lundi 28 novembre 2016

Grossesse après chirurgie bariatrique : les complications maternelles, fœtales et périnatales sont plus fréquentes les deux premières années

Auteur : 
Manuel Dolz
Date Publication : 
Novembre 2016
 
Article du mois en accès libre
 
Parent B, et al. Bariatric surgery in women of childbearing age, timing between an operation and birth, and associated perinatal complications. JAMA Surg. 2016 Oct(19). [Epub ahead of print]. doi: 10.1001/jamasurg.2016.3621
 

 

Aux États-Unis, environ 20% des femmes sont obèses au moment de la conception [1]. Obésité et grossesse ne font cependant pas bon ménage ! En effet de nombreuses études ont montré l’impact délétère de l’obésité sur le parcours obstétrical : l’obésité augmente les complications avant, pendant et après l’accouchement ! Diminution de la fertilité, complications gravidiques (hypertension artérielle, pré-éclampsie, diabète gestationnel) plus fréquentes, modifications des modalités d’accouchement sont autant d’exemples des risques maternels. Les risques fœtaux sont eux aussi augmentés : anomalies de fermeture du tube neural, anomalies cardiaques, mort fœtale in utero, macrosomie… [2].

De nombreuses femmes obèses en âge de procréer ont recours à la chirurgie bariatrique qui leur assure généralement une perte significative et durable de poids. La perte de poids rapidement constatée après chirurgie améliore leur fertilité. Aussi la fréquence des grossesses après chirurgie ne cesse de croître.

Il faut garder à l’esprit que les 12 à 16 premiers mois après la chirurgie, quand la perte de poids est rapide, des changements métaboliques peuvent potentiellement entraîner des carences nutritionnelles plus ou moins importantes selon le type de chirurgie [3]. On est donc en droit de s’interroger quant à l’influence possiblement négative d’une conception, durant cette période non-optimale sur le plan nutritionnel, sur le développement du fœtus et le devenir des nourrissons. En outre, le délai idéal entre l’acte de chirurgie bariatrique et le début d’une grossesse reste indéfini.

C’est pour répondre à toutes ces questions que Brodie Parent et al, ont étudié (en termes de pronostic maternel et périnatal) rétrospectivement les grossesses de 1859 femmes (âge médian 32 ans [IQR 28-36]) qui avaient subi une chirurgie bariatrique avant leur grossesse dans l'État de Washington entre 1980 et 2013. Ils les ont comparées à 8437 mères (âge médian 28 ans [24-32]) qui n'avaient pas subi de chirurgie bariatrique et qui ont eu une grossesse durant la même période. Le groupe chirurgie bariatrique comprenait des femmes opérées par gastroplastie verticale calibrée, anneau gastrique ajustable, sleeve gastrectomie et by-pass gastrique de Roux-en-Y. Ce groupe est désigné «  mères post-opératoires » (MPO). Les autres femmes étaient désignées «  mères non opérées » (MNO).

Comparativement aux MNO, les MPO d'âge, d'IMC, de parité, de statut socioéconomique et de comorbidités (HTA, diabète…) semblables, avaient un pronostic périnatal généralement plus mauvais. Plus précisément, 8,6% des nourrissons issus de MNO étaient prématurés (âge gestationnel <37 semaines), comparativement à 14% des nourrissons de MPO (RR 1,57 [IC 95%: 1,33-1,85]). Il y a eu 1,5% de naissances prématurées précoces (âge gestationnel <32 semaines) chez les MNO contre 3,0% pour les MPO (RR 1,71 [1,16-2,01]). Onze pour cent des nourrissons de MNO ont nécessité une admission en unité de soins intensifs néonatals (USIN) comparé à 15,2% des nourrissons issus du groupe MPO (RR 1,25 [1,08-1,44]). Par rapport aux nourrissons de MNO, les nourrissons des MPO étaient également plus exposés au retard de croissance intra-utérin (13,0% vs 8,9% : RR 1,93 [1,65-2,26]). Cette étude retrouvait à l’inverse un risque plus faible de macrosomie dans le groupe de nourrissons MPO (6,6% vs 8,7%: RR 0,53 [0,44-0,65]).

Chez les nourrissons du groupe MPO, il existait une tendance à l’augmentation des malformations congénitales (RR 1,12 [0,99-1,26]). Les anomalies héréditaires ou chromosomiques (par exemple Syndrome de Down et autres caryotypes anormaux) ont été exclues de la définition de malformation considérant que leur étiologie est indépendante de l'environnement métabolique et nutritionnel de la mère. Par rapport aux nourrissons de MNO, les nourrissons des MPO avaient également plus souvent un score d’Apgar ≤ 8 (17,5% vs 14,8% : RR 1,21 [1,06-1,37]). De même, il existait une tendance à l’augmentation de la mortalité fœtale ou infantile (RR 1,54 [0,91-2,61]). Le recours à une césarienne était plus fréquent dans le groupe MPO : 40,7% des MPO vs 25,4% des MNO (RR 1,21 [1,12-1,31]). Il n’y avait pas de différence significative en termes de traumatismes obstétricaux (dystocie des épaules, hémorragie intra-ventriculaire, paralysie nerveuse, hématome du cuir chevelu et traumatisme squelettique).

L’objectif secondaire de ce travail était d’examiner l'association entre les risques périnataux et le temps qui sépare la grossesse de la chirurgie bariatrique. Comparativement aux nourrissons de mères ayant un intervalle de plus de 4 ans entre le début de la grossesse et la chirurgie, les nourrissons de mères ayant moins de 2 ans d'intervalle présentaient des risques plus élevés de prématurité (11,8% vs 17,2% : RR 1,48 [1,00-2,19]), d’admission en unité de soins intensifs néonatals (12,1% vs 17,7% : RR 1,54 [1,05-2,25], et de RCIU (9,2% vs 12,7% : RR, 1,51 [0,94-2,42]). Ce sur-risque de RCIU était également présent pour les grossesses débutées dans un intervalle compris entre 2 à 4 ans après la chirurgie : RR 1,67 [1,04-2,68].

En résumé, cette étude montre un risque plus élevé de complications néonatales pour les mères qui ont eu une chirurgie bariatrique comparativement à celles qui n’ont pas été opérées et appariées sur l'âge, l'IMC, la parité, le statut socio-économique et les comorbidités. De plus les nourrissons du groupe MPO dont l'intervalle entre chirurgie et grossesse est inférieur à 2 ans présentent des risques plus élevés de complications comparativement à ceux issues de grossesses plus tardives (> 4 ans).

En 2009, la HAS recommande de maintenir une contraception généralement pendant 12 à 18 mois après l’acte de chirurgie bariatrique (grade C) [4]. Cela ne paraît donc pas suffisamment long. Aux USA, L'American College of Gynecologists recommande d'éviter de débuter une grossesse pendant un minimum de 2 ans après une opération bariatrique. Ces recommandations sont  basées en grande partie sur des opinions d’experts, plutôt que sur des preuves solides. Des études prospectives devraient permettre de mieux appréhender le délai idéal, selon le type de chirurgie (ce que ne permet pas d’évaluer cette publication agrégeant tous les types de chirurgie).

Ces résultats plaident cependant en faveur d’une planification de la grossesse après chirurgie bariatrique. Plus globalement, c’est tout le parcours de soin obstétrical des femmes obèses en âge de procréer, et candidates à une chirurgie bariatrique, qui doit être davantage formalisé au sein des équipes. Cela va de l’information de la patiente préalablement à l’indication de la chirurgie concernant le risque maternel, fœtal et périnatal, jusqu’à la surveillance de la grossesse elle-même en passant par l’évaluation diététique, nutritionnelle, clinique et biologique pré-conceptionnelle et en discutant très en amont la question des modalités de contraception pré et post-chirurgie. Tous ces aspects relèvent d’une véritable démarche d’éducation thérapeutique, notamment pour éviter qu’une grossesse  ne débute en pleine phase initiale catabolique de perte pondérale massive.

 

Références

[1] Willis K, et al. Pregnancy and neonatal outcome after bariatric surgery. Best Pract Res Clin Obstet Gynaecol. 2015;29(1):133-144.
 
[2] Watkins ML, et al. Maternal obesity and risk for birth defects. Pediatrics. 2003 May;111(5Pt2):1152-8.
 
[3] Stein J, et al. Review article: the nutritional and pharmacological consequences of obesity surgery. Aliment Pharmacol Ther. 2014; 40(6):582-609.
 
 
[5] American College of Obstetricians and Gynecologists : ACOG practice bulletin no.105 : bariatric surgery and pregnancy. Obstet Gynecol. 2009;113(6):1405-1413.
 
 


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