lundi 13 mai 2024

Durée d’allaitement au cours de la vie et risque cardiovasculaire chez les femmes atteintes de diabète de type 2 ou ayant des antécédents de diabète gestationnel : données issues de deux grandes cohortes prospectives

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Avril 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Anna Birukov, & al. - Lifetime Duration of Breastfeeding and Cardiovascular Risk in Women With Type 2 Diabetes or a History of Gestational Diabetes: Findings From Two Large Prospective Cohorts. Diabetes Care 25 March 2024; 47 (4): 720–728. doi : 10.2337/dc23-1494

 

L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l'allaitement maternel exclusif pendant les 6 premiers mois de la vie et la poursuite de l'allaitement pendant au moins les 2 premières années, avec l'introduction de compléments alimentaires à partir de 6 mois post-partum [1]. Cependant, moins de 50% des femmes dans le monde allaitent selon les recommandations de l'OMS. Plus la durée d’allaitement est longue chez une femme non diabétique, moins le risque de maladies cardiovasculaires est important. Or, la question de savoir si l'allaitement, en tant que facteur de risque modifiable, est associé à un risque plus faible de maladies cardiovasculaires (MCV) dans la population à haut risque de femmes atteintes de diabète de type 2 (DT2) ou ayant des antécédents de diabète gestationnel (DG) n'a pas été étudiée jusqu'à présent. Cependant, le DT2 est associé à un risque relatif accru de MCV jusqu’à 50% plus élevé chez la femme que chez l’homme [2]. Par ailleurs, il est également établi que le DG constitue un facteur de risque cardiovasculaire chez les femmes, en présence mais également en l’absence de développement d’un DT2 ultérieurement [3]. Il est donc important d'identifier les déterminants modifiables précoces du risque de MCV spécifiques de ces femmes à haut risque.

Cette étude a inclus 15 146 parturientes atteintes de DT2 issues des études de cohortes prospectives américaines Nurses’Health Study I et II (NHS I, NHS II), ainsi que 4 537 parturientes ayant un antécédent de DG issues de NHS II. Ces études prospectives sont encore en cours, initiées respectivement en 1976 et en 1989, et ont permis le recrutement d’infirmières en âge de procréer. Dans les deux cohortes, des questionnaires envoyés par la poste ont été adressés tous les deux ans pour évaluer les facteurs liés à la reproduction et au mode de vie ainsi qu’à l'état de santé, avec des taux de suivi >90%. Ont été exclues les femmes nullipares, les parturientes aux antécédents de MCV ou de cancer, celles n’ayant pas répondu aux questionnaires ou aux questions spécifiques à l’allaitement. Le suivi s'est terminé en juin 2016 pour les participants au NHS I et en juin 2017 pour les participants au NHS II. Les auteurs ont défini les catégories de durée d’allaitement cumulatif dans les deux cohortes comme suit : 0 mois, 1-6 mois, 7-18 mois et >18 mois. Les catégories de durée totale d'allaitement exclusif au cours de la vie ont été définies comme suit : 0 mois, 1-6 mois, 7-12 mois et >12 mois. Les MCV incidentes détectées étaient les accidents vasculaires cérébraux (AVC), ou les maladies coronariennes (infarctus du myocarde [IDM] fatal ou non, revascularisation par pontage aorto-coronarien [PAC] ou par intervention coronarienne percutanée [ICP]).  Des modèles de Cox ont permis d’estimer les rapports de risque ajustés (RRA) et les intervalles de confiance à 95% (IC95%).

Au total, 6 339 (41,9%), 3 265 (21,6%), 3 197 (21,1%) et 2 345 (15,5%) femmes atteintes de DT2 ont allaité pendant une durée cumulée de 0, 1-6, 7-18 et 18 mois, respectivement. Parmi les femmes ayant déjà eu un DG, la distribution correspondante pour la durée de l'allaitement était de 17,6%, 17,7%, 34,1% et 30,5%. Ont été détectés 1 159 (7,7%) cas incidents de MCV chez les femmes atteintes de DT2 sur 1888 874 personnes-année de suivi, et 132 (2,9%) cas incidents de MCV chez les femmes avec un antécédent de DG sur 100 218 personnes-année de suivi. Chez les femmes atteintes de DT2, une durée d'allaitement plus longue au cours de la vie était associée de manière significative à un risque plus faible de MCV avec un RRA de 0,68 [IC95% : 0,54-0,85] pour une durée d'allaitement de plus de 18 mois par rapport à une durée de 0 mois, et de 0,94 [IC95% : 0,91-0,98] par augmentation de 6 mois de la durée d'allaitement. Les associations persistaient pour l’analyse des maladies coronariennes (RRA 0,93 [IC95% : 0,88-0,97]) mais pas pour les AVC (0,96 [IC95% : 0,91-1,02]) par incrément de 6 mois d'allaitement. Chez les femmes ayant des antécédents de DG, un allaitement de plus de 18 mois par rapport à un allaitement de 0 mois était associé à un RRA de 0,49 [IC95% : 0,28-0,86] pour l’ensemble des MCV. L’association persistait également pour l’analyse des maladies coronariennes (RRA 0,38 [IC95% : 0,20-0,71]). En cas d’allaitement exclusif par rapport à l’absence d’allaitement, le risque de MCV et de coronaropathie chez les femmes atteintes de DG était encore plus faible. Aucune association significative n’a été observée entre la durée de l’allaitement exclusif et les AVC. La période de ≥ 18 mois présentait le risque de MCV le plus faible. Notons que chez les femmes atteintes de DT2, aucun effet statistiquement significatif n’était en lien avec l’âge à l’inclusion, l’âge au premier accouchement, l’Indice de Masse Corporelle pré-conceptionnel, le tabagisme, les antécédents familiaux cardiovasculaires, ou encore l’activité physique. Chez les femmes aux antécédents de DG, seul le statut pré-ménopausique diminuait le risque de MCV lors d’un allaitement ≥ 12 mois, en comparaison aux femmes aux antécédents de DG ménopausées.

Les auteurs ont donc, au travers de ces deux larges cohortes prospectives, mis en évidence que la durée d’allaitement au cours de la vie était inversement associée au risque de MCV, indépendamment d’autres facteurs de risque cardiovasculaire, chez les femmes atteintes de DT2. Cette association était également significative chez les femmes aux antécédents de DG. Cette étude nous informe également d’une association inverse encore plus forte en cas d’allaitement maternel exclusif. Ces résultats sont concordants avec des études antérieures en population générale [4]. Notons également qu’une relation inverse entre l’allaitement et l’athérosclérose subclinique a déjà été démontrée [5]. Les mécanismes d’implication sont multiples et ne sont pas encore tous élucidés. Les auteurs citent ici l’influence de l’allaitement sur le métabolisme glucidique et lipidique, la réduction du stress oxydatif et la perte de poids. Le rôle de l’ocytocine est également à considérer, par ses effets hypotenseurs, vasodilatateurs, hypoglycémiants, anti-oxydants et anti-inflammatoires [6]. Enfin, l’allaitement induit une réponse minimisée au stress en raison de plus faibles réactions du système nerveux autonome.

Les points forts de l’étude sont le grand nombre de parturientes, la longue durée et les taux satisfaisants de suivi, l’utilisation de mesures répétées du mode de vie et des variables reproductives, et les analyses de plusieurs résultats liés aux MCV. Cependant, certains points faibles sont à évoquer : 1/ certaines femmes atteintes de diabète n’ont peut-être pas été diagnostiquées dans la cohorte en l’absence de dépistage universel, 2/ la durée de l'allaitement a été évaluée au moyen d'auto-évaluations pouvant avoir entraîné une erreur de classification, 3/ la nature observationnelle de l’étude ne permet pas de mettre en lumière une relation causale, 4/ les analyses ont été menées sur des cohortes d'infirmières blanches majoritairement non hispaniques, ce qui minimise les risques de confusion liés aux facteurs culturels et socio-économiques, mais peut limiter la généralisation des résultats à l’ensemble des parturientes.

En conclusion, cette étude démontre qu’une durée d'allaitement plus longue est associée à un risque plus faible de MCV chez les femmes atteintes de DT2 ou ayant des antécédents de DG. Cela nous encourage d’autant plus à promouvoir l’allaitement dans cette catégorie particulière de parturientes, l’allaitement apparaissant alors comme une stratégie de prévention primaire chez ces femmes à haut risque cardiovasculaire.

 

Références

[1] Perez-Escamilla R, Tomori C, Hernandez- Cordero S, et al.; 2023 Lancet Breastfeeding Series Group. Breastfeeding: crucially important, but increasingly challenged in a market-driven world. Lancet 2023;401:472–485.
 
[2] Regensteiner JG, Golden S, Huebschmann AG, et al.; American Heart Association Diabetes Committee of the Council on Lifestyle and Cardiometabolic Health, Council on Epidemiology and Prevention, Council on Functional Genomics and Translational Biology, and Council on Hyper- tension. Sex differences in the cardiovascular consequences of diabetes mellitus: a scientific statement from the American Heart Association. Circulation 2015;132:2424–2447.
 
[3] Kramer CK, Campbell S, Retnakaran R. Gestational diabetes and the risk of cardiovascular disease in women: a systematic review and meta-analysis. Diabetologia 2019;62:905–914.
 
[4] Stuebe AM, Michels KB, Willett WC, Manson JE, Rexrode K, Rich-Edwards JW. Duration of lactation and incidence of myocardial infarction in middle to late adulthood. Am J Obstet Gynecol 2009;200:138.e1–138.e8.
 
[5] Gunderson EP, Quesenberry CP Jr, Ning X, et al. Lactation duration and midlife atherosclerosis. Obstet Gynecol 2015;126:381–390.
 
[6] Gutkowska J, Jankowski M. Oxytocin revisited: its role in cardiovascular regulation. J Neuroendocrinol 2012;24:599–608.
 


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mardi 16 avril 2024

Resmetirom dans le traitement de la stéatohépatite métabolique associée à une fibrose hépatique : résultats de l’essai contrôlé, randomisé, de phase 3 MAESTRO-NASH

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Mars 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Harrison SA & al., A Phase 3, Randomized, Controlled Trial of Resmetirom in NASH with Liver Fibrosis. N Engl J Med. 2024 Feb 8;390(6):497-509. doi : 10.1056/NEJMoa2309000

 

En décembre 2023, dans ce même Coin de la Biblio SFD, nous abordions les résultats de l'essai MAESTRO-NAFLD-1, essai contrôlé, randomisé, de phase 3 paru dans Nature Medicine évaluant la sécurité et la tolérance du Resmetirom dans la prise en charge des hépatopathies métaboliques (HM) [1]. Pour rappel, le Resmetirom est un agoniste sélectif du récepteur aux hormones thyroïdiennes ß (THRß), principal isoforme exprimé au niveau hépatique. Au cours de la stéatohépatite métabolique, le récepteur THRß présente une altération fonctionnelle conduisant à une diminution de la fonction mitochondriale et de la b-oxydation des acides gras et à une majoration de la fibrose hépatique. Cela explique pourquoi cibler THRß a été identifié comme potentielle stratégie thérapeutique des HM [2,3]. Ainsi, le Resmetirom a montré son efficacité dans la prise en charge des HM dans des essais de phase 2 ainsi qu’une bonne sécurité et une bonne tolérance versus placebo dans l'essai de phase 3 MAESTRO-NAFLD-1 précédemment rapporté [1,4,5].

Venant compléter le programme de développement du Resmetirom, la présente étude MAESTRO-NASH évalue l'efficacité et la sécurité du Resmetirom à 52 semaines chez des adultes présentant une stéatohépatite métabolique avec fibrose confirmée par biopsie.

L’essai MAESTRO-NASH est un essai de phase 3, en double aveugle, randomisé versus placebo, mené sur 245 sites dans 15 pays et planifié pour une durée de 54 mois. Cet article rapporte les résultats de 966 patients à 52 semaines. Les critères d’inclusion étaient les suivants : patients adultes (âge ≥ 18 ans), présence d’au moins 3 des 5 facteurs de risque du syndrome métabolique selon la définition usuelle, évaluation par fibroscan dans les 3 mois précédents avec CAP ≥ 280 dB/m et élasticité hépatique ≥ 8,5 kPa, stéatohépatite associée à une fibrose hépatique évoluée et confirmée par biopsie. Une première biopsie hépatique était réalisée au début de l'étude puis une seconde était réalisée à la 52ème semaine (lecture centralisée par 2 experts anatomopathologistes indépendants), permettant de déterminer le NAFLD (Non alcoholic Fatty Liver Disease) Activity Score (évaluation de l’inflammation; score de 0 à 8, ≥ 4 pour inclusion) et le stade de fibrose (F0 à F4, ≥ F1 pour inclusion). Les patients étaient randomisés selon un ratio 1:1:1 pour recevoir soit du Resmetirom à la dose de 80 ou 100 mg, soit un placebo, en 1 prise quotidienne par voie orale. Au moins 50 % de l'ensemble des patients inclus devait présenter une fibrose de stade F3. Le poids et les doses d’agoniste du récepteur au GLP-1 devaient être stables depuis 3 et 6 mois avant la biopsie, respectivement. Les principaux critères d'exclusion étaient : la consommation d'alcool de plus de 20 g/jour pour les femmes et de plus de 30 g/jour pour les hommes, une hémoglobine glyquée de plus de 9% à l'inclusion et tout autre cause de maladie hépatique chronique. Deux critères primaires de jugement étaient évalués à 52 semaines : 1) résolution de la stéatohépatite sans aggravation de la fibrose, 2) diminution de la fibrose d'au moins un stade sans aggravation du NAFLD Activity Score. Différents critères secondaires de jugement étaient évalués comme la variation du LDL-cholestérol à 24 semaines après l'inclusion.

Entre mars 2019 et juillet 2021, un total de 1050 patients a été randomisé dont 955 avec une fibrose de stade F1B, F2 ou F3 répartis dans 3 groupes : 1) Resmetirom 80 mg pour 316 patients, 2) Resmetirom 100 mg pour 321 patients et 3) placebo pour 318 patients. Les caractéristiques cliniques étaient similaires entre les groupes. La majorité des patients était de sexe féminin (environ 57% dans chaque groupe), d'origine caucasienne (89,3%), avec une forte incidence des facteurs constituant le syndrome métabolique (hypertension pour 78,1%, dyslipidémie pour 71,3% et diabète de type 2 pour 67%). L'âge moyen (±écart type) était de 56,6±10,9 ans et l'IMC moyen était de 35,7±6,8 kg/m². À l’inclusion, les résultats des biopsies hépatiques mettaient en évidence un NAFLD Activity Score ≥ 5 pour 83,5% des patients et une fibrose F1B, F2 et F3 chez respectivement 5,1%, 33% et 61,9% des patients. Dans l'ensemble de la population, la résolution de la stéatohépatite sans aggravation de la fibrose était atteinte de manière significativement plus importante dans les groupes Resmetirom par rapport au groupe placebo (parmi 25,9% et 29,9% des patients respectivement dans les groupes Resmetirom 80 mg et 100 mg vs 9,7 % des patients dans le groupe placebo, p< 0,001 pour chacune des comparaisons au placebo). L'amélioration de la fibrose d'au moins un stade sans aggravation du NAFLD Activity Score était également atteinte de manière significativement plus importante parmi les patients recevant le Resmetirom quelle que soit la dose comparativement au placebo (24,2% et 25,9% vs 14,2% respectivement dans le groupe Resmetirom 80 et 100 mg vs placebo ; p< 0,001 pour chacune des comparaisons au placebo). L'analyse en sous-groupe (NAFLD Activity Score, âge, sexe, présence d’un diabète de type 2) ne retrouvait aucune différence. Les taux de LDL-cholestérol étaient significativement réduits à la 24ème semaine parmi les patients recevant le Resmetirom (-13,6% dans le groupe Resmetirom 80 mg et -16,3% dans le groupe Resmetirom 100 mg) alors qu'aucune diminution significative n’était observée dans le groupe placebo. Cet effet était maintenu à la 52ème semaine. Il en était de même pour les autres paramètres lipidiques (HDL-cholestérol, triglycérides ou Lp(a)). Concernant la sécurité d'emploi, la survenue d'effets indésirables (EI), majoritairement légers à modérés, était similaire entre les différents groupes (91,6%, 91,9% et 92,8% respectivement dans les groupes Resmetirom 80 mg, 100mg et placebo). Les EI étaient principalement gastro-entérologiques (diarrhées et nausées), catégorie d’EI survenant plus fréquemment dans les groupes Resmetirom à l'initiation du traitement. La survenue d'EI sévères était similaire entre les différents groupes de l'étude : 10,9% dans le groupe Resmetirom 80 mg, 12,7% dans le groupe Resmetirom 100 mg et 11,5% dans le groupe placebo. La survenue de cancer était rapportée chez 1,2% et 3,4% des patients dans le groupe Resmetirom 80 mg et 100 mg, respectivement, et chez 3,5% dans le groupe placebo. Aucun effet toxique hépatique lié au traitement n’a été observé.

Ainsi, ces résultats mettent en évidence la supériorité du Resmetirom 80 mg ou 100 mg par rapport à un placebo dans l’amélioration des paramètres histologiques hépatiques (inflammation et fibrose) après 52 semaines de traitement. Ces observations sont similaires entre les sous-groupes. La sécurité et la tolérance sont également démontrées dans cet essai en accord avec les précédents résultats de l’étude MAESTRO-NAFLD-1. Outre les paramètres hépatiques, le bilan lipidique est en amélioration dans les groupes traités par Resmetirom comparativement au groupe placebo. Ces éléments amènent à penser que le Resmetirom pourrait diminuer le risque cardiovasculaire de ces patients à très haut risque. Quelques limites sont néanmoins à souligner : 1) cette étude, basée sur des critères histologiques, ne permet pas d'évaluer l’efficacité du traitement quant à la survenue de critères cliniques tels que la mortalité toute cause, la mortalité d’origine hépatique ou l'évolution vers la cirrhose, 2) la sécurité à long terme, au-delà de 52 semaines de traitement, nécessite également d'être évaluée. Des études sont donc nécessaires pour évaluer d’une part, la sécurité à plus long terme et d’autre part, l’efficacité sur la survenue d’évènements hépatiques. Ce dernier point fait l’objet d’une étude spécifique, l’essai MAESTRO-NASH-Outcomes actuellement en cours [6].

Les résultats de l'essai MAESTRO-NASH viennent compléter les éléments précédemment publiés sur le Resmetirom et confirment son effet bénéfique sur des critères histologiques chez les patients présentant une stéatohépatite métabolique associée à une fibrose hépatique et ce quelle que soit la dose de Resmetirom. À la suite de la publication de ces résultats, le Resmetirom vient d’obtenir, le 14 mars dernier, l’approbation de la Federal Drug Administration (FDA) comme premier traitement de la stéatohépatite avec fibrose chez l’adulte. Une note d’espoir dans la prise en charge de ces patients et avec l’espoir d’y avoir rapidement accès en France. Une affaire à suivre !

 

Références

[1] Harrison, S.A. & al. Resmetirom for Nonalcoholic Fatty Liver Disease: A Randomized, Double-Blind, Placebo-Controlled Phase 3 Trial. Nat Med 2023, 29, 2919–2928.
 
[2] Kelly, M.J. & al. Discovery of 2-[3,5-Dichloro-4-(5-Isopropyl-6-Oxo-1,6-Dihydropyridazin-3-Yloxy)Phenyl]-3,5-Dioxo-2,3,4,5-Tetrahydro[1,2,4]Triazine-6-Carbonitrile (MGL-3196), a Highly Selective Thyroid Hormone Receptor β Agonist in Clinical Trials for the Treatment of Dyslipidemia. J Med Chem 2014, 57, 3912–3923.
 
[3] Hutchison, A.L. & al. Endocrine Aspects of Metabolic Dysfunction-Associated Steatotic Liver Disease (MASLD): Beyond Insulin Resistance. J Hepatol 2023, 79, 1524–1541.
 
[4] Harrison, S.A. & al. Resmetirom (MGL-3196) for the Treatment of Non-Alcoholic Steatohepatitis: A Multicentre, Randomised, Double-Blind, Placebo-Controlled, Phase 2 Trial. Lancet 2019, 394, 2012–2024.
 
[5] Harrison, S.A. & al. Effects of Resmetirom on Noninvasive Endpoints in a 36-Week Phase 2 Active Treatment Extension Study in Patients With NASH. Hepatol Commun 2021, 5, 573–588.
 
[6] Harrison, S.A. & al. Design of the Phase 3 MAESTRO Clinical Program to Evaluate Resmetirom for the Treatment of Nonalcoholic Steatohepatitis. Aliment Pharmacol Ther 2024, 59, 51–63.
 


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vendredi 1 mars 2024

Durée optimale et type d’activité physique pour améliorer l’équilibre glycémique chez les personnes atteintes de diabète de type 2 : revue systématique et méta-analyse

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Février 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Daniel Gallardo-Gomez & al., Optimal Dose and Type of Physical Activity to Improve Glycemic Control in People Diagnosed With Type 2 Diabetes: A Systematic Review and Meta-analysis. Diabetes Care. 2024;47(2):295–303. doi : 10.2337/dc23-0800

 

L’activité physique permet une diminution de la mortalité, de la morbidité et l’amélioration de paramètres cliniques et biologiques tels que l’hémoglobine glyquée (HbA1c). Des sociétés savantes ou d’autres institutions comme l’OMS recommandent la pratique d’au moins 150 minutes d’activité physique d’intensité modérée ou de 75 minutes d’activité physique « vigoureuse » par semaine [1]. Des méta-analyses se sont intéressées à l’efficacité de différents types d’activité physique [2], mais aucune n’a évalué la « dose » optimale d’activité physique pour améliorer l’HbA1c chez les personnes atteintes de diabète. Les auteurs se sont donc intéressés à la variation de l’HbA1c selon la quantité d’activité physique pratiquée, en prenant en compte l’HbA1c initiale des patients.

Les auteurs ont effectué une revue systématique de la littérature dans les bases de données Embase, MEDLINE, Scopus, CINAHL, SPORTDiscus et Web of Science. Les critères d’inclusion des articles étaient 1) essai randomisé contrôlé, 2) comportant des patients avec un diabète de type 2 (DT2), 3) avec évaluation de l’effet de l’activité physique, 4) avec groupe contrôle qui recevait un traitement classique ou un autre type d’activité physique, 5) avec une valeur d’HbA1c pour déterminer le contrôle glycémique. Ont été exclues les études avec plusieurs types d’intervention (par exemple activité physique et équilibre alimentaire), celles dont les patients avaient des comorbidités sévères et où l’activité physique durait moins de 4 semaines. Les auteurs ont ensuite distingué les études selon qu’elles s’intéressaient à l’activité physique générale ou à un certain type d’activité physique. Les analyses ont également été stratifiées en fonction de l’HbA1c de départ d’après des catégories définies par l’American Diabetes Association : < 6,5% (« pré-diabète »), entre 6,5 et 7% (« DT2 contrôlé »), entre 7 et 8% (« DT2 non contrôlé »), et > 8% (« DT2 sévère non contrôlé »). La quantité d’activité physique était exprimée en MET minutes par semaine, le MET (pour Metabolic Equivalent of Task) permettant de calculer la dépense énergétique d’une activité physique spécifique. Celle-ci était obtenue en multipliant le MET de l’activité physique principale de l’étude par la durée d’une session et par le nombre de sessions par semaine.

Les auteurs ont ensuite déterminé la quantité d’activité physique qui correspondait à la plus grande réduction d’HbA1c dans chaque catégorie, ainsi que la dose minimale nécessaire pour changer de catégorie (pour passer de la catégorie DT2 non contrôlé à DT2 contrôlé, par exemple) et la dose maximale tolérée, c’est-à-dire la dose à partir de laquelle l’effet de l’activité physique est nul ou délétère.

La revue systématique a permis d’identifier 4 633 articles potentiels (doublons exclus), dont 484 correspondaient aux critères et ont été lus. Au final, 126 études (6 718 participants) ont été incluses dans la méta-analyse. Les patients avaient en moyenne 58 ans et 46,2% étaient de sexe masculin. Ils avaient un diabète diagnostiqué depuis 7,6 ± 3,8 ans et une médiane d’HbA1c à 7,5%. Sur l’ensemble des participants, 199 étaient dans la catégorie « pré-diabète », 1 253 dans la catégorie « DT2 contrôlé », 3 820 dans la catégorie « DT2 non contrôlé » et 1 446 dans la catégorie « DT2 sévère non contrôlé ». Les auteurs ont observé une relation dose-effet de l’activité physique sur l’HbA1c, non linéaire, dessinant une courbe en J. La dose optimale d’activité physique était de 1 100 MET min/semaine dans toutes les catégories, avec une réduction d’HbA1c de -1,02% à -0,66% pour le DT2 sévère non contrôlé, de -0,64% à -0,49% pour le DT2 non contrôlé, de -0,47% à -0,4% pour le DT2 contrôlé et de -0,38% à -0,24% pour le pré-diabète. La quantité minimale d’activité physique variait entre 150 MET min/semaine (HbA1c de départ 8,1%) à 810 MET min/semaine (HbA1c à 8,6%)  pour passer de la catégorie DT2 sévère non contrôlé à la catégorie DT2 non contrôlé ; entre 330 MET min/semaine (HbA1c à 7,1%) et 990 MET min/semaine (HbA1c à 7,5%) pour passer de la catégorie DT2 non contrôlé à la catégorie DT2 contrôlé ; entre 570 MET min/semaine (HbA1c 6,6%) et 900 MET min/semaine (HbA1c 6,8%) pour passer de la catégorie DT2 contrôlé à la catégorie pré-diabète.

Concernant le risque de biais, 28 études étaient considérées à faible risque, 34 présentaient un risque indéterminé et 64 présentaient un risque de biais important. Les auteurs ont conduit une analyse de sensibilité en prenant uniquement en compte les études à faible risque de biais, et retrouvaient un effet dose-réponse similaire.

Cette quantité optimale d’activité physique déterminée par les auteurs est nettement supérieure aux recommandations actuelles. En effet, 1 100 MET min/semaine correspondent à une moyenne de 244 min/semaine d’activité physique d’intensité modérée ou à 157 min/semaine d’activité physique vigoureuse. Les effets de l’activité physique sur l’HbA1c peuvent être expliqués par différents phénomènes physiologiques, tels que l’augmentation de la captation de glucose par les muscles squelettiques, la diminution de la production de cytokines, l’amélioration de la fonction endothéliale et de la fonction cardiaque. Cependant, il existe une variabilité interindividuelle importante concernant les variations de glycémie induites par l’activité physique [3]. La quantité d’activité physique optimale déterminée ici, exprimée en MET min/semaine, permet de déterminer la durée d’activité physique optimale pour chaque type d’activité physique si son équivalent métabolique est connu, ce qui concourt à individualiser les recommandations faites aux patients en fonction de leurs besoins et préférences, et pourrait améliorer leur adhésion à la pratique d’une activité physique régulière.

Les limites de cette étude sont i) la présence d’hétérogénéité concernant les protocoles selon les études, ii) l’absence de données à l’échelle individuelle, amenant les auteurs à faire des moyennes concernant les valeurs d’HbA1c, iii) le faible nombre de données disponibles concernant les quantités d’activité physique supérieures à 1 100 MET min/semaine, conduisant les auteurs à extrapoler l’effet d’une activité physique plus importante, iv) l’impossibilité de déterminer la durée nécessaire pour atteindre le changement souhaité d’HbA1c, du fait d’une variabilité interindividuelle importante.

En conclusion, cette méta-analyse a identifié une relation non linéaire entre activité physique et HbA1c chez les patients présentant un DT2, avec une dose optimale de 1 100 MET min/semaine. Ce seuil, bien que supérieur aux recommandations actuelles, pourrait permettre une meilleure adhésion des patients à l’activité physique, en leur proposant des programmes adaptés à leurs besoins et envies.

 

Références

[1] American College of Sports Medicine. ACSM’s Guidelines for Exercise Testing and Prescription. Lippincott Williams &Wilkins, 2013, p. 456.
 
[2] Liu Y, Ye W, Chen Q, et al. Resistance exercise intensity is correlated with attenuation of HbA1c and insulin in patients with type 2 diabetes: a systematic review and meta-Analysis. Int J Environ Res Public Health. 2019 Jan 7;16(1):140.
 
[3] Solomon TPJ. Sources of Inter-individual Variability in the Therapeutic Response of Blood Glucose Control to Exercise in Type 2 Diabetes: Going Beyond Exercise Dose. Front Physiol. 2018 Jul 13;9:896.
 


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lundi 12 février 2024

Association agoniste du récepteur du GLP-1 / inhibiteur du SGLT2 et événements cardiovasculaires après un infarctus du myocarde : étude observationnelle chez des patients atteints de diabète de type 2

Auteur : 
Ninon Foussard
Date Publication : 
Janvier 2024
 
Article du mois en accès libre
 
Rafaele Marfella et al. GLP-1 receptor agonists-SGLT-2 inhibitors combination therapy and cardiovascular events after acute myocardial infarction: an observational study in patients with type 2 diabetes. Cardiovascular Diabetology (2024) 23:10 024. doi : 10.1186/s12933-023-02118-6

 

L’utilisation en monothérapie des inhibiteurs du cotransporteur-sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) et des agonistes du récepteur du glucagon-like peptide-1 (aGLP-1) réduit le risque d'événements cardiovasculaires majeurs (MACE) chez les patients atteints de diabète de type 2 (DT2) avec maladie athéromateuse établie ou multiples facteurs de risque cardiovasculaire [1,2]. En outre, leur utilisation améliorerait la survie après infarctus du myocarde (IDM) chez les patients atteints de DT2 dans des études récentes [3,4]. Cependant, l’effet de l’association aGLP-1/iSGLT2 sur l’incidence du MACE a été peu exploré chez ces patients en post-IDM. L’objectif de cette étude était donc d’évaluer, par une étude observationnelle prospective multicentrique, l'effet de l'association aGLP-1/iSGLT2 sur la survenue de MACE chez des patients atteints de DT2 après IDM.

En conséquence, les auteurs ont recruté entre 2017 et 2021, des patients atteints de DT2 hospitalisés pour un premier épisode d’IDM, préalablement traités par aGLP-1 ou iSGLT2 depuis au moins 3 mois, et sans antécédent cardiovasculaire antérieur à cette hospitalisation. Les participants présentant une HbA1c ≥ 7 % au moment de l'admission ou au cours d’un suivi de 2 ans recevaient une prescription soit d’un iSGLT2, soit d’un aGLP-1, en fonction de leur monothérapie initiale, dans le but de recevoir une bithérapie aGLP-1/iSGLT2. Ceux dont l’HbA1c restait < 7 %, à l’inclusion et au cours du suivi, n’avaient pas de modification de leur monothérapie initiale. Le critère de jugement principal était l’incidence du MACE, défini comme l’incidence composite de la mortalité toutes causes confondues, de l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque et du syndrome coronarien aigu (IDM ou angor instable). Un modèle de Cox multi-ajusté a été utilisé pour étudier l'association entre la combinaison aGLP-1/iSGLT2 et l'incidence du MACE, versus monothérapie par aGLP-1 et monothérapie par iSGLT2. Trois mois après l’IDM, était également évalué par tomographie d'émission monophotonique (TEMP) – une technique d'étude scintigraphique –, le sauvetage du myocarde (MSI), défini comme la différence entre la taille réelle de l’infarctus et la taille « à risque » (évaluée initialement à partir de la localisation de l’occlusion coronarienne). Le critère d'évaluation secondaire était la proportion de patients présentant des valeurs MSI > 50 % de la zone à risque à 3 mois.

Parmi les 537 sujets sélectionnés, 443 ont terminé le suivi de 24 mois : 99 ont été traités par iSGLT2, 130 par aGLP-1 et 214 par bithérapie. Le critère d'évaluation principal est survenu chez 26 personnes (26,3 %) dans le groupe iSGLT2, 39 (30 %) dans le groupe aGLP-1 et 13 (6,1 %) dans le groupe de thérapie combinée aGLP-1/iSGLT2. L'incidence du MACE était plus faible dans le groupe bithérapie vs. monothérapie (HR multi-ajusté : 0,154 ; IC 95% [0,038-0,622] ; P=0,009 vs. aGLP-1 et HR multi-ajusté : 0,170 ; IC 95% [0,046-0,633] ; P=0,008 vs. iSGLT2). Cet effet était indépendant du contrôle glycémique au cours du suivi. De plus, l'étude de l'incidence de chaque événement individuel du critère composite MACE a suggéré que l'effet de la bithérapie était dû à la réduction de l'incidence du syndrome coronarien aigu vs. monothérapie par iSGLT2 (HR multi-ajusté : 0,020 ; IC 95% [0,001-0,420]; p=0,012), et à la réduction de l'incidence de l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque vs. aGLP-1 seul (HR multi-ajusté : 0,081 ; IC 95% [0,008-0,842] ; p=0,035).
Le sauvetage de la zone à risque était supérieur en cas de bithérapie vs. monothérapie, avec une proportion de patients présentant un MSI > 50 % de la zone à risque plus élevée chez les patients traités par bithérapie (OR : 4,06 ; IC 95% [2,40-6,85] ; P<0,0001 vs. iSGLT2 ; OR : 7,51 ; IC 95 % [4,59-12,29] ; P<0,0001 vs. aGLP-1).

Ainsi, dans cette étude, l'utilisation d'une bithérapie aGLP-1/iSGLT2 était associée à une incidence réduite du MACE (mortalité toutes causes confondues, hospitalisation pour insuffisance cardiaque, syndrome coronarien aigu) chez les patients atteints de DT2 hospitalisés pour un premier IDM, vs. aGLP-1 ou iSGLT2 seuls. Cette association était indépendante du contrôle glycémique, y compris de la diminution progressive de valeurs d'HbA1c au cours du suivi, suggérant ainsi que le bénéfice observé avec la thérapie combinée n'est probablement pas uniquement attribuable à une amélioration du contrôle glycémique faisant suite à l’ajout d'un second médicament anti-hyperglycémiant. Cet effet serait dû à la réduction de l'incidence du syndrome coronarien aigu vs. iSGLT2 seul, et à la réduction de l'incidence de l'hospitalisation pour insuffisance cardiaque vs. aGLP-1 seul. Néanmoins, les auteurs précisent que l’étude n'avait pas la puissance nécessaire pour détecter des différences dans ces résultats individuels, et qu’ils doivent donc être interprétés avec prudence. Les auteurs suggèrent que ces résultats pourraient inciter à concevoir des essais randomisés contrôlés. Il faut noter que l’étude PRECIDENTD (PREvention of CardIovascular and DiabEtic kidNey Disease in Type 2 Diabetes), débutée en septembre 2022, est en cours (ClinicalTrials.gov ID : https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT05390892), évaluant les effets cardio-rénaux d’une thérapie combinée aGLP-1/iSGLT2 vs. monothérapie par aGLP-1 et monothérapie par iSGLT2, selon une randomisation 1 :1 :1, chez 9000 patients atteints de DT2 présentant une maladie athéromateuse établie ou, si non établie, un haut risque cardiovasculaire.

Les principales limites de cette étude sont sa nature observationnelle avec une absence de randomisation, sa durée de suivi relativement courte, ainsi qu’un nombre de patients insuffisant pour explorer l'effet de la bithérapie sur les événements individuels du critère composite MACE. En outre, la survenue d’un accident vasculaire cérébral n’était pas prise en compte dans ce critère composite MACE, et le traitement par anticoagulants ne faisait pas parti des variables d’ajustement alors même que leur prise était pourtant significativement supérieure dans le groupe bithérapie aGLP-1/iSGLT2 vs. monothérapies (p=0,0003).

En résumé, dans cette étude, l'utilisation d'une bithérapie aGLP-1/iSGLT2, vs. aGLP-1 ou iSGLT2 seuls, était associée à une incidence réduite d'événements cardiovasculaires MACE chez les patients atteints de DT2 en post-IDM. Cette étude plaide en faveur de l’utilisation d’une association aGLP-1/iSGLT2 chez les patients atteints de DT2 en prévention cardiovasculaire secondaire, mais la prudence s’impose étant donné sa nature observationnelle et dans l’attente des résultats d’essais randomisés contrôlés.

 

Références

[1] Zinman B, Wanner C, Lachin JM, et al. Empagliflozin, cardiovascular outcomes, and mortality in type 2 diabetes. N Engl J Med. 2015;373(22):2117–28.
 
[2] Best JH, Hoogwerf BJ, Herman WH, et al. Risk of cardiovascular disease events in patients with type 2 diabetes prescribed the glucagon-like peptide 1 (GLP-1) receptor agonist exenatide twice daily or other glucose-lowering therapies: a retrospective analysis of the LifeLink database. Diabetes Care. 2011;34(1):90–5.
 
[3] Paolisso P, Bergamaschi L, Gragnano F, et al. Outcomes in diabetic patients treated with SGLT2-Inhibitors with acute myocardial infarction undergoing PCI: The SGLT2-I AMI PROTECT Registry. Pharmacol Res. 2023;187: 106597.
 
[4] Marfella R, Sardu C, Calabro P, et al. Non-ST-elevation myocardial infarction outcomes in patients with type 2 diabetes with non-obstructive coronary artery stenosis: Effects of incretin treatment. Diabetes Obes Metab. 2018;20(3):723–9.
 


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lundi 15 janvier 2024

Se faire vacciner contre le COVID-19 avant l’infection réduit le risque de développer un diabète : une étude de vraie vie basée sur les dossiers médicaux électroniques aux Etats-Unis

Auteur : 
Florian Mourre
Date Publication : 
Décembre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Tina Yi Jin Hsieh & al, COVID-19 Vaccination Prior to SARS-CoV-2 Infection Reduced Risk of Subsequent Diabetes Mellitus: A Real-World Investigation Using U.S. Electronic Health Records. Diabetes Care 2023;46(12):2193–2200. doi : 10.2337/dc23-0936

 

Suite à la pandémie de COVID-19, les chercheurs ont mis en évidence une relation entre cette infection virale et le diabète. Bien que ce dernier n’augmente pas le risque de contracter une infection par le SARS-CoV-2 [1], il est reconnu comme un facteur de risque de progression vers une forme sévère de la maladie [2]. De plus, il semble y avoir un lien potentiel entre infection par le SARS-CoV-2 et découverte de diabète ainsi qu’avec ses complications métaboliques aiguës (acido-cétose diabétique, syndrome hyperglycémique hyperosmolaire) [3]. Enfin, des données suggèrent également que le COVID long – correspondant aux séquelles de l’infection persistant à plus de 30 jours – est aussi associé à un risque accru de développer un diabète [4]. L’infection par le SARS-CoV-2 étant amenée à croître, elle pourrait augmenter le nombre de cas de diabète et donc aggraver le problème de santé publique représenté par celui-ci. Bien qu’il soit maintenant établi que la vaccination diminue le risque de forme grave et de décès lié au COVID-19, ses effets sur les séquelles de l’infection – par exemple, l’apparition d’un diabète – sont moins connus.

La majorité des études à ce jour ont comparé la survenue d’événements d’intérêt et la réponse immunitaire à la vaccination COVID-19. Cependant, aucune étude n’a évalué l’effet de la vaccination sur le risque de développer un diabète chez les patients infectés par le SARS-CoV-2, ce qui peut rendre difficile pour les praticiens de conseiller leurs patients par rapport à la vaccination. Les auteurs ont, dans un premier temps, utilisé les données d’une cohorte de patients adultes ayant eu une infection par le SARS-CoV-2 pour déterminer le risque d’apparition de diabète après COVID-19 afin d’obtenir des données actualisées (du fait des nombreuses mutations du virus, qui pourraient avoir une incidence également sur l’apparition du diabète), et pour servir de validation externe à leur base de données. Ils ont, dans un second temps, exploré le rôle de l’immunisation au COVID-19 dans la survenue d’un diabète en comparant le risque d’apparition d’un diabète chez les participants ayant bénéficié d’une dose de vaccin avant une infection à SARS-CoV-2 à ceux n’ayant pas eu d’injection préalable.

La première cohorte incluait des adultes ayant des informations médicales dans la base de données TriNetX entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2022. La date index correspondait au jour de l’infection par le SARS-CoV-2. La seconde cohorte incluait des adultes ayant des informations médicales dans la base de données entre le 1er janvier 2021 et  le 30 juin 2022 et ont été répartis selon leur statut vaccinal. Les auteurs ont exclu les patients ayant un antécédent de cancer ou de diabète, des traitements antidiabétiques ou une hémoglobine glyquée > 6,5% avant la date de l’infection. La première cohorte était conçue pour évaluer l’incidence du diabète et de la prescription de traitements antidiabétiques (hors analogues du GLP-1, du fait de prescriptions chez les non diabétiques, à visée amaigrissante). Le critère de jugement était évalué durant les 180 jours suivant l’infection. Afin de minimiser les biais, les auteurs ont utilisé un appariement selon un score de propension dans les deux cohortes afin d’apparier les participants selon un ratio 1:1. Les auteurs ont ensuite utilisé, dans la première partie de l’étude, une analyse de Kaplan-Meier pour déterminer l’incidence du diabète entre les deux groupes : ceux avec et sans COVID-19. Dans la seconde partie, ils ont identifié les patients avec COVID-19 et ont examiné le risque de développer un diabète selon l’état vaccinal selon le test du log-rank.

Après appariement par score de propension, 1 562 606 patients ont été inclus dans chaque groupe (COVID-19 et non-COVID-19). Les patients ayant contracté une infection par le SARS-CoV-2 avaient un risque d’apparition de diabète multiplié par 1,65 (IC95% 1,62-1,68) et un recours à des traitements antidiabétiques multiplié par 1,34 (IC95% 1,32-1,37), comparé au groupe non-COVID-19. Les courbes de Kaplan Meier montraient également une augmentation de l’incidence du diabète dans le groupe COVID-19 (test du logrank < 0,0001).

Pour la seconde partie de l’étude, les auteurs ont identifié 83,829 patients ayant eu une infection COVID-19 après vaccination, qui ont été appariés avec un ratio 1:1 à des participants non vaccinés. Lorsqu’ils sont comparés aux patients non vaccinés, les individus ayant bénéficié du vaccin et ayant contracté un COVID-19 ensuite ont un risque de diabète diminué de 21% (HR 0,79, IC95% 0,73-0,86) et une utilisation de traitements antidiabétiques 10% moins fréquente (HR 0,90, IC95% 0,85-0,96). L’analyse par modèle de Cox avec les courbes de Kaplan Meier montrent également une diminution de l’incidence du diabète et de l’utilisation de traitements anti-diabétiques dans le groupe vacciné (test du logrank < 0,0001). Les  analyses en sous-groupes retrouvaient: i) un risque réduit dans les deux sexes (femmes : HR 0,87, IC95% 0,8-0,93 ; hommes : HR 0,85, IC95% 0,78-0,93) ; ii) pour tous les groupes d’âge, une diminution de l’incidence du diabète et de l’utilisation des traitements antidiabétiques chez les vaccinés comparés aux non vaccinés (18-44 ans : HR 0,84, IC95% 0,76-0,93 ; 45-64 ans : HR 0,79, IC95% 0,72-0,88 ; plus de 65 ans : HR 0,86, IC95% 0,78-0,94) ; iii) un effet protecteur dans toutes les ethnies (caucasiens : HR 0,86, IC95% 0,81-0,92 ; africains ou afro-américains : HR 0,65, IC95% 0,55-0,76 ; autres ethnies : HR 0,84, IC95% 0,73-0,97). Enfin, il semble exister une relation dose-effet entre vaccin et diabète ; les patients ayant eu 1 seule injection avaient un risque de diabète réduit de 27% (HR 0,73, IC95% 0,54-0,98), ceux ayant eu 2 doses ont un risque réduit de 46% (HR 0,54, IC95% 0,47-0,62) et ceux ayant plus de doses avaient une réduction du risque de 55% (HR 0,45, IC95% 0,37-0,54).

Cette étude montre donc un effet protecteur du vaccin contre le SARS-CoV-2 vis-à-vis de l’apparition d’un diabète dans les suites de cette infection. Les auteurs reconnaissent quelques limites à cette étude : i) d’abord, cette étude se basant sur des registres électroniques, les patients n’ayant pas consulté à l’hôpital malgré la découverte d’un diabète ne sont pas pris en compte, ce qui peut gêner l’interprétation de l’effet de la vaccination sur l’apparition du diabète ; ii) les bases de données peuvent comporter des erreurs, notamment sur la situation socio-économique ou les habitudes de vie des patients, ce qui peut conduire à des biais, notamment sur la présence d’une assurance santé qui n’était pas renseignée sur cette base de données ; iii) il n’y avait pas d’information sur des stigmates d’auto-immunité ou sur la fonctionnalité des cellules β-pancréatiques avant et après l’infection à SARS-CoV-2 et le diagnostic de diabète ; iv) l’échantillon plus réduit de patients pour étudier l’effet dose-réponse rend moins extrapolables les résultats (un peu moins de 60 000 patients).

Les auteurs précisent cependant que la vaccination ne constitue pas un traitement pour éviter l’apparition d’un diabète dans un contexte d’infection COVID-19. Ces résultats doivent être confirmés et reproduits dans d’autres cohortes longitudinales pour clarifier l’effet protecteur de la vaccination COVID-19 dans l’apparition d’un diabète lors de l’infection à SARS-CoV-2.

Ainsi, la vaccination anti-COVID-19 pourrait avoir un effet protecteur contre l’apparition d’un diabète post-infection COVID-19, un effet à confirmer par des études supplémentaires. Une autre bonne raison de se faire vacciner !

 

Références

[1] Hartmann-Boyce J, Rees K, Perring JC, et al. Risks of and from SARS-CoV-2 infection and COVID-19 in people with diabetes: a systematic review of reviews. Diabetes Care 2021;44:2790–2811.
 
[2] Apicella M, Campopiano MC, Mantuano M, Mazoni L, Coppelli A, Del Prato S. COVID-19 in people with diabetes: understanding the reasons for worse outcomes. Lancet Diabetes Endocrinol 2020;8:782–792.
 
[3] Rubino F, Amiel SA, Zimmet P, et al. New-onset diabetes in Covid-19. N Engl J Med 2020;383:789–790.
 
[4] Xie Y, Al-Aly Z. Risks and burdens of incident diabetes in long COVID: a cohort study. Lancet Diabetes Endocrinol 2022;10:311–321.
 


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mardi 12 décembre 2023

CopenFast : Essai ouvert, monocentrique, contrôlé et randomisé comparant l’insuline asparte ultra-rapide versus insuline asparte dans le traitement du diabète de type 1 ou de type 2 durant la grossesse et le post-partum

Auteur : 
Madleen Lemaitre
Date Publication : 
Novembre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Norgaard SK, et al. Faster-acting insulin aspart versus insulin aspart in the treatment of type 1 or type 2 diabetes during pregnancy and post-delivery (CopenFast): an open-label, single-centre, randomised controlled trial. Lancet Diabetes Endocrinol 2023;11(11) 811-821. doi : 10.1016/S2213-8587(23)00236-X

 

Malgré la diminution des complications materno-fœtales au cours des grossesses marquées par un diabète préexistant, environ 50% des nouveau-nés présentent, encore de nos jours, un poids de naissance considéré comme excessif [1]. Considérant l’association entre le contrôle glycémique et la croissance fœtale, il semble indispensable de gérer au mieux les excursions glycémiques postprandiales afin de réduire ce risque. De par leur effet hypoglycémiant plus précoce, les insulines ultra-rapides semblent être une option intéressante, d’autant qu’elles sont considérées actuellement comme sans risque au cours de la grossesse et de l’allaitement. Pourtant, elles n’ont pas été évaluées dans cette population. L’objectif des auteurs était d’évaluer l’effet de l’insuline asparte ultra-rapide (AUR) sur la croissance fœtale chez les femmes présentant un diabète de type 1 (DT1) ou de type 2 (DT2) au cours de la grossesse et du post-partum.

Il s’agit d’un essai de supériorité, ouvert, monocentrique, contrôlé et randomisé conduit au Risgh Hôpital à Copenhague. Les participantes étaient âgées de plus de 18 ans, DT1 ou DT2, enceintes d’un singleton, stratifiées en fonction du type de diabète et du traitement (injections sous-cutanées vs. pompe ambulatoire). Une randomisation 1:1 a été effectuée au hasard entre 8 semaines d’aménorrhée (SA) et 13 SA +6 jours entre AUR 100 UI/mL et insuline asparte 100 UI/mL. Tous les antidiabétiques oraux ont été suspendus chez les DT2. Les femmes ont été suivies jusqu’à 3 mois du post-partum. La dissimulation de l'attribution a été assurée par des enveloppes opaques et scellées, numérotées séquentiellement. Le critère de jugement principal était le z-score du poids de naissance (DS : déviation standard). Les critères de jugement secondaires comprenaient l’HbA1c, les complications materno-fœtales de la grossesse : fausse-couche, décès périnatal, pré-éclampsie, séjour en soins intensifs néonataux, hypoglycémies néonatales, ictère, détresse respiratoire, décès néonatal et anomalie congénitale.

Une étude multicentrique (2 hôpitaux universitaires danois), contrôlée, en grappes a été constituée. 170 enfants et adolescents présentant un DT1, âgés de 2 à 20 ans, ont été inclus lors de l’installation d’un nouveau dispositif cutané (pompe, capteur de glucose ou les 2). Le seul critère d'exclusion était les difficultés linguistiques pour répondre aux questions de l'enquête. Les directives comprenaient : i) insertion et retrait en douceur du dispositif, ii) absence de désinfection, iii) application quotidienne de crème lipidique Decubal© 70% sur tous les sites non occupés par les dispositifs. Les participants devaient contacter l’équipe de recherche clinique en cas d’effet indésirable cutané. Une évaluation trimestrielle était réalisée l’année suivant la mise en place du dispositif, comportant un examen clinique (mesure de la démangeaison, de la perte d’eau transdermique, de l’hydratation) et un entretien.

Entre le 1/11/2019 et le 10/05/2022, 109 participantes ont été incluses dans le groupe AUR et 109 dans le groupe asparte. Aucune participante n’a abandonné le traitement pendant l’essai. Le z-score correspondant au poids moyen de naissance était de 1,0 (DS 1,4) dans le groupe AUR vs. 1,2 (DS 1,3) dans le groupe asparte, soit une différence non significative estimée de -0,22 [-0,58 -0,14] ; p=0,23. À 33 SA, l’HbA1c moyenne était de 6,0% dans le groupe AUR vs. 6,1% dans le groupe asparte, soit une différence non significative estimée de -1,01 [-2,86-0,83] ; p=0,28. Les doses d'insuline étaient similaires entre les deux groupes. Les surveillances glycémiques (sept mesures quotidiennes pendant les sept jours précédant les réévaluations à 21 et 33 SA) ont montré une tendance similaire entre les 2 groupes. Cependant, le nombre d'hypoglycémies légères était plus faible dans le groupe AUR (OR -0,90 [IC95% -1,71 à -0,09], p=0,030). De la randomisation à l'accouchement, une participante du groupe AUR (<1%) et sept (7%) du groupe insuline asparte (dont une avec DT2) ont rapporté au moins une hypoglycémie sévère (OR 0,13 [IC95% 0,02 -1,11], p=0,062). Après l'accouchement, deux participantes du groupe AUR ont rapporté une hypoglycémie sévère vs. trois participantes du groupe insuline asparte. Trois de ces événements se sont produits pendant l'allaitement. Par ailleurs, il n’y avait aucune différence entre les différents groupes concernant les complications materno-fœtales de la grossesse.

Sur la base des effets prometteurs de l’AUR sur la réduction des excursions glycémiques postprandiales dans des populations non enceintes de femmes avec DT1 et DT2 [2], les auteurs ont émis l'hypothèse que le traitement par AUR entraînerait moins de croissance excessive fœtale, sans problème de sécurité supplémentaire, en comparaison à l’insuline asparte. Le poids du nourrisson à la naissance était plus faible dans cet essai, mais la différence n’était pas statistiquement significative, dans le groupe AUR en comparaison au groupe insuline asparte. Cependant, l'IC à 95 % allait de -0-58 à 0-14, se rapprochant ainsi de la réduction estimée attendue, à défaut en l’absence de littérature antérieure, de 0,60 DS du poids du nourrisson. Par ailleurs, l’absence de différence entre les HbA1c est interprétée par les auteurs comme un défaut de sensibilité de ce marqueur pour détecter la variabilité glycémique. L’étude des mesures CGM semblerait plus judicieuse, mais malheureusement non incluse dans le protocole car proposée uniquement aux DT1 ou DT2 avec insuline avant grossesse. Même si les résultats de l’étude sont rassurants, rappelons que les propriétés physiologiques de l’asparte, et donc de l’AUR, notamment en termes d’absorption au cours de la grossesse sont peu connues [3].

Les points forts de ce travail sont : sa conception randomisée, sa grande population d’étude, l’absence d’abandon de traitement par les patientes, un faible nombre de données manquantes. Le point faible principal est représenté par la difficulté d’analyse des surveillances glycémiques car elles n’étaient disponibles que dans 64% des cas. De plus, concernant les critères de jugement secondaires, aucun ajustement n’a été réalisé, augmentant le risque d’erreur de type I.

En conclusion, le traitement par AUR a entraîné une croissance fœtale et une HbA1c similaires, par rapport à l'insuline asparte, chez les femmes DT1/DT2 au cours de la grossesse. Ces résultats nous confortent dans l’idée que l’AUR peut être utilisée chez les femmes DT1/DT2 pendant la grossesse et après l'accouchement sans problème de sécurité supplémentaire. De futures études portant sur des cohortes plus importantes de femmes souffrant de diabète préexistant pendant la grossesse et après l'accouchement sont nécessaires pour fournir des preuves supplémentaires.

 

Références

[1] Ringholm L, Nørgaard SK, Rytter A, & al. Dietary advice to support glycaemic control and weight management in women with type 1 diabetes during pregnancy and breastfeeding. Nutrients 2022; 14: 4867.
 
[2] Heise T, Pieber TR, Danne T, & al. A pooled analysis of clinical pharmacology trials investigating the pharmacokinetic and pharmacodynamic characteristics of fastacting insulin aspart in adults with type 1 diabetes. Clin Pharmacokinet 2017; 56: 551–59.
 
[3] Murphy HR, Elleri D, Allen JM, et al. Pathophysiology of postprandial hyperglycaemia in women with type 1 diabetes during pregnancy. Diabetologia 2012; 55: 282–93.
 


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lundi 6 novembre 2023

Pléconaril et ribavirine dans la prise en charge du diabète de type 1 récemment diagnostiqué : essai randomisé de phase 2

Auteur : 
Blandine Tramunt
Date Publication : 
Octobre 2023
 
Article du mois en accès libre
 
Krogvold L & al., Pleconaril and ribavirin in new-onset type 1 diabetes: a phase 2 randomized trial. Nat Med. 2023 Oct 4. doi : 10.1038/s41591-023-02576-1

 

Le diabète de type 1 (DT1) se caractérise par une perte progressive de la fonction ß cellulaire pancréatique conduisant à la nécessité d’une insulinothérapie au long cours. La pathologie résulte d’une interaction complexe entre prédisposition génétique, système immunitaire et facteurs environnementaux [1]. Parmi les causes environnementales évoquées, les infections virales par entérovirus, fréquentes dans l’enfance et de présentation variable, ont fait l’objet d’une attention particulière. Plusieurs méta-analyses ont en effet retrouvé une association significative entre infection à entérovirus et apparition d’auto-anticorps (DT1 stade 1 et 2) ou diabète clinique (DT1 stade 3) [2,3]. Dans la Diabetes Virus Detection study (DiViD), collectant du tissu pancréatique chez 6 patients nouvellement diagnostiqués pour un DT1, une infection de bas grade par entérovirus ainsi que la présence même du virus au sein du tissu pancréatique étaient retrouvées chez les 6 patients [4]. S’il existe un lien entre infection à entérovirus et DT1, la question de savoir si cette infection initie la réponse auto-immune, participe à l’évolution de la maladie ou les 2 reste en suspens. Ainsi, l’éradication de cette infection de bas grade pourrait permettre d’améliorer la capacité sécrétoire insulinique du pancréas après la survenue des premiers symptômes et le diagnostic de DT1. Le pléconaril est un traitement antiviral ciblant les entérovirus, permettant de réduire la mortalité néonatale secondaire à ces infections. La ribavirine est une molécule présentant une activité antivirale à large spectre et pourrait contribuer à une immuno-modulation par stimulation de la réponse interféron gamma selon des données in vitro.

Ainsi, l’objectif de cet essai était d’étudier l’effet d’un traitement antiviral sur la production endogène d’insuline, reflétée par le C-peptide, chez des enfants et adolescents récemment diagnostiqués pour un DT1.

Dans cet essai clinique randomisé de phase 2, en aveugle, contre placebo (DiVid Intervention), mené en groupes parallèles sur 2 sites (Oslo et Copenhague), des enfants et adolescents âgés de 6 à 15 ans et récemment diagnostiqués pour un DT1 (stade 3) ont été randomisés soit dans le groupe Pleconaril/Ribavirine soit dans le groupe placebo (ratio 1 :1). L’essai comprenait une période de screening de 3 semaines, une période d’intervention de 26 semaines à laquelle a succédé une période de suivi de 26 semaines. Une extension de 2 ans du suivi est également en cours (non rapportée dans cette publication). Le diagnostic de DT1 et la première injection d’insuline devaient avoir été réalisés dans les 3 semaines précédant l’inclusion. Pléconaril et ribavirine étaient administrés à domicile par voie orale sous la forme de solutions buvables de manière séparée pendant 26 semaines à raison de 2 prises par jour. Les traitements placebo étaient administrés selon les mêmes modalités afin de maintenir le double aveugle. Le critère primaire de jugement était la production endogène d’insuline à 12 mois évaluée par le calcul de l’aire sous la courbe (ASC) du C-peptide après un repas test. Les critères secondaires étaient la persistance d’un C-peptide supérieur à 0,2 pmol/mL au cours du repas test, l’HbA1c, les doses d’insuline et les évènements hypoglycémiques. Des repas test étaient réalisés à chaque visite (0, 3, 6 et 12 mois) en milieu hospitalier le matin à jeun avec prise de sang à T0 puis à 15, 30, 60, 90 et 120 minutes après ingestion du repas test. La recherche d’entérovirus était réalisée par RT-PCR dans différents échantillons biologiques (sang, salive, aspiration nasopharyngée...).

Quatre-vingt-seize participants ont été inclus dans cet essai dont 47 (19 filles et 28 garçons) randomisés dans le groupe pléconaril/ribavirine et 49 (21 filles et 28 garçons) dans le groupe placebo. Les participants étaient en moyenne (écart-type) âgés de 11,1 (2,4) ans, avaient un indice de masse corporelle de 17,9 (2,7) kg/m2 et une HbA1c au diagnostic de 11,8 (4,3) % sans différence entre les 2 groupes. Une acido-cétose diabétique était survenue chez 12,5 % des participants au diagnostic. La présence d’entérovirus n’a été retrouvée chez aucun des participants. À 12 mois, l’ASC du C-peptide en réponse à un repas test était significativement supérieure dans le groupe pléconaril/ribavirine par rapport au groupe placebo (p=0,037). Pendant les 12 mois de suivi, la diminution de l’ASC du C-peptide en réponse à un repas test était de 11 % dans le groupe pléconaril/ribavirine contre 24 % dans le groupe placebo. Au début de l’étude, l’ensemble des participants présentaient un pic de C-peptide supérieur à 0,2 pmol/mL au cours du repas test. À 12 mois, 86 % et 67 % des participants du groupe pléconaril/ribavirine et du groupe placebo, respectivement, avait un taux de C-peptide supérieur à ce seuil soit une différence significative entre les groupes (p=0,04). L’HbA1c était significativement différente entre les 2 groupes à 3 et 6 mois (plus basse dans le groupe pléconaril/ribavirine) mais cette différence ne persistait pas à 12 mois. Aucune différence en termes de doses d’insuline (rapportée au poids) n’était retrouvée entre les 2 groupes. Deux hypoglycémies sévères sont survenues dans le groupe placebo, aucune dans le groupe pléconaril/ribavirine. Enfin, la survenue d’effets indésirables était rapportée chez 93,6% des participants du groupe pléconaril/ribavirine et 95,9% pour ceux du groupe pléconaril/ribavirine sans effets indésirables graves.

Ainsi, l’utilisation combinée du pléconaril et de la ribavirine pendant 6 mois chez des enfants et adolescents nouvellement diagnostiqués pour un DT1 permet de maintenir une meilleure production endogène d’insuline à 12 mois comparativement à un placebo. Les résultats de l’étude montrent également la sécurité d’emploi et la tolérance du traitement. L’amélioration de la sécrétion endogène d’insuline par le traitement antiviral pourrait avoir des implications cliniques en termes de contrôle métabolique, de limitation du risque hypoglycémique ou de la survenue de complications chroniques. On notera néanmoins l’absence de différence d’HbA1c entre les groupes à 12 mois. Certaines limites sont également à prendre en compte. L’essai ne permet pas de distinguer les effets propres de chacune des molécules. Le faible effectif et l’inclusion dans 2 centres représentent également des limites. Enfin, l’absence d’infection à entérovirus chez les participants de l’étude ne permet pas de corréler l’efficacité du traitement à la présence de l’infection.

Dans cette étude de phase 2, la combinaison de 2 traitements antiviraux, pléconaril et ribavirine, chez des enfants et adolescents nouvellement diagnostiqués pour un DT1 a conduit à un maintien de l’insulino-sécrétion résiduelle par rapport au placebo. Ces premiers résultats pourraient ouvrir des perspectives intéressantes pour de futures études évaluant l’efficacité d’un traitement antiviral dans la prévention et le traitement du DT1.

 

Références

[1] Atkinson, M.A. & al. Current Concepts on the Pathogenesis of Type 1 Diabetes--Considerations for Attempts to Prevent and Reverse the Disease. Diabetes Care 2015, 38, 979–988.
 
[2] Isaacs, S.R. & al. Enteroviruses and Risk of Islet Autoimmunity or Type 1 Diabetes: Systematic Review and Meta-Analysis of Controlled Observational Studies Detecting Viral Nucleic Acids and Proteins. Lancet Diabetes Endocrinol 2023, 11, 578–592.
 
[3] Faulkner, C.L. & al. The Virome in Early Life and Childhood and Development of Islet Autoimmunity and Type 1 Diabetes: A Systematic Review and Meta-Analysis of Observational Studies. Rev Med Virol 2021, 31, 1–14.
 
[4] Krogvold, L. & al. Live Enteroviruses, but Not Other Viruses, Detected in Human Pancreas at the Onset of Type 1 Diabetes in the DiViD Study. Diabetologia 2022, 65, 2108–2120.
 


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