Malgré les avancées diagnostiques et thérapeutiques dans le diabète de type 1 (DT1), la prise en charge de cette pathologie reste très coûteuse [1]. L’incapacité à préserver les cellules bêta pancréatiques sur le long terme pour prévenir le DT1 reste une problématique fondamentale non résolue dans la physiopathologie du DT1 au stage préclinique. Depuis plus de cent ans, différents travaux rapportent une diminution de la taille du pancréas dans le diabète à partir d’études autopsiques [2,3] et radiologiques (échographie, scanner, IRM) avec des diminution de 31 à 52% chez des DT1 anciens et de 26 à 31% chez des DT1 récents. Les ilots pancréatiques ne représentant que 1 à 2% du volume pancréatique fonctionnel, la diminution de volume est donc secondaire à une diminution du volume exocrine. Cette réduction de volume a également été retrouvée chez des donneurs d’organe ayant un anticorps positif pour le diabète de type 1 (AcDT1) [4]. Ces résultats suggèrent que la diminution de la taille du pancréas est parallèle à la diminution de la masse cellulaire bêta. D’autres études ont également montré une diminution des fonctions exocrines mais sans retentissement clinique (diminution de la chymotrypsine et de l’élastase) chez des patients DT1 récents. Les hypothèses expliquant cette diminution de taille du pancréas dans le DT1 sont i) la perte de l’effet insulinotrophique sur les cellules acineuses, ii) la destruction immunologique du tissu pancréatique exocrine, iii) les interactions épigénétiques, génétiques et environnementales [5]. Les avancées dans la technologie de l’IRM continuent d’améliorer la qualité de l’interprétation pancréatique, l’IRM étant devenu un outil diagnostic indispensable pour les pathologies pancréatiques [6]. L’objectif de cette étude était de mesurer par IRM le volume pancréatique (VP) des apparentés du premier degré (APD) avec ou sans AcDT1 et de le comparer à celui de sujets contrôles, n’ayant pas d’histoire familiale de DT1, et de sujets DT1.
Les contrôles (non diabétiques et sans AcDT1) et les patients (DT1 de diagnostic inférieur à un an selon les critères de l’American Diabetes Association) incluent dans cette étude étaient des sujets âgés de 8 à 50 ans, suivis à la Polyclinique de l’Université de l’Institut du Diabète de Floride. Les APD ont été recrutés par le réseau d’essais du National Institutes of Health, avec un âge limite de 45 ans (âge seuil pour le dosage des anticorps) et ils ont été classés en fonction des résultats de leurs anticorps du DT1 (négatif, un seul anticorps ou multiples anticorps). Les critères d’exclusion comportaient les antécédents d’insuffisance pancréatique exocrine et de pancréatites. Les sujets de l’étude ont été examinés avec recueil de l’histoire médicale, de l’ethnie, du poids, de la taille et avec réalisation d’une IRM abdominale de 45 minutes, sans injection de produit de contraste et sans sédation, après au moins quatre heures de jeune. Toutes les IRM ont été réalisées sur le même appareil. Un total de cinquante deux coupes contiguës centrées sur la région du pancréas a été obtenu et le VP a été calculé après délimitation manuelle du pancréas sur chaque coupe par des spécialistes de l’IRM pancréatiques (trois pour l’étude). Une reconstitution en séquence tridimensionnelle permettait une meilleure résolution, et la mesure d’un coefficient de corrélation interobservateur (ICC) à partir de cinq IRM de sujets confirmant un niveau élevé de concordance (0,86 [IC 95% 0.56, 0.97]). Le VP relatif à l’IMC (RVPIMC) était calculé en divisant le VP par l’IMC. Des tests sanguins incluant dosage de l’HbA1c, de la glycémie à jeun, du Peptide C, du trypsinogène et des AcDT1 (anti-GAD, anti-IA2, anti-Znt8 et anti-insuline) étaient réalisés.
Parmi les 246 sujets recrutés dans cette étude, 12 ne correspondaient pas aux critères d’inclusion (4 DT1 > 45 ans, 7 sans histoire familiale de DT1 et 1 sans sous-groupe attitré), 5 n’ont pas eu d’IRM (3 à cause d’un problème de maintenance de l’IRM, 2 refusant finalement l’examen). Au total, 229 sujets correspondaient aux critères d’inclusion entre 2014 et 2017 avec : 49 sujets contrôles (pas de diabète, pas d’APD diabétique), 61 APD sans anticorps (APD AcDT1-), 31 APD avec un anticorps (APD AcDT1+), 36 APD avec plusieurs anticorps (APD AcDT1++) et 52 DT1 de diagnostic récents. Parmi eux, 44% d’hommes, d’âge moyen 19,6 ans ± 10,5, ancienneté du DT1 0-363 jours avec une moyenne de 175 ± 105 jours. Dans chacun des cinq groupes, l’IMC et le poids augmentaient avec l’âge tandis que le VP augmentait (de la même façon dans les différents groupes sauf celui des DT1 de diagnostic récents). Le poids et la taille étaient significativement et indépendamment associés au VP, motivant le calcul du RVPIMC. Une tendance linéaire significative du RVPIMC était retrouvée entre les groupes (p<0,0001 avec un volume moyen de 3,9 ± 1 ,1 dans le groupe contrôle ; 3,5 ± 0,9 dans le groupe APD AcDT1- ; 3,3 ± 1,1 dans le groupe APD AcDT1+ ; 3.0 ± 1.0 dans le groupe APD AcDT1++ et 2.5 ± 0.2 dans le groupe DT1 de diagnostic récent). Les analyses comparant chaque groupe avec le groupe contrôle non DT1 après ajustement sur l’âge et le sexe retrouvaient, indépendamment du statut immunologique, un VPIMC plus bas par rapport aux contrôles (p≤ 0,01). La distribution du VP a été analysée en fonction du nombre d’anticorps positifs (0, 1, 2, 3 ou 4). Le VP des patients présentant 3 ou 4 AcDT1 étaient plus faibles que celui des patients ayant 1 ou 2 AcDT1. Par contre, le RVPIMC n’était pas linéairement associé à la durée du diabète dans le groupe DT1. Concernant les paramètres des fonctions endocrines et exocrines, les patients du groupe DT1 avaient une HbA1c et une glycémie à jeun plus élevées avec un peptide-C diminué en comparaison avec les autres groupes ; la concentration en trypsinogène était également diminuée dans le groupe DT1 (p≤0,029).
Cette étude a mesuré pour la première fois de façon non invasive le volume pancréatique des apparentés du premier degré de patients DT1 avec anticorps négatifs et montre qu’il est plus faible que celui des sujets contrôles non DT1, non apparentés à des DT1 et sans AcDT1. Elle confirme la diminution du VP chez les APD des DT1 avec AcDT1 positifs. Ces résultats soulignent la complexité des interactions entre les compartiments endocrine et exocrine du pancréas dans le DT1, et suggèrent qu’un pancréas plus petit pourrait être un facteur prédisposant au DT1 chez des APD. Les mécanismes conduisant à cette réduction de volume du pancréas résultent probablement de nombreuses interactions environnementales (in utero, dans l’enfance, à la puberté) qui pourraient moduler la croissance pancréatique et le risque de progression vers le DT1. Les gènes modulant le risque de DT1 concernent en particulier des déterminants majeurs des molécules de classe 2 du complexe HLA [7]. Ces gènes pourraient avoir un impact dans l’immunité exocrine innée contre les facteurs environnementaux incluant les virus ou bactéries. D’autres études examinant les relations entre les gènes HLA et le VP sont nécessaires pour confirmer cette hypothèse. De plus, une inflammation infra clinique exocrine pancréatique a été décrite chez des donneurs d’organe DT1, suggérant une pancréatite infra clinique pouvant contribuer à la réduction du VP [8]. Cette étude confirme les données préexistantes dans le DT1 de diagnostic récent avec une diminution significative du VP, mais elle ne retrouve pas de corrélation entre cette diminution et la durée du diabète, les études antérieures étant controversées sur le sujet avec une absence de corrélation [9] ou une corrélation positive [10]. Ces résultats discordants sont probablement le fait de différences méthodologiques notamment concernant les techniques radiologiques (à jeun ou non) et aussi du fait de la variabilité individuelle du VP. Pour répondre à cette question, des études longitudinales sont nécessaires avec mesure du VP au cours du temps, ces études pourraient permettre aussi d’identifier les sujets à très haut risque de développer un DT1 et d’évaluer des interventions thérapeutiques pour tenter de préserver la masse cellulaire bêta. L’absence de corrélation entre le VP et les mesures des fonctions cellulaires bêta par l’HbA1c et le peptide C suggère que le mécanisme aboutissant à l’insulinopénie n’est pas uniquement lié à l’effet sur la masse cellulaire bêta. De façon intéressante, les résultats de cette étude retrouvent une tendance à la diminution du niveau de trypsinogène chez les patients APD avec AcDT1, suggérant l’importance de la dysfonction exocrine infraclinique dans la physiopathologie du DT1. La diminution de la sécrétion de trypsinogène pourrait s’expliquer par la diminution de l’effet insulinotropique sur la portion exocrine ou par un effet direct autoimmun sur les cellules acineuses ou par une combinaison de ces effets. D’autres études explorant la fonction pancréatique exocrine dans les stades précliniques du DT1 sont nécessaires pour confirmer et mieux comprendre ces résultats.Afin d’améliorer la surveillance de la progression vers le DT1, de nouveaux biomarqueurs sont nécessaires. En effet si les études d’intervention thérapeutiques n’ont pas fait preuve de bénéfice à long terme, peut être est-ce en partie liée à cause de l’hétérogénéité des patients traités au niveau du stade de leur maladie. Un meilleur phénotypage pourrait permettre de sélectionner des patients pour lesquels un traitement pourrait être utile. Ces résultats sur l’utilisation de l’IRM abdominale pour quantifier le volume pancréatique chez des sujets à haut risque de DT1 sont prometteurs, si des études longitudinales du VP confirmaient une vitesse de diminution du VP prédictive du risque de progression de la normo vers l’hyperglycémie, la mesure du VP serait un biomarqueur utile en pratique clinique. D’autres études nécessitent de confirmer si le VP peut être utilisé comme marqueur prédictif de progression dans le DT1.
Références
from Société Francophone du Diabète http://bit.ly/2RZHknS