Ces dernières décennies, le nombre de patients diagnostiqués avec un diabète de type de type 2 (DT2) à un jeune âge n’a cessé d’augmenter, devenant au Royaume-Uni le diabète le plus représenté, devant le diabète de type 1 (DT1), dans la tranche d’âge entre 19 et 39 ans [1,2]. L’exposition à l’hyperglycémie à un jeune âge fait alors craindre une augmentation du risque de complications chroniques et une réduction de l’espérance de vie. De plus, certaines données suggèrent que le DT2 de survenue précoce est plus agressif qu’un DT2 de survenue tardive du fait d’une détérioration plus rapide de la fonction béta cellulaire, conduisant à un risque accru de complications chroniques [3,4]. Néanmoins, la plupart de ces données sont issues d’études rétrospectives. Des données précédemment publiées de l’étude prospective UKPDS (UK Prospective Diabetes Study), menée chez des patients âgés de 25 à 65 ans avec un DT2 nouvellement diagnostiqué, montraient que l’âge au diagnostic avait des effets variables sur les atteintes d’organes cibles au cours des 6 premières années d’un DT2 [5].
Dans cette nouvelle analyse de l’étude UKPDS, les auteurs ont évalué si les taux de complications chroniques et de mortalité différaient entre un DT2 de survenue précoce (avant 40 ans) versus un DT2 d’apparition plus tardive (après 40 ans) sur un suivi de plus de 30 ans. Les auteurs ont également exploré l’effet de la stratégie de contrôle glycémique (intensive vs conventionnelle) selon l’âge de survenue du DT2 (précoce vs tardif).
Cette analyse observationnelle a été réalisée à partir des données de l’étude UKPDS, recueillies entre 1977 et 2007, chez des participants âgés de 25 à 65 ans avec un DT2 nouvellement diagnostiqué, d’apparition précoce (diagnostic avant 40 ans) ou tardive (diagnostic à 40 ans ou plus), et ne présentant aucune auto-immunité (négativité des auto-anticorps du DT1). Les évènements pré-spécifiés suivants ont été analysés : tout évènement en lien avec le diabète (i.e. mort subite, décès secondaire à une hyperglycémie ou hypoglycémie, infarctus [IDM] fatal ou non fatal, angor, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral [AVC] fatal ou non, insuffisance rénale, amputation, hémorragie du vitré, panphotocoagulation rétinienne, cécité d’un œil ou chirurgie de la cataracte), décès liés au diabète (i.e. mort subite ou décès par IDM, AVC, artériopathie périphérique, maladie rénale, hyperglycémie ou hypoglycémie), décès toute cause, IDM, AVC, et atteinte microangiopathique. Ont été également analysés les événements cardiovasculaires majeurs. Le risque de survenue de chacun de ces évènements a été estimé dans chacun des 2 groupes (diagnostic précoce ou tardif). Les taux de mortalité standardisés sur l’âge (SMR) sur la base des données démographiques en population générale britannique, et les taux d’incidence d’évènements prédéterminés par intervalles de 10 ans d’âge au diagnostic, ont été évalués. Enfin, les auteurs ont regardé s’il y avait une interaction entre l’âge au diagnostic de DT2 et la stratégie de contrôle glycémique (intensif ou conventionnel).
Au total, 4550 participants ont été inclus dans cette analyse parmi lesquels 429 (9,4%) présentaient un DT2 de survenue précoce (âge moyen au diagnostic 35,1 ans [±écart-type 3,5]), et 4121 (90,6%) un DT2 de survenue tardive (âge moyen au diagnostic 53,8 ans [±6,7]). Dans l’ensemble de la population, 2704 (59,4%) participants étaient des hommes et la moyenne d’HbA1c était de 9,1% (±2,3). Le suivi médian était de 17,5 ans (IQR 12,7–20,8). Au diagnostic de DT2, les participants avec DT2 précoce étaient plus fréquemment d’origine asiatique ou indienne (23,3% parmi les participants avec DT2 précoce vs 9,1% des participants avec DT2 tardif, p<0 001), avaient un indice de masse corporelle plus élevé (30,6 kg/m² vs 29,0 kg/m², p<0,001) avec une proportion de participants en situation d’obésité plus importante (50,8% vs 35,2%,p<0,001) et une HbA1c moyenne plus faible (8,7% vs 9,2%, p<0,001) comparativement aux participants avec un diagnostic tardif. Un évènement en lien avec le diabète est survenu chez 202 (47,1%) participants avec DT2 précoce et 3016 (73,2%) participants avec DT2 tardif sur une durée médiane de suivi de 18,0 ans (IQR 13,9-21,0) et 17,4 ans (IQR 12,6-20,8), respectivement. Le risque ajusté (incidence pour 1000 personnes-année) était plus élevé pour tous les évènements chez les participants avec DT2 tardif, à l’exception des atteintes microvasculaires (risque ajusté 18,0 [IC95% 13,8-22,1] pour 1000 personnes-année lors du DT2 précoce vs 11,7 [10,7-12,7] pour 1000 personnes-année lors du DT2 tardif). Cependant, à tout âge donné pendant le suivi, l’incidence sur 5 ans de tous les évènements agrégés, en particulier la mortalité toute cause, la mortalité liée au diabète et les atteintes microvasculaires était plus élevée avec un âge jeune au diagnostic. Concernant la mortalité, le taux de mortalité brut était plus faible chez les participants avec un DT2 précoce (10,4 pour 1000 personnes-années) comparativement à ceux avec un diagnostic tardif (29,2 pour 1000 personnes-années). Cependant, le sur-risque de mortalité conféré par le DT2 par rapport à la population générale était plus élevé chez les DT2 précoces (SMR 3,72 [IC 95% 2,8-4,64]) comparativement à ceux avec un diagnostic tardif (SMR 1,54 [IC 95% 1,47-1,61]). Après stratification des patients par cohorte de 10 ans d’âge au diagnostic (25-35 ans, 36-45 ans, 46-55 ans, 56-65 ans), le SMR le plus élevé était retrouvé dans le groupe 25-35 ans (SMR 3,85 [2,62-5,66]) avec atténuation du SMR au fur et à mesure de l’avancée de l’âge au diagnostic. En revanche, aucune interaction n’a été observée selon le sous-groupe de contrôle glycémique (intensif ou conventionnel) et l’âge au diagnostic (p d’interaction >0,05).
Dans ce vaste suivi prospectif mené sur 30 ans dans le cadre de l’essai UKPDS de personnes avec DT2 nouvellement diagnostiqué, un diagnostic précoce de DT2 est associé à un risque plus élevé de complications liées au diabète et à une mortalité excessive. Ces conclusions selon lesquelles le sur-risque de mortalité toute cause confondue est important, et le plus élevé avec un DT2 d’apparition précoce, est en accord avec les études précédemment publiées [6]. Les forces de cette étude sont le caractère prospectif et la durée de suivi des participants. Néanmoins, certaines limites sont à prendre en compte : 1) le faible nombre de participants ayant âge précoce au diagnostic de DT2, 2) l’origine ethnique de la cohorte UKPDS majoritairement caucasienne alors que les DT2 de survenue précoce sont fréquemment retrouvés en population non caucasienne, 3) la non prise en compte des nouvelles thérapeutiques du DT2 pouvant modifier le pronostic des patients telles que les analogue du GLP-1 ou les inhibiteurs du SGLT2, non disponibles au début de l’étude UKPDS.
Ainsi, le suivi sur 30 ans dans l’étude UKPDS met en évidence que les patients avec un DT2 de survenue précoce présentent un risque élevé de complications liées au diabète et un excès de mortalité standardisée sur l’âge, comparativement aux patients avec un DT2 de survenue tardive. Ces données plaident en faveur d’études dédiées à cette sous-population particulière de DT2 semblant présenter une maladie plus sévère et agressive, ainsi que pour une meilleure identification de ces populations afin d’initier une prise en charge précoce.
Références
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