jeudi 6 mai 2021

Inhibiteurs de SGLT2 et risque de lithiase rénale

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Avril 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Kristensen KB, et al. Sodium-glucose cotransporter 2 inhibitors and risk of nephrolithiasis. Diabetologia 2021 Mar 13. doi : 10.1007/s00125-021-05424-4

 

Les inhibiteurs des co-transporteurs glucose-sodium 2 (iSGLT2) sont de plus en plus utilisés dans le traitement du diabète de type 2 (DT2) [1]. En plus de leur effet sur le contrôle glycémique, les iSGLT2 sont efficaces sur la perte de poids, la diminution de la pression artérielle, l’amélioration du risque d’évènements cardiovasculaires et d’hospitalisations pour insuffisance cardiaque [2]. Les iSGLT2 augmentent l’excrétion urinaire de glucose via la diminution de sa réabsorption rénale conduisant à une diurèse osmotique et une augmentation du flux urinaire [3]. En théorie, les iSGLT2 réduiraient le risque de lithiase rénale en diminuant la concentration de substances lithogéniques dans les urines.
Les lithiases rénales affectent environ 1 personne sur 11 durant leur vie entière et peuvent entrainer des obstructions rénales, une hydronéphrose et aboutir à une maladie rénale terminale. Puisqu’il est bien connu que le DT2 augmente le risque de lithiase rénale, un effet préventif des iSGLT2 sur les lithiases rénales serait cliniquement important. Les preuves actuellement disponibles sont en fait basées sur les analyses secondaires des grands essais cliniques randomisés [4]. Néanmoins, le faible nombre d’événements lithiasiques recensés dans ces études, avec pour conséquence une puissance insuffisante, ne permet pas de tirer de conclusion définitive sur le sujet. En utilisant les registres danois, les auteurs ont évalué dans une étude de cohorte observationnelle le risque de lithiase rénale associé à l’initiation d’un traitement par iSGLT2.
Les auteurs ont mené une étude de cohorte basée sur la population, comparative, d’initiation de traitement, à partir des registres de santé danois. Ils ont identifié tous les individus danois initiant un traitement par iSGLT2 ou agonistes des récepteurs au GLP1 (AR GLP1) entre le 11 novembre 2012 (date d’approbation du premier iSGLT2 en Europe) et le 31 décembre 2018. Les patients éligibles avaient au moins 40 ans lors de l’initiation du traitement, n’avaient reçu aucune prescription d’iSGLT2 ou d’AR GLP1 avant le début de l’étude, avaient résidé au Danemark en continu pendant au moins 1 an avant le début de l’étude et n’avaient pas d’antécédent de lithiase rénale.
Le critère de jugement principal était l’incidence de la lithiase rénale (définie par la présence d’un calcul dans l’uretère ou le rein). L’exposition aux médicaments était déterminée à partir des registres danois de prescription. Les individus étaient suivis depuis le jour de la première prescription des iSGLT2 ou AR GLP1 jusqu’à l’épisode de lithiase rénale, ou le décès ou l’émigration ou la fin de la période d’étude (soit le 31 décembre 2018). Dans l’analyse principale, les auteurs ont imité une analyse en intention de traiter (c’est-à-dire que les individus restaient dans le groupe exposé tel qu’assigné à l’entrée de l’étude et tout au long du suivi, sans tenir compte de l’interruption du traitement ou de l’initiation du traitement comparateur). L’utilisation des iSGLT2 a inclus à la fois les formulations en monothérapie et en association à la metformine.
Pour ajuster sur les différents facteurs confondants, les auteurs ont utilisé une approche par score de propension à hautes dimensions (qui se basent sur un algorithme standardisé afin de sélectionner les covariables pour lesquelles le score va ajuster). De plus, les auteurs ont forcé l’entrée dans le score de propension de plusieurs variables telles que le sexe, l’année de naissance, l’année d’entrée dans la cohorte, ainsi que 13 variables reflétant la sévérité du diabète ou affectant fortement le risque de lithiase rénale (par exemple la présence d’une rétinopathie diabétique, l’utilisation d’insuline ou de diurétiques thiazidiques…). Le score de propension a été estimé dans une régression logistique avec le traitement par iSGLT2 comme variable dépendante et les covariables précédentes comme variables indépendantes. Les nouveaux utilisateurs d’iSGLT2 ont ensuite été appariés (1 pour 1) selon les scores de propension aux nouveaux utilisateurs d’AR GLP1. Dans les analyses supplémentaires, le risque de récurrence de lithiase rénale a été évalué chez les individus avec un antécédent de lithiase rénale avant l’initiation du traitement.
Les auteurs ont identifié 24 290 patients initiant un traitement par iSGLT2 et 19 576 individus, un traitement par AR GLP1. L’incidence de l’usage d’iSGLT2 a augmenté durant la période d’étude tandis que celle des AR GLP1 est restée stable. Le taux d’incidence de lithiase rénale avant appariement était de 2,5 pour 1000 personnes années (intervalle de confiance à 95% (2,1 ; 3,0)) chez les initiateurs d’iSGLT2 et de 4,2 pour 1000 personnes années (3,7 ; 4,8) chez les utilisateurs d’AR GLP1. Après appariement sur le score de propension, 12 325 paires d’individus ont pu être constituées ; les caractéristiques initiales des patients étaient distribuées de façon égale entre les cohortes appariées avec des différences de moyennes standardisées inférieures à 0,1 pour toutes les covariables d’intérêt. L’âge médian était de 61 ans pour les 2 cohortes et la médiane de suivi était de 2,1 ans (écart interquartile 1,1 ; 3,3) pour les utilisateurs de iSGLT2 et de 1,9 (0,8 ; 3,4) pour les utilisateurs d’AR GLP1. Le taux d’incidence de lithiase rénale était de 2,0 pour 1000 personnes années (1,6 ; 2,6) chez les utilisateurs d’iSLT2 et de 4,0 pour 1000 personnes années (3,3 ; 4,8) pour les utilisateurs d’AR GLP1. La différence de taux d’incidence qui en découle était de -1,9 pour 1000 personnes années (-2,8 ; -1) et le Hazard Ratio (HR) était de 0,51 (0,37 ; 0,71). L’analyse en intention de traiter a permis d’obtenir des résultats similaires avec une réduction du taux d’incidence de lithiase de -2,7 pour 1000 personnes années (-4,2 ; -1,3) et un HR de 0,40 (0,23 ; 0,69). Lorsque les auteurs ont examiné séparément les types d’iSGLT2, ils ont trouvé des résultats similaires que l’analyse principale avec un HR de 0,56 (0,39 ; 0,79) pour la dapagliflozine et de 0,55 (0,36 ; 0,86) pour l’empagliflozine. En limitant la cohorte de comparaison aux individus initiant les AR GLP1 pour le diabète et non pour l’obésité, le HR était de 0,63 (0,46 ; 0,86).
En répétant ces analyses sur une cohorte comparative d’utilisateurs d’inhibiteurs de DPP4 (à la place des utilisateurs des AR GLP1), la différence de taux d’incidence était de -1,5 (-2,6 ; -0,4) par personnes années et le HR était de 0,61 (0,41 ; 0,88).
Concernant le risque de récurrence de lithiase rénale, les auteurs ont identifié 1 418 utilisateurs d’iSGLT2 et 1 181 utilisateurs d’AR GLP1 avec un antécédent de lithiase rénale avant l’initiation des traitements. Après appariement, 731 paires d’individus ont été déterminées. Le taux d’incidence de récidive de lithiase rénale était de 36 pour 1000 personnes années pour les utilisateurs d’iSGLT2 et de 53 pour 1000 personnes années pour les utilisateurs d’AR GLP1, donnant ainsi une différence de taux d’incidence de -17 (-33 ; -1,5), et un HR de 0,68 (0,48 ; 0,97).
Dans cette étude de cohorte nationale, l’initiation d’un traitement par iSGLT2 était associée à une diminution d’environ 50% du risque relatif de lithiase rénale comparée à l’initiation d’un traitement par AR GLP1. Il s’agit de la première étude analysant le risque de lithiase rénale associé aux iSGLT2 en pratique clinique courante. La méta-analyse basée sur l’analyse secondaire de 16 essais randomisés avait retrouvé un odd ratio de 0,85 (0,57 ; 1,26) pour le risque de lithiase rénale associé aux iSGLT2 comparé à un placebo ou à d’autres anti-hyperglycémiants oraux [4]. Cette méta-analyse était néanmoins limitée par le faible nombre d’évènements et le fait que les lithiases rénales n’étaient pas forcément rapportées dans ces études.
Les points faibles de cette étude seraient l’effet confondant de l’obésité (qui est un risque connu de lithiase rénale) mais les analyses statistiques basées sur l’utilisation de scores de propension de hautes dimensions ont permis de limiter ce risque. Une autre faiblesse serait un sous-diagnostic de la lithiase rénale car seules les formes nécessitant une hospitalisation ont été recensées.

En conclusion, les auteurs ont observé un risque de lithiase rénale diminué chez les individus recevant des iSGLT2 comparés à ceux utilisant des AR GLP1 ou inhibiteurs de DPP4. Le traitement par iSGLT2 pourrait donc être utile pour prévenir le risque de lithiase rénale chez les patients diabétiques de type 2.

 

Références

[1] Davies MJ, et al. Management of Hyperglycemia in type 2 diabetes, 2018. A consensus report by the American Diabetes Association (ADA) and the European Association for the Study of diabetes (EASD). Diabetologia 2018; 61: 2461–2498.
 
[2] Patorno E, et al. Empagliflozin and the risk of heart failure hospitalization in routine clinical care: a first analysis from the EMPRISE study. Circulation 2019; 139: 2822– 2830.
 
[3] van Bommel EJM, et al. SGLT2 inhibition in the diabetic kidney—from mechanisms to clinical outcome. Clin J Am Soc Nephrol 2017; 12: 700–710.
 
[4] Cosentino C, et al. Nephrolithiasis and sodium-glucose co-transporter-2 (SGLT-2) inhibitors: a meta-analysis of randomized controlled trials. Diabetes Res Clin Pract 2019; 155: 107808.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3nTs2xB

mercredi 31 mars 2021

Sur-risque de pathologie cardiovasculaire chez les femmes normoglycémiques avec antécédent de diabète gestationnel

Auteur : 
Camille Vatier
Date Publication : 
Mars 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Gunderson E, et al. Gestational Diabetes History and Glucose Tolerance After Pregnancy Associated With Coronary Artery Calcium in Women During Midlife The CARDIA Study. Circulation 2021; 143: 974-987. doi : 10.1161/CIRCULATIONAHA.120.047320

 

Le diabète gestationnel (DG) touche 8 à 9% des femmes enceintes aux Etats-Unis [1] et jusque 17 à 20% des femmes enceintes dans le monde [2]. Après la grossesse, le risque pour ces femmes de développer un diabète de type 2 (DT2) est multiplié par un facteur 4 à 7 [3] ; le DT2 est lui-même associé à un sur risque de pathologie cardiovasculaire (CV) et de pathologie coronarienne chez ces femmes ayant eu un DG (risque multiplié par 1,7 à 3) [4]. A ce jour, les données sont controversées concernant le lien entre DG et augmentation du risque CV indépendamment du développement d’un DT2 ultérieur avec un risque relatif nul chez les femmes européennes plus âgées [5] ou un risque multiplié par 1,25 à 2 [6] chez les femmes plus jeunes. Une méta-analyse récente montre que les femmes avec antécédent de DG mais ne développant pas de DT2 ont un risque CV augmenté de 30 à 56% [7]. Cependant, ces données sont à interpréter avec précaution, le classement en DG pouvant être erroné avec un diabète préexistant et l’absence de DT2 ultérieur sous-estimé par le manque d’information à long terme. Le prédiabète est fortement prédictif de DT2, est un facteur de risque de pathologie coronarienne et il pourrait concerner 40% des femmes avec DG [8]. Ces femmes sont peu testées sur le plan glycémique, des autres facteurs de risque / pathologies CV avant et après la grossesse, ce qui complique l’identification d’un lien entre tolérance au glucose et risque CV. L’objectif de cette étude était d’évaluer le lien entre l’histoire de DG et de la tolérance au glucose au décours et la présence de calcifications coronariennes (CAC) (score prédictif du risque CV) chez des femmes d’âge moyen, les hypothèses étant que la détérioration de la tolérance au glucose (développement d’un prédiabète ou d’un diabète) augmente le risque de CAC indépendamment des autres facteurs de risque CV et qu’une histoire de DG est associée à un plus fort risque de CAC même chez les femmes restant normoglycémiques à distance de la grossesse.

L’étude CARDIA (Coronary Artery Risk Developemnt in Young Adults) est une étude américaine mutlicentrique, longitudinale, observationnelle, sur le développement du risque coronaire. Entre 1985 et 1986, 5 115 participants, dont 2 787 femmes âgés de 18 à 30 ans, ont été recrutés dans quatre régions des Etats-Unis. La fidélisation à 15, 20 et 25 ans était de 74%, 72% et 72% pour cette cohorte. Sur l’ensemble des femmes recrutées, 1 392 ont été incluses dans ce travail, ayant eu au moins une naissance après inclusion. Parmi elles, les femmes avec grossesse multiples, diabète préexistant à une première naissance après l’inclusion, ou sans mesure du CAC, ont été exclues. Au total, 1 133 femmes avec mesure des facteurs de risque métabolique avant grossesse, avec 2 066 naissances après l’inclusion, ont été étudiées. A l’inclusion, à 10 ans, à 20 ans et à 25 ans : les facteurs sociodémographiques, le mode de vie (alcool, tabac, activité physique, diététique), l’histoire gynécologique (traitement hormonal de la ménopause…), les mesures anthropométriques, la pression artérielle ont été recueillis ; un prélèvement sanguin à jeun avec mesure de la glycémie à jeun (GAJ), du cholestérol total, des triglycérides (TG), du HDL-cholestérol (HDL-C), du LDL-cholestérol (LDL-C), et une hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO) avec mesure de la glycémie et de l’insulinémie ont été réalisées avec calcul du HOMA-IR. L’HbA1c était mesurée à 20 ans et 25 ans. Le syndrome métabolique était diagnostiqué en présence de trois des cinq critères NCEP/ATP3. Le score calcique (score CAC) était réalisé à 15, 20 et 25 ans du suivi. Le diabète était défini par une GAJ ≥ 126mg/dL ou une glycémie à 2 heures de l’HGPO ≥ 200mg/dL ou une HbA1c ≥ 6,5% ou la présence d’un traitement anti-hyperglycémiant ; le prédiabète était défini par une GAJ entre 100 et 125 mg/dL ou une glycémie à 2 heures de l’HGPO entre 140 et 199 mg/dL ou une HbA1c entre 5,7 et 6,4% selon les critères de l’American Diabetes Association. A chaque examen, les femmes rapportaient des données concernant leur grossesse : nombre, naissance > 20 semaines d’aménorrhée, date du terme, événement périnatal (DG, hypertension gravidique). Les femmes ont été classées en six groupes : absence de DG/ normoglycémie (groupe de référence) ; absence de DG/ prédiabète ; absence de DG/ diabète ; DG/ normoglycémie ; DG/ prédiabète ; DG/ diabète. Une fois qu’une femme passait dans le groupe avec la plus mauvaise tolérance au glucose, la classification était maintenue jusqu’à la fin du suivi.
La cohorte de 1 133 femmes (49% de noires américaines et 51% de caucasiennes) a eu 2 066 naissances entre l’inclusion et les 25 ans de suivi, 92% survenant dans les 15 premières années, 6,6% entre 15 et 20 ans et 1,4% entre 20 et 25 ans. L’âge moyen de la première naissance après inclusion était de 30,1 ± 4,9 ans et de fin de suivi 47,6 ± 5,9 ans. Un diabète gestationnel a été rapporté par 12,3% des participantes ; 36% des femmes ayant eu un DG ont développé un prédiabète et 25,9% un DT2 contre 35% et 9% respectivement chez les femmes sans DG, p<0,001. Sur les 125 femmes ayant développé un DT2, les femmes ayant eu un DG ont débuté leur DT2 plus tôt que celles n’ayant pas eu de DG (16,7% versus 10,1% avant 15 ans ; p=0,36 et 69,5% versus 47,2% entre 15 et 20 ans, p=0,009).Des CAC ont été détectées chez 16,2% des femmes : chez 24,5% des participantes ayant eu un DG contre 15% de celles sans DG (p=0,005). La proportion de femme avec CAC ne variait pas en fonction des catégories de tolérance au glucose chez les femmes ayant eu un DG mais était d’autant plus élevée que la catégorie de tolérance au glucose s’aggravait chez les femmes sans DG (p=0,003). Parmi les femmes avec une normoglycémie à la fin de l’étude, la proportion de femmes avec CAC était de 12,9% des femmes sans DG et 28,3% des femmes avec DG (p=0,002). Chez les femmes avec un prédiabète ou un diabète à la fin de l’étude, il n’y avait pas de différence de prévalence de CAC en fonction du statut DG. Le score CAC augmentait avec le temps avec une proportion de CAC > 10 plus élevée à 25 ans qu’à 15 ou 20 ans. Les données de score CAC correspondaient aux valeurs attendues pour l’âge des patientes. Parmi les femmes avec DG, l’index HOMA-IR a augmenté dans tous les groupes de tolérance au glucose (p=0,07) sans différence de poids entre les groupes. Parmi les femmes étant resté normoglycémiques au cours du suivi, celles ayant eu un DG avaient une Protéine C-réactive (CRPus) plus élevée que celles n’ayant pas eu de DG mais sans différence du HOMA-IR moyen. L’augmentation du score CAC était associée au développement d’un diabète, d’un syndrome métabolique, d’une hypertension artérielle, de complications gestationnelles, à l’utilisation d’hypolipémiant mais aussi à un IMC, une insulinémie, un HOMA-IR, une CRP us, un LDL-C et des triglycérides plus élevés et à un HDL-C plus bas lors du suivi. En analyse multivariée, le statut de DG était associé à un risque plus élevé de score CAC augmenté : 1,73 (IC95% 1,18-1,52) (ajustement sur l’âge, l’ethnie, la pression artérielle systolique avant grossesse, l’IMC préconceptionnel et le tabagisme). Par rapport aux femmes n'ayant pas d'antécédent de DG et normoglycémiques, le risque de CAC chez les participantes avec antécédent de DG était plus que doublé si elles avaient développé ensuite un prédiabète (HR 2,13 ; IC95% 1,09-4,17) ou un diabète (HR 2,02 ; IC95% 0,98-4,19), mais également si elles étaient revenues à une normoglycémie (HR 2,34 IC 1,34-4,09). En l'absence d'antécédent de DG, le risque de CAC au cours du suivi était augmenté de 54% en cas de développement d'un prédiabète, et multiplié par 2,17 (IC95% 1,3-3,62) en cas de survenue d'un diabète.

Ainsi, cette étude montre pour la première fois que le risque de maladie CV chez des femmes d’âge moyen ayant eu un DG n'est pas diminué si elles reviennent à une glycémie normale après grossesse avec un risque multiplié par 2,  indépendamment des données sociodémographiques, cliniques et du mode de vie. Cela suggère qu’une histoire de DG peut modifier en soi le risque CV indépendamment de la tolérance au glucose ultérieure. Parmi les hypothèses mécanistiques, un antécédent de DG pourrait perturber la physiologie vasculaire via la résistance à l'insuline et l'altération de la sécrétion d'insuline, qui favorisent les plaques athérogènes indépendamment de la dysglycémie. Dans ce contexte, il parait plus que souhaitable que les femmes ayant eu un DG soient dépistés à la fois quant aux facteurs de risque CV  et quant à la pathologie CV elle-même pour une prévention précoce et individualisée.

 

Références

[1] Casagrande SS,  et al. Prevalence of gestational diabetes and subsequent type 2 diabetes among U.S. women.  Diabetes Res Clin Pract. 2018;141:200–208.
 
[2] Vandorsten JP, et al. NIH consensus development conference: diagnosing gestational diabetes mellitus. NIH Consens State Sci Statements. 2013;29:1–31.
 
[3] Bellamy L, et al. Type 2 diabetes mellitus after gestational diabetes: a systematic review and meta-analysis. Lancet. 2009;373:1773–1779.
 
[4] Kramer CK, et al. Gestational diabetes and the risk of cardiovascular disease in women: a systematic review and meta-analysis. Diabetologia. 2019;62:905–914.
 
[5] Heida KY, et al. Earlier age of onset of chronic hypertension and type 2 diabetes mellitus after a hypertensive disorder of pregnancy or gestational diabetes mellitus. Hypertension. 2015;66:1116– 1122.
 
[6] Jaisson S, et al. Increased serum homocitrulline concentrations are associated with the severity of coronary artery disease. Clin Chem Lab Med 2015; 53: 103–110.
 
[7] Tobias DK et al. Association of history of gestational diabetes with long-term cardiovascular disease risk in a large prospective cohort of US women. JAMA Intern Med. 2017;177:1735–1742.
 
[8] Prados M, et al. Previous gestational diabetes increases atherogenic dyslipidemia in subsequent pregnancy and postpartum. Lipids. 2018;53:387– 392.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3m7c95M

vendredi 26 février 2021

L’adversité dans l’enfance influence-t-elle le risque de diabète ?

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Février 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Bengtsson J, et al. Trajectories of Childhood Adversity and Type 1 Diabetes: A Nationwide Study of One Million Children. Diabetes Care. 2021;44:740-747. doi : 10.2337/dc20-1130

 

Le diabète de type 1 (DT1) est une maladie auto-immune dont les mécanismes d’activation restent encore inconnus. Le stress induit par des expériences de malheurs ou d’adversités vécues dans l’enfance est un des facteurs qui pourrait influencer l’activation pathologique du système immunitaire contre les cellules béta productrices d’insuline. En effet, ce stress peut conduire à une dérégulation de la balance immunitaire conduisant à un phénotype pro-inflammatoire [1] mais aussi à une sécrétion accrue de cortisol induisant une pression sur les cellules bêta qui deviendraient plus susceptibles aux attaques auto-immunes [2]. Des études ont ainsi déjà mis en évidence un lien entre adversité et DT1 avec un risque presque 3 fois plus important de développer un DT1 en cas d’exposition à un épisode d’adversité [3] mais avec des limitations dans le nombre de cas et d’autres biais méthodologiques. Les auteurs de cette étude ont déjà montré que seules les filles soumises à un degré important d’adversité avaient un risque plus important de DT1 mais sans analyse du délai entre l’exposition à l’adversité et le début du DT1. Dans cette nouvelle étude, cette équipe danoise a utilisé les données d’un vaste registre national pour analyser l’association entre le niveau et la durée d’exposition à l’adversité et l’apparition d’un DT1.

A partir des formidables registre nationaux danois, tous les enfants nés au Danemark entre 1980 et 1998 et avec des données disponibles sur le niveau d’adversité jusqu’à leur 16 ans ont été inclus soit 1 097 628 sujets. Les facteurs permettant de mesurer le niveau d’adversité étaient recueillis annuellement et incluaient : pauvreté familiale, chômage parental, décès ou maladie somatique ou psychiatrique d’un parent ou d’un membre de la fratrie, famille d’accueil, alcoolisme ou toxicomanie parental et séparation maternelle. A partir de ces données, cinq trajectoires d’adversité ont été définies qui prenaient en compte la durée, la fréquence et l’accumulation de ces facteurs : 1) faible adversité (54% des sujets) ; 2) dénuement matériel avant 5 ans (20%) ; 3) dénuement matériel persistant (13%) ; 4) perte ou menace de perte familial (10%) et 5) adversité élevée et croissante (3%). A noter que les enfants ayant un des parents DT1 ont été exclus (n= 15 635). Les analyses ont été faites séparément selon le sexe et ajustées sur divers facteurs confondants (âge, année de naissance, poids de naissance, DT1 dans la fratrie, origine ethnique…).

Parmi les 1 081 993 sujets analysés, 5 619 ont développé un DT1 durant le suivi dont 1 797 après 16 ans. L’incidence du DT1 n’était pas différente entre les 5 groupes étudiés aussi bien chez les garçons que chez les filles (0,2 à 0,3%). De la même façon, le pic d’incidence du DT1 était d’environ 10 ans chez les filles et 14 ans chez les garçons comme déjà connu. Les seules différences majeures étaient :

  • Un risque 80% significativement plus élevé de DT1 avant 11 ans chez les garçons du groupe 5 (adversité élevée) versus 1 (adversité faible)
  • Un risque significativement 2 fois plus élevé de DT1 après 16 ans chez les filles du groupe 5 (adversité élevée) versus 1 (adversité faible) avec un risque de diabète tardif déjà élevé pour le groupe 4 versus 1 (39%, p<0,05)
 

Cette étude ne montre donc pas d’association claire entre niveau d’exposition à l’adversité et risque de DT1 dans une large population de plus d’un million d’enfants. La seule différence notable est observée chez les 3% de sujets exposés à un niveau d’adversité élevé chez qui le diabète débute plus tôt pour les garçons (avant 11 ans) et plus tard chez les filles (après 16 ans) s’éloignant du pic d’incidence classique de 10 ans chez les filles et 14 ans chez les garçons. Ces résultats ne permettent absolument pas d’expliquer ces observations mais montrent que l’influence d’un haut degré d’adversité sur le risque de DT1 diffère entre filles et garçons. Reste à savoir pourquoi...

 

Références

[1] Faresjö M. The Link between Psychological Stress and Autoimmune Response in Children. Crit Rev Immunol. 2015;35:117-34.
 
[2] Nicolaides NC, Kyratzi E, Lamprokostopoulou A, Chrousos GP, Charmandari E. Stress, the stress system and the role of glucocorticoids. Neuroimmunomodulation. 2015;22:6-19.
 
[3] Nygren M, et al. Experience of a serious life event increases the risk for childhood type 1 diabetes: the ABIS population-based prospective cohort study. Diabetologia. 2015;58:1188-97.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3krEeE3

mercredi 3 février 2021

La testostérone en traitement adjuvant d’un programme d’intervention hygiéno-diététique pour prévenir ou inverser le diabète de type 2 chez les hommes

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Janvier 2021
 
Article du mois en accès libre
 
Wittert G et al., Testosterone treatment to prevent or revert type 2 diabetes in men enrolled in a lifestyle programme (T4DM): a randomised, double-blind, placebo-controlled, 2-year, phase 3b trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2021; 9:32-45. doi : 10.1016/S2213-8587(20)30367-3

 

Une concentration de testostérone sérique basse est fréquemment retrouvée chez les hommes obèses ou en surpoids et est associée à un risque augmenté d’apparition de diabète de type 2 (DT2) [1]. Dans une revue systématique et une méta-analyse, les hommes ayant une concentration de testostérone sérique supérieure à 15,5 nmol/l (447 ng/dl) ont un risque diminué de DT2 comparé à ceux ayant un taux inférieur ou égal à 15,5 nmol/l [2]. Si une perte de poids induite par un programme diététique est connue pour induire une rémission durable de l’intolérance au glucose et du DT2 d’installation récente [3], elle est également associée à une modeste remontée des taux de testostérone chez les hommes obèses ayant une testostérone diminuée sans pathologie hypothalamo-hypophysaire ou testiculaire connue [4]. Dans une étude observationnelle de 229 hommes avec des concentrations initiales de testostérone inférieures ou égales à 12,1 nmol/l (349 ng/dl), un traitement de 8 ans ou plus par injection intramusculaire d’undécanoate de testostérone a permis de prévenir la progression du prédiabète vers le DT2 et d’améliorer le métabolisme glucidique chez les patients DT2 [5]. Il n’existait pas d’essai randomisé contrôlé évaluant le traitement par testostérone pour prévenir ou inverser le DT2 chez des hommes obèses ou en surpoids avec des niveaux sériques bas en cette hormone. Les auteurs ont donc comblé cette lacune en évaluant l’efficacité et la sécurité de ce traitement hormonal contre placebo, en adjuvant d’un programme diététique et d’activité physique sur une durée de 2 ans.

L’étude T4DM (Testosterone for Diabetes Mellitus) était un essai randomisé contrôlé contre placebo en double aveugle de deux ans, de phase 3b, ayant été menée dans 6 centres australiens de troisième recours. Les critères d’éligibilité étaient des hommes âgés de 50 à 74 ans, avec un tour de taille supérieur ou égal à 95 cm, qui avaient soit une intolérance au glucose (glycémie à 2h au cours d’une HGPO entre 7,8 et 11,1 mmol/l) soit un DT2 nouvellement diagnostiqué (glycémie à 2h au cours d’une HGPO entre 11,1 et 15,0 mmol/l) et pour qui l’intervention diététique était possible. Ajouté à cela, les participants devaient avoir un taux de testostérone inférieur à 14,0 nmol/l (40,3 ng/dl). Quelques modifications mineures du protocole ont été effectuées concernant ce seuil de testostérone (abaissé à 13,0 nmol/l), le seuil de glycémie à 2h de l’HGPO (10 patients ont été inclus avec une glycémie à 2h à 7,7 mmol/l et plusieurs autres avec un seuil supérieur à 15,0 mmol/l). Les participants n’étaient pas inclus s’ils étaient à haut risque de faire un évènement cardiovasculaire. Les autres critères d’exclusion incluaient la prise d’un traitement par testostérone dans les 12 mois précédents ou si l’indication de ce traitement était une pathologie de l’axe hypothalamo-hypophysaire et testiculaire, toute prise de médication affectant l’axe hypothalamo-hypophysaire et testiculaire, toute pathologie psychiatrique grave, pathologie maligne récente ou en cours, infection virale chronique, perturbations du bilan hépatique, insuffisance rénale, antécédent de chirurgie bariatrique, traitement par médicaments anti-obésité dans les 6 mois précédents, abus de substances dans les 6 derniers mois et diagnostic ancien de DT1 ou DT2. Les patients étaient recrutés par une infirmière d’étude et randomisés (1:1) dans le bras placebo ou testostérone via un système de randomisation centralisé en ligne. La randomisation était stratifiée sur l’âge, le sexe, le centre, le tour de taille, la glycémie à 2h de l’HGPO, la consommation de tabac et l’antécédent familial de DT2 au premier degré. Les participants et tous les personnels de l’étude ignoraient quel traitement leur était administré. Tous les sujets participaient à un programme d’intervention diététique de 2 ans, réalisé par Weight Watchers (WW). Ce programme offrait un site web interactif ainsi que des réunions hebdomadaires. Les participants étaient invités à utiliser ces deux ressources. Le site web prodiguait des conseils diététiques, des guides d’activité physique, leur donnait des outils pour s’autoévaluer, au niveau des apports caloriques, de la quantité d’activité physique et des modalités de pesée. L’adhésion au programme était évaluée par leur présence ou non à chaque réunion et par la connexion au site ou non. L’undécanoate de testostérone (1000 mg [4 ml]) ou le placebo était administré par injection intramusculaire dans le quadrant supéro-externe du muscle glutéal par l’infirmière d’étude du centre, initialement, à 6 semaines, et ensuite tous les 3 mois pendant 2 ans. Des prises de sang étaient effectuées avant chaque injection. L’activité physique était évaluée par questionnaire validé (Active Australian Survey) qui comprenait 8 questions évaluant la pratique de différents types d’activité physique ainsi que leur intensité et leur durée. A partir de ce questionnaire, il était déterminé si un participant faisait suffisamment d’exercice (c’est-à-dire >150 minutes d’exercice par semaine) à 2 ans.
Les critères de jugement principaux à 2 ans étaient : apparition d’un DT2 (glycémie à 2h de l’HGPO ≥ 11,1 mmol/l) et les changements moyens de la glycémie à 2h de l’HGPO, en analyse en intention de traiter. Les critères secondaires étaient nombreux et incluaient : normalisation de la glycémie à 2h de l’HGPO, l’instauration d’un traitement antidiabétique, l’adhésion au programme hygiéno-diététique, le fait de faire suffisamment d’exercice, et les changements à 2 ans des paramètres suivants : glycémie à jeun, HbA1c, poids, tour de taille, composition corporelle (mesurée par absorptiométrie biphotonique), force musculaire de préhension (mesurée par un dynamomètre), doses des hormones stéroïdiennes, fonctions sexuelle et prostatique mesurées par questionnaires validés.

L’évaluation de la sécurité du traitement a été réalisée par la surveillance masquée de l’hématocrite et des PSA, en plus du recueil habituel des évènements indésirables.

Entre février 2013 et février 2017, 19 022 hommes ont été recrutés, 1007 (5%) ont été randomisés, soit dans le bras placebo (n = 503), soit dans le bras testostérone (n = 504). Les caractéristiques initiales des participants étaient similaires dans les 2 groupes. La dernière visite de suivi a eu lieu en mai 2019 et les données d’HGPO à 2 ans étaient disponibles pour 413 (82%) des 503 participants du groupe placebo et 443 (88%) des 504 participants du groupe testostérone. Sur ces 856 hommes, 172 (20%) avaient un DT2 initialement.

Au bout de deux ans, une glycémie à 2h de l’HGPO ≥ 11,1 mmol/l a été retrouvée chez 87 (21%) des 413 patients avec des données disponibles dans le groupe placébo et 55 (12%) des 443 participants dans le groupe testostérone, soit un risque relatif (RR) à 0,59 ; intervalle de confiance (IC) à 95% (0,43 ; 0,8) p = 0,0007). La variation moyenne de la glycémie à 2h de l’OGTT était de -0,95 mmol/l (±2,78 (écart type)) dans le groupe placebo et de -1,7 mmol/l (±2,47) dans le groupe testostérone (différence moyenne -0,75 mmol/l, (-1,10 ; -1,4) p < 0,0001). L’effet du traitement était indépendant du niveau initial de testostérone. La corrélation observée entre ces deux groupes était de 0,75 (0,72 à 0,78). Concernant les critères de jugement secondaires, une plus grande proportion de participants dans le groupe testostérone avait une normalisation de la glycémie à 2h de l’HGPO à 2 ans mais l’HbA1c était similaire dans les 2 groupes. Le groupe testostérone avait une diminution plus marquée de la glycémie à jeun, du tour de taille, de la masse grasse totale et une augmentation plus marquée de la masse musculaire totale et de la force de préhension mesurée par hand grip-test, comparées au groupe placebo. Le test international des fonctions érectiles montrait également une amélioration du score dans le groupe testostérone, comparé au placebo, tandis qu’il n’y avait pas eu de différence inter groupes dans le score international de symptômes prostatiques.

Concernant les mesures de sécurité, comparées au groupe placebo, il y a eu une augmentation dans la variation à 2 ans de l’hématocrite (4%, (3-4)) et des PSA (0,3 ng/ml, (0,2-0,4) p< 0,0001, tous les deux). Un taux d’hématocrite supérieur au seuil de sécurité de 54% a été observé chez 6 (1%) des 484 participants dans le groupe placebo et 106 (22%) des 491 participants dans le groupe testostérone. Une augmentation minimale de 0,75 µg/ml des PSA a été observée chez 87 (19%) des 468 participants dans le groupe placebo et 109 (23%) des 480 participants dans le groupe testostérone. Des évènements graves se sont produits chez 37 (7,4% (5,4 à 10,0) des 503 participants du groupe placebo et 55 (10,9% (8,5 – 13,9)) des 504 patients du groupe testostérone. Il y a eu également deux décès dans chaque groupe.

Les forces de l’étude sont la durée assez longue de 2 ans, le fort taux de participation des participants, l’inclusion d’un programme diététique et d’activité physique reconnu comme efficace pour la prévention du DT2 chez l’homme, l’administration directe du traitement par l’infirmière de l’étude au moment de la visite au centre de recherche, et deux critères de jugement principaux basés sur une HGPO, plutôt que sur la glycémie à jeun ou l’HbA1c. Le taux d’abandon de 15% est faible par rapport aux études de perte de poids par pharmacothérapie d’une durée de 2 ans.

Les limites de l’étude sont l’exclusion des hommes avec un hypogonadisme relié à une pathologie, le fait que l’adhésion au programme Weight Watchers et d’activité physique soit auto-rapportée, l’absence d’ajustement pour les comparaisons multiples, le fait que certains participants aient arrêté le traitement par testostérone puis repris et aient eu l’HGPO à 2 ans.

Les auteurs soulignent bien que ni les bénéfices ni la sécurité de cette étude ne peuvent être généralisés au-delà cette population à relativement bas risque, avec un programme concomitant d’hygiène de vie et avec un suivi étroit. De plus, vue la fréquence de l’augmentation de l’hématocrite induite par le traitement, il semble prudent, selon les auteurs, de vérifier l’absence d’hématocrite élevée ou les facteurs de risque d’augmentation avant de débuter un traitement par testostérone.

Le traitement par testostérone pendant deux ans permet donc de diminuer la proportion de participants ayant un DT2, en plus des effets d’un programme d’intervention hygiéno-diététique. L’augmentation de l’hématocrite est un facteur limitant du traitement. La durabilité, la sécurité et les effets cardiovasculaires à long terme de l’intervention restent à être étudiés.

 

Références

[1] Gyawali P, Martin SA, Heilbronn LK, Vincent AD et al. The role of sex hormone-binding globulin (SHBG), testosterone, and other sex steroids, on the development of type 2 diabetes in a cohort of community-dwelling middle-aged to elderly men. Acta Diabetol 2018; 55: 861-872.
 
[2] Ding EL, Song Y, Malik VS et al. Sex differences of endogenous sex hormones and risk of type 2 diabetes: a systematic review and meta-analysis. JAMA 2006; 295: 1288-99.
 
[3] Lean MEJ, Leslie WS, Barnes AC et al. Durability of a primary care-led weight-management intervention for remission of type 2 diabetes: 2-year results of the DiRECT open-label, cluster-randomised trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2019; 7: 344-355.
 
[4] Grossmann M. Low testosterone in men with type 2 diabetes: significance and treatment. J Clin Endocrinol Metab 2011; 96: 2341-53.
 
[5] Yassin A, Haider A, Haider KS et al. Testosterone Therapy in Men With Hypogonadism Prevents Progression From Prediabetes to Type 2 Diabetes: Eight-Year Data From a Registry Study. Diabetes Care 2019; 42: 1104-1111.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3jfDOAo

mardi 29 décembre 2020

Moins d’hospitalisations pour amputation mais pas d’amélioration de la mortalité 1 an après amputation dans une population diabétique asiatique

Auteur : 
Benjamin Bouillet
Date Publication : 
Décembre 2020
 
Article du mois en accès libre
 
Secular trends in rates of hospitalisation for lower extremity amputation and 1 year mortality in people with diabetes in Hong Kong, 2001–2016: a retrospective cohort study. Diabetologia 2020 ; 63: 2689–2698. doi : 10.1007/s00125-020-05278-2

 

Le diabète est la première cause d’amputation non traumatique des membres inférieurs (AMI). En plus de son impact fonctionnel et psycho-social, l’AMI est associée à une mortalité élevée. Une méta-analyse récente [1] basée sur des études menées entre 2005 et 2015 rapporte une mortalité de 50% dans l’année qui suit une AMI. L’obtention de données épidémiologiques fiables sur les tendances en termes d’AMI et de mortalité associée est importante pour évaluer si la qualité des soins des patients diabétiques s’améliore et déterminer les ressources qui pourraient optimiser leur prise en charge. Plusieurs études ont montré une baisse du nombre d’AMI chez les patients diabétiques, en Europe et aux Etats-Unis, depuis le début des années 1990 [2]. Cependant, les données en Asie sont rares et une étude récente menée aux Etats-Unis a mis en évidence une augmentation du nombre des AMI chez des patients diabétiques, plus particulièrement âgés de 18 à 64 ans [3]. En outre, peu de données sont disponibles sur l’évolution de la mortalité à un an d’une AMI. Les auteurs de cette étude ont donc déterminé l’évolution des taux d’hospitalisations pour AMI, stratifiées selon le niveau d’amputation, et de la mortalité toutes causes confondues 1 an après une AMI, chez des patients diabétiques, à Hong Kong, entre 2001 et 2016.

L’administration hospitalière de Hong Kong, qui regroupe plus de 90% des hôpitaux publics et privés de cette province de 7,4 millions d’habitants, utilise un dossier médical électronique depuis 2000. L’ensemble des données démographiques, diagnostiques, les procédures de codages, les résultats biologiques et les prescriptions sont collectées et alimentent notamment la base de données de surveillance du diabète. Les critères suivants ont permis d’identifier les patients diabétiques dans la base de données : codage du diabète, HbA1c ≥ 6,5%, glycémie à jeun ≥ 126 mg/dl, prescription d’un médicament du diabète depuis plus de 28 jours. Tous les patients diabétiques de plus de 20 ans ont été inclus dans l’étude. Le codage diagnostic a également permis de collecter les hospitalisations pour AMI, en précisant le niveau d’amputation. Les amputations mineures étaient définies par une amputation d’orteil ou trans-métatarsienne et les amputations majeures concernaient toutes les amputations au-dessus de la cheville. Lorsque plusieurs types d’amputations étaient codés pour un même séjour, seul le geste avec le plus haut niveau d’amputation était pris en compte. Vingt-neuf gestes d’amputations pour lesquels le niveau n’était pas connu et qui correspondaient à 0,3% de l’ensemble des gestes d’amputation sur la période d’analyse, n’ont pas été inclus dans l’analyse. Le registre des décès a permis de définir la mortalité un an après la sortie de l’hôpital pour AMI. La période d’analyse s’étendait de 2001 à 2016. Les analyses statistiques ont été réalisées séparément pour les amputations mineures et majeures, car les conséquences fonctionnelles, les coûts induits et les perspectives de survie sont différentes ; et pour une comparaison plus simple avec les études antérieures. Le taux annuel d’AMI chez les patients diabétiques correspondait au nombre d’hospitalisations pour AMI divisé par le nombre de patients diabétiques en milieu d’année. Une stratification selon le sexe et l’âge (20-64 ; 65-74 et ≥ 75 ans) a ensuite été réalisée. La mortalité cumulée annuelle un an après AMI était calculée en divisant le nombre de décès un an après AMI par le nombre d’AMI. Les taux de mortalité ont été standardisés sur l’âge de la population d’étude en milieu d’année 2016. L’analyse par classe d’âge n’a pas pu être réalisée du fait du faible nombre de décès. Les taux de mortalité à un an ont été mesurés jusqu’en 2015, car il fallait au moins un an de suivi après l’hospitalisation pour AMI.

Entre 2001 et 2016, 390 071 hommes et 380 007 femmes diabétiques, âgés de plus de 20 ans ont été inclus dans la base de données. Parmi eux, 6 113 hospitalisations pour AMI chez les hommes et 4 149 chez les femmes ont été enregistrées. Les amputations majeures concernaient 54 % des AMI chez les hommes et 66,3% de celles chez les femmes. 94% des amputations mineures concernaient un orteil.
Les hommes présentaient un risque 2,3 fois (IC 95% 2,1 ; 2,4) plus élevé d’amputations mineures et 1,6 fois (IC 1,5 ; 1,6) plus élevé d’amputations majeures que les femmes. Le taux d’amputations mineures a diminué de 48,6%, passant de 14,0 (IC 95%  10,4 ; 17,7) à 7,2 (IC 95% 5,8 ; 8,6) pour 10 000 chez les hommes et de 59,5% passant de 7,9 (IC 95% 2,3 ; 13,6) à 3,2 (IC 95% 1,5 ; 4,9) pour 10 000 chez les femmes. Le taux d’amputations majeures a diminué de 77,9% passant de 19,5 (IC 95% 15,5 ; 23,4) à 4,3 (IC 95%  3,5 ; 5,1) pour 10 000 chez les hommes et de 79,3% chez les femmes passant de 11,6 (IC 95% 9,4 ; 13,9) à 2,4 (IC 95% 1,7 ; 3,1) pour 10 000. Les courbes de déclin étaient linéaires, sauf pour les amputations majeures chez les femmes où la baisse annuelle était de 16,4% entre 2001 et 2006 contre 7,2% entre 2006 et 2016. La diminution plus prononcée des amputations majeures était associée à une augmentation significative de la proportion des amputations mineures qui passaient de 38,4 à 58,4% des AMI chez les hommes et de 32,1 à 41,5% des AMI chez les femmes entre 2001 et 2016. Le taux de revascularisation a diminué de 2,7% par an (IC 95% -4,7 ; -0,8) chez les hommes et de 10,5% par an (IC 95% -14,3 ; -6,6) chez les femmes. Il n’a pas été observé de modification significative de l’HbA1c moyenne au cours du suivi chez les sujets qui ont été amputés.
La diminution du nombre d’AMI a été observée dans toutes les tranches d’âge, avec une baisse plus marquée chez les sujets âgés de plus de 75 ans. Cela a conduit à une augmentation de la proportion de sujets amputés d’âge moyen (20-64 ans) qui est passée de 43 à 52,7% chez les hommes et de 14,3 à 29,7% chez les femmes pour les amputations mineures et de 26 à 39% chez les hommes et de 10,3 à 17,2% chez les femmes pour les amputations majeures.
Respectivement 10 924, 10 443, 28 616 et 8 843 hospitalisations pour gangrène, ulcère, cellulite/abcès et artériopathie des membres inférieures ont été enregistrées au cours du suivi. Une diminution significative des taux d’hospitalisation a été observée pour la gangrène, les ulcères et l’artériopathie des membres inférieurs mais pas pour les cellulites/abcès. Cette diminution était plus prononcée pour les sujets de plus de 65 ans en comparaison aux sujets de 20 à 64 ans.
Entre 2001 et 2015, 18,5% des hommes et 21,3% des femmes sont décédés dans l’année qui a suivi une amputation mineure, alors que les taux de mortalité à un an étaient respectivement de 41,8% et 42,0% après une amputation majeure. Les maladies cardio-vasculaires, les pneumonies, les infections et les maladies rénales étaient les principales causes de décès. Après standardisation sur l’âge, le taux de mortalité était presque 3 fois plus élevé après une amputation majeure qu’après une amputation mineure. Il n’existait pas de différence significative en fonction du sexe. Le taux de mortalité à un an après amputation mineure ou majeure était constant au cours du suivi, quel que soit le sexe. Ainsi, la variation annuelle non significative de la mortalité à un an après amputation mineure était de 1,5 % (IC 95% 3,0 ; 6,1) chez les hommes et de 0,6% (IC 95% 4,7 ; 6,1) chez les femmes. La mortalité à un an après amputation majeure avait varié, de manière non significative, de -2,1% par an (IC 95% -4,8 ; -0,6) chez les hommes et de + 2,6% par an (IC 95%I 1,4 ; 6,7) chez les femmes.

Les forces de cette étude étaient la longue période de suivi et une large couverture (>90%) de la population du territoire étudié. Ses faiblesses étaient le caractère administratif des données recueillies avec de potentiels biais de validité, la difficulté à obtenir une prévalence précise des patients diabétiques avec une plaie de pied et une artériopathie des membres inférieurs alors que l’étude ne s’intéressait qu’aux patients hospitalisés et l’absence de comparaison avec des patients non diabétiques.

Cette étude a mis en évidence, dans la province de Hong Kong, une baisse de 50 à 80% des taux d’hospitalisation pour AMI chez des patients diabétiques entre 2001 et 2016. Cette baisse était plus prononcée pour les amputations majeures et chez les sujets de plus de 75 ans. Cette amélioration des taux d’AMI peut s’expliquer par une diminution du tabagisme, une meilleure prise en charge des autres facteurs de risque cardio-vasculaires, une meilleure éducation des patients ou une meilleure prise en charge du pied diabétique. En revanche, l’importance des taux de mortalité à un an et l’absence d’évolution favorable viennent confirmer les données déjà disponibles sur le sujet. Les gestes d’amputation surviennent souvent chez des patients diabétiques aux nombreuses comorbidités associées. La prévention des AMI et l’amélioration de la mortalité post-amputation passent donc par une prise en charge la plus précoce possible des plaies de pied diabétique et une prise en charge optimisée de l’ensemble des facteurs de risque cardio-vasculaire associés.

 

Références

[1] Stern JR, Wong CK, Yerovinkina M et al. A meta-analysis of long-term mortality and associated risk factors following lower extremity amputation. Ann Vasc Surg 2017; 42: 322–327.
 
[2] Harding JL, Pavkov ME, Magliano DJ, Shaw JE, Gregg EW. Global trends in diabetes complications: a review of current evidence. Diabetologia 2019; 62(1):3–16.
 
[3] Geiss LS, Li Y, Hora I, Albright A, Rolka D, Gregg EW (2019) Resurgence of diabetes-related non traumatic lower-extremity amputation in the young and middle-aged adult U.S. population. Diabetes Care 2019; 42: 50–54.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3rEoz7x

lundi 30 novembre 2020

Monitorage du glucose en hospitalisation : la cinquième constante ?

Auteur : 
Louis Potier
Date Publication : 
Novembre 2020
 
Article du mois en accès libre
 
Galindo RJ, et al. Comparison of the FreeStyle Libre Pro Flash Continuous Glucose Monitoring (CGM) System and Point-of-Care Capillary Glucose Testing in Hospitalized Patients With Type 2 Diabetes Treated With Basal-Bolus Insulin Regimen. Diabetes Care. 2020; 43:2730-2735. doi : 10.2337/dc19-2073
Singh LG, et al. Reducing Inpatient Hypoglycemia in the General Wards Using Real-time Continuous Glucose Monitoring: The Glucose Telemetry System, a Randomized Clinical Trial. Diabetes Care. 2020; 43:2736-2743. doi : 10.2337/dc20-0840
Fortmann AL, et al. Glucose as the Fifth Vital Sign: A Randomized Controlled Trial of Continuous Glucose Monitoring in a Non-ICU Hospital Setting. Diabetes Care. 2020; 43:2873-2877. doi : 10.2337/dc20-1016

 

Les progrès technologiques en matière de diabète sont en train de bouleverser la spécialité. Parmi ces progrès, les systèmes de surveillance du glucose interstitiel (en continu : CGM ou par scan : FGM comme le FreeStyle Libre®) ont clairement changé la donne tant en termes de confort pour le patient que de capacité pour le patient et le soignant à améliorer l’équilibre glycémique. Si ces capteurs, surtout le FreeStyle Libre®, sont utilisés depuis quelques années en routine chez les patients diabétiques sous insuline, c’est loin d’être encore le cas en hospitalisation où les glycémies capillaires restent la référence pour la surveillance du diabète. Pourtant, hors service de diabétologie, la gestion du diabète reste complexe pour de multiples raisons : effet hyperglycémiant de la pathologie ayant conduit à l’hospitalisation, parfois corticothérapie, prise alimentaire fluctuante, glycémies à horaires variables, et difficulté d’adaptation de l’insuline. Le monitorage du glucose en continu pourrait permettre d’améliorer l’équilibre glycémique, notamment de diminuer les hypoglycémies mais de nombreuses inconnues existent encore sur la fiabilité et l’efficacité de tels systèmes à l’hôpital. Dans un numéro récent de Diabetes Care, trois essais cliniques, tous américains, ont été publiés simultanément sur ce sujet, chacun testant l’utilisation d’un CGM ou FGM chez des diabétiques en hospitalisation traditionnelle (hors unité de soins intensif USI).
Le premier essai était un essai de fiabilité dont l’objectif était de comparer les données des glycémies capillaires faites au moins 6 fois/jour avec celles de l’ensemble des données issues d’un FGM - le FreeStyle Libre Pro®. L’étude a été conduite à Atlanta et Minneapolis et a inclus 134 patients diabétiques de type 2 (DT2) hospitalisés en médecine ou chirurgie, quel que soit leur traitement antidiabétique antérieur mais avec une glycémie à l’admission entre 1,40 et 4,00 g/l et qui ont tous été mis sous insulinothérapie basal/bolus durant l’hospitalisation. Le FGM a été placé rapidement après l’admission et ses données n’ont pas été utilisées durant l’hospitalisation mais uniquement après pour comparaison avec les valeurs de glycémies capillaires. Au final, 97 patients ont pu être analysés avec une moyenne d’âge de 54 ans, 66% d’hommes et une HbA1c moyenne de 10,2%. Les glycémies moyennes quotidiennes étaient plus élevées sur les 6 glycémies capillaires que le taux de glucose moyen issue du FGM (1,89 vs 1,76 g/l, p< 0,001) avec une différence moyenne de 0,13 g/l. La durée dans la cible (ou pourcentage de valeurs dans la cible pour les glycémies capillaires) entre 0,70 et 1,80 g/l était plus basse avec les glycémies capillaires qu’avec le FGM (48 vs 53%). De la même façon, le temps passé en hyperglycémie était plus important avec les glycémies capillaires alors que celui passé en hypoglycémie était plus faible. Ainsi, les données complètes du FGM mettaient en évidence beaucoup plus de patients ayant fait des hypoglycémies que sur la seule base des glycémies capillaires (56 vs 14% pour < 0 ,7 g/l et 36% vs 4 ,1% pour < 0,54 g/l). Enfin, le MARD (mean absolute relative difference) entre 2 points au même instant de glycémie capillaire et du FGM était de 14,8% mais s’élevait à 28% pour les hypoglycémies même si le nombre d’hypoglycémies ayant pu être matché entre FGM et glycémies capillaires était faible (n=13). En moyenne, 90% des mesures comparées du FGM étaient à ± 30% de la valeur de la glycémie capillaire au même instant. Aucun effet de l’âge ou du poids n’était mis en évidence sur la comparaison FGM et glycémies capillaires.
Les deux autres études étaient des essais randomisés contrôlés dont l’objectif était cette fois de comparer l’effet d’une surveillance du diabète par glycémies capillaires ou CGM sur l’équilibre glycémique durant l’hospitalisation. Le Dexcom G6® a été utilisé dans les deux études. Dans l’étude de Fortmann et al., tous les patients avec 3 glycémies > 2 g/l dans les premières 24h d’hospitalisation et nécessitant une insulinothérapie sous-cutanée ont été inclus. Cette étude monocentrique conduite à San Diego (siège de Dexcom®) a inclus 110 patients chez qui a été posé un CGM : 53 sans possibilité de lecture des données (aveugle) et 57 avec lecture par l’équipe de soins via un moniteur dans le poste de soins (comme une télémétrie ECG dans les unités d’USIC). Les alarmes étaient réglées pour < 0,90 et > 2,50 g/l. Un protocole d’ajustement de l’insuline avait été développé spécifiquement. Les patients du groupe CGM avaient une meilleure glycémie moyenne (2,19 vs 2,38 g/l, p=0,03), un TIR 70-180 plus élevé mais non différent statistiquement (25,3 vs 19,9%, p=0,14) et moins de temps passé en hyperglycémie > 2,5 g/l (27 vs 33%, p=0,04). Le temps passé en hypoglycémie ou le nombre d’hypoglycémies étaient trop faibles pour être comparés entre les deux groupes.
Le deuxième essai d’intervention avait pour objectif plus spécifique d’étudier la capacité du CGM à limiter les hypoglycémies chez des sujets à risque. Au total, 72 patients DT2 estimés à risque élevé d’hypoglycémie et hospitalisés dans un hôpital de Baltimore ont été inclus (traitement par insuline, âge ≥ 65 ans, IMC ≤ 27kg/m², dose d’insuline ≥ 0,6 U/kg/j, ou comorbidités importantes). Tous ont eu un CGM (la moitié en ouvert avec alertes pour des taux de glucose < 0,85 g/L et > 4 g/l et moniteur dans le poste de soins) et l’autre en aveugle. Le basal/bolus avec un protocole d’adaptation était la règle pour tous. Les patients sous CGM ouvert avaient 60,7% moins d’’événements hypoglycémiques (<0,7 g/l) que ceux en CGM aveugle (0,67 vs 1,69 événements/patient, p=0,024). Le temps passé sous 0,7 g/l était logiquement plus faible : 0,4% contre 1,88%. La comparaison était aussi statistiquement favorable au CGM ouvert pour les valeurs < 0,54 g/l. Concernant le TIR, qui n’était pas un objectif de l’étude, il n’y avait pas de différence entre les deux groupes (59 vs 54%, p=0,39). Enfin, à noter que la durée d’hospitalisation était similaire entre les deux groupes pour les deux études.

Ces trois études ouvrent donc la porte à l’utilisation du CGM en hospitalisation classique. La première nous confirme que les données de CGM ne sont pas comparables aux données de glycémies capillaires (plus basses en moyenne mais on ne mesure pas la même chose) tout en restant relativement proche et ne sont pas un frein au développement du CGM à l’hôpital. Les deux autres démontrent pour la première fois sur un grand nombre de patients et avec une méthodologie solide que le CGM peut permettre d’améliorer le contrôle glycémique et limiter les hypoglycémies, deux facteurs potentiellement susceptibles d’aggraver le pronostic du patient. Il faudra encore évaluer l’efficacité du CGM sur des critères plus lourds (mortalité, durée de séjour,…) et à plus large échelle. Cependant, il existe des freins évidents à la diffusion de cette technologie. D’abord la nécessité d’une validation par les autorités et les laboratoires de biochimie (responsables de la fiabilité des lecteurs de glycémies capillaires à l’hôpital). Ensuite, son coût évidemment et la capacité de gérer de tel système par un service et une équipe non diabétologiques. Ce système décharge de la glycémie capillaire mais génère énormément de données et injonctions de soins via les alarmes, ajoutant encore au travail des équipes paramédicales déjà bien sollicitées. Ainsi, le CGM à l’hôpital nécessitera un « service après-vente » de diabétologie avec des protocoles rigoureux, clairs et précis afin de pouvoir gérer efficacement ces nouvelles données. C’était le cas dans ces deux études randomisées mais on est encore un peu loin de la réalité de l’hôpital au quotidien. Reste que ces obstacles franchis, le CGM aura probablement sa place à l’hôpital pour la gestion de la glycémie qui pourrait devenir une constante comme une autre au même titre que le pouls, la tension artérielle ou la saturation. Quand on parle CGM, on parle aussi boucle fermée et on envisage aisément l’intérêt que pourrait avoir la gestion automatisée de la glycémie dans un service de soins permettant de s’affranchir cette fois de toute les contraintes et difficultés de la gestion du diabète. Un essai randomisé maintenant ancien (2017) avait montré une augmentation significative du TIR avec la boucle fermée chez 40 patients DT2 hospitalisés [1]. Pour aller plus loin, un panel d’expert vient d’ailleurs de publier en novembre des recommandations sur l’utilisation du CGM et de la boucle fermée en hospitalisation [2].

 

Références

[1] Thabit H, et al. Closed-loop insulin delivery in inpatients with type 2 diabetes: a randomised, parallel-group trial. Lancet Diabetes Endocrinol. 2017;5:117-124.
 
[2] Galindo RJ, et al. Continuous Glucose Monitors and Automated Insulin Dosing Systems in the Hospital Consensus Guideline. J Diabetes Sci Technol. 2020;14:1035-1064.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/33ukN6e

mardi 27 octobre 2020

Diminution de l’incidence du diabète de type 1 dans une cohorte d’enfants finlandais

Auteur : 
Emilie Montastier
Date Publication : 
Octobre 2020
 
Article du mois en accès libre
 
Parviainen A et al. Decreased Incidence of Type 1 Diabetes in Young Finnish Children. Diabetes Care 2020; Sept dc200604. doi : 10.1056/NEJMoa2003697

 

Le diabète de type 1 (DT1) est l’une des maladies chroniques de l’enfance les plus communes, particulièrement en Finlande, qui enregistre la plus forte incidence au monde [1]. L’incidence mondiale du DT1 est en augmentation, notamment chez le jeune enfant [2]. C’est aussi le cas en Finlande : le taux d’incidence du DT1 chez les enfants de moins de 15 ans y a doublé entre 1980 et 2005, avec l’incidence la plus élevée (4,7%) chez les enfants de moins de 5 ans ; selon les prédictions, cette incidence était encore amenée à doubler à l’horizon 2020 [3]. Néanmoins, la pente de cette augmentation a eu tendance à s’infléchir dans plusieurs pays à fort taux d’incidence entre 2004 et 2013 [4] et un plateau a été atteint en Finlande entre 2006 et 2011 [5]. Les auteurs ont cherché à évaluer les tendances récentes dans l’évolution de l’incidence du DT1 dans une cohorte d’enfants finlandais.

Dans cette étude, les auteurs ont recruté les enfants de moins de 15 ans diagnostiqués DT1 entre 2003 et 2018 à partir du registre pédiatrique du diabète finlandais. Les données de ce registre ont été collectées depuis 2002 et recensent plus de 90% des enfants finlandais nouvellement diagnostiqués. Les enfants de moins de 6 mois ont été exclus des analyses car leur diabète serait plus probablement dû à une forme monogénique. La distribution du sexe de ce registre suit celle de la population diabétique finlandaise, ce qui limite la possibilité de biais dans cette étude. Les données annuelles d’âge et de sexe de population ont été obtenues à partir du registre central de la population finlandaise. Les auteurs ont calculé les taux d’incidence par sexe et par âge du DT1 pour 100 000 personnes-années. Les 3 catégories d’âge ont inclus les enfants de 0,50 à 4,99 ans, de 5,00 à 9,99 ans, et de 10,00 à 14,99 ans. Pour tenir compte des fluctuations aléatoires des taux d’incidence, les auteurs ont agrégé les données sur des périodes de 4 ans (2003–2006, 2007–2010, 2011–2014, et 2015–2018), pour lesquelles les taux d’incidence par âge et par sexe ont été calculés. Les intervalles de confiance à 95% ont été déterminés en supposant que les taux étaient distribués selon une loi de Poisson. Pour mieux appréhender les changements au cours du temps, les auteurs ont utilisé la période 2003-2006 comme référence et calculé les ratios des taux d’incidence et leurs intervalles de confiance à 95% en appliquant des modèles de régression multiplicatifs de Poisson aux nombres d’enfants diagnostiqués pour un DT1, en utilisant le logarithme népérien des personnes-années comme une variable offset. De plus, les auteurs ont examiné visuellement la distribution des âges au diagnostic par période de 4 ans et testé s’il y avait des différences entre chaque période. En raison de l’absence de normalité des données, les auteurs ont calculé les médianes et les rangs interquartiles des âges au diagnostic et utilisé un test de Kruskal-Wallis. Une analyse de sensibilité pour vérifier la cohérence des résultats vis-à-vis de la division des âges a été réalisée.

A partir du registre finlandais du diabète de l’enfant, 7871 enfants de moins de 15 ans ont été diagnostiqués DT1 en Finlande entre 2003 et 2018. Parmi ces enfants, 4417 (56,1%) étaient des garçons et 3454 (43,9%) étaient des filles. Le taux d’incidence pour 100000 personnes-années durant la période d’étude était de 54,9 (IC 95% 53,7-56,1) en tout, et de 60,3 (58,2-62,1) chez les garçons et 49,2 (47,6-50,9) chez les filles. Le taux d’incidence annuel du DT1 a considérablement fluctué au sein et entre les trois classes d’âge. Dans toute la cohorte, le taux d’incidence /100 000 personnes-années le plus élevé (62,4 (57,3-67,7)) a été observé en 2006, et le nadir (48,2 (43,7-52,9)) s’est produit en 2013. Pour la division en 3 groupes d’âge, le taux d’incidence par classe d’âge /100000 personnes-années durant la période d’étude était de 46,0 (44,1-48,0) dans le groupe le plus jeune, 62,1 (59,9-64,4) dans le groupe d’âge intermédiaire et 56,4 (54,3-58,5) dans le groupe d’âge le plus élevé.

Les données des 3 groupes d’âge ont montré que le taux d’incidence pour 100 000 personnes-années a diminué de 57,9 durant la période 2003-2006 à 52,2 durant la période 2015-2018, ce qui a conduit à un ratio d’incidence de 0,90 (0,85-0,96 ; p=0,001). La diminution la plus marquée a été observée chez les plus jeunes enfants (ratio d’incidence de 0,77 ; p=0,001) et à un moindre degré dans le groupe d’âge intermédiaire (ratio d’incidence de 0,86 ; p=0,002), tandis qu’aucun changement n’a été observé dans le groupe d’âge le plus élevé. Dans le groupe d’âge le plus jeune, la diminution a été significative dans les deux sexes, bien que plus marquée chez les garçons. Dans la classe d’âge intermédiaire, une diminution a été observée uniquement chez les filles. Les analyses de sensibilité (avec la division en deux groupes d’âge) ont retrouvé des résultats similaires pour le groupe d’âge le plus jeune. Il y a eu une diminution significative du taux d’incidence parmi les garçons et les filles de moins de 7 ans et pas de modification des taux d’incidence chez ceux âgés de 7 à 14 ans.

L’âge médian au diagnostic était de 8,02 ans ((écart interquartile IQR) 4,67-11,24), 8,28 ans (IQR 4,90-11,59) chez les garçons et 7,71 ans (IQR 4,44-10,83) chez les filles. L’âge médian au diagnostic a augmenté de 7,88 ans durant la période 2003-2008 à 8,33 ans durant la période 2015-2018. Des différences significatives dans la distribution des âges au diagnostic entre les périodes de 4 ans ont été observées dans toute la cohorte et chez les garçons mais pas chez les filles. En examinant la distribution des âges au diagnostic, les changements les plus marqués ont été observés chez les enfants de moins de 5 ans, chez qui une diminution notable du nombre de nouveaux cas s’est produite au cours du temps.

Ces résultats étaient inattendus dans la mesure où de précédentes études menées en Finlande ou dans d’autres pays avaient montré une augmentation ou une phase de plateau de l’incidence du DT1. De plus, cette augmentation de l’incidence a souvent été retrouvée comme plus présente chez les enfants de moins de 5 ans, aboutissant ainsi à un âge plus précoce au diagnostic. Les changements du taux d’incidence du DT1 ont principalement été attribués aux changements d’exposition à des facteurs environnementaux immunomodulateurs, affectant la progression vers l’auto-immunité contre les îlots de Langerhans. Beaucoup de facteurs environnementaux ont été suspectés comme étant impliqués dans une telle auto-immunité sans qu’aucune causalité n’ait pu être établie. Considérant la nature de cette étude, les auteurs peuvent seulement émettre des hypothèses sur l’association temporelle entre certains facteurs environnementaux et la diminution du taux d’incidence du DT1. Ainsi, l’augmentation des apports en vitamine D (via une politique d’enrichissement du lait) depuis 2002, la diminution nette de la vaccination de Calmette-Guérin (de plus de 98% à 6%) après les changements du programme national de vaccination en 2006, la diminution de l’exposition au rotavirus via la vaccination (disponible en 2006 et incluse dans le programme pédiatrique de vaccination en 2009), et l’augmentation de l’usage des probiotiques oraux chez les enfants et jeunes enfants durant la période d’étude, pourraient être des facteurs associés à cette diminution d’incidence.

L’une des limites de l’étude est que le registre ne donne pas d’information sur les cas de DT1 diagnostiqués à un âge supérieur à 15 ans. Il demeure en effet incertain si le taux d’incidence diminue vraiment ou si les manifestations de la maladie apparaissent à un âge plus tardif. Des études de suivi à plus long terme sont nécessaires pour savoir si cette tendance de diminution d’incidence du DT1 chez les enfants se confirme ou si cela ne serait qu’une fluctuation temporaire ou une régression à la moyenne.

 

Références

[1] Patterson C, Guariguata L, Dahlquist G, Solt ´esz G, Ogle G, Silink M. Diabetes in the young – a global view and worldwide estimates of numbers of children with type 1 diabetes. Diabetes Res Clin Pract 2014; 103:161–175.
 
[2] Patterson CC, Harjutsalo V, Rosenbauer J, et al. Trends and cyclical variation in the incidence of childhood type 1 diabetes in 26 European centres in the 25-year period 1989-2013: a multicentre prospective registration study. Diabetologia 2019; 62:408–417.
 
[3] Harjutsalo V, Sj¨oberg L, Tuomilehto J. Time trends in the incidence of type 1 diabetes in Finnish children: a cohort study. Lancet 2008; 371:1777–17823.
 
[4] Skrivarhaug T, Stene LC, Drivvoll AK, Strøm H, Joner G; Norwegian Childhood Diabetes Study Group. Incidence of type 1 diabetes in Norway among children aged 0-14 years between 1989 and 2012: has the incidence stopped rising? Results from the Norwegian Childhood Diabetes Registry. Diabetologia 2014; 57:57–62.
 
[5] Harjutsalo V, Sund R, Knip M, Groop PH. Incidence of type 1 diabetes in Finland. JAMA 2013; 310:427–428.
 


from Société Francophone du Diabète https://ift.tt/3mrcbEz