vendredi 5 avril 2019

Score calcique coronaire et prédiction du risque cardiovasculaire : ça marche aussi dans le diabète de type 1

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Mars 2019
 
Article du mois en accès libre
 
Guo J et al. The role of coronary artery calcification testing in incident coronary artery disease risk prediction in type 1 diabetes. Diabetologia 2019;62:259-268. doi: 10.1007/s00125-018-4764-2

 

Le risque cardiovasculaire (CV) n’est pas toujours évalué et pris en compte à sa juste mesure chez les patients atteints de diabète de type 1 (DT1). La glycémie et les complications microvasculaires restent en général le principal focus de la prise en charge. Pourtant, il a récemment été montré que le risque CV était fortement augmenté chez le DT1 et entraînait une diminution de l’espérance de vie pouvant aller jusqu’à une quinzaine d’année lorsque le diabète débutait avant 10 ans [1]. Il faut cependant reconnaître que les stratégies d’évaluation du risque CV ne s’appliquent pas ou peu chez les patients DT1 : les modèles de prédiction existant sont dérivés de la population générale ou de patients atteints de diabète de type 2 (DT2). De plus, le dépistage myocardique chez des patients asymptomatiques a montré qu’il n’apportait pas de bénéfice et entraînait le patient dans un processus de surmédicalisation potentiellement délétère. Parmi les nombreux marqueurs intermédiaires du risque CV, le score calcique (CAC – Coronary Artery Calcification) semble tirer son épingle du jeu : c’est un examen simple, facile d’accès, non invasif et qui permet de prédire le risque CV à long terme. Cependant, cette prédiction n’est validée que dans la population générale et chez les DT2, mais pas chez les DT1. C’est l’objectif de cette étude observationnelle prospective.

La cohorte étudiée ici est la Pittsburgh Epidemiology of Diabetes Complications (EDC) study, cohorte historique de patients DT1, qui a inclus des DT1 diagnostiqués avant l’âge de 17 ans, dans l’année suivant la découverte, entre 1950 et 1980. Ici ont été étudié 292 participants sans antécédent CV ayant eu une mesure de CAC entre 1996 et 1998. Parmi eux, 181 ont eu un (ou plusieurs) nouveau(x) CAC entre 2000 et 2002 et/ou entre 2004 et 2006. Le CAC était quantifié conventionnellement par unité Agatston. Le statut CV était évalué 2 fois par an toute la durée du suivi. Un événement coronarien (critère de jugement principal) était défini par un angor, un infarctus du myocarde, une sténose coronaire ≥ 50%, une revascularisation coronaire ou un ECG avec signes d’ischémie. L’incidence des événements était évaluée selon le premier CAC de trois façons : 4 catégories de CAC (0, 1–99, 100–399 and ≥400), 2 catégories (<100 and ≥100), et le CAC en variable continue (après log-transformation). Plusieurs modèles d’ajustement ont été utilisés intégrant les facteurs de risque classique (sexe, durée de diabète, tabac, IMC, HbA1c, hypertension artérielle, albuminurie, HDL- et non-HDL cholestérol, statines). La progression du CAC était également analysée vis-à-vis du risque d’événement coronarien.

L’âge moyen à l’inclusion (premier CAC) était de 39,4 ans et la durée moyenne de diabète de 29,5 ans. Après une durée moyenne de suivi de 10,7 ans, un événement coronarien était survenu chez 76 participants (26%) dont 17% d’IDM fatals et 20% d’IDM non fatals. De façon non surprenante, les participants avec un CAC élevé étaient plus souvent fumeurs, avaient une durée de diabète plus longue et une albuminurie plus élevée. Les sujets ayant fait un événement coronarien avaient un CAC beaucoup plus élevé. Le niveau de CAC était fortement et significativement associé au risque d’événement coronarien avec un Hazard Ratio (95%CI) après ajustement de 3,1 (1,6-6,1), 4,4 (2,0-9,5) et 4,8 (1,9-12,0) respectivement pour les groupes CAC 1–99 (n=86), 100–399 (n=39) et ≥400 (n=19) en comparaison au groupe CAC 0 (n=148). Les résultats étaient similaires pour les autres catégorisations du CAC (binaire et continue) et lorsque qu’uniquement les IDM fatals et non fatals étaient pris en compte.
Chez les patients ayant eu des mesures répétées de CAC, la progression annuelle du CAC étaient également significativement associée au risque d’événements coronariens même après ajustement sur le CAC à l’inclusion. Ainsi, les patients au-dessus de la médiane avaient un HR ajusté de 2,8 (1,1-7,5), p=0,039 en comparaison à ceux en-dessous de la médiane.
Ces résultats montrent donc que le CAC peut être utilisé chez les DT1 comme intégrateur du risque CV afin de mieux évaluer le risque et mettre en place les stratégies de prévention adéquate. Ces résultats sont soutenus par une étude récente du DCCT/EDIC qui a analysé chez 1205 participants l’association entre le CAC (mesuré durant EDIC entre l’année 7 et 9) et le risque d’événements CV survenant pendant les 10 à 13 années suivantes [2]. Après ajustement sur de multiples facteurs, le risque d’événements CV majeurs (IDM non fatal, AVC non fatal, décès CV) était fortement augmenté chez les participants avec CAC entre 100 et 300 (HR 6,05 (2,56-14,30), p<0,0001) et > 300 (HR 5,57 (2,33-13,35) p=0,0001) en comparaison à ceux avec CAC à 0. Reste à savoir si la réalisation du CAC s’accompagnera d’une diminution du taux de survenue d’événements CV chez les patients DT1 (également chez les patients DT2 puisqu’aucune étude randomisée n’a pour l’instant évalué l’impact du CAC sur le risque CV). En attendant, le CAC peut aider le clinicien à mettre en œuvre les mesures de prévention nécessaires au moment opportun, ce qui n’est pas toujours évident à déterminer dans cette population.

 

Références

[1] TRawshani A, et al. Excess mortality and cardiovascular disease in young adults with type 1 diabetes in relation to age at onset: a nationwide, register-based cohort study. Lancet 2018;392:477-486.
 
[2] Budoff M et al. The Association of Coronary Artery Calcification With Subsequent Incidence of Cardiovascular Disease in Type 1 Diabetes: The DCCT/EDIC Trials. JACC Cardiovasc Imaging 2019 Mar 8. pii: S1936-878X(19)30143-3.
 


from Société Francophone du Diabète http://bit.ly/2CXpQiw

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