Plus de 10 essais randomisés contrôlés ont montré la supériorité de la chirurgie bariatrique sur la prise en charge diététique classique pour le contrôle du diabète de type 2 (DT2) et la réduction du risque cardiovasculaire chez les patients DT2 et obèses [1]. C’est également le cas pour plus de 30 grandes études comparatives de cohorte qui ont toutes rapporté une diminution du risque de mortalité toutes causes après ce type de chirurgie [2]. Cependant, la majorité de ces essais cliniques s’est intéressée aux effets favorables du bypass gastrique (BPG), alors que, dans le même temps, la sleeve gastrectomie (SG) est devenue l’intervention bariatrique la plus pratiquée [3]. Mais les données à long terme sur l’efficacité de la SG sur les complications micro et macro-vasculaires du DT2 et la mortalité sont limitées. Afin d’aider les patients à choisir la procédure chirurgicale la plus appropriée pour eux, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte : le risque chirurgical, les effets de chaque procédure sur le poids corporel et les comorbidités, l’existence de certaines comorbidités et troubles mentaux, des facteurs comportementaux et le niveau de la perte de poids souhaitée. Un autre facteur à prendre en considération dans ce choix est de comprendre les différences d’effet de chaque procédure sur le risque d’évènements cardiovasculaires majeurs (MACE). Le but de cette étude était donc de déterminer quel type d’intervention de chirurgie bariatrique était associé à la plus forte diminution du risque de MACE chez les patients DT2 et obèses.
Cette étude est une analyse secondaire d’une précédente étude de cohorte appariée qui avait retrouvé une association entre la chirurgie métabolique et la diminution du risque de MACE chez les patients DT2 et obèses [4]. Un total de 13 490 patients incluant 1 362 patients opérés d’un BPG, 693 d’une SG et 11 435 patients non-opérés obèses et DT2 appariés sur les patients opérés (1 opéré pour 5 non opérés), a été analysé. Les critères d’appariement étaient l’âge, le sexe, l’IMC, la localisation du centre (Ohio ou Floride), l’usage d’insuline et la présence de complications du diabète. Tous ont reçu les soins à la Clinique de Cleveland (1998-2017), avec un suivi jusqu’en décembre 2018. Les auteurs ont estimé le temps jusqu’à la survenue d’un MACE (défini comme la première apparition d’un évènement coronarien, d’un AVC ou AIT), d’une insuffisance cardiaque, d’une néphropathie, de fibrillation atriale et d’un décès toute cause grâce à une analyse par régression de Cox multivariée.
L’IMC médian des groupes opérés de BPG, de SG, et le groupe contrôle était de 45,3, 44,7, et 42,6 kg/m², respectivement. La durée de suivi médiane pour les groupes opérés de BPG, de SG et le groupe contrôle était de 4,0 ans (écart inter quartile IQR 1,3–7,0), 2,0 ans (IQR 0,7–4,1), et 4,0 ans (IQR 2,1–6,1), respectivement. Globalement, les covariables initiales étaient bien équilibrées entre les 3 groupes étudiés.
L'incidence cumulée du critère primaire d’évaluation à 5 ans était de 13,7% (IC95% 11,4-15,9) dans le groupe BPG et de 24,7% (IC95% 19,0-30,0) dans le groupe SG, avec un hazard ratio (HR) ajusté de 0,77 (IC95% 0,60-0,98, P= 0,04). Dans le groupe de sujets non opérés, l’incidence cumulée à 5 ans du critère d’évaluation primaire était de 30,4% (IC95% 29,4–31,5). Les 2 procédures chirurgicales étaient associées à une plus faible incidence cumulée du critère primaire à 5 ans comparé au traitement médical : HR 0,53 (IC95% 0,46–0,61, P < 0,001) après BPG et HR 0,69 (IC95% 0,56–0,85, P < 0,001) après SG.
Sur les 6 critères d’évaluations secondaires individuels, le BPG était associé à une incidence cumulée significativement plus basse de néphropathie à 5 ans comparé à la SG (2,8% vs. 8,3%, respectivement ; HR 0,47 [IC95% 0,28-0,79], p= 0,005). De plus, le BPG était associé à une plus forte diminution du poids corporel (9,7%, IC95% 9,3–10,1, p < 0,001, de différence en faveur du BPG), de l’HbA1c, et d’un moindre nombre de médicaments pour traiter le diabète et les maladies cardiovasculaires. Cinq après le BPG, les patients avaient aussi plus souvent recours à la fibroscopie oeso-gastro-duodénale (45,8% vs. 35,6%, p <0,001) et à d’autres procédures de chirurgie abdominale (10,8% vs. 5,4%, p= 0,001) comparé à la SG.
Les limites de cet essai étaient le fait qu’elle était issue d’une première étude qui n’était pas conçue pour comparer les 2 sous-groupes (BPG et SG), le fait que le groupe SG était de plus petite taille et avait une durée de suivi légèrement inférieure, les erreurs possibles liées au recueil de données (erreurs de diagnostic ou de classification), l’absence de données concernant les causes de décès, le fait que ce soit les prescriptions médicales de médicament qui ont été recueillies (et non la prise effective des médicaments par les patients), l’absence d’analyse des évènements indésirables chirurgicaux qui n’ont pas donné lieu à une intervention et enfin, le fait que certains patients aient reçu des agonistes des récepteurs du GLP-1 et des inhibiteurs de SGLT2 (ce qui pourrait avoir contribuer à améliorer le risque cardio-vasculaire !).
Chez les patients obèses et DT2, le BPG semble associé à une plus grande perte de poids, un meilleur contrôle du DT2, un risque réduit de MACE et de néphropathie comparé à ce qui est obtenu après une SG.
Références
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