seconde ligne, le test ELF était celui qui présentait la meilleure AUROC pour la détection du risque élevé d’AF. Le test ELF au seuil bas recommandé de 7,7 excluait la présence d’AF chez seulement 1,8% des participants. En revanche, en utilisant des seuils alternatifs de 9,8, le test ELF excluait le risque d’AF chez 74,9% des participants avec une VPN de 95,6%. Les algorithmes avec score FIB-4/VCTE montraient de bonnes performances diagnostiques pour l’adressage vers les hépatologues des patients à risque intermédiaire/élevé (VPN 81%, VPP 75%) sans différence selon si VCTE pour tout FIB-4 ≥ 1,30 ou seulement si FIB-4 entre 1,30 et 2,66. La stratégie score FIB-4/ELF test montrait une VPN élevée (88 à 89%) mais une VPP plus faible (39 à 46%) au seuil de 9,8. La stratégie score FIB-4/2D-SWE avait une VPN de 91% et une VPP de 58 à 62%. Enfin, le seuil de score FIB-4 adapté à l’âge conduisait à une VPN et une VPP plus faibles pour tous les algorithmes.

Dans cette étude multicentrique prospective, menée dans des services de Diabétologie et Nutrition, le dépistage systématique de l’AF chez des patients avec DT2 et/ou obésité de grade I/II a identifié 9,3% des participants à risque élevé d’AF et 17,6% à risque intermédiaire/élevé nécessitant le recours à un avis spécialisé en hépatologie. La stratégie de dépistage recommandée utilisant score FIB-4 puis VCTE a montré une bonne performance diagnostique. Par ailleurs, cette étude montre que le seuil adapté à l’âge pour le score FIB-4 (seuil de 2,0 contre 1,30 chez les sujets > 65 ans) ne semble pas nécessaire, diminuant la VPN et la VPP pour chacune des stratégies évaluées. La proportion de patient à risque élevé d’AF est ici plus faible que celle rapportée dans des cohortes sélectionnées sur biopsie (prévalence de 40 à 46%) mais en accord avec des résultats publiés sur la base de l’utilisation de la résonance magnétique [6–8]. Ceci souligne que les cohortes avec biopsie issues des centres d’hépatologie ne sont pas appropriées pour l’évaluation des stratégies de dépistage du fait d’un enrichissement en AF. Les forces de cette étude sont : 1) une large population, 2) le caractère prospectif, 3) des conditions similaires de réalisation des différents tests pour chaque participant, 4) le critère composite hiérarchisé pour stratifier le risque d’AF. Néanmoins, la réalisation de cette étude dans des centres universitaires limitent la généralisation des résultats.

Cette étude démontre que l’algorithme en 2 temps associant score FIB-4 et VCTE présente une excellente performance diagnostique, témoignant de son applicabilité dans le dépistage en routine des AF en Diabétologie. Le test ELF peut être une alternative à la VCTE, en utilisant un seuil bas à 9,8. La communauté diabétologique doit désormais intégrer, de manière systématique, le dépistage des formes avancées de MASLD dans la prise en charge des patients vivant avec un DT2, à l’instar des autres complications chroniques du diabète.

 

Références

[1] Younossi, Z.M. & al. The Global Epidemiology of Nonalcoholic Fatty Liver Disease and Nonalcoholic Steatohepatitis Among Patients With Type 2 Diabetes. Clin Gastroenterol Hepatol 2024, 22, 1999-2010.e8.
 
[2] Qi, X. & al. Epidemiology, Screening, and Co-Management of Type 2 Diabetes Mellitus and Metabolic Dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease. Hepatology 2024.
 
[3] Simon, T.G. & al. Mortality in Biopsy-Confirmed Nonalcoholic Fatty Liver Disease: Results from a Nationwide Cohort. Gut 2021, 70, 1375–1382.
 
[4] European Association for the Study of the Liver (EASL); European Association for the Study of Diabetes (EASD); European Association for the Study of Obesity (EASO) EASL-EASD-EASO Clinical Practice Guidelines on the Management of Metabolic Dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease (MASLD). J Hepatol 2024, 81, 492–542.
 
[5] Sanyal, A.J. & al. Diagnostic Performance of Circulating Biomarkers for Non-Alcoholic Steatohepatitis. Nat Med 2023, 29, 2656–2664.
 
[6] Pennisi, G. & al. Noninvasive Assessment of Liver Disease Severity in Patients with Nonalcoholic Fatty Liver Disease (NAFLD) and Type 2 Diabetes. Hepatology 2023, 78, 195–211.
 
[7] Castera, L. & al. High Prevalence of NASH and Advanced Fibrosis in Type 2 Diabetes: A Prospective Study of 330 Outpatients Undergoing Liver Biopsies for Elevated ALT, Using a Low Threshold. Diabetes Care 2023, 46, 1354–1362.
 
[8] Ajmera, V. & al. Validation of AGA Clinical Care Pathway and AASLD Practice Guidance for Nonalcoholic Fatty Liver Disease in a Prospective Cohort of Patients with Type 2 Diabetes. Hepatology 2024, 79, 1098–1106.
 


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lundi 10 février 2025

Effet du fénofibrate sur la fonction résiduelle des cellules béta chez les adultes et les adolescents vivant avec un diabète de type 1 nouvellement diagnostiqué : un essai clinique randomisé

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Janvier 2025
 
Article du mois en accès libre
 
Pernille E. Hostrup et al, Effect of fenofibrate on residual beta cell function in adults and adolescents with newly diagnosed type 1 diabetes: a randomised clinical trial, Diabetologia. 2025 Jan;68(1):29-40. doi : 10.1007/s00125-024-06290-6

 

Depuis quelques années, plusieurs essais cliniques se sont intéressés à la capacité de certaines molécules à préserver la fonction résiduelle des cellules β des ilôts de Langherans dans le diabète de type 1 (DT1) débutant, afin de retarder ou de limiter le recours à l’insulinothérapie. Des altérations du métabolisme des sphingolipides, dont la diminution du glycosphingolipide sulfatide, ont été proposées comme facteur contribuant à la physiopathologie du DT1 [1], à partir d’études montrant une diminution de la concentration de ce sulfatide dans des biopsies pancréatiques de personnes nouvellement diagnostiquées avec un DT1. Les sulfatides interagissent avec le canal potassique ATP-dépendant au niveau de la membrane de la cellule β et agissent comme molécules chaperonnes lors de la fabrication de l’insuline. Ils pourraient intervenir dans la diminution de la sécrétion d’insuline lors de l’hyperglycémie pour contrer le stress cellulaire [2,3,4]. Les agonistes de PPARα (Peroxysome Proliferator-Activated Receptor), dont le fénofibrate, régulent le métabolisme des lipides, et il a été récemment observé que le fénofibrate prévenait l’apparition d’un diabète auto-immun et pouvait faire disparaitre ce diabète dans 50% des cas après le début de la maladie chez des souris. Les auteurs ont donc étudié la sécurité et l’efficacité du fénofibrate à la dose de 160 mg dans cet essai clinique.

Il s’agissait d’une étude de phase II, randomisée, contre placebo, en double aveugle, réalisée dans le centre du diabète de Copenhague. Les patients ont été inclus jusqu’à 6 semaines après le diagnostic de DT1 et ont reçu le traitement pendant 52 semaines, avec des contrôles à 4, 12 et 26 semaines, ainsi qu’à la fin de l’étude. Les participants devaient avoir entre 16 et 40 ans, diagnostiqués avec un DT1 en phase 3 et devaient avoir la capacité d’être randomisés dans les 6 semaines suivant la première injection d’insuline. Les autres critères d’inclusion étaient la présence d’au moins un auto-anticorps du DT1, une absence de contre-indication au fénofibrate et un peptide-C > 0,2 nmol/L 2h après un repas test. Les visites de suivi étaient faites après une nuit de jeûne, avec une injection d’insuline lente la veille au soir, sans insuline rapide dans les 2h précédant la visite. Un repas test liquide était servi à chaque visite pour évaluer la réponse β-cellulaire, et les prélèvements sanguins étaient réalisés à 0, 15, 30, 60, 90 et 120 mn. La glycémie était évaluée à l’aide d’un capteur de glucose en continu (CGM). Le critère de jugement principal était le changement dans la sécrétion endogène d’insuline (évaluée grâce à l’aire sous la courbe [AUC, area under curve] des valeurs de peptide-C suivant le repas test). Les critères de jugement secondaires étaient la différence sur le pic de peptide-C, l’hémoglobine glyquée, les variations glycémiques mesurées avec le CGM, la dose d’insuline quotidienne, la proportion de patients en rémission à 52 semaines et le stress β-cellulaire, mesuré par le rapport proinsuline/peptide-C. Concernant les méthodes statistiques, les auteurs ont utilisé un modèle mixte pour mesures répétées avec le sexe, le temps et le groupe comme effet fixe, le participant comme effet aléatoire et l’âge à l’inclusion, le temps entre la découverte du DT1 et la randomisation et le peptide-C comme covariables. La même méthodologie a été utilisée pour les objectifs secondaires, et des régressions logistiques ont été réalisées en cas de variables d’intérêt binaires.

Cinquante-huit individus ont été enrôlés dans l’étude dont 29 dans chaque groupe. Parmi eux, un participant a changé d’avis et un autre avait un peptide-C trop faible, tous deux dans le groupe fénofibrate, qui compte donc 27 participants au total. À l’inclusion, les groupes différaient notamment sur la concentration de peptide-C à 2h post-prandial : 0,65 ± 0,31 nmol/L dans le groupe placebo contre 0,50 ± 0,20 nmol/L dans le groupe fénofibrate, et sur la proportion d’acido-cétose au diagnostic (3,4% vs 37%, respectivement). Cinquante participants sont allés au bout des 52 semaines d’essai, dont 27 (93%) dans le groupe placebo et 23 (85%) dans le groupe fénofibrate. Concernant le critère de jugement principal, la différence moyenne dans l’AUC du peptide-C post prandial était de 0,01 ± 0,26 nmol/L dans le groupe fénofibrate et – 0,07 ± 0,23 nmol/L dans le groupe placebo, conduisant à une différence non significative entre les deux groupes (p = 0,23). Dix-neuf participants (11 du groupe fénofibrate et 8 du groupe placebo) ont eu une visite additionnelle un an après la fin de l’étude, qui ne retrouvait pas non plus de différence significative sur la fonction β-cellulaire, avec une différence moyenne de 0,3 nmol/L (IC 95% -0,17, 1,05 nmol/L).

Concernant les critères de jugement secondaires, le pic de peptide-C suivant le repas test était similaire dans les 2 groupes, avec une augmentation initiale jusqu’à 12 semaines, puis une diminution jusqu’à la valeur de base à 52 semaines, sans différence entre les groupes (différence moyenne à 52 semaines à 0,04 nmol/L, IC 95% -0,13 à 0,2). L’hémoglobine glyquée et les temps passés dans la cible glycémique étaient similaires entre les deux groupes, passant de 10,8 ± 1,6% à 6,9 ± 0,6% dans le groupe fénofibrate et de 10,5 ± 1,9% à 6,7 ± 0,8% dans le groupe placebo. Les doses d’insuline étaient également comparables à 52 semaines, avec une différence moyenne de 0,03 UI/kg/j (IC 95% -0,06 à 0,12). Le ratio proinsuline/peptide-C augmentait de façon similaire dans les deux groupes sur les 6 premiers mois, puis diminuait dans le groupe placebo à 52 semaines, tandis qu’il continuait à augmenter dans le groupe fénofibrate, témoignant d’un plus grand stress des cellules β dans le groupe fénofibrate, avec une différence de 0,026 (IC 95% 0 à 0,048, p < 0,05). Enfin, le fénofibrate 160 mg était bien toléré, sans arrêt prématuré de l’étude ni effet indésirable sérieux, de même que dans le groupe placebo, avec un nombre d’événement indésirable total comparable dans les deux groupes (28 vs 24, respectivement).

Les auteurs ont également réalisé des analyses in vitro sur des biopsies pancréatiques de donneurs sans diabète. Ils retrouvaient que le fénofibrate seul n’avait pas d’effet sur la sécrétion d’insuline, et que les cellules exposées à un environnement pro-inflammatoire par des cytokines sécrétaient plus d’insuline, effet qui était diminué par l’adjonction de fénofibrate. Concernant la mort cellulaire, le fénofibrate seul n’avait pas d’effet sur celle-ci, et augmentait la mort cellulaire induite par les cytokines lors de l’exposition à de hautes concentrations de glucose (20 mmol/L), mais pas à des faibles concentrations (2 mmol/L).

Pour résumer, les auteurs n’ont pas retrouvé d’effet bénéfique du fénofibrate sur la fonction β-cellulaire, sur le contrôle glycémique ou sur les doses d’insuline injectées, contrairement à ce qui avait été retrouvé précédemment sur des études animales. Les forces de cette étude étaient i) l’inclusion d’adolescents et d’adultes, qui représentent la forme la plus fréquente de DT1, et dont la phase de rémission a tendance à être plus longue que chez les enfants, permettant potentiellement de mieux mettre en évidence la préservation de la fonction β-cellulaire induite par un traitement, ii) l’inclusion très rapide après la découverte du DT1, de 42 jours maximum, pour maximiser la quantité de cellules β encore fonctionnelles. Les limites étaient la présence d’une longue durée de rémission du DT1 dans cet échantillon, avec 56% du groupe placebo encore en rémission partielle à 52 semaines, pouvant masquer des effets faibles induits par le fénofibrate, ainsi que le faible nombre de patients inclus dans l’étude, pouvant induire un manque de puissance statistique pour retrouver des effets faibles induits par le traitement, de même que les 14% de patients perdus de vue au total.

En conclusion, dans cet essai contrôlé versus placebo, en double aveugle chez des adultes et adolescents récemment diagnostiqués d’un DT1, les auteurs ne retrouvent pas d’effet en faveur d’une préservation de la fonction β-cellulaire de la part du fénofibrate, comme cela avait été rapporté chez des souris.

 

Références

[1] Gurgul-Convey E (2020) Sphingolipids in type 1 diabetes: focus on beta-cells. Cells 9(8):1835.
 
[2] Buschard K, Blomqvist M, Mansson JE, Fredman P, Juhl K, Gromada J (2006) C16:0 sulfatide inhibits insulin secretion in rat beta-cells by reducing the sensitivity of KATP channels to ATP inhibition. Diabetes 55(10):2826–2834.
 
[3] Buschard K, Bracey AW, McElroy DL et al (2016) Sulfatide preserves insulin crystals not by being integrated in the lattice but by stabilizing their surface. J Diabetes Res 2016:6179635.
 
[4] Marhfour I, Lopez XM, Lefkaditis D et al (2012) Expression of endoplasmic reticulum stress markers in the islets of patients with type 1 diabetes. Diabetologia 55(9):2417–2420.
 


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lundi 13 janvier 2025

Contribution des infections à la mortalité chez les personnes vivant avec un diabète de type 2 : étude de cohorte populationnelle utilisant des dossiers médicaux électroniques

Auteur : 
Ninon Foussard
Date Publication : 
Décembre 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Carey et al. Contribution of infection to mortality in people with type 2 diabetes: a population-based cohort study using electronic records. Lancet Reg Health Eur. 2024 Nov 27:48:101147. doi : 10.1016/j.lanepe.2024.101147

 

S’il est connu que les personnes vivant avec un diabète de type 2 (DT2) sont plus sensibles aux infections [1], la part réelle de la mortalité liée aux infections est probablement sous-estimée par les études [2]. En effet, ces études reposent sur des systèmes de codage CIM-10. Or, ces codages sont principalement structurés autour de maladies de système [3], et qui se concentrent sur la cause sous-jacente du décès en mettant l’accent sur les maladies chroniques [4]. En outre, la pandémie de COVID-19 a mis en évidence que la mortalité par infection était plus élevée chez les personnes vivant avec un diabète [5].

Ainsi, l’objectif de cette étude de cohorte était d’examiner les causes spécifiques de mortalité chez les personnes vivant avec un DT2 en comparaison à la population générale au cours de la période 2015-2019, en se concentrant sur les infections.

Les auteurs ont utilisé une base de données de soins primaires en Angleterre liée aux données nationales de certification des décès : le CPRD (Clinical Practice Research Datalink) qui fournit un dossier médical longitudinal pseudo-anonymisé pour tous les patients enregistrés (plus de 99% de la population britannique). Tous les patients âgés de 18 à 90 ans ayant un codage pour le diabète, actifs dans le CPRD au 1er janvier 2015 et enregistrés depuis au moins un an, ont été classés dans les catégories diabète de type 1, DT2 ou inconnu, sur la base de leurs codes de diagnostic et de leurs médicaments antidiabétiques. Un groupe témoin sans diabète connu a été apparié au hasard en fonction de l'âge, du sexe et de l'origine ethnique, avec un maximum de deux personnes sans diabète sélectionnées pour chaque personne vivant avec un DT2. La cause du décès au cours de la période 2015-2019 a été déterminée à partir du code de la cause sous-jacente (CIM-10) dans les données de mortalité de l'OMS : cancer, maladies cardiovasculaires, démence, diabète, maladies digestives, infections et maladies respiratoires, ou autre cause. Pour classer les décès de causes infectieuses, une liste développée pour identifier les admissions hospitalières liées à une infection a été utilisée. Une analyse de sous-groupe par type d'infection a ensuite été effectuée. Les rapports de risque (HR) pour la mortalité toutes causes confondues et par cause au cours de la période 2015-2019 ont comparé les personnes vivant avec un DT2 aux personnes non diabétiques, et ont été estimés à l'aide de modèles de Cox ajustés en fonction de la région de pratique (9 au total). Pour l’analyse de la mortalité, seules les données des personnes vivant avec un DT2 âgées de 41 ans et plus ont été sélectionnées.

Pour l'analyse principale, 509 403 personnes vivant avec un DT2 et âgées de 41 à 90 ans ont été appariées à 976 431 personnes non diabétiques. Parmi les personnes vivant avec un DT2, 56% étaient des hommes, l'âge moyen était de 67,3 ans (écart-type = 11,9 ans) et 34% d’entre elles avaient été diagnostiquées de leur diabète au cours des 5 dernières années. Elles étaient plus susceptibles d'avoir un Indice de Masse Corporelle (IMC) ≥ 30 kg/m² (50% contre 22%) et de vivre dans le quintile le plus défavorisé (23% contre 16%) que les personnes vivant sans diabète. Seize pourcents, soit 85 367/509 403 personnes vivant avec un DT2, sont décédées au cours de la période 2015-2019, contre 106 824/976 431 (10,9%) personnes non diabétiques du même sexe, du même âge et de la même origine ethnique (HR = 1,65, IC 95% 1,64-1,66). Dans les groupes d'âge de 10 ans, le HR variait de HR = 2,95 (IC à 95% 2,75-3,17) pour les 41-50 ans à HR = 1,39 (IC à 95% 1,38-1,41) pour les 81-90 ans. Dans ces différents groupes d'âge, les différences absolues dans le taux de mortalité entre les personnes vivant avec un DT2 et les personnes sans diabète étaient assez similaires pour les hommes et les femmes (13,1 contre 13,9 pour 1000 personnes-années). L'ensemble des infections (11 128/85 367 = 13,0%) représentait la troisième cause sous-jacente de décès chez les personnes vivant avec un DT2, après les maladies cardiovasculaires et le cancer, et 12% des causes de décès chez les non diabétiques ; une contribution beaucoup plus élevée que si l'on ne comptait que les codages d'infections spécifiques (respectivement 1 046/85 367 = 1,2% et 1%). Le HR pour la mortalité due à l’ensemble des infections, pour les personnes vivant avec un DT2 par rapport aux personnes vivant sans diabète (1,82, IC à 95% 1,78-1,86) était plus élevé que le HR estimé pour l'ensemble des causes (HR = 1,65, IC à 95% 1,64-1,66). Une analyse de sensibilité ne prenant en compte que les décès par infection des chapitres A00-B99 (catégorie « certaines maladies infectieuses et parasitaires ») de la CIM-10 a estimé que le taux brut de mortalité était environ deux fois plus élevé chez les personnes vivant avec un DT2 que chez les patients sans diabète (0,45 contre 0,22 pour 1 000 personnes-années), avec un HR estimé = 2,09 (IC à 95% : 1,95-2,25). Parmi les groupes d'âge plus jeunes, les HR étaient élevés pour toutes les causes infectieuses (HR = 3,65 pour les 41-60 ans, HR= 2,38 pour les 61-75 ans) et les HR pour la mortalité par infection était constant dans tous les groupes ethniques (HR compris entre 1,71 et 1,82). Enfin, les associations de mortalité ont été étudiées en fonction du type d'infection enregistré comme cause sous-jacente de décès au cours de la période 2015-2019 : le HR le plus élevé a été observé pour les infections ostéo-articulaires (HR = 3,95, IC à 95% 3,08-5,05). La différence la plus importante dans les taux de mortalité entre les personnes vivant avec un DT2 et les non-diabétiques a été observée pour les infections des voies respiratoires inférieures, en particulier la pneumonie.

Cette étude a donc utilisé de grandes bases de données électroniques sur la santé de la population anglaise pour mettre en évidence un risque plus élevé de décès dû à des infections chez les personnes vivant avec un DT2 versus ceux n’ayant pas de diabète, au cours d'une période de 5 ans précédant de peu la pandémie de COVID-19. Les infections ont été estimées comme étant le troisième facteur de mortalité (après les maladies cardiovasculaires et les cancers) au cours de la période 2015-2019, représentant environ 13% des décès par une évaluation « complète », contre seulement 1,2% lorsque les catégories standards de la CIM-10 sont utilisées. Le taux de mortalité lié aux infections était environ 2 fois plus élevé que chez les personnes sans diabète et même 4 fois plus sur la tranche d’âge 41-60 ans. Le principal point fort de l’étude était la taille importante de l'échantillon (un demi-million de personnes vivant avec un DT2). L'une des limites a été de n'inclure dans la cohorte que des personnes âgées de 41 à 90 ans au début de la période de suivi, en 2015. L'exclusion des 40 ans et moins est négligeable en termes de mortalité à 5 ans, mais la non inclusion des personnes les plus âgées participe à sous-estimer le poids de la démence en tant que cause de décès. Une autre limite était que les patients désinscrits de leur cabinet de médecine générale et décédés au cours de la période 2015-2019 hors d’Angleterre n’ont pu être pris en compte.

En conclusion, les infections sont une cause fréquente de décès chez les personnes vivant avec un DT2, et l'excès de risque relatif est similaire à celui associé aux décès d'origine vasculaire chez ces personnes (x2). Cette étude souligne l'importance des infections dans l'évaluation de l'augmentation du risque absolu de mortalité en cas de DT2 et l'importance de la sensibilisation, d'un diagnostic plus précoce et du traitement des infections pour prévenir les décès prématurés.

 

Références

[1] Holt R.I.G., Cockram C.S., Ma R.C.W., Luk A.O.Y. Diabetes and infection: review of the epidemiology, mechanisms and principles of treatment. Diabetologia. 2024;67(7):1168–1180.
 
[2] McPherson D., Griffiths C., Williams M., et al. Sepsis-associated mortality in England: an analysis of multiple cause of death data from 2001 to 2010. BMJ Open. 2013;3(8).
 
[3] World Health Organization . 2nd ed. World Health Organization; Geneva: 2004. ICD-10 : international statistical classification of diseases and related health problems: tenth revision.
 
[4] Govindan S., Shapiro L., Langa K.M., Iwashyna T.J. Death certificates underestimate infections as proximal causes of death in the US. PLoS One. 2014;9(5).
 
[5] Khunti K., Valabhji J., Misra S. Diabetes and the COVID-19 pandemic. Diabetologia. 2023;66(2):255–266.
 


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