jeudi 4 mai 2023

Effet du vérapamil sur le fonctionnement des cellules bêta pancréatiques des enfants vivant avec un diabète de type 1 nouvellement diagnostiqué

Auteur : 
Sopio Tatulashvili
Date Publication : 
Avril 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Forlenza GP, et al. Effect of Verapamil on Pancreatic Beta Cell Function in Newly Diagnosed Pediatric Type 1 Diabetes: A Randomized Clinical Trial. JAMA. 28 mars 2023;329(12):990-90.

 

La surexpression de la protéine TRXIP (protéine d’interaction avec la thiorédoxine) chez les souris induit l’apoptose des cellules bêta et est impliquée dans la mort de ces dernières via un mécanisme de glucotoxicité [1]. Le vérapamil, inhibiteur calcique, diminue l’expression de TRXIP et l’apoptose des cellules bêta du pancréas [2,3] et pourrait être bénéfique pour la préservation de ces dernières après le diagnostic d’un diabète de type 1 (DT1).

L’objectif de cette étude était d’évaluer l’efficacité et la sécurité du vérapamil concernant la préservation des cellules bêta fonctionnelles à 12 mois du diagnostic de DT1 chez les enfants et adolescents âgés de 7 à 17 ans.

Cette étude contrôlée, multicentrique (six centres), randomisée, en double aveugle a été conduite de juillet 2020 à septembre 2022 aux États-Unis. Les critères d’inclusion étaient : DT1 diagnostiqué depuis moins de 31 jours au moment de la randomisation, présence d’au moins un anticorps positif, poids minimal de 30kg, absence de contre-indication au vérapamil. Les participants étaient randomisés en deux groupes : groupe vérapamil (n=47) et groupe placebo (n=41). Le vérapamil était introduit avec des doses progressivement croissantes, adaptées au poids, en une prise journalière. Le critère principal était l’aire sous la courbe (AUC) de peptide C stimulé par un repas (représentant la fonction des cellules bêta du pancréas) à 52 semaines du diagnostic de DT1.

L'âge moyen des 88 participants était de 12,7 (Déviation Standard [DS] 2,4 ans) ans, 47% étaient de sexe féminin, le temps moyen entre le diagnostic du diabète et la randomisation était de 24 (DS + 4 jours) jours. Dans le groupe Vérapamil, l’AUC moyen était de 0,66pmol/mL à l’inclusion et de 0,65 pmol/mL à 52 semaines, comparée à 0,60pmol/mL à l’inclusion et 0,44pmol/mL à 52 semaines pour le groupe placebo. La différence ajustée entre les groupes était de 0,14 pmol/mL [IC95%, 0,01 – 0,27 pmol/mL], p = 0,04, signifiant que la concentration sanguine de peptide C est plus élevée de 30% dans le groupe vérapamil à 52 semaines comparé au groupe placebo. L’HbA1c était de 6,6% dans le groupe Vérapamil comparée à 6,9% dans le groupe placebo à 52 semaines. La différence ajustée entre les groupes était de −0.3% [IC95%, −1,0% - 0,4%]. Un cas d’hypoglycémie sévère est survenu dans chaque groupe. Un cas d’acidocétose est survenu dans le groupe placebo. Au total, 8 participants (17%) du groupe vérapamil et 8 participants (20%) du groupe placebo ont présenté des effets indésirables non significatifs attribués au traitement.

Des résultats similaires ont été démontrés dans une étude de Ovalle et al. chez les adultes. Dans le groupe vérapamil la concentration plasmatique de peptide C était plus élevée à la fin de l’étude avec la différence ajustée entre les groupes (vérapamil n=11 vs. placebo n=14) de l’AUC de peptide C de 35% à 12 mois de traitement [4]. D’autres études de plus longue durée et sur un plus grand nombre de participants sont nécessaire afin de s’assurer de la sécurité et de l’efficacité à long terme du vérapamil dans cette situation.

Pour conclure, le vérapamil a permis de préserver partiellement la sécrétion de peptide C dans une population pédiatrique atteinte de DT1 nouvellement diagnostiqué. Ces résultats, s’ils sont confirmés, ouvrent de nouvelles perspectives dans la prise en charge des DT1 nouvellement diagnostiqués.

 

Références

[1] Chen J, Saxena G, Mungrue IN, Lusis AJ, Shalev A. Thioredoxin-interacting protein: a critical link between glucose toxicity and beta-cell apoptosis. Diabetes. 2008 Apr;57(4):938–44.
 
[2] Xu G, Chen J, Jing G, Shalev A. Preventing β-cell loss and diabetes with calcium channel blockers. Diabetes. 2012 Apr;61(4):848–56.
 
[3] Borowiec AM, Właszczuk A, Olakowska E, Lewin-Kowalik J. TXNIP inhibition in the treatment of diabetes. Verapamil as a novel therapeutic modality in diabetic patients. Med Pharm Rep. 2022 Jul;95(3):243–50.
 
[4] Ovalle F, Grimes T, Xu G, Patel AJ, Grayson TB, Thielen LA, et al. Verapamil and beta cell function in adults with recent-onset type 1 diabetes. Nat Med. 2018 Aug;24(8):1108–12.
 


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jeudi 6 avril 2023

Résultats de l’exposition in utero à la metformine chez les enfants nés de femmes diabétiques de type 2 (MiTy Kids) : suivi à 24 mois de l’essai contrôlé randomisé MiTy

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Mars 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Feig DS. & al., Outcomes in children of women with type 2 diabetes exposed to metformin versus placebo during pregnancy (MiTy Kids): a 24-month follow-up of the MiTy randomized controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol. 2023 Mars. doi : 10.1016/S2213-8587(23)00004-9

 

Les recommandations actuelles ne positionnent pas la metformine comme une option thérapeutique de première intention chez les femmes enceintes diabétiques de type 2 (DT2) [1]. Si l’innocuité pendant la grossesse semble avoir été démontrée tant chez la mère que chez l’enfant en termes de prise pondérale, de survenue d’une hypertension gravidique, de macrosomie ou encore d’hypoglycémies néonatales [2], les effets à long terme chez l’enfant font l’objet de données contradictoires dans la littérature. De par son passage transplacentaire et son action via l’AMP kinase, il a été évoqué des effets délétères à long terme chez les enfants exposés in utero conduisant à une augmentation du risque d’obésité et de syndrome métabolique [3]. Ces hypothèses se sont d’ailleurs vérifiées dans des populations de femmes présentant un syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) ou un diabète gestationnel (DG) [4–6]. Pour autant, aucune étude ne s’est intéressée aux populations de femmes enceintes DT2 alors que la prise en charge d’un DT2 pendant la grossesse est une situation de plus en plus fréquente, exposant à une augmentation de la morbi-mortalité périnatale. C’est dans ce contexte que la présente étude « MiTy Kids » a été réalisée.

Ainsi, l’objectif de l’étude « MiTy Kids » était de déterminer les effets sur l’adiposité de l’exposition in utero à la metformine parmi une cohorte d’enfants suivis jusqu’à l’âge de 2 ans, nés de femmes DT2 traitées par metformine ou placebo pendant la grossesse.

« MiTy Kids » est une étude longitudinale de suivi des enfants nés de femmes ayant participé à l’essai « MiTy ». En résumé, cet essai contrôlé, randomisé, en double aveugle et multicentrique, incluaient 502 femmes enceintes DT2 traitées par insuline. Après randomisation, un traitement par Metformine (1000 mg par voie orale deux fois par jour) ou placebo était ajouté en sus de l’insuline. À l’issue de la grossesse, les femmes ayant participé à l’essai « MiTy » pouvaient accepter d’inclure leurs enfants dans l’étude « MiTy Kids ». Parmi les enfants inclus dans « MiTy Kids », les données anthropométriques (taille, poids, indice de masse corporelle [IMC], mesure des plis cutanés) ont été recueillies à 3 et 6 mois puis tous les 6 mois jusqu’à l’âge de 24 mois. Le critère de jugement principal comportait 2 mesures d’adiposité à 24 mois : l’IMC, exprimé en Z-score, et la mesure des plis cutanés (moyenne de la somme des mesures). La somme des plis cutanés était calculée en ajoutant les mesures des plis tricipital, bicipital, sous-scapulaire et supra-iliaque. Certains marqueurs métaboliques comme la glycémie, l’insulinémie, le profil lipidique, la leptine ou encore l’adiponectine ont été dosés chez 14 enfants du groupe metformine et 17 du groupe placebo. Une comparaison par test de Student a été effectuée entre les groupes puis une régression linéaire a été appliquée avec ajustement sur différents facteurs de confusion.

Parmi les 465 enfants éligibles à « MiTy Kids », 283 (61%) ont participé à l’étude dont 135 nés de mères traitées par Metformine. À 24 mois, aucune différence significative d’adiposité n’était retrouvée tant en termes d’IMC (différence moyenne de Z-score entre les 2 groupes : 0,07 [IC95% -0,31 à 0,45], p=0,72) que de somme des plis cutanés (différence moyenne entre les 2 groupes : 0,8 mm [IC95% -0,7 à 2,3], p=0,31). La dynamique de progression de l’IMC était globalement similaire entre les groupes. Néanmoins, une augmentation plus rapide de l’IMC entre 6 et 12 mois a été observée chez les enfants de sexe masculin dans le groupe metformine par rapport au groupe placebo. Pour autant, les courbes d’IMC se rejoignaient à 24 mois. Après régression linéaire, la metformine n’était pas un facteur prédictif de l’IMC à 24 mois contrairement à l’IMC pré-gestationnel, à un bas niveau socio-économique ou à un moindre temps de sommeil chez la mère. Réalisés sur une faible partie de la cohorte, les dosages des paramètres métaboliques ne retrouvaient, entre les 2 groupes, qu’une différence pour la glycémie à jeun, plus élevée dans le groupe metformine par rapport au groupe placebo (respectivement, 85,5±13,1 mg/dL vs 74,6±7,6 mg/dL, p=0,009). Enfin, le poids des enfants nés de mère DT2 dans cette cohorte était plus important de 1 déviation standard par rapport à la population de référence (courbes de référence de l’OMS).

Ainsi, aucune différence n’est retrouvée à l’âge de 2 ans entre les enfants du groupe metformine et ceux du groupe placebo sur les données anthropométriques étudiées. En outre, cette étude est la première à évaluer les effets à long terme de l’exposition in utero à la metformine chez des enfants nés de mères DT2. Ces résultats sont en contradiction avec d’autres études précédentes menées dans des populations de femmes avec SOPK ou DG. En effet, dans l’essai contrôlé randomisé PedMet, les enfants exposés à la metformine in utero nés de mères présentant un SOPK avaient un IMC plus élevé à 4 ans et entre 5 et 11 ans par rapport aux contrôles [4]. De même, dans l’étude MiGTOFU (Metformine in Gestational Diabetes : The Offspring Follow-Up), les enfants nés de mères traitées par metformine présentaient un IMC et un rapport tour de taille/tour de hanche plus élevés par rapport aux enfants nés de mères traitées par insuline à l’âge de 9 ans alors qu’il n’y avait pas de différence à 7 ans [5]. De même, chez les nouveau-nés dont les mères ont été traitées par metformine pendant la grossesse, une méta-analyse retrouve un plus petit poids à la naissance ainsi qu’une accélération de la courbe pondérale se traduisant par un IMC plus élevé pendant l’enfance comparativement aux enfants nés de mères traitées par insuline [6]. Ainsi, les résultats de la présente étude pourraient être la conséquence d’effets différents de la metformine sur les paramètres anthropométriques selon la population de mères exposées (SOPK, DG ou DT2) ou être liés à une observation à 2 ans, encore trop précoce pour mettre en évidence des différences et nécessitant un suivi à un âge plus tardif.

Cette étude apporte donc des résultats rassurants quant à l’exposition in utero à la metformine en termes d’effets à long terme chez des enfants nés de mères DT2. Néanmoins, des travaux complémentaires sont nécessaires d’une part, pour déterminer la persistance de ces observations au-delà de l’âge de 2 ans et d’autre part, pour valider ces observations dans d’autres cohortes.

 

Références

[1] ElSayed, N.A. & al. 15. Management of Diabetes in Pregnancy: Standards of Care in Diabetes-2023. Diabetes Care 2023, 46, S254–S266.
 
[2] Farrar, D. & al. Treatments for Gestational Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis. BMJ Open 2017, 7, e015557.
 
[3] Nguyen, L. & al. Metformin from Mother to Unborn Child - Are There Unwarranted Effects? EBioMedicine 2018, 35, 394–404.
 
[4] Hanem, L.G.E. & al. Intrauterine Metformin Exposure and Offspring Cardiometabolic Risk Factors (PedMet Study): A 5-10 Year Follow-up of the PregMet Randomised Controlled Trial. Lancet Child Adolesc Health 2019, 3, 166–174.
 
[5] Rowan, J.A. & al. Metformin in Gestational Diabetes: The Offspring Follow-up (MiG TOFU): Body Composition and Metabolic Outcomes at 7-9 Years of Age. BMJ Open Diabetes Res Care 2018, 6, e000456.
 
[6] Tarry-Adkins, J.L & al. Neonatal, Infant, and Childhood Growth Following Metformin versus Insulin Treatment for Gestational Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis. PLoS Med 2019, 16, e1002848.
 


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mercredi 1 mars 2023

Marqueurs de variabilité de l’HbA1c comme facteurs prédictifs du score calcique coronaire et des événements cardiovasculaires dans le diabète de type 1 : résultats de l’étude CACTI

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Février 2023
 
Article du mois en accès libre
 
William B. Horton and Janet K. Snell-Bergeon, Hemoglobin A1c Variability Metrics Predict Coronary Artery Calcium and Cardiovascular Events in Type 1 Diabetes: The CACTI Study. J Clin Endocrinol Metab. 2023 Jan 13;dgad019. doi : 10.1210/clinem/dgad019

 

Les données épidémiologiques montrent que les personnes atteintes de diabète de type 1 (DT1) présentent leur premier événement cardiovasculaire (CV) en moyenne 10 ans plus tôt que la population générale et ont une espérance de vie plus courte de 11 à 13 ans [1]. Cet excès de mortalité CV est notamment dû à une athérosclérose précoce, qui peut être objectivée par une mesure du score calcique coronaire (CAC-score). Malgré une réduction des complications micro- et macro-vasculaires constatée lors des interventions menées pour diminuer l’hémoglobine glyquée (HbA1c), il persiste une différence concernant le risque CV entre les patients DT1 et la population générale [2]. Cette inégalité suggère donc que des facteurs indépendants de la normalisation de l’HbA1c entrent en jeu dans la survenue des maladies CV chez le DT1. La variabilité de l’HbA1c, facteur de risque de complications micro-vasculaires, n’a été envisagé comme facteur de risque de maladie CV chez le DT1 que dans la Finnish Diabetic Nephropathy Study [3]. Devant l’absence d’étude s’intéressant à ce paramètre dans la survenue d’événements CV chez le DT1, les auteurs ont analysé les données de l’étude CACTI (« Coronary Artery Calcification in Type 1 Diabetes ») pour déterminer si la variabilité de l’HbA1c était un facteur prédictif du CAC-score, du volume du tissu adipeux péricardique (TAP) et/ou des événements CV chez les patients DT1.

Les participants à l’étude CACTI avaient entre 19 et 56 ans dont 652 DT1 et 764 contrôles appariés sur l’âge et le sexe. Les participants étaient tous asymptomatiques sur le plan CV et en prévention primaire. Tous les DT1 étaient diagnostiqués depuis au moins 4 ans. Les informations sur les paramètres CV, les maladies CV et le CAC-score ont été recueillies de façon prospective. Chaque participant a bénéficié d’un examen initial et de visites de suivi à 3, 6 et 12 ans. A chaque visite étaient effectués un scanner pour mesurer le CAC-score et le TAP, un examen clinique et biologique des facteurs de risque cardiovasculaire et un questionnaire médical concernant les antécédents du patient et son diabète. Les événements CV recueillis étaient la survenue d’un infarctus du myocarde, d’un accident vasculaire cérébral, d’un pontage coronaire, d’une angioplastie coronaire ou d’un angor instable. Les analyses statistiques multivariées ont été réalisées par régression linéaire, incluaient l’HbA1c à l’inclusion, l’HbA1c moyenne et la variabilité de l’HbA1c (définie comme un changement de 1 écart-type d’HbA1c chez un même participant) et étaient également ajustées pour l’âge, le sexe et la durée du DT1.

Au total, 597 patients DT1 ont été inclus, dont 54 % de femmes, avec un âge moyen de 37 ans, une durée moyenne de diabète de 23 ans, et une HbA1c moyenne à 7,9 %. En analyse par régression linéaire ajustée sur l’âge, le sexe et la durée du DT1, l’HbA1c à l’inclusion (b=0,3998, p=0,0236), l’HbA1c moyenne (b=0,5385, P=0,0109) et la variabilité de l’HbA1c (b=1,1521, P=0,0068) étaient associées à la racine carrée du volume du CAC-score. À l’inverse, seule l’HbA1c moyenne était associée au volume du TAP (b=1,659, P=0,0048). En analyse de survie multivariée ajustée sur l’âge, le sexe et la durée du diabète, l’HbA1c à l’inclusion (Hazard Ratio [HR] 1,47 ; intervalle de confiance à 95 % [IC95%] 1,24-1,82), l’HbA1c moyenne (HR 1,85 ; IC95% 1,51-2,26), la variabilité de l’HbA1c (HR 1,67 ; IC95% 1,02-2,71) et le la variabilité dans le temps de l’HbA1c (HR 1,5 IC95% 1,24-1,82) étaient des facteurs prédictifs indépendants de la survenue d’un événement CV. Une analyse de sensibilité prenant en compte les facteurs de risque CV atténuait légèrement l’effet de ces associations, qui restaient néanmoins significatives à l’exception de la variabilité de l’HbA1c (HR 1,31, IC95% 0,75-2,29).

Ces résultats suggèrent donc que, outre la valeur d’HbA1c en elle-même (par le biais de l’hyperglycémie chronique), sa variabilité influence la survenue d’événements CV chez le DT1. En effet, une analyse récente de la cohorte DCCT/EDIC a montré qu’un CAC-score > 100 chez le DT1 était significativement associé à une augmentation du risque d’événements CV [4]. Cette étude est la première à évaluer la relation entre variabilité de l’HbA1c, volume du TAP, CAC-score et survenue d’événements CV dans une même cohorte prospective de patients DT1.

Le large échantillon de patients DT1, permettant d’extrapoler ces résultats à la population des DT1, le suivi prospectif sur un long terme de la cohorte, l’étude de la relation entre variabilité de l’HbA1c avec des paramètres CV anatomiques tels que le CAC-score et le TAP sont autant de points forts de cette étude. Les limites principales sont : le design observationnel de l’étude, ne permettant pas d’établir de relation de causalité, le faible nombre d’HbA1c disponibles par patients (quatre), le manque d’informations sur les glycémies capillaires et/ou la fréquence des hypoglycémies et le manque de données de glycémies mesurées en continu qui aurait été utile pour déterminer la relation entre variabilité glycémique et critères de jugement principaux.

En conclusion, l’HbA1c à l’inclusion, l’HbA1c moyenne et sa variabilité sont corrélées de façon indépendante aux événements CV et à la racine carrée du volume du CAC. Ces données suggèrent que travailler sur la variabilité de l’HbA1c, i.e. maintenir une HbA1c à l’objectif et stable dans le temps, pourrait donc représenter une stratégie appropriée de prise en charge du DT1.

 

Références

[1] de Ferranti SD, et al. Type 1 diabetes mellitus and cardiovascular disease: a scientific statement from the American Heart Association and American Diabetes Association. Diabetes Care. 2014;37(10):2843-2863.
 
[2] Lind M, et al. Glycemic control and excess mortality in type 1 diabetes. N Engl J Med. 2014;371(21): 1972-1982.
 
[3] Waden J, et al. A1c variability predicts incident cardiovascular events, microalbuminuria, and overt diabetic nephropathy in patients with type 1 diabetes. Diabetes. 2009; 58(11):2649-2655.
 
[4] Budoff M, et al. The association of coronary artery calcification with subsequent incidence of cardiovascular disease in type 1 diabetes: the DCCT/EDIC trials. JACC Cardiovasc Imaging. 2019;12(7 Pt 2):1341-1349.
 


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mercredi 1 février 2023

Vers un nouveau biomarqueur de la polyneuropathie sensitivomotrice diabétique précoce : apport du taux sérique de la chaîne légère de monofilament (NFL)

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Janvier 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Maalmi H & al., Serum neurofilament light chain: a novel biomarker for early diabetic sensorimotor polyneuropathy. Diabetologia. 2022 Dec 6. doi : 10.1007/s00125-022-05846-8. Online ahead of print.

 

La polyneuropathie sensitivomotrice diabétique (PNSD) est caractérisée par une démyélinisation et une perte axonale des nerfs périphériques sensitifs et moteurs [1]. Cette complication micro-angiopathique diabétique représente, pour tout clinicien, un défi tant diagnostique que thérapeutique. Dans le cadre d’essais thérapeutiques, son évaluation objective est complexe. Constat ainsi fait, la recherche d’un test de réalisation simple, peu onéreux et de mise en œuvre aisée apparaît nécessaire que ce soit pour le diagnostic, le suivi ou la recherche clinique. La chaîne légère de monofilament (en anglais, Neurofilament Light Chain [NFL]), composante du cytosquelette des neurones matures, pourrait être un élément de réponse. Déjà utilisée comme biomarqueur dans la sclérose en plaques [2], une récente étude mettait en évidence une corrélation inverse entre le taux sérique de NFL et les mesures de fonctionnalité nerveuse chez des patients diabétiques de type 2 (DT2) depuis 3 ans ou moins [3]. Pour autant, l’association entre taux sérique de NFL et prévalence de la PNSD chez des patients diabétiques de type 1 (DT1) et DT2 reste à déterminer.

Ainsi, l’objectif principal de cette étude était d’évaluer l’association entre taux sériques de NFL et prévalence de la PNSD chez des patients DT1 et DT2, récemment diagnostiqués. Un second objectif visait à déterminer d’autres cibles protéiques comme d’éventuels biomarqueurs.

À partir des données de la cohorte observationnelle prospective « German Diabetes Study », une analyse transversale a été menée sur 423 adultes DT1 ou DT2 dont la durée de diabète n’excédait pas un an. Le dosage de la NFL a été réalisé sur des échantillons de sérum prélevés à jeun par une approche multiplex utilisant la technologie de « proximity extension assay ». Cette méthode repose sur la reconnaissance par deux anticorps, chacun couplé à un oligonucléotide complémentaire, d’une protéine dans un échantillon de sérum. L’approche multiplex permet, en outre, de doser jusqu’à 92 biomarqueurs potentiels sur un faible volume de sérum. Les taux sériques de NFL étaient exprimés en valeur relative, et non en valeur absolue, après normalisation de l’expression protéique (NPX). La PNSD a été évaluée chez chaque participant par un examen neurologique, des études de conduction nerveuse et des tests sensoriels quantitatifs. Les stades de la PNSD ont été définis selon les critères du consensus de Toronto comme subclinique, asymptomatique et symptomatique [4]. L’association entre taux sérique de NFL et PNSD a été déterminée à l’aide d’une régression de Poisson. Des analyses exploratoires ont été menées pour évaluer le potentiel d’autres protéines du panel comme biomarqueur de la PNSD.

Parmi les 423 participants de l’étude, une PNSD était retrouvée chez 66 d’entre eux (16% de la population de l’étude) de stade subclinique, asymptomatique ou symptomatique respectivement chez 41, 11 et 14 participants. Les patients avec PNSD étaient plus souvent de sexe masculin, plus âgés, plus grands et avec un tour de taille plus important que les participants sans PNSD. Après ajustement pour l’âge, une corrélation positive était retrouvée entre le taux sérique de NFL et l’âge au diagnostic (r=0.61, p<0.0001) mais pas avec d’autres facteurs tels que l’indice de masse corporelle (IMC), le tour de taille ou l’HbA1c. Après ajustement pour différents facteurs de confusion (modèle « fully adjusted »), des concentrations sériques plus élevées de NFL étaient positivement associées à la PNSD (risque relatif [RR] pour chaque augmentation de 1 d’expression protéique normalisée = 1,92 ; intervalle de confiance de 95% [IC95 %] (1,50-2,45), p<0,0001) ainsi qu’à des vitesses de conduction nerveuse motrice et sensorielle significativement plus lentes. Aucune interaction n’était retrouvée avec le type de diabète. En revanche, aucune autre protéine testée dans le panel n’a montré un potentiel de biomarqueur.

Une association entre taux sériques de NFL plus élevés et prévalence de la PNSD est donc bien retrouvée dans cette étude chez des patients DT1 et DT2 récemment diagnostiqués. Le caractère indépendant de cette association vis-à-vis de l’âge ou d’autres covariables valide l’hypothèse que la NFL sérique représente un biomarqueur prometteur de la présence d’une dysfonction nerveuse précoce. Ces résultats sont en accord avec ceux de l’étude de Morgenstern et al. [3]. Néanmoins, cette dernière ne rapportait que des éléments de corrélations entre NFL sérique et PNSD et n’incluait que des patients DT2 d’âge avancé avec une durée de diabète (plus de 3 ans) bien supérieure à celle de la présente étude. De même, celle-ci retrouvait, à l’inverse de la présente étude, une différence de taux sériques de NFL entre les patients diabétiques avec neuropathie et une population contrôle non diabétique mais aucunement entre patients diabétiques avec ou sans neuropathie. En outre, des taux sériques élevés de NFL n’étant pas spécifiques de la PNSD, la NFL sérique ne peut s’envisager comme un outil diagnostique de la PNSD. En revanche, il pourrait s’avérer un biomarqueur précieux de suivi tant en pratique clinique courante qu’en recherche thérapeutique.

Néanmoins, certaines limites sont à prendre en compte : (1) le design de l’étude ne permettant pas de déterminer une valeur prédictive de la NFL sérique; (2) l’inclusion de participants avec un bon équilibre glycémique pour lequel l’étendue des lésions nerveuses était moindre que celui de personnes atteintes de diabète moins contrôlé; (3) la prédominance de PNSD subclinique limitant la possibilité de conclure entre taux sérique de NFL et stade de PNSD et enfin (4) la population strictement germanique limitant la généralisation de ces résultats à d’autres populations.

Pour autant, cette étude indique que des taux sériques plus élevés de NFL sont associés à la prévalence de la PNSD et au dysfonctionnement nerveux chez des patients diabétiques récemment diagnostiqués, faisant de la NFL sérique un nouveau biomarqueur de suivi de la PNSD. L’apport potentiel de ce biomarqueur dans la surveillance des patients en pratique clinique courante tout comme son utilité dans les essais cliniques requiert cependant des études complémentaires.

 

Références

[1] Ziegler D, et al. Current concepts in the management of diabetic polyneuropathy. J Diabetes Investig. 2021;12:464–75.
 
[2] Ferreira-Atuesta C, et al. The Evolution of Neurofilament Light Chain in Multiple Sclerosis. Front Neurosci. 2021;15:642384.
 
[3] Morgenstern J, et al. Neuron-specific biomarkers predict hypo- and hyperalgesia in individuals with diabetic peripheral neuropathy. Diabetologia. 2021;64:2843–55.
 
[4] Dyck PJ, et al. Diabetic polyneuropathies: update on research definition, diagnostic criteria and estimation of severity: Diabetic Polyneuropathies. Diabetes Metab Res Rev. 2011;27:620–8.
 


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lundi 2 janvier 2023

Métabolisme glucidique à la suite d’une duodéno-pancreatéctomie : une étude prospective sur trois ans

Auteur : 
Sopio Tatulashvili
Date Publication : 
Décembre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Niwano F, et al. Three-Year Observation of Glucose Metabolism After Pancreaticoduodenectomy: A Single-Center Prospective Study in Japan. J Clin Endocrinol Metab. 25 nov 2022; 107(12):3362‑9. doi : 10.1210/clinem/dgac529

 

Le cancer du pancréas est connu pour son mauvais pronostic vital. Cependant, les progrès technologiques, notamment l’arrivée de l’écho-endoscopie, permettent un diagnostic de plus en plus précoce des pathologies duodéno-pancréatiques. Traités par duodéno-pancréatectomie (DP), plus ou moins chimiothérapie adjuvante, les patients voient leur espérance de vie se prolonger significativement. Dans ce contexte, après une résection partielle de pancréas, se pose la question de la modification du métabolisme glucidique à long terme. L’objectif de ce projet mono-centrique mené au Japon était d’étudier le métabolisme glucidique en termes de diabètes incidents de façon prospective chez les patients ayant subi une DP partielle et d’identifier les facteurs de risques pré-chirurgicaux.

Les participants avaient vingt ans ou plus, n’avaient pas de diabète ni de pancréatite chronique préexistant à la chirurgie. Ont été incluses uniquement les personnes programmées pour une DP partielle réséquant environ 50% du pancréas, dont la tête et le duodénum en entier ainsi que la vésicule biliaire. Les personnes programmées pour tout autre type de chirurgie pancréatique ont été exclues (pancréatectomie totale, longitudinale, distale, etc.). Un test d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO avec glycémie à 0, 30, 60, 90, 120, 150 et 180 minutes) avec 75g de glucose et le dosage de l’HbA1c a été réalisés un mois avant, un mois après la chirurgie et tous les six mois pendant trois ans. Le diabète était diagnostiqué selon les recommandations de l’organisation mondiale de la santé (OMS) (glycémie à jeun ³7mmol/l ou glycémie ³11,1mmol/L à 2 heures de l’HGPO ou HbA1c ³6,5%). L’insuline et le peptide C ont été dosés lors de l’HGPO. Certains index ont été calculés à la recherche de facteurs de risque de diabète incident. L’index insulinique, soit la réponse précoce de l’insuline à la glycémie, a été calculé par la division du delta de l’insuline 0-30min par le delta de la glycémie 0-30min lors de l’HGPO. Un test de la stimulation par glucagon (1mg) a été mené pour calculer le delta du peptide C (0 – 5 minutes).

L’âge moyen des 96 participants (55% d’hommes) était de 66,3±1,1 ans, l’indice de masse corporelle (IMC) de 22,3±0,32 kg/m2, 68% avaient une lésion maligne du pancréas. Pendant le suivi, 33 participants ont développé un diabète (‘progresseurs’) versus 63 ‘non-progresseurs’. L’incidence cumulée du diabète était de 7,3%, 22,1%, 29,0%, 37,9%, 47,1%, 50,2%, et 53,8% à 1, 6, 12, 18, 24, 30, et 36 mois après la chirurgie. Il est à noter qu’avant la chirurgie, certaines caractéristiques du métabolisme glucidique étaient significativement défavorables chez les progresseurs comparés aux non-progresseurs. C’était le cas de l’HbA1c (5,92±0,06 vs 5,64±0,06%, p<0,001), de la glycémie à jeun (5,19±0,10 vs 4,97±0,06 mmol/L, p=0,048), de l’index insulinique (7,96±0,92 vs 21,6± 3,2 mUI/mmol, p<0,001), du delta du peptide C lors du test au glucagon (1,05±0,09 vs 1,33±0,08, p=0,025) et de l’aire sous la courbe (AUC) du glucose post-HGPO (1509,5±40,0 vs 1386,6± 27,1 mmol/L/min, p=0,013). Pour identifier les facteurs de risque de diabète post-DP, des analyses de la régression de Cox uni et multivariée ont été réalisées. En analyse univariée, l’HbA1c (HR 1,097 [IC95% 1,019-1,181], p=0,014), la glycémie à jeun (HR 2,104 [IC95% 1,026-4,311], p=0,042), l’index insulinique (HR 0,919 [IC95% 0,871-0,971], p=0,002) et l’AUC du glucose post-HGPO (HR 1,002 [IC95% 1,001-1,004], p=0,004) étaient associés au diabète incident. Mais suite à l’analyse multivariée, seul l’index insulinique a gardé une association significative (HR=0,932 [0,871-0,997], p=0,04).

L’extrapolation de ces résultats est limitée du fait que la sécrétion de l’insuline basale dans la population japonaise est plus faible comparée aux européens [1], cela pourrait en partie expliquer la différence en incidence cumulée du diabète entre cette étude et la littérature montrant une plus faible incidence [2]. Une autre explication de cette différence pourrait être un assouplissement des critères diagnostiques du diabète comme décrit au-dessus ainsi que la durée de cette étude plus longue, responsable résultant d’une incidence cumulée du diabète plus élevée.

Pour conclure, l’incidence du diabète post-DP n’étant pas négligeable, l’index insulinique pré-chirurgical, comme facteur de risque pourrait être d’une grande aide pour améliorer le diagnostic et la prise en charge du diabète post-DP. D’autres techniques de chirurgie pancréatique restent à étudier en termes de diabètes incidents et de facteurs de risque.

 

Références

[1] Iwahashi H, et al. Insulin-secretion capacity in normal glucose tolerance, impaired glucose tolerance, and diabetes in obese and non-obese Japanese patients. J Diabetes Investig. 2012; 3(3):271–5.
 
[2] Maxwell DW, et al. Development of Diabetes after Pancreaticoduodenectomy: Results of a 10-Year Series Using Prospective Endocrine Evaluation. J Am Coll Surg. 2019;228(4):400-412.e2.
 


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lundi 5 décembre 2022

L’excès de gain de poids au cours de la grossesse influence-t-il le risque de TDAH chez les enfants nés de mères avec diabète gestationnel ?

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Novembre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Perea V, et al. Role of Excessive Weight Gain During Gestation in the Risk of ADHD in Offspring of Women With Gestational Diabetes, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism; 107 (10): e4203–e4211. doi : 10.1210/clinem/dgac483

 

Le diabète gestationnel (DG) est associé à un risque supérieur de désordres neuropsychiatriques chez la descendance. Les effets délétères de l’hyperglycémie sur le développement cérébral fœtal (stress, inflammation chronique, hypoxie...) expliquent en partie ce risque majoré. Outre son impact sur les complications materno-fœtales telles que la macrosomie ou la prématurité, l’obésité maternelle au cours du DG a également été décrite comme associée au trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) [1]. Plus précisément, des études préliminaires ont démonté que la malnutrition engendrait une inflammation à l’origine d’une altération du système sérotoninergique fœtal. Cette altération semble médier, sur le long terme, des effets néfastes concernant la santé mentale de la descendance.

Au-delà de l’obésité, les auteurs sont les premiers à s’être intéressés à l’excès de gain de poids (EGP). L’objectif était de définir le risque pour les enfants, nés de mères avec DG, de développer un TDAH en fonction de l’IMC prégestationnel au cours de leur existence. Au-delà de l’IMC prégestationnel, ils souhaitaient définir l’impact de l’EGP maternel dans cette population spécifique.

Tout enfant unique, né entre janvier 1991 et décembre 2008, de mère avec DG à l’hôpital universitaire de Mutua de Terrassa à Barcelone a été inclus. Quatre groupes d’IMC ont été constitués : < 18,5 kg/m2 ; >18,5 et< 25 kg/m2 ; ≥25 et < 30 kg/m2 ; ≥ 30 kg/m2. Le gain de poids au cours de la grossesse a été défini grâce au dernier poids mesuré lors de la dernière visite anténatale, soustrait du poids prégestationnel. En accord avec les recommandations de l’IOM (Institute of Medicine), le gain de poids préconisé était, respectivement pour chacun de ces groupes en fonction de l’IMC prégestationnel, de 12,5 à 18 kg, 11,5 à 16 kg, 7 à 11,5 kg et de 5 à 9 kg [2]. Les troubles TDAH ont été identifiés dans les dossiers médicaux par les codes de la CIM-10 F90 et F91.

Au total, 1036 enfants ont été inclus. L’IMC prégestationnel moyen était de 25,9 ± 5,4 kg/m2. 27,1% des patientes présentaient un surpoids (25≤ IMC< 30 kg/m2) et 18,8% étaient obèses (IMC ≥ 30 kg/m2). Respectivement, seuls 28,8% et 30% des femmes de ces 2 groupes ont présenté un EGP selon les recommandations. Cet EGP était associé aux complications materno-fœtales : pré-éclampsie, césarienne, macrosomie… en comparaison aux grossesses d’IMC similaires sans EGP. Les enfants ont été suivis pendant une médiane de 17,7 ans. Le taux de TDAH en fonction de l’IMC prégestationnel étaient de 7,4 % (< 18,5 kg/m2), 11,4% (18,5< IMC< 25 kg/m2), 14,2% (25≤ IMC< 30 kg/m2) et 16,4% (IMC≥ 30 kg/m2). Après ajustement sur l’année de naissance, le tabagisme, l’âge maternel, le poids de naissance, le sexe, la prématurité, l’ethnie et la naissance par césarienne, le risque de TDAH était de 1,59 fois plus élevé chez les enfants de mères obèses (IMC≥ 30 kg/m2) [95% IC 1,05-2,41], en comparaison aux femmes de poids normal. A contrario, le surpoids maternel n’était pas associé au risque de TDAH. Le gain de poids maternel médian était de 9,5 kg, sans association significative avec le TDAH dans la descendance. Aucune association significative n'a été retrouvée entre gain de poids maternel et TDAH (approprié, inadéquat ou excessif). Cependant, les auteurs ont analysé la contribution conjointe de l’IMC prégestationnel et de l'EPG dans le risque de TDAH. Dans le groupe obésité (IMC≥ 30 kg/m2), un risque plus élevé de TDAH pour la descendance des femmes avec EGP versus celles avec un poids normal sans EGP a été retrouvé (HR ajusté 2,13 [IC 95%, 1,14-4,01]), contrairement à l'obésité sans EGP (HR ajusté 1,36 [IC 95%, 0,78-2,36]). Le surpoids maternel, avec ou sans EGP, n'était pas associé au TDAH (HR ajusté 1,37 [IC 95 %, 0,72-2,60]).

Dans cette étude, les auteurs ont donc mis en évidence que les TDAH étaient plus fréquemment identifiés chez les enfants, issus de grossesses avec DG, chez les mères en situation d’obésité pré-gestationnelle. L’EGP n’était pas associé à un risque supérieur de TDAH pour la descendance, hormis chez les femmes avec obésité pré-gestationnelle. Notons que l'incidence des troubles du développement neurologique a augmenté au cours des dernières années, ce qui suggère que les facteurs maternels pourraient jouer un rôle. Même si l'hyperglycémie maternelle pendant la période prénatale (à la fois pour le diabète prégestationnel et le DG), augmente la probabilité de diagnostic du TDAH ; il ne s’agit pas du seul facteur. Concernant l’obésité pré-gestationnelle, une vaste étude de cohorte nationale finlandaise incluant 649 043 nouveau-nés a révélé un hazard ratio pour le TDAH de 1,15 (IC 95 %, 1,01-1,30) chez les enfants nés de femmes souffrant de DG par rapport à la population non diabétique, augmentant jusqu'à 1,64 (IC 95 %, 1,42-1,88) chez les femmes souffrant d'obésité pré-gestationnelle [1]. Néanmoins, certaines caractéristiques du DG fortement liées à l'obésité et aux troubles du développement neurologique n'ont pas été prises en compte (diagnostic précoce du DG, utilisation d'insuline, …). Dans l’étude de Perea et al., les auteurs ont montré que la prise de poids maternelle n'était pas indépendamment liée au TDAH. Cependant, lorsqu'elle était évaluée conjointement avec l'obésité maternelle, la présence des deux entités était liée au risque le plus élevé de TDAH chez la progéniture (HR 2,14 ; IC 95 %, 1,14-4,02). Peu d'études ont évalué les conséquences à long terme du DG sur la santé mentale. Dans une étude de cohorte incluant 331 enfants âgés de 2 à 6 ans, le gain de poids (brut ou ajusté pour l'IMC maternel) n'était pas lié aux symptômes du TDAH [3]. A l'inverse, Pugh et al ont observé que la progéniture de mères en surpoids avec un EGP présentait un plus grand nombre d'erreurs d'impulsivité par rapport à leurs homologues avec un gain de poids maternel moyen [4].

Plusieurs points forts de cette étude doivent être soulignés : (1) le suivi de presque 20 ans, (2) le recueil prospectif pendant la grossesse, évitant ainsi le biais de mémoire, (3) la robustesse des codes CIM-10 utilisés (4), les mêmes critères de diagnostic du DG et les mêmes objectifs de traitement ont été appliqués tout au long de la période de collecte des données, et (5) l’inclusion de l’année de naissance dans les modèles ajustés afin de tenir compte des éventuels changements de prise en charge. Il existe également certaines limites, tel que le manque de données induisant de possibles facteurs de confusion potentiels sur les troubles neuropsychiatriques maternels, les facteurs de risque paternels ou le statut socio-économique (1), l’absence de groupe contrôle non diabétique (2), l’utilisation de poids auto-déclaré pour calculer l’IMC prégestationnel (3), l’absence d’ajustement sur l’utilisation de l’insulinothérapie (4).

En conclusion, les auteurs soulignent l’impact de l’EGP sur le risque de développer un TDAH pour la descendance, essentiellement dans la population avec DG et obésité pré-gestationnelle. Ces résultats nous confortent dans la nécessité d’un respect strict des recommandations de gain de poids au cours de grossesses diabétiques afin d’éviter les conséquences à long terme sur la santé mentale de l’enfant.

 

Références

[1] Kong L,et al. The risk of offspring psychiatric disorders in the setting of maternal obesity and diabetes. Pediatrics. 2018;142(3).
 
[2] Institute of Medicine and National Research Council Committee to Reexamine IOM Pregnancy Weight Guidelines. Weight Gain During Pregnancy: Reexamining the Guidelines. National Academies Press; 2009.
 
[3] Fuemmeler BF, et al. Pre-pregnancy weight and symptoms of attention deficit hyperactivity disorder and execu- tive functioning behaviors in preschool children. Int J Environ Res Public Health. 2019;16(4):667.
 
[4] Pugh SJ, et al. Gestational weight gain, prepregnancy body mass index and offspring attention-deficit hyperactivity disorder symptoms and behaviour at age 10. BJOG. 2016;123(13):2094-2103.
 


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lundi 7 novembre 2022

Le risque de fracture ostéoporotique : un argument en faveur des NACOs chez les patients diabétiques de type 2 en fibrillation auriculaire

Auteur : 
Benjamin Bouillet
Date Publication : 
Octobre 2022
 
Article du mois en accès libre
 
Tak Wai Lui D, et al. Evaluation of Fracture Risk Among Patients With Type 2 Diabetes and Nonvalvular Atrial Fibrillation Receiving Different Oral Anticoagulants. Diabetes Care 2022 Sep 20;dc220664. doi : 10.2337/dc22-0664

 

La fibrillation auriculaire (FA) est la première cause d’arythmie cardiaque et touche 40 millions de personnes dans le monde. Environ 30% des patients diabétiques présentent une FA et 15% des patients avec une FA sont diabétiques. La présence simultanée d’un diabète de type 2 (DT2) et d’une FA est associée à une augmentation du risque d’événements cardiovasculaires et de mortalité, qui est plus importante que celle conférée par l’un ou autre de manière isolée. En outre, le DT2 majore le risque d’évènements thromboemboliques liés à la FA. Les traitements anticoagulants, à savoir les antivitamines K (au premier rang desquels la warfarine) et les nouveaux anticoagulants (NACOs) diminuent significativement le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) chez les patients diabétiques et non diabétiques [1]. Les anticoagulants sont ainsi indispensables dans la prise en charge de la FA. La warfarine favorise potentiellement l’ostéoporose car l’ostéocalcine est incorporée à l’os via une carboxylation dépendante de la vitamine K [9]. En théorie, les NACOs n’interfèrent pas avec le métabolisme osseux [2]. L’ostéoporose est responsable d’une augmentation du risque de fracture, notamment vertébrale. Ces dernières sont associées à une augmentation de la morbi-mortalité. Des méta-analyses ont montré que les NACOs étaient associés à un risque de fracture inférieur à celui de la warfarine en population générale [3].
Les patients DT2 présentent un risque de fracture ostéoporotique, vertébrale et du col fémoral, plus élevé que les sujets non diabétiques [4]. La fragilité osseuse au cours du diabète est particulière puisqu’elle est liée à un ralentissement du renouvellement osseux et à une altération de la microarchitecture osseuse, alors qu’elle est liée à une résorption osseuse accélérée dans la population générale. Les données comparant l’effet sur l’os de la warfarine et des NACOs chez les patients diabétiques sont rares.
Cette étude avait donc pour objectif d’évaluer le risque de fracture chez des patients DT2 avec une FA selon qu’ils soient traités par warfarine ou par NACOs.

Cette étude rétrospective de cohorte a été réalisée à partir de l’ensemble des données médicales des hôpitaux publics de Hong Kong. L’ensemble des patients, âgés de plus de 18 ans, présentant à la fois un DT2 et une FA, et ayant débuté un traitement par warfarine ou par un NACO (rivaroxaban, dabigatran, apixaban ou edoxaban), entre le 1er Janvier 2005 et le 31 Décembre 2019, a été inclus dans l’étude.
Les critères d’exclusion étaient les suivants: 1) un antécédent (ATCD) de valvulopathie, d’hyperthyroïdie, de tumeur osseuse, ou d’insuffisance rénale terminale définie par un débit de filtration glomérulaire (DFG) <15 ml/min, l’hémodialyse ou la transplantation rénale ; 2) une FA paroxystique (au cours d’une chirurgie cardiaque, d’une myocardite, d’une péricardite) ; 3) la co-prescription de warfarine et d’un NACO ; 4) l’exposition à un anticoagulant dans les 180 jours précédents l’inclusion. Les patients étaient suivis jusqu’à la survenue d’un des critères de jugement, du décès, d’un changement d’anticoagulant ou jusqu’au 31 décembre 2020. Le critère de jugement principal était un score composite comprenant les fractures ostéoporotiques majeures (vertèbres, humérus proximal, poignet et col fémoral). Les critères de jugement secondaires étaient chacune des fractures ostéoporotiques majeures prises individuellement (membre supérieur [MS], col fémoral et vertèbre).
De nombreuses covariables ont été prises en compte à l’inclusion dans l’étude : âge, sexe, indice de masse corporelle (IMC), pression artérielle systolique et diastolique, ancienneté du diabète, HbA1c, glycémie à jeun, LDL-cholestérol, ratio cholestérol total/ HDL-cholestérol, triglycérides, DFG, statut albuminurique (macroalbuminurie si ratio albuminurie/créatininurie (RAC) > 34 mg/mmol ; microalbuminurie si RAC entre 3,4 et 34 mg/mmol et normoalbuminurie si RAC < 3,4 mg/mmol), comorbidités (ATCD d’insuffisance cardiaque, d’AVC, d’accident ischémique transitoire, de bronchopneumopathie chronique obstructive, d’hépatopathie, d’ostéoporose, de fracture, de polyarthrite rhumatoïde, d’arthropathie inflammatoire, de chute, d’hypoglycémie sévère, de rétinopathie diabétique, d’hyperparathyroïdie, de démence), les prescriptions de médicaments du diabète, d’antihypertenseurs, d’hypolipémiants, d’inhibiteurs de la pompe à proton, d’antidépresseurs, de glucocorticoïdes, de calcium, de vitamine D, de traitement hormonal substitutif, de traitement de l’ostéoporose, d’antiparkinsonien. Un modèle de Cox a été utilisé pour calculer les hazard ratios (HRs).

La présence d’EV a été détectée dans les échantillons pancréatiques des 6 sujets DT1 et dans 2 des 11 échantillons contrôles. Seulement deux autres virus ont été détectés chez deux sujets : EBV chez un des sujets DT1 et parvovirus B19 chez un des sujets contrôles. EBV et parvovirus B19 sont connus pour entrainer des infections persistantes. La positivité sporadique à EBV et parvovirus B19 était donc considérée comme fortuite. Pour confirmer la présence et la contagiosité de l’infection à EV, du tissu pancréatique a été incubé avec des cultures de cellules humaines pendant 3 à 5 jours. Les cellules étaient alors mises en culture avec d’autres cellules non infectées (3 passages au final). La présence d’EV a été confirmée en RT-PCR dans toutes les cultures cellulaires, chez les 6 sujets DT2 et chez les 2 sujets contrôles, initialement positifs, confirmant la viabilité et la contagiosité des souches virales présentes.
Il s’agissait d’EV du groupe B pour 5 sujets DT1 et 1 sujet contrôle, d’EV du groupe C pour un sujet DT1 et d’EV du groupe A pour un sujet contrôle. La caractérisation plus précise des types d’EV n’a pas été possible, probablement en lien avec la faible charge virale et à des mutations du virus.
L’infection à EV n’entrainait qu’une faible diminution de viabilité des cultures cellulaires, suggérant une réplication virale de bas grade. Les analyses réalisées ont également pu confirmer le caractère persistant de l’infection à EV. Enfin, l’expression de VP1, une protéine de la capside d’EV, a été retrouvée en immunohistochimie, dans des îlots pancréatiques et dans le tissu acineux d’un patient DT1 et des deux sujets contrôles.

Un total de 15 770 patients DT2 avec une FA ont été inclus dans l’étude (9 288 dans le groupe NACO et 6 482 dans le groupe warfarine). L’âge moyen était de 75,7 ans, sans prédominance de sexe (50,8% de femmes). L’HbA1c moyenne était de 7,1% avec une ancienneté moyenne du diabète de 9,2 ans. Avant score de propension, les patients sous NACOs étaient plus souvent de sexe féminin, plus âgés, avec un meilleur équilibre glycémique et un IMC plus bas. Les NACOs utilisés étaient l’apixaban (44,8%), le dabigatran (35,1%), le rivaroxaban (18,0%) et l’edoxaban (2,6%). Le suivi médian de l’ensemble de la cohorte était de 20 mois [11-52], du groupe NACO de 16 mois [8-27], du groupe warfarine de 50 mois [20-88].
Une fracture ostéoporotique majeure a été observée chez 551 patients (3,5%), dont 201 (2,2%) dans le groupe NACO et 350 dans le groupe warfarine (5,4%). L’incidence cumulée ajustée de fractures majeures était plus faible dans le groupe NACO (1,02 pour 100 personnes-années; [95% IC : 0,88-1,19]) que dans le groupe warfarine (1,26 pour 100 personnes-années ; [95% IC : 1,11-1,44]). Le risque de fracture ostéoporotique était 20% plus faible chez les patients sous NACOs (HR=0,80 [95% IC : 0,64-0,99], P = 0,044)).
Concernant les types de fractures ostéoporotiques, 384 patients (2,4%) ont présenté une fracture du col fémoral, 164 (1,0 %) ont présenté une fracture du MS et 67 (0,4%) une fracture vertébrale. Seul le risque de fracture du col fémoral était significativement moins important sous NACO (HR 0,74  [95% IC : 0,57-0,96], P=0,025). L’analyse en sous-groupes retrouvait un effet protecteur contre les fractures ostéoporotiques sévères uniforme en faveur des NACOs, quels que soient le sexe, l’âge, l’HbA1c, l’ancienneté du diabète et les ATCD d’hypoglycémies sévères.

Les points forts de cette étude sont son caractère national et une population uniquement diabétique, permettant des analyses en sous-groupe selon des facteurs spécifiques au diabète. Ses points faibles sont : 1) son caractère observationnel, qui n’a pas permis de mesurer certains facteurs confondants, comme la densité minérale osseuse ; 2) la possibilité que des fractures vertébrales asymptomatiques n’aient pas été diagnostiquées, mais il n’y a pas de raison pour que l’absence de diagnostic soit différente en fonction de l’anticoagulant utilisé ; 3) l’absence d’information sur le temps dans la cible thérapeutique pour la warfarine et sur les événements traumatiques pouvant causer des fractures; 4) l’absence de données sur l’observance médicamenteuse.

Cette étude est la première à comparer le risque de fractures ostéoporotiques associé aux NACOs et à la warfarine, spécifiquement chez les sujets diabétiques en FA. Elle montre que l’utilisation des NACOs est associée à une diminution de 20% du risque de fracture ostéoporotique majeure, notamment du col du fémoral, chez les sujets DT2 en FA. Même si, en l’absence de contre-indication, les NACOs sont devenus le traitement anticoagulant de 1ère intention en cas de FA, cette étude apporte un argument supplémentaire pour préférer leur utilisation chez les patients DT2, qui présentent déjà un surrisque de fracture et de complications post-fracture.

 

Références

[1] Itzhaki Ben Zadok O, Eisen A. Use of nonvitamin K oral anticoagulants in people with atrial fibrillation and diabetes mellitus. Diabet Med 2018; 35:548–556.
 
[2] De Caterina R, et al. Vitamin K antagonists and osteoporotic fractures: insights from comparisons with the NOACs. Eur Heart J 2020;41:1109–1111.
 
[3] Huang HK, et al. Fracture risks in patients treated with different oral anticoagulants: a systematic review and meta-analysis. J Am Heart Assoc 2021;10:e019618.
 
[4] Napoli N, et al. Mechanisms of diabetes mellitus-induced bone fragility. Nat Rev Endocrinol 2017; 13:208– 219.
 


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